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 La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879

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MessageSujet: La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879   La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879 EmptyMar 4 Déc 2012 - 8:36

Extrait de Mon musée criminel, par Gustave Macé.
Source : gallica.bnf.fr
__________________
A côté des nombreux travailleurs parisiens existent des garnements sans métier, qui vivent en compagnie de meurtriers, de voleurs et de filles. Des bandes s'organisent, nomment leurs chefs, rédigent des règlements, parlent argot et correspondent au moyen de signes conventionnels.

Abadie était à la tête d'un groupe de vauriens dont les exploits terrorisèrent pendant quelques mois les habitants des communes de Saint-Mandé, de Vincennes et de Montreuil. Les membres composant cette association étaient mineurs. Abadien'avait pas vingt ans, Gilles venait d'en avoir seize et Farigoul entrait dans sa quinzième année.

Afin de satisfaire l'opinion publique, lorsque la police se rendit maîtresse de ces précoces et redoutables malfaiteurs, trois juges d'instruction, MM. Delahaye, Bresselles et Guillot, furent chargés de faire la lumière sur plusieurs
assassinats suivis de vols dont les auteurs, restés inconnus devaient appartenir à la bande Abadie. La Justice, en voulant activer les instructions le ces divers crimes, amena au contraire des lenteurs et les assassins de la veuve Joubert, de la femme Bassengeaud et du garçon épicier Lecercle, en profitèrent pour
faire des aveux toujours suivis de rétractations.

M. Dulac, commissaire aux délégations judiciaires, put en déterminer le rôle de chacun.
Gilles et Abadie, convaincus de mensonges par des preuves accablantes, se reconnurent les meurtriers de la femme Bassengeaud, cabaretière à Montreuil et les auteurs de plusieurs vols commis la nuit, à main armée, dans des maisons habitées.

Le 30 août 1879, un arrêt de la Cour d'assises les condamnait à la peine de mort. Quant à leurs complices, ils obtinrent la réclusion, et Farigoul, surnommé le « Raton », à cause de l'exiguïté de sa taille, en fut quitte
pour deux années d'emprisonnement. Ce précieux auxiliaire d' Abadie, vrai type du lilliputien, se glissait par les ouvertures les plus étroites dans l'intérieur des maisons afin d'en ouvrir les portes.
La clémence aveugle du Président de la République gracia les deux bandits, le 12 novembre 1879.

Abadie, dit Kosiki, dit Robespierre jeune, reconnut alors sa participation à l'assassinat du garçon épicier Lecercle, et le 30 août 1880 il comparut de nouveau à la Cour d'assises avec ses complices Knobloch, dit le « Rouget » et Kirail. Il continua son système revenir sur ses aveux, mais le président, M. Bérard des Glajeux, lui dit :
« Quand vos déclarations vous embarrassent vous prétendez les avoir faites pour vous amuser. »
Abadie répondit :
Certainement, je suis un meneur en bateau .
Vous jouez donc de la Justice ? répliqua M. le président.
Abadie en souriant dit encore :
Parfaitement .
Puis il continua son explication sur ce qu'il appelait « le coup du cornet».

Il s'agit, dit-il à MM. les jurés, d'enfoncer le couteau dans la gorge et de tourner à droite et à gauche la plaie ainsi élargie est toujours mortelle .

Le scélérat n'ignorait point que déjà condamné à mort et gracié, on ne, pouvait lui faire subir aucun autre châtiment que la déportation. Il pouvait donc sans crainte étaler le plus révoltant des cynismes.
Son avocat, Maitre Danet (1), a du reste déposé les conclusions suivantes :

Attendu qu'Abadie a été condamné, le 30 août 1879, à la peine de mort

Qu'il a expié, par cette condamnation, la plus élevée dans l'échelle pénale, tous les crimes antérieurs qu'il a pu commettre

Que l'assassinat commis sur la personne de Lecercle, remonte au 9 janvier 1879 et se trouve, par conséquent, antérieur de trois mois et demi à celui de la femme
Bassengeaud, qu'aucune peine ne peut donc être prononcée de ce chef contre Abadie

Que la commutation dont il a été l'objet ne peut faire obstacle à la rigueur de ces principes, reconnus par la jurisprudence de la Cour de cassation

Par ces motifs,

Plaise à la Cour

Dire qu'Abadie, déjà condamné a mort ne peut plus être l'objet d'aucune peine, et le condamner purement et simplement aux dépens.

Knobloch fut condamné à la peine de mort, Kirail aux travaux forcés et Abadie aux frais de la procédure.
La jurisprudence a vraiment d'étranges paradoxes. Si la police avait établi d'autres crimes à la charge d'Abadie, ce chef de bande, le plus coupable, cet assassin insolvable, en aurait été quitte pour voir grossir le chiffre de ses dettes.
M. Grévy ne pouvait faire autrement que de gracier Knobloch qui rejoignit ses anciens chefs à la Nouvelle Calédonie.

Abadie et Gilles avaient rédigé un règlement, sorte de code pénal, ayant 35 articles (2) et pour sanction aux différents écarts des affiliés de la bande « La mort ».
Abadie, Gilles et Knobloch employaient des signes conventionnels assez compliqués pour leurs correspondances.
Je reproduis seulement le fac-similé de ces signes :

La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879 Lm06ph1u
La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879 A2xdzui7

Abadie est reste le type du prisonnier le plus désagréable insolent, brutal et toujours disposé à la révolte. Voici ce qui se passa le 14 août 1880 à la Conciergerie :

M. Andrieux, à la suite de plaintes, fit venir Abadie dans le cabinet de M. Coré, directeur, et l'admonesta comme il le méritait. Le gracié de M. Grévy lui répondit :
« Je me plains du bouillon, il est trop clair; des œufs, ils sont trop cuits et je veux du vin, car j'aime pas l'eau, ma santé en souffre
. »

Le directeur remit au Préfet de police une corde que le prisonnier avait tressée avec des journaux. Abadie s'empressa d'en tirer une autre de dessous son vêtement et la présentant à M. Andrieux, lui dit :
« Voulez-vous la seconde confectionnée cette fois avec ma chemise ? Tant que je n'aurai pas de pantalons qui aillent mieux que ceux de votre tailleur de prison, je ferai des cordes pour les attacher. On ne veut pas me laisser mes journaux; je les recevrai quand même et si vous tenez à lire celui auquel j'adresse ma correspondance secrète il enveloppe le couvercle d'une boîte de sardines transformée en couteau bon à tous les usages. »

J'étais présent a l'entretien et M. Andrieux me remit la corde, le couvercle et la petite feuille du matin.

Abadie avait fait son métier du crime et comme Lemaire, Bistor, Ménesclou, Marquelet, Albert et tant d'autres, il voulait s'emparer de la curiosité publique en écrivant des vers et des mémoires pleins d'appétits brutaux.

Lacenaire avait le premier proclamé « son horreur du vide de ses poches ». Abadie répéta le cliché de ce charlatan criminel en y mêlant des phrases ayant cours dans le monde des assassins; phrases systématisant le matérialisme féroce. On lit par exemple : « La vie est une bataille, je frappe quiconque me fait obstacle, c'est à vous, police, à compter mes morts Arrêté trop tôt, je n'ai pas joui longtemps de mes victoires sur la société Couper la tête à ceux qui possèdent afin que nous ayons l'argent à notre tour Les forts mangent les faibles. »

Cette dernière citation, sur laquelle je m'arrête et qui arrêta, avant moi, tant de psychologues, semble avoir passé dans le langage des criminels. Les plus vulgaires comme les plus raffinés s'en servent comme d'un paravent et croient par elle pouvoir invoquer et obtenir toute excuse. Il est vraiment dommage que certains prétendus moralistes se soient donné la peine de la relever, sans eux, elle n'aurait pas atteint la valeur qu'on lui prête.

Abadie me dit un jour, à la prison de la Roquette :
On ne meurt pas toujours d'une condamnation à mort, et on s'échappe de la Nouvelle
Que ferez-vous, si jamais vous redevenez libre, demandai-je ?
Je repiquerai au truc, répondit-il.
_______________
(1) Albert Danet. Il défendit également le condamné à mort — et exécuté — Marchandon (1885).
Il plaida lors des procès des grandes affaires, Eyraud - La malle à Gouffé, (partie civile pour les enfants Gouffé - 1890), Prado (défendit l'accusée Eugénie Forestier -1888).

(2) Il existe une variante de ce règlement. Henri Joly indique 45 articles, au lieu de 35 (voir plus après).

Sur Abadie voir également le topic : Les exécutions capitales en Nouvelle-Calédonie ICI
Post : Double exécution capitale.Pivet-Boiron.1890

A suivre...



Dernière édition par mercattore le Mar 4 Déc 2012 - 15:13, édité 1 fois
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MessageSujet: La bande Abadie-Gille - Suite   La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879 EmptyMar 4 Déc 2012 - 15:12

Extrait de Le crime - Étude sociale, par Henri Joly. 1888.
Source : gallica.bnf.fr

En septembre 1876, le Tribunal de la Seine achevait l’instruction d’une bande énorme, dite bande Vrignault et Chevalier. Il y avait 150 accusés, mais tout ce monde n’était guère associé qu’au jour le jour. On voit bien le même Chevalier en vingt rencontres différentes et très souvent (une quinzaine de fois) avec un nommé Keippe, que l’instruction appelle son inséparable ami. Mais un jour il a recruté certains complices, un autre jour il en a d’autres. Des maîtresses de rencontre font le guet, ou bien elles entraînent, hors d’un bal public, un homme qu’elles « allument » et qu’elles occupent le temps nécessaire pour qu’un ami lui vole sa montre.

Une nuit, Chevalier et Keippe se heurtent à des individus revenant d’un vol, ils se joignent à eux, les aident à faire bombance avec le produit de l’aventure et méditent ensemble quelque nouvelle affaire.
En suivant la longue liste de ces méfaits, on voit la violence venir par degrés. Dans les débuts les voleurs fuient s’ils se croient surpris ; puis ils se défendent ; puis ils préviennent les arrestations par des coups qui étourdissent ; enfin arrive le meurtre. Il est évident que si Chevalier n’eût pas été arrêté, il eût fini par organiser une bande complète et toute semblable aux bandes célèbres d’autrefois.

Deux ans après, un jeune criminel d’une intelligence très vive et d’une perversité rare, Abadie, essayait, comme il le dit lui-même, de ramener et d’organiser les débris de la bande incohérente de Chevalier. Plus d’un de mes lecteurs ont encore devant les yeux la vie de ce gamin parisien qui, à vingt ans, entreprenait de rivaliser avec les grands personnages de la Cour d’assises. Tout plein des lectures fructueuses de Ponson du Terrail, habitué aux drames du boulevard, possédant bien l’histoire de 1793 et celle de la Commune, il avait la manie de parler, encore plus celle d’écrire.

Dans son temps de prison préventive, il accablait le juge d’instruction de lettres, de fausses révélations, de confessions cyniques ; il composait des élucubrations politiques et sociales qu’il signait Robespierre jeune. Là, il défendait la République menacée par les adversaires de la Commune, il flétrissait la justice et la police et aussi l’administration qui n’exécute pas avec assez de modération les sages lois de nos représentants ; il exaltait les avocats, il proposait un nouveau mode d’instruction criminelle, il rectifiait les condamnations prononcées, il instituait une échelle de peines plus équitable ; il étudiait les réformes à introduire dans la Cour d’assises ; il proposait, il imaginait, il décrivait des exécutions capitales, où néanmoins, en ennemi généreux, il arrachait au citoyen bourreau la tête même du chef de la Sûreté auquel il devait son arrestation... Mais celui-là, disait-il, était le seul franc de toute la bande de la police... Enfin il exprima jusqu’à son repentir avec une sorte d’emphase théâtrale, le tout mêlé à chaque instant d’apostrophes telles que : Peuple ! Citoyens lecteurs ! Citoyens !

L’ambition de ce jeune assassin, en ce moment à la Nouvelle-Calédonie, était de fonder une vraie bande. Il connaissait à merveille toutes les grandes affaires de vol et d’assassinat, il savait par cœur et il énumérait avec complaisance toutes celles dont les auteurs avaient échappé aux recherches de la justice. Il avait trouvé les débris de la bande Chevalier, il s’était rencontré avec une autre à laquelle il s’était associé par hasard : il avait essayé de les rallier toutes les deux. Il s’agissait, disait-il, de faire trembler les bons bourgeois de Paris et des alentours, mais surtout de se procurer de l’argent. De l’argent et toujours de l’argent, car il en faut quand même ; autrement l’amour de ces grues peut se refroidir, et les plaisirs vont être abandonnés.

Chevalier avait fait un règlement, Abadie entreprit de le remettre en vigueur ; il le révisa et il y ajouta, dit-il, quelques articles. L’instruction l'a eu en main et on a fait lire à l’audience les 45 articles de cette oeuvre collective, dont la meilleure part revient probablement au second rédacteur. Il est impossible de rien lire de mieux combiné, de plus logique et de plus pervers.
Tout y est prévu avec une connaissance étonnante des conditions de la vie criminelle. Pas trop d’associés, quatorze au plus, deux chefs supérieurs qui règnent et qui gouvernent, deux chefs secondaires qui conduisent les hommes sur les lieux du vol, jamais plus de deux femmes, réservées aux chefs supérieurs, les autres associés ne devant jamais avoir que des maîtresses d’un jour, un budget, des distributions de secours, des amendes, des pénalités (où la mort figure assez souvent), les cas où il est défendu et les cas où il est nécessaire de frapper, déterminés avec précision ; la substitution de faux papiers aux vrais soigneusement assurée, l’ivresse publique sévèrement interdite, les conditions du travail en ville bien arrêtées, de manière à ce que les hommes paraissent avoir leur temps employé, sans cependant travailler beaucoup, etc., tout cela montre une intelligence très lucide, se possédant parfaitement, sans hallucination, sans délire, sans aucune impulsion irrésistible et très certainement sans absence ni perversion innée de la conscience morale.

L’auteur même de ce règlement, écrivait à la Conciergerie ses Mémoires (20 mars 1880) (1) et commençait ainsi : « Mon histoire est celle de tous les jeunes gens qui ont de bonne heure fréquenté les bals de barrière et les mauvaises compagnies. Né d’une honnête famille qui a élevé ses enfants dans le plus grand soin possible ; un père qui avait soif d’honneur et qui travaillait sans cesse pour nourrir sa nombreuse famille, une mère qui prenait soin de tout le ménage, un frère et une sœur qui me montraient le courage et me donnaient un exemple de probité... » L’école buissonnière d’abord, la maraude, les filles et la rencontre de Chevalier, voilà les étapes de la route opposée ; il les signale lui-même en détail et avec une sincérité parfaite.

Cette association rêvée par Abadie vécut-elle, et ces statuts si parfaits furent-ils exécutés point par point ? Non. L’association dura vraisemblablement quelques mois, une année au plus. Les deux affaires capitales dans lesquelles avait trempé ce chef de vingt ans furent en effet découvertes assez vite et les principaux coupables arrêtés. Mais le dossier de la seconde affaire montre à chaque instant l’influence exercée par Abadie. Un mot, un serrement de main, un signe de lui, dans le cabinet même du juge d’instruction, provoquent de fausses révélations, des rétractations bientôt désavouées qui, à chaque instant, risquent de dérouter la justice.

Parmi les co-accusés était le jeune Knoblock, qui, lui aussi, dans sa prison, écrivait sa biographie et racontait longuement ses débuts dans la carrière du vice , puis ses premiers pas dans celle du crime. Dans un de ses écrits il finit par dire lui-même comment ses aveux progressifs avaient été souvent suspendus par les espérances et les terreurs dont savait jouer Abadie. Au jour de ma confrontation avec lui, je n’ai pu supporter son regard... Il a si bien joué son rôle qu’il a fini par me faire accuser Kirail, qui est innocent. En me quittant, il me serra la main, en voulant me dire : continue, je t’aiderai. — Si j’ai accusé Kirail, c’est que Kosiki (nom de guerre d’Abadie) m’y a forcé en l’accusant lui-même.
Le souvenir du règlement de la bande exerce là une action qui est visible.

Mais enfin, il est évident que la prompte arrestation et la condamnation à perpétuité des jeunes associés ne laissèrent point à ces fameux règlements le temps d’être appliqués avec suite. Il faut y voir une sorte d’idéal poursuivi par des imaginations faussées et exaltées. Les législations trop parfaites sont aussi peu applicables chez les criminels que dans les sociétés des honnêtes gens : mais il est bon de savoir où tendent les unes et les autres et quelle est, pour ceux qui les fabriquent, l’idée régulatrice de leurs efforts.
_______________
(1) L'auteur est mal renseigné. En mars 1880, Abadie ne pouvait être à la Conciergerie. Le 3 septembre 1879, il avait été transféré de la Conciergerie au dépôt des condamnés (la Grande-Roquette), dans une des cellules du quartier des condamnés à mort. Après sa grâce, par le président Grévy, le 12 novembre 1879, il quitta le quartier des condamnés à mort mais resta incarcéré à la Roquette. Il en partit le 25 septembre 1880 pour rejoindre un convoi à destination de la citadelle de Saint-Martin-de-Ré, point de départ pour les bagnes de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie.

Dans le chapitre L'abbé Crozes et les condamnés à mort, extrait de son ouvrage Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette (tome II), l'abbé Moreau (aumônier à la Grande-Roquette, détenteur d'archives personnelles de l'abbé Crozes (2), son prédécesseur au temps d'Abadie, mentionne les mémoires d'Abadie intitulées

HISTOIRE D'UN CONDAMNÉ À MORT
ÉMILE ABADIE, DIT KOSIKI DU TRONE

et écrit : « Commencée le 6 septembre, cette histoire a été achevée le lendemain. Elle a dû être écrite en une nuit. Elle est divisée en trois parties : préface, histoire proprement dite, conclusion. Il y a dans assassin de dix-neuf ans un romancier naturaliste. C'est à ce titre que ce document humain a sa place dans mes Souvenirs. Abadie a lui-même copié trois exemplaires de son Histoire. Il en a donné un à M. Macé, l'autre au procureur de la République, le troisième, offert à l'abé Crozes, est celui que j'ai en mains.
Je ne puis me dissimuler qu'Abadie, en écrivant cette histoire, cherchait à se rendre intéressant. A ce titre, j'aurais dû jeter son manuscrit.
»

L'abbé Moreau a publié le texte intégral des Mémoires d'Abadie. Elles sont datées du 6 septembre 1879. Consultables sur Gallica, dans l'ouvrage précité Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette (Tome II), pages 173 à 184).
A l'origine, le texte de ces Mémoires comportait des fautes d'orthographe assez nombreuses. L'abbé Moreau en a assuré la correction.
Les mémoires d'Abadie ont donc été rédigées à la Grande-Roquette, dans sa cellule du quartier des condamnés à mort, une semaine après sa condamnation à la peine capitale.

(2). L'abbé Faure a subi de vives critiques après la sortie de son ouvrage de 1884 Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette, notamment du quotidien Le Petit Parisien. En 1887, après la publication de son autre ouvrage Le monde des prisons, les critiques recommencèrent mais il eut aussi des défenseurs de sa dénonciation d'abus dans le milieu carcéral.
Il prit également parti contre la relégation des récidivistes pour le bagne.

* Le monde des prisons est consultable sur Gallica.

A suivre...
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MessageSujet: Re: La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879   La bande Abadie-Gille-Condamnés à mort, graciés. 1879 EmptyMar 4 Déc 2012 - 17:58

Mémoires d'Abadie

Extrait de l'ouvrage précité de l'abbé Moreau.
gallica.bnf.fr

PRÉFACE DE LA CONCLUSION

« Le lecteur a dû voir qu'en écrivant l'histoire de ma vie , j'ai été impartial ; si j'ai raconté mes plaisirs, mes jours de bonheur, j'aidai également mes ennuis. Ce qui m'a perdu ce sont mes vices.
Mais plus mon passé a été affreux, plus mon repentir sera grand ; j'espère qu'on aura pitié de moi. Je demande de tout mon cœur le pardon le plus sincère pour le mal que j'ai fait.
« La conclusion de ce récit, cher lecteur, la voici :
c'est que mon repentir est absolu ; je reconnais tout ce que j'ai fait,
le mal comme le bien ; mais le bien n'est pas grand, malheureusement. Je reconnais tout tout ce qu'on a fait pour me mettre dans la bonne voie, tout ce l'on a fait pour me sauver ; je reconnais mes fautes et je fais tout le nécessaire pour m'en corriger.
Je me repens de toute ma vie ; je demande pardon de toutes mes fautes, principalement à ceux à qui j'ai pu faire tort dans ma triste vie.
Je compte sur le bon cœur de ceux qui liront cette histoire et j'espère bien qu'ils me pardonneront, eu égard au profond repentir que j'ai.


« E. Abadie. »
_____________

Règlement de la bande « Abadie » :
(Extrait de l'ouvrage précité de Henri Joly).
Figure également dans le topic : Images de la Grande et de la Petite Roquette - ICI, avec d'autres textes.
_____________
Article 1er. La Société ne devra pas admettre plus de quatorze membres : douze hommes et deux femmes.

Art. 2. Les hommes ne devront porter aucune arme qui n’aurait pas été reconnue par les chefs.

Art. 3. Les armes se composeront de revolvers, couteaux de chasse, cannes plombées et coups de poing à crans.

Art. 4. Tout individu portant d’autres armes sera puni de dix francs d’amende.

Art. 5. Il est expressément défendu de commettre un délit en particulier et sans ordre des chefs. - Ce délit sera puni de la peine de mort.

Art. 6. Aucun individu de la bande ne devra avoir de maîtresse. La seule permission accordée sera une maîtresse d’un jour, avec qui aucune parole ne devra être dite, sous peine de mort.

Art. 7. Tout individu de la bande cherchant à savoir l’adresse des chefs ou leurs véritables noms sera puni de la peine de mort.

Art. 8. Tout membre ne devra jamais avoir un domicile sous son véritable nom et ne devra, sous aucun prétexte, loger en hôtel.

Art. 9. Il est expressément défendu, dans les délits commis, de garder sur soi obligations ou valeurs quelconques.

Art. 10. Chaque individu devra avoir plusieurs vêtements propres de rechange et un vêtement de travail.

Art. 11. On devra également travailler et ne jamais fréquenter les marchands de vins. - Tout homme pris en état d’ivresse sera condamné à six francs d’amende.

Art. 12. Les sociétaires seront payés, travaillant ou ne travaillant pas, à raison de six francs par jour, plus dix francs sur les vols commis.

Art. 13. Tout vêtement taché de sang devra être brûlé et les cendres dispersées.

Art. 14. Les chefs sont au nombre de quatre, dont deux seulement sont supérieur ; les deux autres conduiront la bande sur les lieux des vols.

Art. 15. Tout homme, après un délit, devra fuir de son côté et ne sortir de chez lui qu’après la visite d’un chef qui prendra ce qu’il a sur lui l’objets provenant des vols.

Art. 16. Les hommes, principalement les chefs, devront être munis de faux papiers ou passe-ports.

Art. 17. Tout homme devra se rendra à l’heure et au lieu donnés pour les réunions. - Un sociétaire en retard sera puni de trois francs d’amende.

Art. 18. Le lieu de réunion est l’endroit donné par le sous-chef. - On discutera les endroits des vols à faire ou, s’il y a lieu, de punir un homme coupable d’un délit.

Art. 19. Les chefs supérieurs auront pour femmes les deux femmes comprises dans la bande, qui seront en même temps les bonnes de l’endroit où ils habiteront.

Art. 20. Les femmes ne devront jamais laisser entrer qui que ce soit sans savoir quelles sont les personnes et ce qu’elles viennent faire ; elles préviendront l’un ou l’autre des chefs et devront faire attention à ce que l’on ne pénètre pas près d’eux.

Art. 21. Les femmes seront armées d’un couteau de chasse et défendront les lieux d’habitation avec la plus grande rigueur possible.

Art. 22. Toute personne de la bande étant arrêtée, soit par un agent ou gendarme, ne devra pas opposer de résistance, à moins qu’ils soient plusieurs à l’arrêter. Si le sociétaire est seul, il devra attendre que les autres viennent faciliter sa fuite.

Art. 23. Tout individu arrêté et écroué au dépôt ne devra avouer aucun délit commis par lui ou par la bande et devra, autant que possible, justifier de son temps au moment du vol.

Art. 24. Les hommes devront travailler sans chercher à gagner de fortes journées ; le principal est que le temps soit employé, et l’on ne devra commettre aucune soustraction où l’on travaille et où l’on mangera. - Un délit de ce genre sera puni de vingt francs d’amende.

Art. 25. Le sociétaire devra être bien vêtu et ne fréquenter que les endroits convenables, afin de n’attirer aucun soupçon. Il ne devra également jamais trop dépenser ou faire voir de l’argent.

Art. 26. Les mêmes peines et les mêmes recommandations sont faites pour les chefs supérieurs.

Art. 27. Il ne devra jamais y avoir plus de quatorze membres dans la bande ; dès qu’un membre n’y sera plus, une autre personne pourra le remplacer.

Art. 28. Il est impossible de se retirer de la société, à moins de courir le danger de se faire condamner à mort. On pourra se retirer dans le cas où la bande viendrait à se dissoudre ; néanmoins les chefs garderont la même autorité sur les hommes qui en ont fait partie et veilleront à ce qu’ils ne disent rien sur tout ce que le règlement défend.

Art. 29. Chaque individu étant en prison aura droit à l’assistance de deux francs par jour, plus les vivres deux fois par semaine.

Art. 30. Il ne sera assisté que par les femmes, auxquelles il donnera le nom de sœur, et n’écrira de lettres qu’à elles, quoiqu’elles soient écrites pour être remises aux chefs de la bande.

Art. 31. Chaque sociétaire blessé ou malade recevra trois francs par jour, plus ce que le visiteur apportera.

Art. 32. Les bijoux pris dans les vols devront être remis aux chefs ; personne ne devra les porter sur lui ni chercher à les vendre.

Art. 33. Les bijoux seront fondus et séparés selon leur métal et vendus à l’étranger par les chefs supérieurs.

Art. 34. Chaque sociétaire devra être muni d’un passe-montagne et d’un loup pour se cacher les yeux ; ainsi couvert, il ne sera reconnu par personne.

Art. 35. Il est expressément défendu de frapper avec les armes, tant que le cas ne sera pas nécessaire.

Art. 36. Les cas nécessaires sont ceux : 1° où l’un d’eux sera reconnu ; 2° où l’on connaîtrait le nom ou soit que le volé échappe ou crie.

Art. 36. En ce cas. en emploierait les armes, soit coup de poing ou canne plombée, de manière à étourdir et, autant que possible, que ça n’occasionne pas la mort.

Art. 38. Le couteau ou le revolver sera permis dans le cas où un sociétaire serait pris sans pouvoir se défendre ; en ce cas, n’importe quelle arme servira.

Art. 39. Les fuites ne devront jamais être vues, c’est-à- dire se trouver un certain nombre d’individus ensemble : il faudra autant que possible, se disperser.

Art. 40. Quoique cela, l’on ne devra jamais se sauver moins de deux ensemble, ce nombre étant reconnu nécessaire pour pouvoir se prêter main forte l’un à autre. L’un des deux, pouvant s’échapper, viendra chercher les autres dans les directions où ils se seront sauvés, afin de pouvoir délivrer celui qui serait arrêté.

Art. 41. Si celui qui est pris ne voyait pas moyen de fuir malgré toute la résistance de ses collègues, il devra tâcher de se débarrasser de ses armes.

Art. 42. Il ne devra s’en séparer qu’après avoir fait toute la résistance possible et essayé de les passer à un de ses collègues.

Art. 43. Les armes devront avoir la marque du sociétaire, marque adoptée par les chefs. Ainsi, supposons qu’il se nomme Paul et qu’il serait sous la direction de Claude: il mettrait sur ses armes la lettre P, une croix, à côté M, voulant dire masculin, C, voulant dire Claude, qui serait son chef. - Si c’est une femme, qu’elle se nomme Marie, elle mettrait sur son couteau M, signifiant Marie, ensuite un trait, plus F, voulant dire féminin, et G, ou E. soit les chefs Gille ou Emile.

Art. 44. Les hommes ne devront être porteurs, ni de leur livret ou acte de naissance, ni d’aucun papier à leur nom. Ces papiers seront remis à leurs chefs qui devront leur fournir des papiers sous un autre nom.

Art. 45. Tout individu rentrant dans la société fera serment, sur un couteau déposé chez les chefs, qu’il ne dira rien du règlement, qu’il accepte pour sa conduite.
________________
Quotidien Le Petit Parisien, du 09-02-1887.
Critiques sur l'abbé Faure et ses ouvrages.

LES PRISONS

« On s'est beaucoup occupé, ces jours-ci, de la question des prisons, à la suite d'un livre de l'abbé Moreau, ancien aumônier de la Roquette.
Cet abbé Moreau n'est guère recommandable. Il a odieusement trafiqué des souvenirs qu'avaient pu lui laisser ses fonctions, et, au moment où il publiait son premier livre, nous avons relevé, avec indignation, les procédés de ce prêtre qui, ayant conduit un condamné à l'échafaud, discutait ensuite son attitude, en critique et en connaisseur. Forcé de quitter l'administration pénitentiaire, il a gardé des rancunes qu'il satisfait comme il peut, et on sait ce que sont les rancunes de prêtres.

Il n'a pas hésité à formuler contre les directeurs des prisons des accusations graves et presque infamantes. Une enquête a lieu, en ce moment, pour savoir quel crédit il faut accorder à ses récits.
Quoi qu'il en soit, sa publication se trouvera avoir eu ce bon côté — malgré lui — qu'elle force à examiner sérieusement quels peuvent être les abus qui règnent encore dans nos prisons.
On est bien obligé de reconnaître, malheureusement, qu'il en existe beaucoup. »
________________
Quotidien Le Gaulois, du 05-02-1887.
Source : gallica.bnf.fr

Plusieurs journaux ont annoncé que M. Fabbé Moreau avait refusé de se rendre chez le préfet de police pour lui donner des explications au sujet de certains passages de son livre Le monde des prisons.
L'ancien aumônier de la Roquette s'est rendu chez M. Gragnon, avec lequel il est particulièrement lié, dans la journée de jeudi, spontanément et sans avoir été convoqué par lui.

Tous deux ont eu ensemble l'entretien le plus cordial. Le préfet de police a déclaré à l'abbé Moreau qu'il n'avait jamais songé à faire saisir son livre, ainsi que le bruit en avait couru. Il même laissé entendre que l'enquête Judiciaire ouverte, ces jours derniers, à propos des faits qu'il signale, avait des chances d'être étouffée dans l'oeuf.

La préfecture de police sait fort bien que rien de ce qu'a avancé l'abbé Moreau n'est exagéré; aussi se propose-t-elle de réformer les abus, mais tout en ayant l'air d'en nier l'existence. De plus, elle n'ignore pas que c'est l'administration supérieure, représentée par MM. Herbette et Nivelle, qui a fourni à l'auteur du Monde des prisons une bonne partie des documents dont il s'est servi et que, par conséquent, il ne peut y avoir doute sur là sûreté de ses informations.


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