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 Henry Sanson

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Titus_Pibrac
Monsieur de Paris



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MessageSujet: Henry Sanson   Henry Sanson EmptyMer 7 Jan 2009 - 13:02

Je ne connaissais pas l'existence de James Rousseau, écrivain du XIXème (wikipedia renvoit à un manequin anglais actuel):

http://www.bmlisieux.com/curiosa/rousso01.htm

On apprend ici une anecdote: un cadenas aurait protégé le levier de chute du couperet d'e^tre actionné par quelqu'un de non autorisé selon l'auteur:

Citation :


Ne connaissant personne qui pût me présenter à lui, je me décidai à me servir d’introducteur à moi-même, et, un matin, je me dirigeai, non sans quelque émotion, du côté de la rue des Marais du Temple.

Arrivé devant le n° 31 bis, j’aperçus une petite maison protégée par une grille de fer, dont les interstices en bois ne permettent pas à l’oeil de pénétrer dans l’intérieur. Cette grille ne s’ouvre pas ; on entre dans le sanctuaire par une petite porte qui s’y trouve attenante, et à droite de laquelle est une sonnette. Au milieu de cette porte est une bouche de fer, entièrement semblable à une poste aux lettres ; c’est là que l’on dépose les missives que le procureur-général envoie à l’exécuteur, pour le prévenir que l’on va recourir à l’appui de son bras.

Je pressai doucement le bouton de la sonnette, la porte s’ouvrit, et un homme d’une trentaine d’années, grand et vigoureux, me demanda fort poliment ce que je désirais. « M. Henry Sanson, » répondis-je d’une voix tremblante.

- « Entrez, monsieur, » me dit mon guide.

C’était un des aides de l’exécuteur.

Je pus, dès ce moment même, me convaincre combien le monde a une idée fausse de ce qu’il ne connaît pas, et du peu de fondement de certains proverbes populaires. Je ne sais si le moutardier du pape est fier, mais je puis répondre que les valets du bourreau ne sont pas insolents.

On m’introduisit dans une petite salle basse, où je vis, occupé à tirer d’un piano des sons qui n’étaient pas sans mélodie, un homme paraissant avoir soixante ans, d’une figure pleine de franchise et de douceur.

C’était lui.

Dans la même pièce était son fils, jeune homme d’environ trente-quatre ans, blond, l’air timide et doux ; il tenait sur ses genoux une petite fille de dix à douze ans, jolie comme un ange, de la physionomie la plus vive et la plus distinguée.

C’était la sienne.

Ce tableau de famille me frappa ; M. Sanson parut s’en apercevoir. Le fait est que, sans partager l’opinion irréfléchie de la multitude, je m’étais fait une tout autre idée du spectacle qui frappait mes yeux.

Cette petite fille surtout !... elle bouleversait toutes mes idées : je n’aurais pas voulu que quelque chose de si frais se rencontrât là ; c’était le soleil traversant un orage, une rose élevant sa tige entre les pierres d’un tombeau.

Depuis déjà plusieurs années, c’est le fils de M. Sanson qui remplit la charge de son père. Appelé à lui succéder, par ces raisons que je disais tout à l’heure, il fait sous les yeux du titulaire l’apprentissage du sang. Ce dernier assiste en effet à toutes les exécutions : la justice ne connaît que lui, il est seul responsable devant elle des infractions qui pourraient avoir lieu.

M. Sanson me reçut en homme qui sait son monde, sans embarras comme sans affectation, et s’informa du motif de ma visite.

Ma fable était faite : je lui dis que, m’occupant d’un ouvrage sur les supplices aux différentes époques de notre législation, j’avais assez compté sur sa complaisance pour venir lui demander quelques renseignements.

Le ton aimable avec lequel il me répondit qu’il était tout à ma disposition, me mit tout de suite à mon aise ; je ne m’en tins pas aux questions que devait comporter le motif que j’avais donné à ma visite ; et, dans une conversation de près de deux heures, je pus remarquer la justesse d’esprit et la pureté de vues de Monsieur de Paris.

M. Sanson ne se dissimule pas la gêne de la position dans laquelle le sort l’a placé ; il la supporte, non pas en homme qui en méprise les conséquences, mais en sage qui sent ce qu’il vaut ; qui comprend que nous pouvons toujours, avec une volonté, nous élever au-dessus de l’état que la naissance nous a fait, et que les sentiments du coeur, les conseils de la raison, nous classent dans le monde en dépit de la direction imprimée à nos mouvements.

Cette conscience, qui le relève à ses propres yeux, ne lui fait jamais oublier la distance que la société a mise entre elle et lui. Si on pouvait un instant la perdre de vue, M. Sanson prendrait soin lui-même de vous la rappeler.

Une chose me frappa : il avait souvent ouvert sa tabatière devant moi sans me la présenter. Cette dérogation aux usages reçus parmi les priseurs, à cette politesse qui n’en est plus une depuis qu’elle est devenue une habitude, m’avait surpris sans que je pusse me l’expliquer. Tout à coup, sans but aucun, machinalement, au milieu d’une conversation qui ôtait l’âme à mes mouvements, je lui offre du tabac. Il élève sa main en signe de refus avec une expression de physionomie qu’il est impossible de rendre, et qui me fit froid. Le malheureux !... un souvenir d’hier venait de lui mettre du sang aux doigts !

M. Sanson aime à causer ; peut-être parce qu’il a lu beaucoup et avec fruit. Il possède en effet une bibliothèque nombreuse et choisie, qui n’est pas chez lui un objet de luxe. Ses livres sont toute sa société : par leur secours, il peut, échappant à la gêne et à l’humiliation, s’entretenir avec les hommes qui la composent, leur demander des distractions à ses horribles devoirs, des consolations contre les mépris de son siècle, des arguments pour ceux qu’il aime, du repos pour ses jours, du sommeil pour ses nuits.

Paria de la civilisation, exclu de la société des vivants, il en retrouve une dans la compagnie morte de nos grands hommes ; et ceux-là il peut les regarder sans frémir : ils ne sont pas morts de sa main !...

Parmi les ouvrages qui composent la bibliothèque de l’exécuteur, il en est deux que je ne serais pas venu chercher là : les oeuvres de M. de Maistre, et Le dernier jour d’un Condamné.

L’examen des livres de M. Sanson me fournit un sujet de causerie que je fus bien aise d’avoir trouvé. Jusqu’à ce moment la conversation avait langui : je n’avais pas osé le presser de questions, et lui-même, avec ce tact qui le caractérise, avait évité de parler de tout ce qui pouvait se rattacher à sa mission.

Dès que je l’eus mis sur le chapitre de la littérature, il s’abandonna entièrement ; la contrainte qu’il s’était imposée jusque-là disparut tout à coup ; il émit des principes, discuta mes opinions en homme qui s’est rendu compte ; et à travers quelques hérésies qui tiennent au manque d’instruction première, il avança des jugements dont se ferait honneur un membre de l’académie des inscriptions et belles-lettres.

Ce petit cours littéraire fit promptement disparaître ce que, jusqu’alors, notre tête-à-tête avait eu de gênant et de guindé ; on aurait dit que nous nous connaissions depuis dix ans. M. Sanson se montra à découvert ; je pus l’examiner à mon aise.

Il semblerait que la nature de ses fonctions, les gens avec lesquels elles le mettent incessamment en rapport, on dû détruire chez lui tout sentiment d’humanité ; bien loin de là : ils ont développé dans son âme une sensibilité extrême.

Ce même homme qui va froidement surveiller tous les apprêts d’un supplice, monter, pièce à pièce, l’affreuse machine de destruction, graisser les cordes, consulter du doigt le tranchant de la hache, faire partir, d’une main assurée, la détente qui va rendre à la terre l’ouvrage du ciel, ce même homme ne pourra retenir ses larmes quand vous lui rappellerez le souvenir de quelque exécution. Vous l’entendrez s’élever avec une jeune énergie contre la peine de mort ; développer avec vivacité les moyens qui pourraient la remplacer le plus efficacement ; vous le verrez, un jour de Grève, pâle et défait, refusant toute nourriture, mort comme s’il avait changé de rôle, comme si l’autre était le bourreau !

Voilà ce qu’on ne sait pas ; voilà ce que je n’aurais pas cru moi-même si je ne l’avais pas vu ; et c’est ce qu’auraient dû voir ceux qui, de toute l’autorité de leur talent, ont pesé sur l’instrument de la justice, en se prosternant de respect devant la main qui le fait agir !

Il me raconta une foule de particularités sur les derniers moments de quelques condamnés célèbres ; je ne les rapporterai pas ici. Parmi des détails quelquefois touchants, quelquefois burlesques, toutes ces histoires offrent quelque chose de pénible et de forcé : c’est comme le rire d’un pendu…

Ce que je dirai seulement, c’est à quelle circonstance il est dû que, maintenant, l’échafaud soit démonté et remis en place tout de suite après l’exécution.

Autrefois, il restait là pendant plusieurs heures ; c’était une attention fort délicate pour les assistants : la tragédie est courte, il fallait bien les laisser jouir du spectacle des décors.

Seulement, un cadenas comprimait la détente qui laisse partir l’instrument oblique.

En 1797, après une exécution, le bourreau et ses aides s’étaient retirés au premier étage du cabaret situé à l’angle de la place de Grève et du quai Pelletier.

Ils causaient, ils buvaient, ils riaient peut-être.

On frappe à la porte du cabinet. C’est un homme, une espèce d’ouvrier, qui vient prier M. Sanson de lui confier la clef qui retient le couperet de l’échafaud. Un garçon perruquier vient d’être arrêté au moment où il volait une montre au milieu de la foule qui s’écoulait après l’exécution : le peuple, dans sa justice expéditive, avait pris le coupable, l’avait hissé sur l’échafaud, couché sur la planche, roulé sous le couteau, et sa tête allait tomber sans la précaution qu’on prenait toujours, sans doute par instinct. L’exécuteur, qui était venu ouvrir lui-même, répondit, à cette demande atrocement singulière, que M. Sanson était sorti, que lui seul avait la clef, et qu’il reviendrait dans deux ou trois heures. Il fallut se résigner : la foule s’écoula peu à peu, mais le patient, promis à la mort, était toujours dans son affreuse position. Enfin, après un temps dont on ne peut calculer la longueur si l’on veut se mettre à la place du pauvre diable, on vint le délivrer. Rien ne peut redire son état, et ce qu’il avait dû souffrir dans cette lente agonie.

Et quand on pense que ce fait s’est passé peu d’années après la révolution ! Le sang avait coulé pendant deux ans, les supplices avaient été organisés d’une façon régulière, et le peuple n’était rassasié encore ni de sang ni de supplices !...

Moins par curiosité que pour rappeler à M. Sanson le but de ma visite, je le priai de me faire voir la chambre où il tient renfermés les instruments destinés aux différents genres de supplices usités autrefois.

La vue de ce musée me glaça d’horreur.

Une seule chose, dans ce sanglant conservatoire, mérite qu’on en parle : c’est le sabre avec lequel M. le marquis de Lally fut décapité. On le fit faire exprès, et il en fut fondu trois avant qu’on pût en trouver un convenable.

A cette époque, lorsqu’une exécution remarquable avait lieu, les jeunes seigneurs montaient sur la plate-forme de l’échafaud, comme ils allaient le soir, à la Comédie-Française, s’étaler sur les banquettes qui garnissaient la scène. Le jour où M. de Lally subit son jugement, la foule était plus considérable que de coutume : un des plus empressés à l’horrible fête froissa le bras de l’exécuteur au moment où l’arme homicide se balançait au-dessus de la tête du patient ; la secousse fit dévier l’arme, qui, au lieu de frapper la nuque, rencontra le cervelet, et vint s’arrêter sur la mâchoire de la victime sans trancher entièrement sa tête. La lame du sabre fut ébréchée par le contact d’une dent contre laquelle elle frappa, et un des aides du bourreau fut obligé, à l’aide d’un coutelas, d’achever l’exécution !...

J’ai tenu dans mes mains l’arme fatale ; une dent s’adapterait fort bien au vide laissé par l’éclat qui en a jailli…

Quand je sortis de chez le bourreau, ma poitrine était affreusement oppressée.

Petit à petit l’air vint dilater mes poumons.


Une dernière observation qui achèvera de peindre cet homme.

Quand je le quittai, après une longue visite qui avait fait disparaître à mes yeux celui chez lequel je me trouvais, et poussé par cet élan naturel qui nous porte au-devant des gens qui nous plaisent, je lui tendis la main ; il recula d’un pas et me regarda d’un air étonné et presque confus.

La tabatière me revint à l’esprit, et je compris toute sa pensée : la main qui subit chaque jour le contact du crime n’osait pas presser celle d’un honnête homme.


JAMES ROUSSEAU.
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MessageSujet: Re: Henry Sanson   Henry Sanson EmptyMer 7 Jan 2009 - 13:24

Je crois me souvenir, par un vieux bouquin, que Rousseau écrivait dans la GAZETTE DES TRIBUNAUX, et qu'il avait aussi écrit des chansons. Mention était faite qu'il était mort miséreux.
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MessageSujet: Re: Henry Sanson   Henry Sanson EmptyJeu 8 Jan 2009 - 23:51

Sanson vu par Balzac comme un lord anglais sévére mais juste et héritier d'un office depuis 400 ans.

Citation :

Jacques Collin, malgré le danger de Madeleine, ne faillit pas à son rôle. Cet homme qui connaissait la Conciergerie aussi bien que les trois bagnes, se trompa si naturellement, que le surveillant fut obligé de lui dire à tout moment : -- « Par ici, -- par là ! » jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés au greffe. Là, Jacques Collin vit, du premier regard, accoudé sur le poêle, un homme grand et gros, dont le visage rouge et long ne manquait pas d'une certaine distinction, et il reconnut Sanson.

-- Monsieur est l'aumônier, dit-il en allant à lui d'un air plein de bonhomie.

Cette erreur fut si terrible qu'elle glaça les spectateurs.

-- Non, monsieur, répondit Sanson, j'ai d'autres fonctions.

Sanson, le père du dernier exécuteur de ce nom, car il a été destitué récemment, était le fils de celui qui exécuta Louis XVI.

Après quatre cents ans d'exercice de cette charge, l'héritier de tant de tortionnaires avait tenté de répudier ce fardeau héréditaire. Les Sanson, bourreaux à Rouen pendant deux siècles, avant d'être revêtus de la première charge du royaume, exécutaient de père en fils les arrêts de la justice depuis le treizième siècle. Il est peu de familles qui puissent offrir l'exemple d'un office ou d'une noblesse conservée de père en fils pendant six siècles.

Au moment où ce jeune homme, devenu capitaine de cavalerie, se voyait sur le point de faire une belle carrière dans les armes, son père exigea qu'il vînt l'assister pour l'exécution du roi. Puis il fit de son fils son second, lorsqu'en 1793 il y eut deux échafauds en permanence : l'un à la barrière du trône, l'autre à la place de Grève. Alors âgé d'environ soixante ans, ce terrible fonctionnaire se faisait remarquer par une excellente tenue, par des manières douces et posées, par un grand mépris pour Bibi-Lupin et ses acolytes, les pourvoyeurs de la machine. Le seul indice qui, chez cet homme, trahissait le sang des vieux tortionnaires du Moyen-Age, était une largeur et une épaisseur formidables dans les mains. Assez instruit d'ailleurs, tenant fort à sa qualité de citoyen et d'électeur, passionné, dit-on, pour le jardinage, ce grand et gros homme, parlant bas, d'un maintien calme très-silencieux, au front large et chauve, ressemblait beaucoup plus à un membre de l'aristocratie anglaise qu'à un exécuteur des hautes-oeuvres.

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