La Veuve
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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 Christine Papin

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MessageSujet: Christine Papin   Christine Papin EmptyMer 13 Oct 2010 - 18:57

Les sœurs Papin

Une courte vidéo :

https://www.dailymotion.com/video/x98g1o_bertillonnage-les-soeurs-papin_news

Bonne écoute !

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La maison des Lancelin, rue de la Bruyère au Mans, aujourd'hui.

Christine Papin 5078397620_50768081d1


Les corps mutilés de Madame Lancelin et de sa fille

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Christine et Léa Papin

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Le procès

En septembre 1933, les deux soeurs Papin, Christine l'aînée - au 1er plan - et Léa - derrière elle - employées de maison accusées d'avoir tué, dans des conditions particulièrement horribles, leur patronne, arrivent à leur procès.

Christine Papin 5078438770_b1a814f4dd_b


« Ce vendredi 29 septembre 1933, sous une pluie fine, les deux cents agents de police prennent leur service. Ils sont réquisitionnés pour le procès des soeurs Papin qui s'ouvre aux assises de la Sarthe. Durant toute la matinée, le public se presse devant l'entrée. Il ne rentre qu'en nombre limité. » (Sophie Darblade - Mamouni, L'Affaire Papin)

Christine Papin 5077844271_2289572c50

Epilogue

Christine Papin a été condamné à « avoir la tête tranchée sur la place du Mans » mais un décret du président Albert Lebrun le 22 janvier 1934 a commué la peine de mort en travaux forcés à perpétuité. Internée à l'hôpital psychiatrique de Rennes dans les premiers mois de 1934, elle y est morte le 18 mai 1937 sans avoir revu sa sœur.
Léa Papin à été condamnée à dix ans de travaux forcés et vingt ans d'interdiction de séjour. Elle a été libérée le 2 février 1943, le jour anniversaire du crime.

Christine Papin 5077825905_05d82dc843_m
Léa Papin par Adelayde


Dernière édition par Adelayde le Lun 22 Mai 2017 - 14:14, édité 3 fois (Raison : Suppression photo floue)
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hdesmorest
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMer 13 Oct 2010 - 19:15

Bonsoir,

Il y a eu, il me semble, une émission entière de Café crimes consacrée à cette affaire.

Si vous souhaitez plus de renseignements, voici un lien :

http://www.normannia.info/ouesteclair/

Choisissez le département de la Sarthe, bien évidement Rolling Eyes
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petite lucarne
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMer 13 Oct 2010 - 20:15

Léa Papin est morte en 2001.

Contrairement à ce que l'on croit, Genet a toujours nié s'ête inspiré des soeurs Papin pour sa pièce les bonnes.
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MessageSujet: Christine Papin   Christine Papin EmptyMer 13 Oct 2010 - 22:35

Bonsoir Hdesmorest,

" Café crimes " a effectivement consacré toute une émission au crime des sœurs Papin mais je ne l'ai pas retrouvée. Les articles de " L'Ouest-Eclair " sont bien ficelés, on suit l'affaire pratiquement en direct.
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyJeu 14 Oct 2010 - 9:52

http://criminocorpus.hypotheses.org/?p=1940

l'effroyable crime des soeurs papin frédéric chauvaud larousse 2010.
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyJeu 14 Oct 2010 - 12:39

salut

l'histoire des sœurs papins a fait l'objet de plusieurs films dont le fameux :"les blessures assasines" de jean pierre denis sorti en 2000 avec dans le role de Christine Papin Sylvie Testud qui joua magnifiquement ce role ce qui valu le cesar du meulleur espor feminin.


- la ceremonie de claude chabrol aussi est inspiré des soeurs papin avec dans le role des tueuses de patron , Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert

@+
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MessageSujet: Les soeurs Papin   Christine Papin EmptyDim 3 Avr 2011 - 21:18

L'émission "La marche de l'histoire" du 1er avril était consacrée aux sœurs Papin. On peut la réécouter pendant quelque temps encore.

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/la-marche-de-l-histoire/index.php?id=102864

Bonne écoute !
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMer 6 Avr 2011 - 11:58

Je n'avais pas encore lu ce très intéressant topic sur les sœurs Papin.
Il m'a rappelé un film vu il y a bien longtemps mais dont j'ai toujours un profond souvenir : "Les abysses ".
A propos de Jean Genet et sa dénégation sur l'apparentement de sa pièce Les bonnes" avec les sœurs Papin (cité par Petite lucarne) il faut se méfier car Jean n'était pas à une "menterie" près. Voir à ce sujet le topic de Bill où il est démontré que Jean Genet n'a jamais connu le supplicié Maurice Pilorge, contrairement à ce qu'il en a rapporté : https://guillotine.1fr1.net/t685-pilorge-1939?highlight=pilorge
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MessageSujet: Le double crime des soeurs Papin   Christine Papin EmptyVen 15 Avr 2011 - 18:58

hdesmorest a écrit:
Bonsoir,
Il y a eu, il me semble, une émission entière de Café crimes consacrée à cette affaire.
Si vous souhaitez plus de renseignements, voici un lien :
http://www.normannia.info/ouesteclair/
Choisissez le département de la Sarthe, bien évidement Rolling Eyes
L'émission "Café crimes" entièrement consacrée aux soeurs Papin est celle du 23 juillet 2009. Je viens de retrouver le lien qui permet de la suivre.

http://www.touslespodcasts.com/annuaire/radio-tv/radio-nationales/1774-episode491570.html

Bonne écoute ! Smile
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MessageSujet: Les soeurs Papin   Christine Papin EmptyVen 22 Juil 2011 - 21:42

La marche de l'Histoire

Aujourd'hui, Jean Lebrun et son invité Frédéric Chauvaud, l'auteur du livre "L'effroyable crime des sœurs Papin", racontent le crime commis par les sœurs Papin en 1933 au Mans, peu après l'élection d' Adolf Hitler en tant que Chancelier du Reich à Berlin.

Bonne écoute !

http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-les-soeurs-papin

Lien mort Christine Papin 2372977329


Dernière édition par Adelayde le Mer 27 Fév 2013 - 22:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptySam 27 Aoû 2011 - 16:12

est ce vrai qu'elles ont massacrés leurs patronnes parce que la mère Lancelin les avait surprises en pleine relation incestueuse? J'ai entendu dire qu'elles avaient paniqué suite a cela, qu'en fait elles étaient très amoureuses l'une de l'autre, et qu'elles avaient eu peur que "cela" se sache?
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptySam 3 Sep 2011 - 22:22

Les Soeurs Papin
Les soeurs "assassines"



Leur enfance
C’est en octobre 1901 que Gustave Papin épouse Clémence Derré. De ce mariage naîtront trois filles : Emilia, Léa et Christine. Tandis que les aînées seront élevées par leurs parents, Christine sera confiée dès son plus jeune âge à sa tante paternelle, Isabelle, jusqu’au divorce de ses parents, quatre ans plus tard.
L'union entre ces deux êtres que tout oppose, lui taciturne et elle volage, débouchera sur un divorce en 1913. Les enfants se verront confiées à leur mère. Celle-ci n'ayant toujours ressenti que de l'aversion envers ses enfants (surtout ses aînées) ne tardera pas à mettre Christine et Emilia en pension au Bon Pasteur, un endroit stricte et pieu, accueillant alors les délinquantes et les filles abandonnées.
La rigueur du règlement et les châtiments subits par les pensionnaires font du Bon Pasteur un endroit craint par les enfants. Clémence savait pertinemment que ses filles allaient y souffrir. Face à cette séparation les soeurs font bloc, tout au long de leur scolarité Emilia jouera un rôle protecteur envers sa cadette.

Quant à Léa, la seule à être élevée par sa mère, elle n'en est pas pour autant rejettée par Emilia et Christine, cette dernière veillant toujours à la protéger de leur mère en lui portant tout l'amour qu'elle n'a elle-même pas reçu. Cette relation presque fusionnelle entre les deux soeurs sera souvent qualifiée d'homosexuelle par les écrivains et journalistes de l'époque.

L'entrée dans la vie active
Dans la société des années 1930, les employeurs éprouvaient très souvent du mépris face à leurs bonnes. Il leur arrivait même de les classer sous certains critères, notamment celles qui fument, boivent, volent ...Plusieurs des patrons de cette période n’avaient pas confiance en leurs bonnes. Durant les différentes expériences de Christine, celle- ci aura pu en effet le remarquer. Il lui est arrivé de voir la maîtresse de maison recompter les fruits pour vérifier qu'elle n'en ait pas volés ou encore d'être surveillée en train de beurrer ses tartines.
La première employeuse de Christine dira d'elle qu’elle était prévenante, de bon caractère, serviable, de compagnie agréable, travailleuse et jamais en colère. Au contraire sa deuxième patronne se plaignait toujours du mauvais caractère de son employée, et surtout de son extrême susceptibilité. Christine aurait un air rétif et hautain, de plus sa patronne hésitait à la “commander”. C’est ainsi que Christine ne resta que quinze jours chez cette deuxième personne. Le caractère lunatique de cette dernière peut s’expliquer par le fait réel besoin de montrer qu’elle existait, même en tant que domestique.
Christine et Léa rentreront en 1926 au service des Lancelin, ceux-ci sont un couple sans histoire vivant avec leur fille dans une belle propriété du Mans. Jusqu'à l'horrible crime, les relations entre bonnes et employeurs se passaient bien. M Lancelin dira qu'il n'avait rien à reprocher au niveau de la qualité de leurs services.


Les faits
Le 2 février 1933, Monsieur René Lancelin arrive au commissariat de police du Mans avec son ami Monsieur Audoire. Ce soir M. Lancelin devait dîner avec sa femme et sa fille chez leur ami M Chambon. Les deux femmes, après avoir fait les courses ce jour-là, devaient se rendre chez Chambon directement. Celles-ci n'étant pas encore arrivées à six heures et demie, M. Lancelin essaye de leur téléphoner mais personne ne décroche. Croyant à un simple retard, il retourne chez lui,mais quand il arrive il ne peut y pénétrer.
Il croit alors qu'elles sont déjà parties et que les deux bonnes, Christine et Léa Papin, ont fermé la porte de l'intérieur et ne peuvent pas entendre la sonnette à cause du bruit dans la cuisine. Cependant, quand il retourne chez Chambon sa femme et sa fille ne sont pas encore arrivées. Il commence à s'inquiéter quand personne ne décroche le téléphone et retourne donc chez lui une deuxième fois sans toutefois parvenir à y pénétrer de nouveau. Il remarque alors la lumière dans la chambre des domestiques dans la mansarde et présume qu'il s'agit d'une bougie. Il décide de se rendre au commissariat.
Deux agents de la police accompagnent M. Lancelin à sa maison dans la rue Bruyère. Ils trouvent la maison plongée dans l'obscurité ainsi que la porte verrouillée. A ce moment ils pensent à une fuite de gaz dans la maison. Les agents pénètrent dans l'immeuble en passant par la maison voisine, escaladent un mur et commencent à l'explorer avec une torche électrique. Au rez-de-chaussée ils ne trouvent rien de peu habituel, sauf le tiroir de la table de la cuisine ouvert sur une armée de couteaux à découper la viande. Ensuite, ils commencent à monter l'escalier mais s'arrêtent en découvrant un oeil humain sur la marche. En arrivant sur le palier ils trouvent les corps de Mme et Mlle Lancelin affreusement mutilés.
A ce point-là ils pensent trouver les deux bonnes dans le même état. Ils pensent avoir affaire à un acte d'aliéné. Ils montent donc à la mansarde avec précaution. En haut, ils trouvent une autre porte fermée. Quand ils pénètrent dans cette chambre par la force ils voient les deux jeunes femmes vivantes, couchées dans le même lit et un marteau englué de sang à côté de la porte. Les deux femmes se lèvent puis elles avouent rapidement qu'elles ont tué les femmes Lancelin. Christine, l'aînée, déclare qu'il s'agissait d'un acte de défense.


L'arrestation
Les deux femmes sont conduites au commissariat où elles ont été inculpées d'assassinats. Cinq personnes étaient présents aux premières interrogatoires: M. Herbert, juge d'instruction, M. Riegert, Procureur de la République, Dr Chartier, médecin légiste, le commissaire central et M. Bouttier, le greffier du tribunal. Christine leur explique les détails de ce qui a passé ce jour-là. Me Chambon, avocat et le frère de Madame Lancelin, a voulu recevoir les Lancelin et les Audoire pour le dîner. Les deux bonnes croyaient que leurs patronnes seraient absentes tout l'après-midi. Après avoir fait des courses, elles iraient prendre le thé chez Mme Audoire. Puisque la réunion ce soir serait intime, les deux femmes ne rentreraient pas se changer et elles se rendraient directement chez Me Chambon. Les deux bonnes restaient seules à la maison. Mais ce n'était pas un jour férié et elles ont passé le temps à faire les travaux ménagers. Vers cinq heures il y avait une panne d'électricité à cause du fer. Les deux femmes ont décidé d'attendre le matin avant de repasser les plombs. Inopinément, entre cinq heures et demi et sept heures, Mme et Mlle Lancelin sont arrivées à la maison.
Christine explique ce qui se passe au retour de sa patronne:
"Quand Madame est rentrée, je lui ai rendu compte que le fer était de nouveau démoli et que je n'avais pu repasser. Quand je lui ai dit cela, elle a voulu se jeter sur moi; nous étions à ce moment-là, ma sœur et moi et mes deux maîtresses, sur le palier du premier étage. Voyant que Mme Lancelin allait se jeter sur moi, je lui ai sauté à la figure et je lui ai arraché les yeux avec mes doigts. Quand j'ai dit que j'ai sauté sur Mme Lancelin, je me trompe, c'est sur Mlle Lancelin, Geneviève que j'ai sauté et c'est à cette dernière que j'ai arraché les yeux. Pendant ce temps, ma sœur Léa a sauté sur Mme Lancelin lui a arraché également les yeux. Quand nous avons eu fait cela elles se sont allongées et accroupies sur place."
Christine continue :
"Ensuite, je suis descendue précipitamment à la cuisine et je suis allée chercher un marteau et couteau; avec ces deux instruments, ma sœur et moi nous sommes acharnées sur nos deux maîtresses, nous avons frappé la tête à coups de couteau et nous avons également frappé avec un pot d'étain qui était place sur une petite table sur le palier. Nous avons changé plusieurs fois les instruments de l'une à l'autre, c'est-à-dire que j'ai passé à ma sœur le marteau pour frapper et elle m'a passé le couteau, nous avons fait la même chose avec le pot d'étain. Les victimes se sont mises à crier, mais je ne me souviens pas qu'elles aient prononcé quelques paroles. Quand nous avons eu fait le coup, je suis allée fermer au verrou la porte cochère et j'ai fermé également la porte de vestibule. J'ai fermé ces portes parce que j'aimais mieux que ce soit la police qui constate notre crime avant notre patron. Ensuite, ma sœur et moi sommes allées nous laver les mains à la cuisine car nous les avions pleines de sang, puis nous sommes montées dans notre chambre, nous avons enlevé nos effets qui étaient maculés de sang, nous avons mis un peignoir, nous avons fermé la porte de notre chambre à clef, et nous nous sommes couchées toutes les deux dans le même lit. C'est là que vous nous avons trouvés quand vous avez enfoncé la porte. Je n'ai aucun regret ou, autrement dit, je ne peux pas vous dire si j'en ai pas, j'aime mieux avoir la peau de mes patronnes plutôt que ce soit elles qui aient la mienne ou celle de ma sœur. Je n'ai pas prémédité mon crime, je n'avais pas de haine envers elles, mais j'admets pas le geste qu'a eu ce soir Mme Lancelin à mon égard."


Léa Papin refuse de donner des explications. Le juge lui a lu les déclarations de Christine et puis Léa confirme les affirmations de sa sœur. Elle explique son rôle dans le crime en ajoutant: "Tout ce que vous a dit ma sœur est exact, les crimes se sont passés exactement comme elle vous les a narrés. Mon rôle dans cette affaire est absolument celui qu'elle vous a indiqué. J'ai frappé autant qu'elle, comme elle; j'affirme que nous n'avions pas prémédité de tuer nos patronnes, l'idée nous en est venue instantanément, quand nous avons entendu que Mme Lancelin nous faisait des reproches. Pas plus que ma sœur je n'ai le moindre regret de l'acte criminel que nous avons commis. Comme ma sœur, j'aime mieux avoir eu la peau de mes patronnes plutôt que ce soit elles qui aient eu la nôtre."
Les nouvelles du drame paraissent le lendemain à la une du journal local La Sarthe du Soir: "Horrible forfait. Mme Lancelin et sa fille Geneviève assassinées par leurs bonnes". Les Lancelin étaient connus dans la ville du Mans. M. Lancelin était ancien avocat respecté dans la région de la Sarthe. A l'enterrement de Mme et Mlle Lancelin un détachement du 117e d'Infanterie était présent pour accompagner le cortège. En revanche, les deux bonnes étaient peu connues dans la rue Bruyère et ses environs. Selon le rapport du commissaire central les sœurs n'adressaient jamais la parole à aucun voisin, pas même aux domestiques des maisons voisines. Ceux qui les ont connues les ont considérées, en général, comme travailleuses, honnêtes et sérieuses.
Lire article de l'époque


Le procès
Après quelques mois d'investigation l'instruction a conclu par une inculpation différente pour chaque sœur. Christine a été accusée du double meurtre tandis que Léa a été accusée d'avoir tué, en concert avec sa sœur, Madame Lancelin. En septembre 1933 un jury dans la salle d'Assises du Sarthe a trouvé les deux femmes coupables de l'assassinat de leurs patronnes. Christine Papin a été condamné à "avoir la tête tranchée sur la place du Mans" mais un décret du président Albert Lebrun le 22 janvier 1934 a commué la peine de mort en travaux forcés à perpétuité. Cependant elle a été internée à l'hôpital psychiatrique de Rennes dans les premiers mois de 1934. Elle y est morte le 18 mai 1937 de "cachexie vésanique" sans avoir revu sa sœur. Léa Papin à été condamnée à dix ans de travaux forcés et vingt ans d'interdiction de séjour. Elle a été libérée le 2 février 1943, le jour anniversaire du crime, puis elle a habité avec sa mère à Nantes où elle est morte en 1982.


Article de l'époque (pas très lisible à certain endroit)
Christine Papin Lasartre

http://grands.criminels.free.fr/papin_fichiers/papin_corps.html#article
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptySam 3 Sep 2011 - 22:49

Un excellent article, Scorpionne Christine Papin 348277
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMar 6 Sep 2011 - 17:41

Les sœurs PAPIN

Christine et Léa Papin, très proches depuis que leur mère les a abandonnées, connaissent une enfance difficile. Placée à sept ans dans un orphelinat religieux très strict, Christine quitte à quinze ans ce lieu de servitude pour un autre. Fini les prières aux petites heures du jour, place maintenant au dévouement patronal et aux excès de zèle des bourgeoises. Et son maigre salaire, elle le reverse à sa mère qui réapparaît soudainement dans sa vie. Elle restera seule plusieurs années, attendant que sa sœur cadette, Léa, la rejoigne.

Au départ, les deux sœurs ne travaillent pas au service de la même famille. C'est seulement en 1926 que René Lancelin, un ancien avocat, accepte de les embaucher ensemble. Elles ont de très bons états de service, leurs anciens employeurs les ont toujours considérées comme des servantes travailleuses et honnêtes. Elles deviennent alors inséparables, liées par une relation quasi-fusionnelle. Elles n'ont d'ailleurs aucun contact extérieur. Comme chez la plupart des bourgeois, les deux sœurs connaissent une existence difficile, malgré leur union. Surveillées, souvent réprimandées, elles doivent composer avec une patronne distante, hautaine. Les tâches s'enchainent, du petit jour aux heures tardives de la nuit avec la perpétuelle crainte de casser un objet, dont les dommages seraient retenus sur leur paie.

Or, cet instant tant redouté, Léa Papin le connait un jour de janvier 1933. Accusée d'avoir déréglé le fer électrique, elle est obligée d'aller le faire réparer. Lorsqu’elle présente la note à sa patronne, celle-ci entre dans une grande colère, injurie Léa et lui retient finalement cinq francs sur sa pension.

Léa encaisse sans rien dire, mais le drame est proche. Ce trop plein de tensions va bien ressortir de manière brutale, tragique. Le soir venu, les deux sœurs pestent contre la méchanceté de leur patronne et ce sort misérable qui leur est destiné. Pourtant, les Lancelin ne sont pas plus odieux que les autres. Ce sont des notables, certains privilèges leur paraissent naturels. Au Mans où ils résident, leur réputation à l'égard de leurs domestiques est plutôt louable. Mme Lancelin est d'ailleurs intervenue pour que la mère de ses jeunes servantes ne perçoive plus rien de leur revenu.

2 février 1933. Christine et Léa Papin repassent du linge dans une pièce du premier étage de la maison familiale. Elles sont seules. Madame et sa fille sont sorties. Quant à Monsieur, il est avec des amis. A 17h, un événement anodin, mais capital se produit. Un dérèglement du fer électrique provoque un court-circuit qui fait sauter les plombs et plonge la demeure dans l'obscurité.

Tétanisées par la peur de se faire réprimander, elles vont se coucher sans essayer de rétablir le courant. Quelques instants plus tard, Mme Lancelin et sa fille ouvrent la porte et tentent d'allumer la lumière. Rien. A l'étage, Christine et Léa, surprises par ce retour prématuré, vont commettre l'irréparable
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMar 6 Sep 2011 - 17:42

CHRISTINE ET LEA PAPIN: SOEURS, AMANTES ET MEURTRIERES

Le Matin Dimanche du 25 jnavier 2004, p. 26
SANGUINAIRES Dans les années 1930, deux femmes à demi folles ont commis des meurtres incompréhensibles et inspireront Jean-Paul Sartre et Jean Genet



« Accusées, levez-vous !» Un vent glacial balaie le plancher de la Cour d'assises de la Sarthe ce 29 septembre 1933: l'hiver au Mans est précoce. Deux jeunes femmes brunes et timides sont à la barre: Christine et Léa Papin.

Quelques mois plus tôt, le 2 décembre 1932, au premier étage d'une maison bourgeoise de la rue Bruyère. L'agent de police Dezalée découvre le cadavre atrocement mutilé de la maîtresse de maison, Mme Lancelin, et celui de sa fille. S'approchant de Mme Lancelin, Dezalée voit un visage couvert de sang, dont les yeux semblent fixer le plafond. Les yeux, quels yeux ? Horrifié, il constate qu'ils ont été arrachés: il reste deux orbites noires et béantes. Un peu plus loin, la fille de Mme Lancelin gît sur le ventre, la jupe retroussée jusqu'à la taille: elle a été lacérée de plusieurs dizaines de coups de couteau. Elle aussi n'a plus ses yeux.

Sous les combles, dans la chambre de bonne, la police découvre les deux domestiques des Lancelin, Christine et Léa Papin. Les deux jeunes femmes (28 et 22 ans) sont couchées, nues, dans le même lit, blotties l'une contre l'autre. On les arrête et elles sont bientôt devant la Cour d'assises.

Un public assommé

Le greffier termine la lecture de l'acte d'accusation. Le public est assommé de dégoût et d'incompréhension. Comment deux jeunes femmes ont-elles pu commettre pareil carnage ? Conformément à la loi, le président Beucher procède à l'interrogatoire des accusées.

L'aînée, Christine, n'a pas d'antécédents judiciaires. Après le divorce de ses parents, elle a été élevée à l'orphelinat du Bon-Pasteur et sa sœur à l'asile Saint-Charles. La vie n'a pas été facile. Leur mère a ensuite placé Christine et Léa comme domestiques. Après plusieurs changements, Christine a été engagée chez les Lancelin en tant que cuisinière. Léa trouve dans la même maison une place de femme de chambre.

Silence têtu

Les gages sont chiches, mais honnêtes, permettant même quelques économies. Mme Lancelin, épouse d'un avoué, est certes un peu rigoureuse et vieux jeu, sans plus. L'époux de la victime, malgré sa douleur, dit même de Christine qu'elle était travailleuse et irréprochable. Jusqu'au drame.

Le président à Christine Papin:

– Aviez-vous des griefs à formuler contre cette famille ? Aviez-vous des raisons de vous venger d'elle ?
Christine se tait et reste impassible. Elle ne répond rien. On répète la question. Christine s'obstine dans son silence.

– Puisque vous ne parlez pas, reprend le président Beucher, je vais vous dire ce que vous auriez pu leur reprocher. Vos maîtres étaient distants. Ils avaient les mœurs d'une certaine vieille bourgeoisie, sans comprendre que les temps ont changé. Mais il faut ajouter que vous étiez vous-même peu communicative ! Christine Papin, l'heure est venue de vous expliquer, de dire ce que vous pouviez reprocher à vos victimes ...

Silence.

Christine Papin a tué sans raison ! La réponse étonne autant le président que les jurés, pour qui cette femme énigmatique ne peut avoir agi sans mobile. Pourtant, Christine ne refuse pas de décrire le déroulement de son crime. Ce jour-là, Mme Lancelin l'a réprimandée. Sans raison précise, Christine se serait emparée d'un pichet d'étain pour fracasser le crâne de sa patronne.

– Mademoiselle est arrivée au secours de sa mère. Je me suis jetée sur elle et, avec les doigts, je lui ai fait sauter les yeux, ajoute-t-elle d'un ton morne et détaché.

A ce moment-là, Léa, la cadette, arrive. C'est elle qui arrache les yeux de Mme Lancelin quand la malheureuse essaie de se relever. C'est encore Léa qui va chercher le couteau à la cuisine et mutile affreusement les corps inanimés des victimes. Pour le Dr Chartier, médecin légiste, Mlle Lancelin était déjà morte. Léa ne répond donc « que » de l'assassinat de la mère. Elle est à peine plus loquace que Christine.

– Avec quoi avez-vous arraché les yeux ? – Avec mes doigts.

– Avez-vous des regrets à manifester, des explications à fournir ?

Silence.

Parmi les témoins, même à l'époque, on attend bien sûr les psychiatres. Il y en a deux.

Des femmes folles

Le Dr Schwarzimmer est catégorique: même si les assassinats donnent une impression de démence, il n'y a ni manifestation délirante, ni débilité, ni signe d'épilepsie: rien ne laisse supposer des actes de folie. Les sœurs Papin sont « saines d'esprit ». Certes, elles ont un grand-père épileptique, un cousin germain mort il y a peu dans un asile de fous, un oncle neurasthénique qui s'est pendu ; certes, leur mère, avant de sombrer dans un mysticisme hystérique, a abandonné ses filles, et leur père, alcoolique, s'est entiché de sa fille aînée, leur sœur, Emilia, qui fut sa maîtresse incestueuse pendant onze ans avant d'entrer dans les ordres. Certes, elles ont grandi dans la sombre austérité d'institutions religieuses, victimes de Dieu sait quoi, mais ces détails ne modifient en rien les certitudes et le catégorique diagnostic du bon Dr Schwarzimmer !

Plus nuancé, son confrère Logre – quel nom pour un expert judiciaire ... – décrit avec tact, en plus du reste, l'homosexualité des deux sœurs: caresses et baisers de Christine à Léa, quand elles partageaient la même cellule, puis cris enragés de Christine quand les gardiennes les ont séparées. « Rendez-moi mon mari !» hurlait Christine.

Nous sommes en 1933 et le scandale est total dans la salle de la Cour d'assises. De telles perversions, totalement inacceptables pour la morale bourgeoise bien pensante, privent les jurés du peu de pitié que pourrait susciter la triste vie des sœurs Papin. Pour la défense toutefois, l'homosexualité et la folie morbide sont deux aspects d'une même pathologie. Me Chautemps réclame un complément d'enquête pour établir un diagnostic plus complet sur l'état mental des accusées.

Hésitations dans la salle. L'avocat général s'y oppose. Le président tergiverse, puis suspend l'audience et fait plaider.

A 9 heures du soir, lorsque l'audience reprend, l'avocat général Riegert prononce son réquisitoire. Christine et Léa sont des colériques violentes et brutales, mais non des folles. Elles ne méritent aucune clémence car elles ont tué de sangfroid. Il réclame la mort pour Christine, le bagne à perpétuité pour Léa.

Christine a une avocate – ce qui est rare à l'époque – Me Germaine Briere, qui se lève pour plaider:

– Dès que j'ai vu les sœurs Papin en prison, commence-t-elle, j'ai su que je me trouvais en face de deux déséquilibrées.

Et s'adressant aux jurés:

– Je ne peux pas croire que vous allez condamner des malades ! La défense est loyale, elle ne réclame pas l'acquittement, elle ne vous demande rien qu'une nouvelle expertise. Une expertise qui révélera peut-être la grande suggestibilité de Léa et l'empire que Christine avait sur elle.

Me Chautemps prend la parole pour Léa. Sans faire dans la nuance, il demande non seulement un nouvel examen mental, mais aussi l'acquittement de sa cliente pour irresponsabilité. La salle gronde.

Après quarante minutes de délibérations, à 1 h 25 du matin, Christine est condamnée à mort et Léa à dix ans de travaux forcés, avec en plus vingt ans d'interdiction de séjour, ce qu'on appelait « la trique » dans l'argot de l'époque.

Le procès n'a duré qu'un jour et personne n'a percé le mystère des sœurs Papin. Pourquoi ces meurtres ? Pourquoi l'horrible énucléation des victimes ? Pour quoi la marée de coups de couteau ? Quel spectacle interdit avait surpris Mme Lancelin pour qu'on lui arrache les yeux ?

Leur secret jusqu'au bout

Christine et Léa garderont leur secret. Christine échappera à l'échafaud car c'est une femme, et l'égalité a ses limites ... Elle mourra en 1936 à l'asile psychiatrique de Rennes. Léa, pour bonne conduite, aura une remise de peine en 1941. Elle retournera vivre avec sa mère les années qui lui restent.

Christine et Léa ont inspiré bien des écrivains: Jean-Paul Sartre dans « Le mur », qu'il publie en 1939 ; sa compagne, Simone de Beauvoir, pour « La force de l'âge » (1960), mais aussi Jean Genet (« Les bonnes »), un plaidoyer en faveur des domestiques publié en 1947, qui montre sa fascination pour le mal et la culpabilité. On peut y ajouter Papakatis (« Les abysses »), Louis le Guillant, etc.

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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyDim 11 Sep 2011 - 23:07

* Le double assassinat du 2 février 1933 rencontre un écho considérable dans la France entière.
Les chroniqueurs y vont de leurs commentaires et s'opposent sur l'interprétation des faits. D'emblée, plusieurs thèses s'opposent.
S'agit-il d'un crime provoqué par un dérèglement mental ou est-ce le crime de la lutte des classes, lié à la haine sociale? Crime social ou crime de folles?
André Salmon pour Le Petit Parisien et les plumes anonymes de L'Humanité font des sœurs Papin les victimes de l'oppression sociale. Salmon écrit: "Les soeurs Papin? Deux orphelines tirées de l'orphelinat par une dame et sa fille faisant des deux orphelines des bonnes à tout faire. Les orphelines? Complètement abruties par leurs longues années d'orphelinat. Les patronnes, mère et fille, deux garces autoritaires, exigeantes, méchantes. Aucun jour de sortie pour les deux orphelines accablées de tâches sordides. Un soir, comme ces dames revenaient de la promenade, les deux orphelines leur sautèrent sur le poil et leur firent la peau."
D'autres au contraire prennent fait et cause pour les Lancelin. Il faut dire que l'assassinat suscite une peur panique dans de nombreuses familles bourgeoises employant des domestiques. D'aucuns redoutent que les Papin ne fassent des émules.


* La sauvagerie du double assassinat déconcerte particulièrement.
"Christine a arraché les yeux de sa patronne de la même manière qu'elle le faisait aux lapins qu'elle préparait pour le repas", commente un journaliste.
A partir des déclarations des Papin et des constatations faites sur les lieux, on peut se faire une idée du déroulement du massacre qui aurait duré une vingtaine de minutes.
L'élément déclencheur de la tuerie reste obscure. Les sœurs avancent dans un premier temps qu'elles ont été menacées par les patronnes. Mme Lancelin se serait montrée très agressive envers Christine venue lui faire part d'un dysfonctionnement du fer à repasser électrique, à l'origine d'une coupure d'électricité. Agressées, les deux bonnes n'auraient donc fait que se défendre. Or, le rapport médical révèle que les victimes ont été attaquées par surprise.
Finalement, le 12 juillet, les soeurs passent aux aveux: "Ma soeur était énervée par le détraquement du fer et c'est ainsi qu'elle est entrée en fureur. Je ne l'avais jamais vue dans cet état-là et j'ai cru tout d'abord qu'elle avait été attaquée. Elle m'a expliqué ensuite que c'était parce qu'elle était en colère qu'elle s'était jetée sur Mme Lancelin", révèle Léa.
Tout semble en tout cas s'être déroulé très vite puisque le cadavre de Mme Lancelin arbore encore gants et manteau.
Le pot d'étain, les couteaux, le marteau utilisés par les soeurs réduisent les crânes des victimes en bouillies rendant leurs visages méconnaissables. Les Papin déchirent les sous-vêtements de ces dames, mettent leurs sexes à nu et tailladent les fesses de Mlle. Le légiste en charge des constatations évoque "un raffinement de cruauté". Pour autant, les Papin affirment ne pas avoir prémédité leur crime. "(...) je n'avais pas de haine envers elles, mais j'admets pas le geste qu'a eu ce soir Mme Lancelin à mon égard, clame Christine."


* La question de la responsabilité.
La culpabilité des sœurs ne fait aucun doute dans ce "drame [où] tout ensemble si simple et si ténébreux" (cf: les frères Tharaud). La question de leur responsabilité se trouve en revanche au coeur des débats et déclenche la "bataille des aliénistes".
Trois experts psychiatres commis par le juge d'instruction observent les deux soeurs afin de déterminer si elles n'ont pas été victimes d'une crise de folie hystérique ou de folie épileptique. Tous concluent à la responsabilité des soeurs, jugées saines d'esprit, qui auraient agi sous l'emprise d'une "colère noire".
Le procès s'ouvre donc au Mans en septembre 1934. Les audiences d'une rare banalité, laissent les observateurs sur leur faim.
Alors que les experts psychiatriques maintiennent leurs conclusions, le docteur Logre, médecin de la Préfecture de Police de Paris et expert psychiatre renommé, réclame au contraire un nouvel examen mental, plus approfondi, des prévenues. En vain. Il soutient la théorie du "troisième personnage" formé par l'entité des deux sœurs Papin, le véritable meurtrier d'après lui. Le journaliste Martin-Chauffier explique: "On imagine combien, chacun ressentant plus vivement encore que les siennes les humiliations de sa sœur, devaient se multiplier en se réfléchissant les rancunes de ce couple qui, en quelque sorte, constituait un troisième et monstrueux personnage. "
Logre réfute ainsi l'affirmation de ses confrères qui martèlent l'impossibilité que les deux soeurs aient sombré au même moment dans la folie. Pour ces derniers, les Papin entrent dans une colère noire et se vengent de leur patronne dont elles estiment qu'elle les persécute. La violence extrême du crime (l'énucléation, les blessures de nature sexuelle) démontre au contraire selon Logre qu'il y a bien maladie mentale, "délire partagé" des deux bonnes. Dans ce cas l’article 64 du Code pénal de 1810 pourraient jouer, car “il n’y a ni crime ni délit lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits”.
A la fin de l'année 1933, le jeune psychanalyste Jacques Lacan publie un article dans la revue surréaliste Le Minotaure. L'affaire confirme selon lui sa thèse sur la psychose paranoïaque. Lacan évoque l' "homosexualité inconsciente" des soeurs et le sentiment de faute qui lui serait lié. Les Papin se considèrent persécutées et dirigent leurs pulsions agressives contre le supposé persécuteur.
Le psychanalyste insiste sur l'isolement de soeurs vivant en vase clos une relation fusionnelle. "Vraies âmes siamoises, elles forment un monde à jamais clos [...]. Avec les seuls moyens de leur îlot, elles doivent résoudre leur énigme, l’énigme humaine du sexe." » La question de la sexualité s'avère donc centrale d'après Lacan dans ce double homicide.

Le 9 février 1933 Détective titre sur les soeurs Papin: "Deux anges? Non, deux monstres qui, au Mans, arrachèrent les yeux de leurs patronnes. Orbites vides, crânes défoncés, mais vivantes encore, les victimes moururent après une atroce agonie."


* Un procès bâclé.
Or, le caractère sadique et sexuel des blessures infligées aux victimes n'est pas abordé lors du procès. Les experts psychiatres n'en disent mot. Certes, le président interroge les deux soeurs sur leur relation. S'agit-il d'une amitié fraternelle poussée ou de rapports incestueux? Christine repousse cette dernière hypothèse et la cour se contente de sa réponse laconique.
De leur côté, Pierre Chautemps et Germaine Brière, les deux défenseurs des Papin, insistent sur les défaillances de l'expertise. Ils réclament à leur tour un examen approfondi de l'état mental des accusées, revenant en particulier sur la violente crise de nerf de Christine en juillet 1934 dans la prison du Mans. Sa conduite nécessite alors son placement en camisole. Mais pour l'accusation, il ne s'agit que de simulation.
Aussi, en dépit de l'atrocité du crime, de l'absence de mobile apparent, et alors même que les audiences mettent en évidence l'amateurisme de la police et les insuffisances de l'instruction, le procès est bâclé en deux jours.


* Le verdict.
Le 30 septembre, après quarante minutes de délibérations, le "jury de campagne" ("les douze potirons" pour leurs détracteurs) condamne Christine à la peine de mort, Léa à la peine de dix ans de travaux forcés et vingt ans d'interdiction de séjour dans la ville du Mans. Leur pourvoi en cassation est rejeté. Le 22 janvier 1934, le Président Lebrun commue la peine de mort prononcée en travaux forcés à perpétuité.
Aussitôt, L'oeuvre ou L'Humanité s'insurgent contre ce verdict et prennent position en faveur de la condition ancillaire. Sous le titre "Sept années d'esclavage", le quotidien communiste note: "Ce procès ne devrait pas être celui des soeurs Papin toutes seules, mais aussi celui de la sacro-sainte famille bourgeoise au sein de laquelle se développent et fleurissent, quand ce n'est pas les pires turpitudes, la méchanceté et le mépris pour ceux qui gagnent leur vie à la servir."
De la même manière, en 1960, dans la Force de l'âge, Simone de Beauvoir remet en cause le jugement prononcé en 1933: "[...] Il fallait en rendre responsable l'orphelinat de leur enfance, leur sevrage, tout cet affreux système à fabriquer des fous, des assassins, des monstres qu'ont agencés les gens de bien. L'horreur de cette machine broyeuse ne pouvait être équitablement dénoncée que par une horreur exemplaire: les deux soeurs s'étaient faites les instruments et les martyrs d'une sombre justice."


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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyJeu 27 Oct 2011 - 10:01

Un crime paranoïaque !

Le crime des deux sœurs Papin bouleverse l’opinion publique en France.

"Crime paranoïaque", monstrueux passage à l’acte, l’assassinat par leurs deux servantes, les sœurs Papin, de la femme d’un avoué du Mans et de sa fille, au soir du 2 février 1933, provoqua une grande émotion dans la presse, chez les magistrats et les psychiatres, ainsi que dans le monde littéraire.

Jérôme et Jean Tharaud suivirent le procès des deux meurtrières comme "envoyé spécial" de Paris-Soir . Les surréalistes, notamment Paul Eluard, Benjamin Péret et Man Ray, se montrèrent bien vite fascinés par le couple étrange que formaient Christine et Léa Papin — âgées lors du drame de vingt-sept et vingt et un ans — et " qu’une fureur paroxystique jaillie de l’inconscient " avait fait passer d’une quotidienneté fruste et quasi mutique à l’orgie sanglante.

Les fantasmes de ce duo fusionnel semblent avoir inspiré Jean Genet quand, plus tard, il composa sa pièce de théâtre intitulée " Les Bonnes " (1947). Mais, quelques semaines seulement après le procès qui condamna Christine à avoir la tête tranchée sur la place du Mans, Jacques Lacan, alors jeune psychanalyste, avait consacré à ce cas, dans " Le Minotaure " (déc. 1933), un article où il commence par décrire la soudaine folie des deux domestiques et son effroyable scénario : "Chacune s’empare d’une adversaire, lui arrache vivante les yeux des orbites, fait inouï, a-t-on dit, dans les annales du crime, et l’assomme. Puis, à l’aide de ce qui se trouve à leur portée, marteau, pichet d’étain, couteau de cuisine, elles s’acharnent sur les corps de leurs victimes, leur écrasent la face et, dévoilant leur sexe, tailladent profondément les cuisses et les fesses de l’une, pour souiller de ce sang celles de l’autre. Elles lavent ensuite les instruments de ces rites atroces, se purifient elles-mêmes, et se couchent dans le même lit."

Tout au long de l’enquête puis du procès, gendarmes, juges et avocats s’interrogèrent en vain sur les motifs d’un tel crime — les deux femmes étant incapables d’en indiquer un seul qui fût compréhensible — et les jurés ne purent que condamner celles-ci pour l’horreur de leur acte. Les psychiatres, à commencer par le docteur Logre commis alors près le tribunal, puis Lacan lui-même et beaucoup d’autres, sont parvenus, à partir des antécédents des meurtrières et de leurs comportements en prison, à retrouver dans ce cas clinique les traits d’une anomalie mentale connue depuis longtemps sous le nom de " folie à deux". Logre voit dans le duo des sœurs Papin un "couple psychologique" tel qu’à examiner leurs dépositions après l’assassinat "on croit lire double". Et Lacan ajoute : "Vraies âmes siamoises, elles forment un monde à jamais clos [...]. Avec les seuls moyens de leur îlot, elles doivent résoudre leur énigme, l’énigme humaine du sexe." Car cette cohabitation exclusive et passionnelle, dont la pathologie culmine avec le "rapprochement peureux " de Christine et Léa dans le même lit après le crime, repose à la fois sur une homosexualité larvée et sur un intense besoin d’auto-punition.

Certes, ce type de folie à deux, qui est aussi un "mal d’être deux", peut se décrire comme un mécanisme où un sujet délirant actif exerce un pouvoir suggestif sur un sujet passif, en tout cas plus faible (le lien entre Christine et Léa, en effet, n’a jamais cessé d’être dissymétrique, la cadette se bornant à suivre sans discuter les consignes délirantes de l’aînée).

Mais une telle relation entre deux femmes ne peut vraiment être comprise qu’au niveau même de l’homosexualité et de la culpabilité. Et, par là, elle appartient au champ paranoïaque des psychoses comme le narcissisme mortifère, le sado-masochisme, et l’épuisant sentiment d’envie et de pulsions d’agressivité ou de persécution qui, dans leur efficacité meurtrière, ne cessent de défier les exigences punitives de la société.


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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyJeu 27 Oct 2011 - 10:11

Paru dans Le Minotaure, n° 3/4 – 1933-34, avec la mention : « Au docteur Georges Dumas, en respectueuse amitié », puis, dans Obliques, 1972, n° 2, pp. 100-103. Sera repris à la suite de la thèse : De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, Seuil, coll. « Le champ freudien », 1975, pp. 25-28.


(25)On se souvient des circonstances horribles du massacre du Mans et de l’émotion que provoqua dans la conscience du public le mystère des motifs des deux meurtrières, les sœurs Christine et Léa Papin. À cette inquiétude, à cet intérêt, une information très ample des faits répondit dans la presse, et par l’organe des esprits les plus avertis du journalisme. Nous ne ferons donc que résumer les faits du crime.



Les deux sœurs, 28 et 21 ans, sont depuis plusieurs années les servantes d’honorables bourgeois de la petite ville provinciale, un avoué, sa femme et sa fille. Servantes modèles, a-t-on dit, enviées au ménage ; servantes-mystère aussi, car, si l’on a remarqué que les maîtres semblent avoir étrangement manqué de sympathie humaine, rien ne nous permet de dire que l’indifférence hautaine des domestiques n’ait fait que répondre à cette attitude ; d’un groupe à l’autre « on ne se parlait pas ». Ce silence pourtant ne pouvait être vide, même s’il était obscur aux yeux des acteurs.



Un soir, le 2 février, cette obscurité se matérialise par le fait d’une banale panne de l’éclairage électrique. C’est une maladresse des sœurs qui l’a provoquée, et les patronnes absentes ont déjà montré lors de moindres propos des humeurs vives. Qu’ont manifesté la mère et la fille, lorsqu’à leur retour elles ont découvert le mince désastre ? Les dires de Christine ont varié sur ce point. Quoiqu’il en soit, le drame se déclenche très vite, et sur la forme de l’attaque il est difficile d’admettre une autre version que celle qu’ont donnée les sœurs, à savoir qu’elle fut soudaine, simultanée, portée d’emblée au paroxysme de la fureur : chacune s’empare d’une adversaire, lui arrache vivante les yeux des orbites, fait inouï, a-t-on dit, dans les annales du crime, et l’assomme. Puis, à l’aide de ce qui se trouve à leur portée, marteau, pichet d’étain, couteau de cuisine, elles s’acharnent sur les corps de leurs victimes, leur écrasent la face, et, dévoilant leur sexe, tailladent profondément les cuisses et les fesses de l’une, pour souiller de ce sang celles de l’autre. Elles lavent ensuite les instruments de ces rites atroces, se purifient elles-mêmes et se couchent dans le même lit. « En voilà du propre ! » Telle est la formule qu’elles échangent et qui semble donner le ton du dégrisement, vidé de toute émotion, qui succède chez elles à l’orgie sanglante.

Au juge, elles ne donneront de leur acte aucun motif compréhensible, aucune haine, aucun grief contre leurs victimes ; leur seul souci paraîtra de partager entièrement la responsabilité du crime. À trois médecins experts, elles apparaîtront sans aucun signe de délire, ni de démence, sans aucun trouble actuel psychique ni physique, et force leur sera d’enregistrer ce fait.

Dans les antécédents du crime, des données trop imprécises, semble-t-il, pour qu’on puisse en tenir compte : une démarche embrouillée des sœurs auprès du maire pour obtenir l’émancipation de la plus jeune, un secrétaire général qui les a trouvées « piquées », un commissaire central qui témoigne les (26)avoir tenues pour « persécutées ». Il y a aussi l’attachement singulier qui les unissait, leur immunité à tout autre intérêt, les jours de congé qu’elles passent ensemble et dans leur chambre. Mais s’est-on inquiété jusque-là de ces étrangetés ? On omet encore un père alcoolique, brutal, qui, dit-on, a violé une de ses filles et le précoce abandon de leur éducation.

Ce n’est qu’après cinq mois de prison que Christine, isolée de sa sœur, présente une crise d’agitation très violente avec hallucinations terrifiantes. Au cours d’une autre crise elle tente de s’arracher les yeux, certes en vain, mais non sans se léser. L’agitation furieuse nécessite cette fois l’application de la camisole de force ; elle se livre à des exhibitions érotiques, puis apparaissent des symptômes de mélancolie : dépression, refus d’aliments, auto-accusation, actes expiatoires d’un caractère répugnant ; dans la suite à plusieurs reprises, elle tient des propos à signification délirante. Disons que la déclaration de Christine d’avoir simulé tel de ces états ne peut aucunement être tenue pour la clef réelle de leur nature : le sentiment de jeu y est fréquemment éprouvé par le sujet, sans que son comportement en soit moins typiquement morbide.

Le 30 septembre les sœurs sont condamnées par le jury. Christine, entendant qu’elle aura la tête tranchée sur la place du Mans, reçoit cette nouvelle à genoux.

Cependant les caractères du crime, les troubles de Christine dans la prison, les étrangetés de la vie des sœurs avaient convaincu la majorité des psychiatres de l’irresponsabilité des meurtrières.

Devant le refus d’une contre-expertise, le Dr Logre dont on connaît la personnalité hautement qualifiée, crut pouvoir témoigner à la barre pour leur défense. Fût-ce la règle de rigueur inhérente au clinicien magistral ou la prudence imposée par des circonstances qui le mettaient en posture d’avocat ? Le Dr Logre avança non pas une, mais plusieurs hypothèses sur l’anomalie mentale présumée des sœurs : idées de persécution, perversion sexuelle, épilepsie ou hystéro-épilepsie. Si nous croyons pouvoir formuler une solution plus univoque du problème, nous voulons d’abord en rendre hommage à son autorité, non seulement parce qu’elle nous couvre du reproche de porter un diagnostic sans avoir examiné nous-même les malades, mais parce qu’elle a sanctionné de formules particulièrement heureuses certains faits très délicats à isoler et pourtant, nous allons le voir, essentiels à la démonstration de notre thèse.

Il est une entité morbide, la paranoïa, qui malgré les fortunes diverses qu’elle a subies avec l’évolution de la psychiatrie, répond en gros aux traits classiques suivants : a) un délire intellectuel qui varie ses thèmes des idées de grandeur aux idées de persécution ; b) des réactions agressives très fréquemment meurtrières ; c) une évolution chronique.

Deux conceptions s’opposaient jusqu’ici sur la structure de cette psychose : l’une la tient pour le développement d’une « constitution » morbide, c’est-à-dire d’un vice congénital du caractère ; l’autre en désigne les phénomènes élémentaires dans des troubles momentanés de la perception, qu’on qualifie d’interprétatifs à cause de leur analogie apparente avec l’interprétation normale ; le délire est ici considéré comme un effort rationnel du sujet pour expliquer ces expériences, et l’acte criminel comme une réaction passionnelle dont les motifs sont donnés par la conviction délirante.

Bien que les phénomènes dits élémentaires aient une existence beaucoup plus certaine que la constitution prétendue paranoïaque, on voit facilement l’insuffisance de ces deux conceptions, et nous avons tenté d’en fonder une nouvelle sur une observation plus conforme au comportement du malade.

Nous avons reconnu ainsi comme primordiale, tant dans les éléments que dans l’ensemble du délire et dans ses réactions, l’influence des relations sociales incidentes à chacun de ces trois ordres de phénomènes, et nous avons admis comme explicative des faits de la psychose la notion dynamique des tensions sociales, dont l’état d’équilibre ou de rupture définit normalement dans l’individu la personnalité.

La pulsion agressive, qui se résout dans le meurtre, apparaît ainsi comme l’affection qui sert de base à la psychose. On peut la dire inconsciente, ce qui signifie que le contenu intentionnel qui la traduit dans la conscience ne peut se manifester sans un compromis avec les exigences sociales intégrées par le sujet, c’est-à-dire sans un camouflage de motifs qui est précisément tout le délire.

Mais cette pulsion est empreinte en elle-même de relativité sociale : elle a toujours l’intentionnalité d’un crime, presque constamment celle d’une vengeance, souvent le sens d’une punition, c’est-à-dire d’une sanction issue des idéaux sociaux, parfois enfin elle s’identifie à l’acte achevé de la moralité, elle a la portée d’une expiation (auto-punition). Les caractères objectifs du meurtre, son électivité quant à la victime, son efficacité meurtrière, ses modes de déclenchement et d’exécution varient de façon continue avec ces degrés de la signification humaine de la pulsion fondamentale. Ce sont ces mêmes degrés qui commandent la réaction de la société à l’égard du crime paranoïaque, réaction ambivalente, à double forme, qui fait la contagion émotionnelle de ce crime et les exigences punitives de l’opinion.

Tel est ce crime des sœurs Papin, par l’émotion qu’il soulève et qui dépasse son horreur, par sa valeur d’image atroce, mais symbolique jusqu’en ses plus hideux détails : les métaphores les plus usées de la haine : « Je lui arracherais les yeux », reçoivent leur exécution littérale. La conscience populaire révèle le sens qu’elle donne à cette haine appliquant ici le maximum de la peine, comme la loi antique au crime des esclaves. Peut-être nous le verrons, se trompe-t-elle ainsi sur le sens réel de (27)l’acte. Mais observons à l’usage de ceux qu’effraie la voie psychologique où nous engageons l’étude de la responsabilité, que l’adage « comprendre c’est pardonner » est soumis aux limites de chaque communauté humaine et que, hors de ces limites, comprendre (ou croire comprendre), c’est condamner.

Le contenu intellectuel du délire nous apparaît, nous l’avons dit, comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement : dans le cas princeps du type particulier de paranoïa que nous avons décrit (le cas Aimée), le délire s’évanouit avec la réalisation des buts de l’acte. Nous ne nous étonnerons pas qu’il en ait été de même pendant les premiers mois qui ont suivi le crime des sœurs. Les défauts corrélatifs des descriptions et des explications classiques ont longtemps fait méconnaître l’existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu’il n’y a que constance de structure : cette conception induit les experts à des conclusions erronées, et explique leur embarras en présence de nombreux crimes paranoïaques, où leur sentiment de la réalité se fait jour malgré leurs doctrines, mais n’engendre chez eux que l’incertitude.

Chez les sœurs Papin, nous devons tenir la seule trace d’une formulation d’idées délirantes antérieure au crime pour un complément du tableau clinique : or l’on sait qu’on la trouve, dans le témoignage du commissaire central de la ville principalement. Son imprécision ne saurait aucunement le faire rejeter : tout psychiatre connaît l’ambiance très spéciale qu’évoque très souvent on ne sait quelle stéréotypie des propos de ces malades, avant même qu’ils s’explicitent en formules délirantes. Que quelqu’un ait seulement une fois expérimenté cette impression, et l’on ne saurait tenir pour négligeable le fait qu’il la reconnaisse. Or les fonctions de triage des centres de la police donnent l’habitude de cette expérience.

Dans la prison, plusieurs thèmes délirants s’expriment chez Christine. Nous qualifions ainsi non seulement des symptômes typiques du délire, tel que celui de la méconnaissance systématique de la réalité (Christine demande comment se portent ses deux victimes et déclare qu’elle les croit revenues dans un autre corps), mais aussi les croyances plus ambiguës qui se traduisent dans des propos comme celui-ci : « Je crois bien que dans une autre vie je devais être le mari de ma sœur ». On peut en effet reconnaître en ces propos des contenus très typiques de délires classés. Il est en outre constant de rencontrer une certaine ambivalence dans toute croyance délirante, depuis les formes les plus tranquillement affirmatives des délires fantastiques (où le sujet reconnaît pourtant une « double réalité ») jusqu’aux formes interrogatives des délires dits de supposition (où toute affirmation de la réalité lui est suspecte).

L’analyse, dans notre cas, de ces contenus et de ces formes nous permettrait de préciser la place des deux sœurs dans la classification naturelle des délires. Elles ne se rangeraient pas dans cette forme très limitée de paranoïa que, par la voie de telles corrélations formelles, nous avons isolée dans notre travail. Probablement même sortiraient-elles des cadres génériques de la paranoïa pour entrer dans celui des paraphrénies, que le génie de Kraepelin isola comme des formes immédiatement contiguës. Cette précision du diagnostic, dans l’état chaotique de notre information, serait pourtant très précaire. Au reste elle serait peu utile à notre étude des motifs du crime, puisque, nous l’avons indiqué dans notre travail, les formes de paranoïa et les formes délirantes voisines restent unies par une communauté de structure qui justifie l’application des mêmes méthodes d’analyse.

Ce qui est certain, c’est que les formes de la psychose sont chez les deux sœurs sinon identiques, du moins étroitement corrélatives. On a entendu au cours des débats l’affirmation étonnante qu’il était impossible que deux êtres fussent frappés ensemble de la même folie, ou plutôt la révélassent simultanément. C’est une affirmation complètement fausses. Les délires à deux sont parmi les formes les plus anciennement reconnues des psychoses. Les observations montrent qu’ils se produisent électivement entre proches parents, père et fils, mère et fille, frères ou sœurs. Disons que leur mécanisme relève dans certains cas de la suggestion contingente exercée par un sujet délirant actif sur un sujet débile passif. Nous allons voir que notre conception de la paranoïa en donne une notion toute différente et explique de façon plus satisfaisante le parallélisme criminel des deux sœurs.

La pulsion meurtrière que nous concevons comme la base de la paranoïa ne serait en effet qu’une abstraction peu satisfaisante, si elle ne se trouvait contrôlée par une série d’anomalies corrélatives des instincts socialisés, et si l’état actuel de nos connaissances sur l’évolution de la personnalité ne nous permettait de considérer ces anomalies pulsionnelles comme contemporaines dans leur genèse. Homosexualité, perversion sado-masochiste, telles sont les troubles instinctifs dont seuls les psychanalystes avaient su dans ces cas déceler l’existence et dont nous avons tenté de montrer dans notre travail la signification génétique. Il faut avouer que les sœurs paraissent apporter à ces corrélations une confirmation qu’on pourrait dire grossière : le sadisme est évident dans les manœuvres exécutées sur les victimes, et quelle signification ne prennent pas, à la lumière de ces données, l’affection exclusive des deux sœurs, le mystère de leur vie, les étrangetés de leur cohabitation, leur rapprochement peureux dans un même lit après le crime ?

Notre expérience précise de ces malades nous fait hésiter pourtant devant l’affirmation, que d’aucuns franchissent, de la réalité de relations sexuelles entre les sœurs. C’est pourquoi nous sommes reconnaissants au Dr Logre de la subtilité du terme (28)de « couple psychologique », où l’on mesure sa réserve en ce problème, Les psychanalystes eux-mêmes,. quand ils font dériver la paranoïa de l’homosexualité, qualifient cette homosexualité d’inconsciente, de « larvée ». Cette tendance homosexuelle ne s’exprimerait que par une négation éperdue d’elle-même, qui fonderait la conviction d’être persécuté et désignerait l’être aimé dans le persécuteur. Mais qu’est cette tendance singulière, qui, si proche ainsi de sa révélation la plus évidente, en resterait toujours séparée par un obstacle singulièrement transparent ?

Freud dans un article admirable, sans nous donner la clef de ce paradoxe, nous fournit tous les éléments pour la trouver. Il nous montre en effet que, lorsqu’aux premiers stades maintenant reconnus de la sexualité infantile s’opère la réduction forcée de l’hostilité primitive entre les frères, une anormale inversion peut se produire de cette hostilité en désir, et que ce mécanisme engendre un type spécial d’homosexuels chez qui prédominent les instincts et activités sociales. En fait ce mécanisme est constant : cette fixation amoureuse est la condition primordiale de la première intégration aux tendances instinctives de ce que nous appelons les tensions sociales. Intégration douloureuse, où déjà se marquent les premières exigences sacrificielles que la société ne cessera plus jamais d’exercer sur ses membres : tel est son lien avec cette intentionnalité personnelle de la souffrance infligée, qui constitue le sadisme. Cette intégration se fait cependant selon la loi de moindre résistance par une fixation affective très proche encore du moi solipsiste, fixation qui mérite d’être dite narcissique et où l’objet choisi est le plus semblable au sujet : telle est la raison de son caractère homosexuel. Mais cette fixation devra être dépassée pour aboutir à une moralité socialement efficace. Les belles études de Piaget nous ont montré le progrès qui s’effectue depuis l’égocentrisme naïf des premières participations aux règles du jeu moral jusqu’à l’objectivité coopératrice d’une conscience idéalement achevée.

Chez nos malades cette évolution ne dépasse pas son premier stade, et les causes d’un tel arrêt peuvent être d’origines très différentes, les unes organiques (tares héréditaires), les autres psychologiques : la psychanalyse a révélé parmi celles-ci l’importance de l’inceste infantile. On sait que son acte semble n’avoir pas été absent de la vie des sœurs.

À vrai dire, bien avant que nous ayons fait ces rapprochements théoriques, l’observation prolongée de cas multiples de paranoïa, avec le complément de minutieuses enquêtes sociales, nous avait conduit à considérer la structure des paranoïa et des délires voisins comme entièrement dominée par le sort de ce complexe fraternel. L’instance majeure en est éclatante dans les observations que nous avons publiées. L’ambivalence affective envers la sœur aînée dirige tout le comportement auto-punitif de notre « cas Aimée ». Si au cours de son délire Aimée transfère sur plusieurs têtes successives les accusations de sa haine amoureuse, c’est par un effort de se libérer de sa fixation première, mais cet effort est avorté : chacune des persécutrices n’est vraiment rien d’autre qu’une nouvelle image, toujours toute prisonnière du narcissisme, de cette sœur dont notre malade a fait son idéal. Nous comprenons maintenant quel est l’obstacle de verre qui fait qu’elle ne peut jamais savoir, encore qu’elle le crie, que toutes ces persécutrices, elle les aime : elles ne sont que des images.

Le « mal d’être deux » dont souffrent ces malades ne les libère qu’à peine du mal de Narcisse. Passion mortelle et qui finit par se donner la mort. Aimée frappe l’être brillant qu’elle hait justement parce qu’elle représente l’idéal qu’elle a de soi. Ce besoin d’auto-punition, cet énorme sentiment de culpabilité se lit aussi dans les actes des Papin, ne serait-ce que dans l’agenouillement de Christine au dénouement. Mais il semble qu’entre elles les sœurs ne pouvaient même prendre la distance qu’il faut pour se meurtrir. Vraies âmes siamoises, elle forment un monde à jamais clos ; à lire leurs dépositions après le crime, dit le Dr Logre, « on croit lire double ». Avec les seuls moyens de leur îlot, elles doivent résoudre leur énigme, l’énigme humaine du sexe.

Il faut avoir prêté une oreille attentive aux étranges déclarations de tels malades pour savoir les folies que leur conscience enchaînée peut échafauder sur l’énigme du phallus et de la castration féminine. On sait alors reconnaître dans les aveux timides du sujet dit normal les croyances qu’il tait, et qu’il croit taire parce qu’il les juge puériles, alors qu’il les tait parce que sans le savoir il y adhère encore.

Le propos de Christine : « Je crois bien que dans une autre vie je devais être le mari de ma sœur », est reproduit chez nos malades par maints thèmes fantastiques qu’il suffit d’écouter pour obtenir. Quel long chemin de torture elle a dû parcourir avant que l’expérience désespérée du crime la déchire de son autre soi-même, et qu’elle puisse, après sa première crise de délire hallucinatoire, où elle croit voir sa sœur morte, morte sans doute de ce coup, crier, devant le juge qui les confronte, les mots de la passion dessillée : « Oui, dis oui ».

Au soir fatidique, dans l’anxiété d’une punition imminente, les sœurs mêlent à l’image de leurs maîtresses le mirage de leur mal. C’est leur détresse qu’elles détestent dans le couple qu’elles entraînent dans un atroce quadrille. Elles arrachent les yeux, comme châtraient les Bacchantes. La curiosité sacrilège qui fait l’angoisse de l’homme depuis le fonds des âges, c’est elle qui les anime quant elles déchirent leurs victimes, quand elles traquent dans leurs blessures béantes ce que Christine plus tard devant le juge devait appeler dans son innocence « le mystère de la vie ».


∙ Psychanalyse lacanienne
Analyse du crime des sœurs Papin

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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyLun 26 Déc 2011 - 17:37

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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMar 3 Jan 2012 - 21:45

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5693345g/f101.image.r=guillotine.langEN
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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyVen 29 Juin 2012 - 14:35


Jacques Pradel a consacré son émission d’hier au crime épouvantable des sœurs Papin.

Bonne écoute ! queen

http://www.rtl.fr/emission/l-heure-du-crime/ecouter/l-heure-du-crime-du-28-juin-2012-le-crime-des-soeurs-papin-7750124707

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MessageSujet: Rapport médico-légal du Dr L. Chartier    Christine Papin EmptyVen 7 Déc 2012 - 11:25


Le rapport médico-légal du Dr L. Chartier en date du 15 juin 1933 : un document impressionnant qui révèle la barbarie de ce crime épouvantable.
Âmes sensibles, s'abstenir...affraid

Source : Archives départementales de la Sarthe.



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MessageSujet: Les soeurs Papin aux Assises   Christine Papin EmptyMer 27 Fév 2013 - 15:32


Léa et Christine Papin aux Assises

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Zoom sur Christine

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MessageSujet: Re: Christine Papin   Christine Papin EmptyMar 23 Avr 2013 - 14:44

L’arrivée de la police au domicile des Lancelin, rue de la Bruyère au Mans

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Dernière édition par Adelayde le Lun 22 Mai 2017 - 14:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Communiantes   Christine Papin EmptyLun 1 Juil 2013 - 13:49

La communion des sœurs Papin

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Christine


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Léa

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