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| Sujet: Petit - premier bourreau en Nouvelle-Calédonie Lun 17 Mai 2010 - 18:35 | |
| Dans son ouvrage Mes sept ans de bagne, * un condamné transporté fait une relation sur Petit, le premier exécuteur en Nouvelle Calédonie. « L'exécuteur des hautes-oeuvres de l'île Nou était un ancien soldat, une sorte de Billoir (1) qui avait découpé je ne sais qui en morceaux. On ne lui connaissait qu'un défaut : il buvait beaucoup. Les gardes-chiourmes fermaient les yeux sur cette légère imperfection, d'abord ils étaient souvent plus ivres que lui, puis il était presque des leurs, en raison de ses terribles fonctions. Le bourreau avait des qualités : raide, correct, bien tenu, il portait comme un uniforme d'honneur sa belle casaque rouge neuve des jours d'exécution. Il avait la majesté d'un suisse de cathédrale, l'administration, comme le clergé, aime la pompe et l'apparat. On disait du bourreau avec admiration et respect : — C'est un vrai soiffeur , mais comme il représente bien ! Pour les autres forçats il était doux et de bons rapports. Les jeunes, les nouveaux, ceux qui n'étaient pas bronzés, se plaignaient d'une innocente manie du bourreau. Il se plantait devant vous, tout droit, son oeil tombait sur votre tête et l'examinait curieusement. Ce diable d' homme avait un regard magnétique d'une puissance irrésistible. Après examen, il disait : — Bonne tête pour le panier ! Tête honorable ! Tête distinguée ! Jeanette sera contente. Elle est coquette, Jeanette, elle adore les jolis garçons. Et il offrait un coup de rhum. Mais parfois, il disait : — Vilaine tête ! Quel fichu quart d'heure pour Jeanette quand celui-là y passera ! ! Pauvre fille ! Et il s'éloignait sans offrir de rassade. Pour lui, tôt ou tard, tout forçat, les politiques surtout, devaient passer par ses mains, il avait la monomanie de la guillotine. Sa Jeanette, il l'aimait à la folie, il soignait sa machine, elle était astiquée, pomponnée, bichonnée avec un soin inouï. Il en était fou. Il la croyait vivante, il lui avait donné une sainte patronne, elle avait sa fête, l'anniversaire de sa naissance, l'anniversaire de son baptême de sang (première exécution), l'anniversaire de sa première communion (en souvenir d'un ancien curé guillotiné au bagne). Quand c'était fête, il mettait des rubans à sa Jeanette et il donnait un banquet. On buvait à la santé de Jeanette. Un jour, une nouvelle officielle fut communiquée au bourreau. Ordre de changer sa guillotine (vieux système), pour une nouvelle (2) . Il pria, supplia, mais en vain. Un matin, on le trouva pendu… On trouva sur lui un billet contenant ses mots : — Pas d'infidélité à Jeanette. Je meurs pour elle. ___________________________________________________________________________________________________________________________
1) Sébastien-Joseph Billoir : exécuté place de la Roquette pour l'assassinat de sa compagne, suivi de son dépeçage.
2). La deuxième livraison d'une guillotine n'a été effectuée qu'en 1902. L'auteur donne un portrait très inhabituel d'un exécuteur qui cotoye les transportés etc., à l'opposé de l'obligation qui voulait que de par leur très particulière fonction les exécuteurs ne pouvaient s'intégrer à la communauté, obligés de vivre isolés ( le célèbre Macé avait son habitation au sommet d'une colline). Le portrait de Petit a-t-il été grossi exagérément par l'auteur ? Peut être pas. D'abord, Petit était le premier exécuteur exerçant sur l'île, position un peu spéciale quand même par rapport aux autres exécuteurs qui allaient lui succéder, et l'on sait aussi aujourd'hui que sa raison était devenue quelque peu ébranlée. Son singulier comportement avec la machine pourrait s'expliquer par ce trouble mental, ainsi que son comportement avec certains transportés, décrit ci-dessus par l'auteur. Petit avait débuté les exécutions à la guillotine en 1867 (quadruple exécution, le 25-09, à la presqu'île Ducos, de civils Néo-Hébridais, auteurs d'un quintuple assassinat).
* « Mes sept ans de bagne », par un forçat, Administration des publications républicaines, Paris, 1880.
L'auteur, d'une famille assez aisée et plutôt conservatrice (un de ses oncles était général, sa mère fervente royaliste), était un partisan de la Commune de Paris de 1871. Condamné à mort, il fut envoyé en Nouvelle-Calédonie, sur l'île Nou, comme transporté, avec les droits-communs, et non comme déporté. Par la suite, il obtint une commutation de sa transportation en déportation ((commutation probablement obtenue grâce aux interventions de son oncle) et fut transféré sur la presqu'île Ducos. Une amnistie partielle, précédent l'amnistie générale,** lui permit de retourner en France. ** Par une loi votée le 11 juillet 1880, par la Chambre des députés, et accordant une amnistie générale à tous les condamnés de la Commune de Paris qui n'avaient pas été amnistiées antérieurement. Vue du pénitencier de lîle Nou, lieu de la transportation. Par Archange 25/11/2011
D'autre photos découvertes par Archange : °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° L'intérieur de la prison :
Dernière édition par mercattore le Ven 21 Mai 2010 - 22:23, édité 1 fois |
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Elie Köpter Exécuteur régional
Nombre de messages : 357 Age : 94 Localisation : bretagne Emploi : Enseignant Date d'inscription : 20/03/2006
| Sujet: Re: Petit - premier bourreau en Nouvelle-Calédonie Lun 17 Mai 2010 - 21:37 | |
| Merci pour cette anecdote fort croustillante Mercattore ! Petit était un personnage bien singulier ! | |
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Joseph67 Condamné à mort
Nombre de messages : 2 Age : 57 Localisation : Rome, Italie Emploi : Traducteur Date d'inscription : 26/02/2014
| Sujet: Le Camp Est et la guillotine. Mer 26 Fév 2014 - 8:45 | |
| Bonjour a tous, je suis caledonien ne en Nouvelle Caledonie, je voudreais me complimenter pour ces tres belles photos d'antan du penitencier de l'ile Nou aujourd'hui maison d'arret du Camp Est.En 1985 j'ai eu l'occasion d'admirer la guillotine au Camp Est durant des travaux, cette guillotine se trouvais au bloc A du penitencier ainsi que le seau ou la tete du condamner basculer, de meme se trouvait dans cet endroit un peu lugubre des milliers de fiches des relegues et deporter.Je me souviens que l'un des surveillants pendant notre discussion m'a dit que cette guillotine etait celle qui avait trancher la tete de Louis XVI et de Marie Antoinette ..Ps je suis nouveau sur ce site. | |
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| Sujet: Re: Petit - premier bourreau en Nouvelle-Calédonie | |
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