Albert Soleilland - La France a peur - 1907

Opportunité de souligner les paradoxes du bagne de Guyane.

Soleilland, personnage infect s'il en était, ne devait surtout pas s'évader, cela aurait été un scandale national. Donc on l'a parqué aux îles du salut, là où le climat était sain, les corvées aisées, la situation sanitaire très convenable mais où les évasions étaient quasiment impossibles.
En plus comme il était détesté de tous les autres condamnés (comme chaque tueur d'enfant), il a été dispensé de la case commune où il n'aurait pas survécu une semaine, son "travail" se résumant à la "garde" du minuscule cimetière des enfants du personnel. Il est mort de tuberculose, huit ans plus tard (je crois)

Pendant ce temps des pauvres types condamnés à cinq ans de travaux forcés pour une peccadille mouraient en quelques semaines, victimes des épidémies fréquentes sur les chantiers forestiers ou sur celui de la "route coloniale numéro zéro"

Ou l'on voit que pour les condamnés à mort graciés comme pour ceux qui avaient écopé d'une très lourde peine avec force publicité à l'appui, la réclusion criminelle dans une prison française aurait été infiniment plus sévère que l'envoi au bagne (pour eux, c'était l'internement aux îles) alors que pour les pauvres types, c'était exactement le contraire...
Papillon, petit barbeau sans envergure condamné à perpèt pour meurtre après un procès dont on a peu parlé (un petit maq qui en flingue un autre, bof), a été affecté à l'hôpital de Saint-Laurent parce qu'il avait de quoi corrompre le bureaucrate qui "plaçait" (infirmier sans aucune expérience médicale!). S'il n'avait pas eu ce fric, c'était un chantier forestier et sans doute la mort à court terme ; s'il avait eu une grande notoriété, il aurait été "interné" aux îles, décision prise par le ministère.
Il ne le fut plus tard qu'au retour d'une évasion assez longue (bien moins spectaculaire qu'il ne l'a racontée, mais qui l'a mené en Colombie, quand même), ayant démontré qu'il "pouvait le faire"  
Quasiment tous les condamnés à mort graciés ont fini sur l'île Royale, endroit le plus sain de Guyane. Çà donne à réfléchir... Ils poussaient un "ouf" de soulagement à la sortie de Saint Martin de Ré où la discipline était implacable et d'où on ne s'évadait pas non plus: les matons coloniaux étaient infiniment plus coulants. Les y aurait-on laissés que la sanction eut été plus équilibrée, et en plus on aurait fait des économies

Parmi les livres que le Père Noël m'a apportés, il y avait celui-ci.