Le Crime de Corancez - nuit du 21 au 22 avril 1901Édouard Brierre, un encore jeune veuf, laisse sortir sa fille aînée qui tient la maison. Il reste avec ses cinq autres enfants. On les retrouvera tous assassinés et le père blessé ! Il racontera avoir été agressé par des malandrins mais la rumeur pense, elle, qu’il s’est débarrassé de sa quintuple charge familiale pour se remarier plus facilement. Condamné à mort puis gracié, il mourra au bagne.
Gérald Massé retrace le parcours criminel d’Édouard Brierre dans « Les Grandes Affaires Criminelles d'Eure-et-Loir », pages 151 à 171.
http://books.google.fr/books?id=VGoCh-ncRaUC&pg=PA162&lpg=PA162&dq=Edouard+Brierre&source=bl&ots=NCWYai-o-x&sig=e3frvvKf4kgg5h5WphDIl6MVtaQ&hl=fr&ei=kOrDTc7ZA4yz8QOl_-DNAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBkQ6AEwAA#v=onepage&q=Edouard%20Brierre&f=false
La maison de crimeLa maison de crimeLe café Sauger où Brierre passa la nuit du crimeLe crime de CorancezC'était hier jour de marché franc à Chartres. L'épouvantable crime de Corancez faisait naturellement l'objet de toutes les conversations et le parquet était en droit d'espérer recueillir des renseignements nouveaux ; cet espoir s'est trouvé déçu.
Des appréciations, des racontars; mais aucun fait précis n'est parvenu aux magistrats qui après les avoir examinées, ont abandonné tour à tour les pistes signalées ; une entre autres qui semblait offrir une certaine importance, et signalait un individu de mauvaise mine qui, le lundi matin, alors que le quintuple assassinat n'était pas encore signalé, s'était présenté, la figure ensanglantée à la gare de Voves, où il avait demandé un billet pour Orléans.
Le parquet a abandonné les recherches de ce côté comme il a fait remettre hier soir en liberté un pauvre hère, dépenaillé et coiffé d'un béret, arrêté le matin sur la place des Espars et dont les vêtements et les souliers étaient tachés de sang.
Tremblant d'émotion en apprenant les soupçons qui pesaient sur lui, le malheureux a pu à grand peine se tirer d'embarras en démontrant que le sang souillant ses vêtements était la conséquence d'une rixe à laquelle il avait été mêlé dimanche soir et au cours de laquelle il avait été blessé par un agresseur retrouvé sans peine.
Rafles de Chemineaux
Ajoutons que depuis lundi matin des rafles de chemineaux sont opérées dans tout le département. On interroge les individus arrêtés sur l'emploi de leur temps depuis l'après-midi de dimanche dernier, mais de ce côté encore les résultats ont été négatifs.
Les magistrats ont retrouvé un habitant de Theuville, qui, revenant de Vouvergues, dimanche soir, s'était perdu près de Corancez, et avait été pris pour un chemineau. Un cultivateur du village le reconnut et le remit dans la bonne voie.
Un seul témoin mérite d'être entendu par le parquet, bien que ses allégations ne soient pas d'une précision absolue, quant aux heures indiquées. C'est un manouvrier, nommé Charles Thirard, en condition à Chamblé chez Mme veuve Diard. Ayant passé la soirée à Villemans, il se trompa de route et, vers une heure du matin, le hasard l'amenait devant la ferme de Brière. La grande porte était close et on n'entendait aucun bruit.
Peut-être l'enquête pourrait-elle être mené avec plus de célérité et surtout poussée plus à fond sur certains détails auxquels le magistrat instructeur semble ne point attacher d'importance pour le moment du moins.
Les recherches continuent dans la maison du crime où deux gendarmes de la brigade de la Bourdinière fouillent sous la direction du maire, M. Martin, coins et recoins, sans négliger les dépendances de la ferme.
Ils ont constaté que les chaussures de Brière s'adaptent aux traces relevées dans un champ, près de la petite porte du jardin. C'est un détail, mais non une preuve contre l'inculpé.
M. Voisin, procureur de la République, a reçu, dans la matinée, un rapport du commissaire de police de Chartres, relatif à une liaison de Brière avec une dame veuve X. habitant à Morancez.
D'après les on-dit, l'inculpé poursuivait de ses assiduités une jeune fermière de Villemain.
La discrétion affectée de Brière en ses visites chez les témoins en question rend très délicates et très difficiles les recherches du parquet à propos de la moralité de l'inculpé.
A la Prison de Chartres
Sans laisser écouler les délais légaux, Brière s'est décidé a faire choix d'un avocat. C'est M° Duparc, un avoué de Chartres, qui a assumé la lourde tâche d'assister et de défendre l’inculpé.
L'avocat a fait, hier après-midi, une première visite à son client.
Brière occupe comme nous l'avons dit, un lit de l'infirmerie de la maison d'arrêt. Il est seul dans la salle, sous la surveillance continuelle d'un infirmier. La nuit dernière a été moins agitée que la précédente, Brière a pu prendre un peu de repos ; il a plutôt somnolé que dormi, des cauchemars le réveillant à plusieurs reprises.
Les blessures du crâne et du dos se cicatrisent rapidement ; toutefois, les médecins qui soignent l'inculpé maintiendront deux ou trois jours encore les bandages enveloppant la tête ; ils ont renoncé au pansement des plaies du crâne et de celle du dos.
Le coup de couteau au bras gauche offre, seul, une gravité relative.
Une certaine quantité de sang s'est extravasée entre cuir et chair ; la résorption totale se fera naturellement ; les nerfs de l'avant-bras se sont trouvés un peu froissés mais la souffrance est aujourd'hui beaucoup plus supportable qu'au premier jour.
L'ordinaire de la prison de Chartres ne parait pas être du goût de Brière qui, depuis son arrestation, avait refusé, toute nourriture.
Pourtant, hier, l'inculpé a mangé de bon appétit la soupe matin ; le repas du soir, composé d’un ragoût de riz et de pommes de terre ne lui plaisant pas, M. Aiguillon, gardien chef de la prison, a envoyé chercher un demi-litre de bouillon.
C'est là une petite faveur qui a paru causer quelque plaisir à Brière, mais il préférerait un peu de viande.
Il ne peut faire venir ses repas de la cantine, car il est sans argent, son porte-monnaie ayant, dit-il été volé par ses agresseurs.
Dans la soirée, le prisonnier a écrit à un ami pour demander l'avance d'une petite somme et réclamer des vêtements et du linge.
Au cours de son entretien avec M* Duparc, Brière a fait preuve d'une certaine énergie ; il a protesté contre les mobiles attribués au crime dont il est accusé et a déclaré qu'il adorait ses enfants. Puis a affirmé ou il n'avait pas eu l'intention de se remarier et nie toutes les liaisons qu'on lui attribue à Corancez et dans les environs.
De profonds soupirs ont fréquemment interrompu l'entretien de M° Duparc et de son client qui a fait montre à plusieurs reprises d'une émotion réelle, surtout quand il a été question de Flora, la fille aînée.
Brière n'a pas encore passé au service anthropométrique.
Le pansement de la tête et les blessures du bras ne permettent pas, en effet, de procéder aux opérations de mensuration.
On ne s'attend aujourd'hui à rien de bien sensationnel ; les magistrats ne pouvant commencer l'interrogatoire de fond que demain. Jusque là, il convient de garder une sage et sérieuse réserve.
Le Petit Parisien, n°8 946 du 26 avril 1901Trois des petites victimesL’enterrementOn connaît le drame atroce de Corancez cinq pauvres petits enfants égorgés, leur père trouvé blessé auprès d' eux et racontant une histoire le chemineaux assassins, à la suite de quoi il est lui-même arrêté sous prévention du meurtre de ses enfants. Veuf, il aurait voulu épouser une jeune fille et celle-ci lui aurait déclaré qu'elle ne prendrait jamais un mari qui avait tant d'enfants. Sur ce, les opinions se divisent : les uns, accusent violemment le cultivateur Brière, les autres, et parmi eux, sa fille Germaine, échappée au massacre parce qu' elle était placée à Paris, le soutiennent avec énergie. Le crime serait tellement monstrueux que nous préférons attendre que la vérité soit clairement, indubitablement fixée; nous parlerons donc simplement de l'enterrement des victimes. Il fut infiniment touchant : les cinq petits cercueils avaient été rangés dans une sorte hangar sur les rayons, se trouvaient encore des fromages au plafond des oignons qui séchaient. La bière de la plus grande des soeurs, de celle qui, si gentiment, était l'attentive et dévouée maman des autres, était seule couverte du drap mortuaire, la commune de Corancez n'en ayant qu'un. Quant au reste, on avait fait pour le mieux. Avec une délicatesse à noter, on a creusé la tombe des petites auprès de celle où dort leur mère qui les adorait. Ce sont les enfants du village qui eux-mêmes ont porté les cercueils au cimetière. Toutes les autorités du département étaient là ou se sont fait représenter enfin s'est Mgr Molllien, évêque de Chartres, en personne qui tint à présider la cérémonie religieuse. Et les plus humbles suivirent en pleurant le cortège relativement somptueux de ces innocents si horriblement massacrés. Rarement obsèques furent émouvantes à ce point.
Le Petit Journal, 12 Mai 1901Le monument commémoratif élevé à la mémoire des enfants de BrierreDEVANT LES ASSISES (L’Illustration)
N.B. : la taille des images permet de lire le texteBrierre répond à l'interrogatoire du présidentLa déposition de Véronique LubinBrierre revêtu de ses effets ensanglantésLes dossiers de recours en grâce des condamnés à mort 1900 - 1916Inventaire-index des articles BB/24/2085 à 2122
par Denis HABIB
Paris archives nationales 1996, 2008 2 Dossiers de grâce de condamnés à mort (1900-1916)
Brierre Louis-Édouard Né/née : 26 novembre 1859 Profession : entrepreneur de battages à Corancez Date de la condamnation : 23/12/1901.
Motif de la condamnation : cinq crimes d'assassinat concomitants commis dans la nuit du 21 au 22 avril 1901 à Corancez sur cinq de ses enfants âgés de 4 à 15 ans.
Juridiction : Paris Date de grâce : 01/02/1902 Remarques : peine commuée en celle des travaux forcés à perpétuité ; "L'Aurore" (6e année, n° 1559 et 1561 des 25 et 27 janvier 1902), "La Petite République socialiste" (27e année, n° 9416 du 25 janvier 1902) et une coupure du "Le Matin" du 4 mai 1910 joints à ce dossier.
BB/24/ 2087 dossier n° : 7943 S1901
La grâce de BrièreAprès l’entérinement des lettres de grâce – Le départ pour l’île de Ré - Brière et sa Fille.
Paris, 6 février.
Hier a eu lieu, à la Cour d'appel, la formalité de l'entérinement des lettres de grâce commuant la peine de mort prononcée contre Brière par la Cour d'assises en celle des travaux forcés à perpétuité.
L'homme de Corancez est resté impassible et l'audience n'a donné lieu à aucun incident.
Brière a été conduit aujourd'hui même à la prison de Fresnes. Cinq condamnés aux travaux forcés y attendent actuellement l'heure du départ pour l'île de Ré : il est donc fort probable que la transfert se fera bientôt, sans doute aussitôt après l'arrivée du condamné de Chartres. Le directeur de la prison escompte déjà l'ordre que doit lui envoyer, du ministère de l'intérieur, le service des transfèrements.
Dès qu'il l'aura reçu, l'assassin de Corancez sera placé en wagon cellulaire à la gare de Massy-Palaiseau et dirigé sur La Rochelle, où il s'embarquera pour Saint-Martin-de-Ré, à la citadelle, le dépôt des forçats.
Ensuite, quand un « convoi » sera formé, Brière, avec d'autres condamnés, partira sur un bâtiment spécial pour la Nouvelle-Calédonie.
C'est l'affaire de trois semaines.
Ayant appris que Brière allait être amené à Paris, sa soeur, Mme Destas, avait eu l'idée de lui conduire sa fille, la petite Germaine, pour qu'il pût l'embrasser avant son départ pour la Nouvelle-Calédonie.
Lorsque la petite Germaine, accompagnée d'un de ses oncles, s'est présentée au greffe de la prison, on lui a tout d'abord demandé son acte de naissance que, naturellement, elle n'avait pas sur elle. Aucune pièce officielle ne pouvant justifier de l'identité des visiteurs, ils ont été purement et simplement éconduits.
L’Ouest-Éclair, n° 906 du 7 février 1902La mort d’Édouard Brierre
Quelques nouvelles de 1910,
d’après le “Messager de Bonneval, Voves et Orgères” 24 juillet 1910
Le crime de Corancez – Brierre est décédé au bagne et jusqu'à sa mort n'a cessé, on le sait, de protester de son innocence. Or, un véritable coup de théâtre vient de se produire : un chemineau s'est présenté jeudi à la gendarmerie de Tours pour s'accuser d'être l'auteur du crime pour lequel Brierre est mort au bagne. Dit-il bien la vérité ? C'est ce que la justice ne saurait tarder à éclaircir mais toujours est-il que le chemineau a donné de tels détails du crime dont il s'accuse que l'on se demande avec angoisse s'il n'a pas dit vrai, d'autant plus que quatre jours après le crime, le juge d'instruction, chargé de l'affaire de Corancez, avait reçu une lettre d'un chemineau s'accusant du quintuple crime.
http://lesamisdebonneval.free.fr/Gazette%2028.pdf