Anatole Deibler

Cet article, très intéressant, m'a été transmis.

Le bourreau de la III^ème République était rennais



Anatole Deibler (photo) prenait des notes sur les exécutions qu'il supervisait. Il a rempli les pages de 14 carnets, qui témoignent, à leur façon, de l'inutilité de la peine de mort. © REUTERS/Jack Dabaghian

Anatole Deibler, « exécuteur en chef des arrêts criminels de France », était natif de Rennes. Fils et petit-fils de bourreaux, il a participé à 395 exécutions capitales.

L'histoire

Maurice Pilorge est le dernier condamné à mort exécuté en Ille-et-Vilaine (lire ci-dessous). Compagnon de cellule de l'écrivain Jean Genet, le jeune homme (24 ans) devait être guillotiné à Rennes, en place publique, le 3 février 1939.

Anatole Deibler, « exécuteur en chef des arrêts criminels de la République Française », seul habilité à superviser l'exécution, avait prévu de se rendre à Rennes la veille. Le 2 février au matin, il quitte son domicile de Saint-Cloud pour rejoindre la gare Montparnasse, en métro, où l'attendent ses quatre adjoints et un train pour la capitale bretonne. Son voyage s'arrêtera sur le quai de la station porte de Saint-Cloud.


Fils et petit-fils de bourreaux

Foudroyé par une embolie pulmonaire à l'âge de 75 ans, le patron des bourreaux de France meurt sans revoir Rennes... sa ville natale.

L'homme, fils et petit-fils de bourreaux, né avenue de la gare, à Rennes, au domicile de ses parents, le 29 novembre 1869, ne voulait pas suivre la tradition familiale. Une tradition initiée par son grand-père, Joseph Deibler, un Bavarois établi en France qui chercha à devenir cultivateur, puis cafetier, sans succès, et finit, au hasard d'une rencontre, par se faire embaucher par le bourreau de Dijon, en 1820.

La carrière de Joseph Deibler le conduisit à Rennes en 1853. Nommé exécuteur en chef pour l'Ille-et-Vilaine, il prit son propre fils, Louis Deibler, comme assistant. Avant de lui transmettre la charge, en 1863.

Nommé exécuteur en chef des arrêts criminels en 1879, c'est-à-dire seul bourreau habilité à superviser les exécutions capitales sur l'ensemble du territoire métropolitain, Louis veut que son fils lui emboîte le pas. En 1882, il oblige le jeune Anatole, alors âgé de 19 ans, à assister à une première exécution capitale.

Le jeune homme, qui aspirait à un autre destin, s'engagea dans l'armée. Rattrapé par son père à la fin de son service militaire, il fut envoyé en apprentissage chez son grand-père maternel, Antoine Rasseneux... bourreau en Algérie ! Il y restera quatre ans, avant de rentrer en France pour devenir l'adjoint de son père en France, puis de lui succéder au poste d'exécuteur en chef, en 1899.


Un « métier » qu'il n'aimait pas

Antoine Deibler, bourreau malgré lui, a participé ou supervisé 395 exécutions capitales au cours de sa « carrière ». À une époque où les exécutions capitales étaient encore publiques et très largement commentées par une partie de la presse, avide de ce type de récit, le Rennais était aussi célèbre que ceux qu'il conduisit à la mort, dont Landru, Ravachol, Raymond la Science, de la bande à Bonnot, Gorguloff, l'assassin du président Paul Doumer, ou Caserio, celui du président Sadi Carnot.

Oublié, inconnu à Rennes, Antoine Deibler prenait des notes sur chacune des exécutions qu'il conduisait. Il remplira les pages de 14 carnets, témoignage de la misère humaine et de l'inutilité de la peine de mort, dans lesquels Deibler justifie ce « métier » qu'il n'aimait pas et ne lui attirait que haine et mépris.

Son dernier carnet ne relate pas la fin de Maurice Pilorge. La mort de Deibler n'offrit qu'une journée de sursis au jeune assassin : le dernier condamné exécuté en Ille-et-Vilaine fut guillotiné dès le 4 février 1934.

Stéphane VERNAY
Article paru dans MA VILLE.COM RENNES le 7 octobre 2011 :