Un échafaud transformé en ring de catch ! Voici un compte rendu d’exécution publié dans Le Journal de l’Empire du mercredi 7 octobre 1807. J’ai conservé le style de l’époque et corrigé quelques fautes :
« Toulouse 29 septembre [1807].
Le nommé Michel Labarthe-Pinot, habitant de la commune de Maumusson, près de Mirande dans le département du Gers, était depuis longtemps la terreur de son canton par la férocité de son caractère jointe à la supériorité de ses forces physiques. Il avait été condamné pour dettes à la saisie de ses meubles; aucun huissier n'osait exécuter la sentence. Un seul y consentit; mais à condition qu'il serait accompagné de plusieurs gendarmes. Le 25 fructidor an 12 il se rend avec son escorte devant la porte de Labarthe-Pinot; celui-ci refuse d'ouvrir, et assaillit l'huissier et les gendarmes à coups de pierres. L'huissier va chercher une permission de bris de portes; et accompagné du maire et d'un serrurier, il somme de nouveau Labarthe d'ouvrir la porte, pour qu'il fasse la saisie de ses meubles, en vertu du jugement dont il est porteur. Labarthe répond à cette sommation par un coup de fusil qui tue l'huissier; il tire en même temps sur les gendarmes un second et un troisième coup qui ne blessent que les chevaux. Sa femme lui enlève la poudre, et l'empêche de recharger son fusil. Au bruit du tocsin, les habitants accoururent, ayant le juge de paix à leur tête. On investit la maison, et à l'aide d'escalade on pénétra dans l'intérieur; et Labarthe-Pinot fut arrêté. Conduit dans les prisons à Auch, il terrassa le concierge, lui enleva les clefs et s'enfuit. Il fut condamné le 30 thermidor an 12 à la peine de mort, par contumace.
Le 7 août 1806, il fut arrêté de nouveau et conduit à Auch devant la cour de justice criminelle, qui le condamna par arrêt contradictoire du 1er septembre 1806, à la peine de mort. Sur son pourvoi la cour de cassation annula la déclaration du jury pour vice de forme et renvoya l'affaire devant la cour de justice criminelle de la Haute-Garonne. Labarthe, transféré dans les prisons de Toulouse, le 9 juin 1807, a été condamné à mort, pour la troisième fois, le 20 juillet suivant. La cour de cassation, ayant rejeté son pourvoi, il a été conduit au supplice le 25 septembre.
Arrivé au pied de l'échafaud il a vivement insisté pour qu'on lui apportât de l'eau-de-vie. L'huissier craignant avec raison que ce ne fût un prétexte pour éloigner un des aides de l'exécuteur, enjoignit à ce dernier de procéder à l'exécution de l'arrêt. Le condamné, traîné sur l'échafaud, se révolte contre l'exécuteur et ses deux aides, jette d'un coup de pied l'exécuteur au bas de l'échafaud, résiste vivement aux deux aides; l'exécuteur remonte reçoit un nouveau coup de pied, qui le jette encore plus loin; il tombe sur la tête et se blesse dangereusement; les deux aides ont peine à contenir le condamné; il avait déjà rompu les liens qui attachaient ses mains, et se serait débarrassé entièrement, si ses bras attachés vers le coude eussent été libres. Cette lutte a duré cinq quarts d'heures; et si l'on ne fût parvenu à lui passer au cou une corde qui, le privant de la respiration, diminua ses forces, les aides de l'exécuteur n'auraient jamais pu le réduire; l'un d'eux, hors de combat, était déjà descendu pour se retirer; mais il lui fut enjoint de remonter pour donner du secours à son camarade. »
En 1807, l’exécuteur de Toulouse devait être Antoine Varennes, en poste depuis trente-sept ans et âgé d’environ soixante-dix-sept ans. Il était assisté, entre autres, par Marcelin Berthoumier, trente-sept ans, qui lui succéda en 1812 avant de gagner Montauban, où il mourut en 1824.