Retour du pharmacien DanvalUn terrible drame vient d'avoir son épilogue, et ce fut la rentrée, comme triomphale, d'un malheureux qui quitta la France, pour le bagne, il y a vingt cinq ans. Un quart de siècle, le pharmacien, Danval a souffert en Calédonie le châtiment d'une faute qu'il n'avait point commise. On l'avait accusé d'avoir empoisonné sa femme.
Les charges contre lui était peu importantes, des savants vinrent à la barre les réduire à néant. Il se défendit avec l'énergie de l'innocent désespéré, et néanmoins il fut condamné.
Si par malheur on ne lui avait point accordé le bénéfice des circonstances atténuantes, il eût été guillotiné comme l'herboriste Moreau, dont la mort est un des plus grands crimes de notre temps.
Danval n'a cessé de protester, sa conduite en Nouvelle-Calédonie fut exemplaire, et lui valut quelques adoucissements à sa peine. Il put se marier, fonder une nouvelle famille, mais toujours sous le poids d'une condamnation injustement infamante.
Un jour enfin sa plainte fut entendue par un de nos confères, M. Jacques Dhur, qui commença en sa faveur une énergique campagne de presse.
C'est un bonheur pour notre corporation tout entière qu'elle ait abouti à la signature, par le président de la république, du décret de grâce du forçat innocent. La réhabilitation viendra ensuite, Danval la réclame pour lui, pour ses enfants. Il l'obtiendra. Seulement, les formalités seront longues. Il a fallu beaucoup moins de temps pour le condamner.
Son retour à Paris a été l'occasion d'une importante manifestation, la foule était énorme et les personnages les plus éminents ont tenu à serrer la main de la victime d'une si épouvantable erreur judiciaire.
Et ce fut un peu de baume dans cette âme, où tant de fiel a été versé pendant vingt-cinq ans.
Le Petit Journal Illustre u 31 Août 1902