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Le jour même, en fin d'après-midi, les condamnés furent menés du Palais vers le lieu du supplice, place des Terreaux. Contrairement à l'usage, ce ne fut pas en charrette mais en carrosse !
Cinq-Mars en fit la remarque selon un témoignage anonyme conservé aux archives de Lyon :
«... Monsieur Thomé, prêvost de Lyon, avec les archers de robe courte, & le chevalier du guet avec sa compagnie, eurent ordre de les mener au supplice. Sur les degrés du Palais, Monsieur de Cinq-Mars luy dit : Quoy, Monsieur, on nous mesne en carosse ? Va-t-on comme cela en Paradis ? Je m'attendois bien d'être lié et traîné sur un tombereau : ces Messieurs nous traittent avec grande civilité de ne point nous lier & de nous mener en carosse. Comme il y entroit il dit a deux soldats : Voyés, mes amis, on nous mesne au ciel en carosse.
Monsieur de Cinq-Mars étoit vêtu d'un bel habit de drap d'Holande fort brun, couvert de dentelles d'or larges de deux doigts, un chapeau noir... »
L'échafaud aussi était inhabituel. Au lieu du traditionnel billot, un poteau dépassait de trois pieds les planches de l'estrade. Les condamnés devaient s'y agripper, agenouillés sur un petit banc. Ce dispositif insolite avait été requis par un bourreau d'occasion, un portefaix remplaçant l'exécuteur officiel qui avait la jambe cassée. Le même témoin raconte :
«... L'exécuteur suivait [le carrosse] à pieds, qui était un portefaix (qu'ils appellent a Lyon un gagne-deniers), homme âgé, fort mal fait, vêtu comme un manoeuvrier qui sert les maçons, qui jamais n'avait fait aucune exécution, sinon de donner la gesne, duquel il fallut se servir, parce qu'il n'y avait point d'autre exécuteur, celui de Lyon se trouvant avoir la jambe rompue...»
Le carrosse arriva sur la place où une foule considérable s'était déplacée pour assister à l'exécution. On fit descendre Cinq-Mars le premier. Trois coups de trompette imposèrent le silence et lecture fut donnée de l'arrêté d'exécution. La porte du carrosse fut refermée sur François de Thou.
Cinq-Mars monta dignement sur l'estrade. Il subit les préparatifs, récita le Salve Regina avec son confesseur et refusa d'avoir les yeux bandés. À genoux, il agrippa le poteau et apostropha le bourreau qui tardait à faire son oeuvre : «Eh bien, que fais-tu, qu'attends-tu ? » La hache ne trancha pas la tête d'un coup. L'exécuteur fit le tour de sa victime, la saisit par les cheveux et termina son office.
La tête roula au pied de l'estrade où elle fut renvoyée par un témoin. Cet incident macabre devait être assez fréquent et semble avoir été l'objet d'un souci pour les condamnés comme en témoignent les recommandations du duc Henri de Montmorency à son bourreau (Toulouse, le 30 octobre 1632).
Le corps du supplicié fut dépouillé, traîné dans un coin de l'estrade et recouvert d'un drap. À son tour, de Thou monta rapidement sur l'échafaud et embrassa son bourreau. Impressionné par le sang de son compagnon, il accepta d'avoir les yeux bandés. C'est en récitant l'In manus tuas que le malheureux reçut un premier coup de hache qui s'abattit sur son crâne. Le bourreau se montra encore plus maladroit que pour Cinq-Mars et, sous les huées de la foule, il dut porter quatre coups supplémentaires pour en terminer.
Sinistre écho de l'Histoire, cette exécution répondait à celle du comte de Chalais, à Nantes en 1626, pour laquelle le bourreau, lui aussi d'occasion, s'y reprit plusieurs dizaines de fois pour accomplir son oeuvre !