François Baillet, le « Gibier de potence » qui n’aimait pas les prêtres.A juste titre, donc, les Douaisiens sont en masse le 28 août 1891, devant la maison d’arrêt Saint-Vaast, pour assister à la décapitation de Baillet.
Ce dernier savait d’avance le sort qui lui était réservé, et il commençait à manifester une certaine impatience :
« Pourquoi n’en finit-on pas plus tôt avec moi, puisque je dois y passer ? »
Le 27, donc, une foule de gens attendent Louis Deibler et ses aides à la gare, et les bourreaux se retrouvent ainsi fort peu discrètement escortés jusqu’à l’auberge du Cheval-Noir.
A l’aube, le lendemain, les journalistes s’étonnent. Alors qu’en règle générale, on interdit aux femmes d’assister au supplice, elles sont près d’une trentaine, épouses de gendarmes
ou de magistrats, à être présentes dans le « carré » réservé à la guillotine.
Il y a même une fillette de huit ou neuf ans qui, curieuse, demande à ses parents : « Où qu’il est le couteau ? »
« Je m’y attendais », dit Baillet au substitut qui le réveille. Calme et résigné, il s’habille, mais est pris de colère en voyant s’avancer l’aumônier Havez.
Tout au long de son incarcération, il n’a eu de cesse qu’à le repousser, en lui disant : « Je veux mourir sans vous ! » mais apparemment, le prêtre n’en a cure.
« Laissez-moi tranquille, se fâche le condamné.
« Mon fils, songez que vous allez comparaître devant Dieu !
« Ah ! Si Dieu existait, il aurait arrêté mon bras au moment où je commettais mes crimes.
« Voulez-vous que je vous entende en confession ?
« Désolé de vous décevoir, mais je suis libre-penseur, et je tiens à le rester à ma mort.
« Mais vous aviez promis d’entendre la messe !
« Ce n’était que pour vous faire plaisir. Je n’ai pas peur de la justice divine, la seule qui importe, c’est la justice des hommes. »
Le seul intérêt qu’il apporte à la présence du prêtre tient au fait que ce dernier est venu apporter rhum et cigarettes, dont il fera une bonne consommation au cours de ses dernières minutes de vie.
En l’absence de Me Laguerre, c’est Me d’Hooghe, l’avocat de Dutilleul, qui est venu assister Baillet dans ses derniers instants.
« Je vous remercie d’avoir sauvé la tête de Dutilleul, lui dit Baillet avant que les exécuteurs ne se chargent de le préparer.
« Il vous faut y aller, maintenant.
« Ne peut-on rien faire pour moi ?
« Non. Tout est fini.
« Soit… je vais mourir avec courage : vous verrez ! »
Confié aux aides, il regarde les cordes avec lesquelles on va lui ficeler poignets et chevilles.
« C’est inutile de m’attacher. Je serai courageux ! Ne me piquez pas avec vos ciseaux, surtout… »
Puis, en voyant la taille du morceau de tissu qu’on vient de découper au niveau de son cou et de ses épaules, il rajoute :
« Le couteau aura de la place pour me trancher le cou… Je pensais qu’on devait raser les condamnés… Personne ne rit ? Tant pis… je suppose que ce n’est pas le moment de plaisanter… »
Il parle encore de Dutilleul, se plaint de l’heure bien matinale à laquelle on le force à se lever, repousse une fois de plus le prêtre.
Un verre de rhum plus tard, il embrasse gardiens, prisonniers, demande au juge que ses vêtements soient distribués à ses co-détenus, puis se met à compter :
« Cinq… quatre… trois minutes à vivre encore… mais je n’ai pas peur. »
Dehors, le photographe Boutique a apporté son appareil… Et voilà qu’il appuie sur le déclencheur. En haut du perron de la prison, Baillet, soutenu par les aides, apparaît en comptant.
« Voilà 22 pas qui me séparent de l’échafaud ! »
Puis, en découvrant la machine à sa droite, il crie : « Vive la République ! Ma tête va tomber ! Je l’ai bien mérité, mais Dutilleul était aussi coupable que moi ! Allons ! »
Sur la planche, néanmoins, la peur le fait remuer et les exécuteurs doivent le maintenir pour le placer dans la lunette.
M. Boutique prend un nouveau cliché. Le couperet tombe enfin, il est 5 heures 13.
Prison Saint-VaastLe lieu de placement de la guillotine est indiqué
Baillet dans son moment fatalEn voyant la photographie de l'exécution...
Ne pensez-vous pas que le public est attiré par quelque chose qui est plus éloigné de la guillotine ?
Photo du lieu http://boisdejustice.com/