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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 Henri Vidal - tueur de femmes - 1902

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Adelayde
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Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 Empty
MessageSujet: Henri Vidal - tueur de femmes - 1902   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyLun 27 Mai 2013 - 14:32


Henri Vidal - tueur de femmes


Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 8852706111_658dce5fac_z



Les faits


Henri Vidal, 35 ans. Poignarde dans la nuit du 25 au 26 novembre 1901 à Nice Joséphine Moreno, prostituée, la blessant gravement. Le 6 décembre 1901, à Marseille, tente de tuer à coups de couteau Louise Guinard, prostituée, et ne réussit à la blesser qu'aux bras. Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1901, à Tamaris-sur-Mer (Var), égorge Marie-Antonia Van Brusselin, prostituée, et lui vole sa bague. Égorge à coups de couteau de boucher, le 22 décembre 1901, dans le train entre Nice et Èze, Gertrude Hirschbrunner, 20 ans, marchande de chaussures à Monte-Carlo, et lui vole sa montre.

Condamné à mort le 5 novembre 1902 par la Cour d'assises de Nice ;
Gracié le 6 janvier 1903.

Source - le site de Nemo - Sylvain Larue :

http://guillotine.voila.net/Condamnations.html


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Henri Vidal est un assassin. Après deux tentatives manquées de meurtre sur deux femmes, il tue en 1901 une prostituée puis une jeune employée de magasin. Condamné à mort par la cour d'assises des Alpes maritimes l'année suivante, il est gracié par Émile Loubet. Sa peine capitale est commuée en celle de travaux forcés à perpétuité. Déporté en Guyane, il meurt en 1906 des suites d'une cachexie-palustre. Il a 39 ans. La "vie de papier" du Tueur de femmes, de l'Égorgeur du Sud-Est, du nouveau Pranzini a déjà commencé. Pour en faire le récit, Philippe Artières et Dominique Kalifa inventent une nouvelle forme d'écriture de l'histoire.

Si la réalité du crime et de la responsabilité de Vidal ne fait aucun doute, ce double assassinat et sa punition sont suivis d'un "étonnant amoncellement de récits et de commentaires, judiciaires, médicaux, médiatiques, personnels" qui ont fini par "construire une nouvelle intrigue, peu à peu dissociée de l'événement initial". Autour de Vidal, une énorme production discursive, entremêlée d'une multitude de récits et de représentations, se construit ainsi peu à peu. Acteurs de la justice, médecins --aliénistes et criminologues--, magistrats, policiers, avocats, personnels pénitentiaires, journalistes, voisins, parents, victimes etc. produisent des savoirs sur le "tueur de femmes" qui lui-même écrit plus de 14 cahiers de notes, dessins, schémas et souvenirs.

De ce "vacarme" et cette "cacophonie", selon les mots de Philippe Artières et Dominique Kalifa, que faire ? "Comment rendre compte de ce tumulte, comment restituer ce moment singulier où, une fois le crime commis, les paroles et les discours construisent une existence nouvelle ?" Pour répondre aux exigences de cette situation, les auteurs ont donc cherché un nouveau procédé d'écriture : ils ont composé un texte issu de collages, de "coupés-collés". Ils ont ainsi construit un montage, selon des techniques chères au cinéma de Godard ou à la photographie de David Hockney dont les paysages panoramiques superposent en une image unique plusieurs dizaines de photographies, prises à des points de vue différents. "Monter des discours comme on monte des images : refuser l'ordre asséchant dont les textes sont l'objet pour les inscrire dans des séquences ou des plans qui leur donnent vie et mouvement", écrivent les auteurs ; l'assemblage de textes trouvant sa cohérence par son inscription dans le genre biographique dont le cadre rigide et la linéarité apparente de la forme offrent à la fois un espace cohérent de montage et une garantie de lisibilité.

À travers cette technique d'écriture, Philippe Artières et Dominique Kalifa ne restituent pas pour autant toute la production discursive dont ils disposaient, ils ont opéré des choix dans la masse de récits, indiquant toujours la source des textes proposés (mais non les raisons de leur sélection). Les textes sont toujours cités assez longuement pour former des paragraphes complets, se succédant tantôt de manière contrastée, tantôt de façon harmonieuse, vraies séquences qui s'enchaînent sans ouvertures ou fermetures de guillemets, chacune référant à un auteur différent, dont l'identité est juste signalée par le chiffre qui renvoie à une note infra-paginale.

Le corps du livre revêt ainsi l'apparence de la biographie, genre que pourtant les auteurs mettent à mal. Le livre, bien plus que la "vraie" vie de Vidal, restitue en effet une vie de papier, celle des textes qui le faisaient assassin, celle de son "double textuel".

A travers, ce mode d'écriture expérimental, Philippe Artières et Dominique Kalifa poursuivent deux desseins. Tout d'abord, saisir et décrypter la construction des figures du criminel. Et l'ouvrage donne bien à lire la manière dont une théorie de tueur se construit et dont la société de 1901 pense un criminel puisque la naissance discursive de Vidal n'a lieu qu'après ses assassinats. Ainsi, le crime ne s'appréhenderait que dans une construction sociale et culturelle qui "accouche progressivement de la figure du criminel". Les auteurs veulent ensuite mettre au jour la pluralité des regards sur un même individu, le caractère mouvant, contrasté voire contradictoire du discours social et par delà, "faire vaciller la notion même de réel au profit d'un miroitement de représentations enchevêtrées ou stratifiées, convergentes ou divergentes, mais dont le spectre seul dessine la complexité, donc la vérité, du monde social". En effet, si la lecture de cette biographie, de ce texte totalement discontinu, composé de morceaux et de fragments disparates, peut s'accomplir de façon absolument continue, les contrastes, les oppositions et les emmêlements des discours forcent en revanche le lecteur à mettre en question la notion de réalité.

Le corps du livre est formé de quatorze chapitres qui racontent cette vie de tueur de femmes. De la naissance à la mort, tous les épisodes sont là, examinés, jugés et jaugés, transcrits par tous les acteurs qui ont entouré le criminel et le procès. Vision kaléidoscopique, soigneusement ordonnée par la chronologie.

La dernière partie de Vidal le tueur est une courte postface de 40 pages, la continuation de cette vie de papier, cette fois ajoutées par les auteurs eux-mêmes. Philippe Artières et Dominique Kalifa retournent à l'année 1901, celle du début de l'affaire criminelle. Ils réfléchissent à "l'enquête", à son déroulement, à ses procédures et à nouveau au processus et aux acteurs de son écriture. Ils glanent ensuite les différents textes produits encore autour du criminel après sa mort, datés de 1922, 1923, 1986, 1994-95… jusqu'à celui qu'ils écrivent en 2001. Sans fin.

Philippe Artières et Dominique Kalifa revendiquent Vidal, le tueur de femmes comme une expérience, un essai d'écriture de l'histoire où l'historien se fait "en même temps compilateur effréné et auteur effacé". Auteurs effacés ? Certes dans l'acte même d'écriture mais moins qu'ils ne le disent puisqu'ils coupent et collent, puisqu'ils ont choisi le montage sans rien nous dévoiler du pourquoi. Le "c'est ainsi" des biographies et de bien des livres d'histoire en sort cependant fort malmené, comme dans le cinéma de Godard (ou de Lynch).

Nicole Edelman : « Philippe Artières et Dominique Kalifa – Vidal, Le tueur de femmes, une biographie sociale »

http://rh19.revues.org/383

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MessageSujet: Le procès d'Henri Vidal   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyLun 27 Mai 2013 - 16:55


Ces trois articles de La Presse retracent le procès :

- n° 3 810 du 4 novembre 1902 – première audience

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5504115.image

- n° 3 811 du 5 novembre 1902 – deuxième audience
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k550412j.image

- n° 3 812 du 6 novembre 1902 – le verdict
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k550413x.image

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MessageSujet: Re: Henri Vidal - tueur de femmes - 1902   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyMer 5 Juin 2013 - 14:08


Déposition d'une victime prostituée, aveux du tueur, témoignages et coupures de presse reconstituent les circonstances des crimes commis en 1901 par Henri Vidal


Cette existence m'énervait considérablement et ma seule distraction était, le soir, d'aller me promener à Nice ou Monte-Carlo. C'est dans une de ces promenades que, me trouvant par hasard à la poste de Monte-Carlo, j'eus l'occasion de faire connaissance avec Mlle Gertrude Hirshbrunner, la pauvre créature que je devais plus tard assassiner si lâchement. La jeune fille ayant laissé tomber un timbre, je me baissais et le lui remettais galamment. La façon aimable dont elle me remerciait me frappa l'esprit, et nous eûmes là notre première conversation. Tout en causant de choses et d'autres, je la raccompagnais chez elle, mais cette aimable enfant avait rappelé en moi mes premiers amours. Je fus frappé de sa gentillesse, de son gentil minois et n'eus dès lors qu'une seule pensée : la revoir et la revoir souvent.

Je rentrai me coucher, mais dès le lendemain, le surlendemain revenais à Monte-Carlo, cherchant à revoir Mlle Gertrude mais sans y réussir. Je la rencontrais cependant un soir, nous nous promenions un bon moment ensemble, mais je ne sais ce qui se passait en moi ce soir-là. Soit qu'elle parût ne pas me comprendre, soit que ma conversation ne lui plût pas, nous nous quittâmes précipitamment et je retournai à Beaulieu. Je n'ai pas du tout souvenir de ce qui s'était dit entre nous.

Tout ce que je me rappelle, c'est que j'arrivai à Beaulieu ce même soir avec des idées extraordinaires dans la tête, des idées de vengeance, de meurtre, l'idée absolue enfin de tuer la première femme qui se présenterait à moi. C'était la première fois que j'avais cette idée, mais avec aussi l'absolue conviction que la femme m'avait perdu, que la femme quelle qu'elle soit était indigne de vivre et que je devais les supprimer. [...]

C'est la tête bourrée de ces idées que je m'emparais d'un couteau dans la cuisine de mon propriétaire où je mangeais et filais à Nice...

"Quelques jours avant le crime de la rue Saint-Siagre, je me trouvais à la brasserie rue Taverne à consommer lorsqu'un individu qui se trouvait devant l'établissement sur le trottoir m'appelle. Je me rendis auprès de lui et il me demanda à passer deux heures avec moi. Comme son physique ne m'avait pas paru agréable, je l'ai prié de payer ma consommation et lui ai demandé la somme que je désirais, ce que je ne fais pas au café habituellement. II a acquiescé à mes désirs et payé une consommation, et une fois dans ma chambre rue d'Amérique, il m'a donné la somme de 25 francs que je lui avais demandée sans aucune difficulté.

Nous nous sommes mis au lit, mais mon client avait une attitude tout autre que celle d'un homme qui désire une femme. Nous sommes restés deux heures environ au lit sans avoir aucune relation intime.
- Il est resté deux heures avec vous ?
- Il ne m'a rien fait.
- Vous n'avez pas eu de rapports ? Il vous a respectée ? (Rires…)
- Oui. II m'a demandé d'éteindre la lumière.

Cet homme avait des attitudes étranges et je me suis tenue constamment sur mes gardes car j'appréhendais un malheur, à tel point que j'ai refusé catégoriquement d'éteindre la lampe, bien qu'il me l'eût demandé à plusieurs reprises. Vidal ne voulait pas me quitter. Je réussis à m'en débarrasser. Le lendemain, il revint à une heure. Je prétextai la présence de ma couturière pour ne pas le recevoir. Vidal laissa sa carte : "Vidal, comestibles, Beaulieu."
- Vidal, que vouliez-vous faire ? Vouliez-vous la tuer ?
- Si j'avais voulu la tuer, je l'aurais tuée.

Le crime que, quelques jours après, dans la nuit du 25 au 26 novembre, va commettre Vidal sur une autre fille galante, Joséphine Morerro, donne à son attitude à l'égard de la fille Raymonde une signification symptomatique saisissante.

Cette nuit-là, il n'a pas osé tuer, soit parce que les circonstances ne lui ont pas paru favorables, soit parce que non familiarisé avec le crime, il a hésité à frapper. Cette nuit, fort tard, un nouveau drame sanglant s'est déroulé dans notre ville, entouré de circonstances également singulières.

Une fille galante a été frappée d'un coup de couteau, à son domicile même, par un individu encore inconnu au moment où nous écrivons ces lignes.

Malgré l'heure tardive à laquelle le fait s'est produit, nous avons pu nous procurer sur ce drame sanglant les renseignements détaillés qu'on va lire.

C'est dans la maison portant le numéro 3 de la rue Saint-Siagre que le crime a été commis. Un appartement de cette maison est occupé par une demoiselle Jeanne Masero, âgée de 21 ans, de nationalité italienne. Jeanne Masero, qui appartient au monde de la galanterie et qui était très connue dans divers établissements de l'avenue de la Gare, avait fait la connaissance dans la soirée d'un individu qui l'avait accompagnée chez elle.

Combien de temps cet homme demeura-t-il dans le logement de la jeune femme ? C'est ce qu'il est difficile de préciser dès maintenant, étant donné qu'on ne les avait pas entendus entrer. Toujours est-il que vers deux heures du matin, Mme X..., qui demeure dans la même maison, entendit des cris plaintifs et ininterrompus qui venaient de l'appartement de Jeanne Masero.

Mme X..., effrayée, se leva en toute hâte, alluma de la lumière et ouvrit sa porte donnant sur le palier. Là, un triste spectacle s'offrit à sa vue. Jeanne Masero, dans une attitude convulsive, était blottie dans l'angle formé par la porte de l'appartement de Mme X... et la paroi du palier. La malheureuse, visiblement sous le coup d'une terreur folle, appelait à l'aide et faisait le geste de frapper à la porte. Mme X... s'empressa de transporter la pauvre femme sur le lit et de lui prodiguer des soins. C'est alors seulement qu'elle s'aperçut que Jeanne Masero était tout ensanglantée. [...]
Quel a été le mobile de ce meurtre singulier ?

L'hypothèse du vol sera examinée par le magistrat au cours de l'enquête à laquelle il va procéder. Toutefois, certains indices sur lesquels nous ne voulons pas nous engager pour l'instant afin de ne pas entraver l'action de la justice laissent le champ libre à d'autres suppositions. On a un signalement assez incomplet du meurtrier, qui a eu le temps de s'éloigner considérablement avant qu'on se soit aperçu du crime. Il est activement recherché et la police croit tenir une bonne piste. [...]

Nous tiendrons nos lecteurs au courant des suites de cette sanglante affaire.
Le meurtrier est encore inconnu. Il était, nous a-t-on dit, petit de taille et vêtu de gris. Il s'est enfui dans l'avenue de la Gare sitôt après avoir commis son acte. On ignore jusqu'à présent quelles sont les causes de ce drame. Le coup a-t-il été porté à la suite d'une discussion ou bien le coupable a-t-il frappé sa victime sans qu'il y ait eu dispute, dans le but de la voler ? C'est ce que l'enquête nous fera connaître. Ajoutons que la victime est d'origine italienne.

Vers minuit, j'allais m'asseoir devant un café bien décidé à raccrocher la première qui sortirait. Une consommation réglée, je suivais la petite Moreno et l'accostais un peu plus loin. Après avoir causé un moment, je lui prenais le bras et l'accompagnais chez elle. A un moment, j'eus une certaine hésitation, mais de peu de durée, hélas! Car à peine avait-elle ouvert la porte de sa chambre et n'attendant même pas qu'elle eût allumé sa lampe, je la frappai de mon couteau dans le cou ou dans le dos, je n'en sais rien car il faisait nuit... mais en entendant les cris de la victime, je ne pensais qu'à prendre la fuite, descendais précipitamment les escaliers, ouvrais la porte et sortais... j'étais dehors! ...

D'une main il l'avait saisie par les cheveux, de l'autre, il avait frappé avec son couteau. Mais aux cris poussés par sa victime, il prit la fuite. Il se rendit de nouveau sur l'avenue de la Gare, accosta une autre fille, mais disparut pendant que celle-ci entrait dans une pharmacie où l'on venait de transporter la fille Moreno, qui avait repris connaissance et qui a survécu à sa blessure.

Antoine Piétri, médecin, a visité la fille Moreno. Elle avait au niveau de la septième côte une plaie profonde, un épanchement sanguin s'était produit et le poumon était perforé. Grâce à sa robuste constitution, la fille Moreno fut rétablie en trente jours. Tel fut le premier crime de Vidal. Dans son interrogatoire du 3 janvier, il en a fait le récit complet, et a déclaré que son intention était de voler sa victime, mais que les cris de celle-ci l'avaient effrayé.

Le mobile de ce crime est donc nettement déterminé. Vidal avait résolu de se procurer de l'argent par n'importe quel moyen. La tentative d'assassinat qui vient d'être relatée avait pour but le vol. Cette tentative n'a pas été décidée brusquement, instantanément, sans réflexion et sans motif. Elle a été voulue et préparée d'avance. Elle a été accomplie avec précaution. Le meurtrier a patiemment choisi l'heure et le lieu les plus propices.

Ainsi qu'il résulte de ses explications, il n'y a eu chez lui ni hésitation, ni lutte intérieure, ni angoisse obsédante, ni explosion brusquement impulsive. Dès que le premier cri de sa victime lui a annoncé le danger, il s'est empressé de fuir. Un seul sentiment l'a hanté pendant toute la nuit: la peur d'être découvert.

Là, je marchais comme un fou, ne sachant même où aller. Une sueur froide s'emparait de moi, je regardais à droite, à gauche, et marchais mais sans avoir le courage de prendre une direction quelconque. Je ne rencontrai personne, passai même devant un poste de police sur la porte duquel était un agent, et me trouvai bientôt devant le "Pavillon". L'idée me vint de rentrer à Beaulieu, ce que je fis. Pendant la route, je jetai derrière un mur mon couteau ensanglanté et, vers les trois heures du matin, j'étais couché. En entrant chez moi je dis : c'est égal, tu l'as échappé belle! Puis je m'endormis et ne m'éveillai que le lendemain vers onze heures.

Lorsque, par la lecture des journaux, j'appris que ma victime n'était pas morte, j'eus comme un certain soulagement, mais ne pensais nullement à quitter Beaulieu où cependant, avec le signalement donné par la victime, on eût pu m'arrêter d'un moment à l'autre. Au contraire, je continuais mon petit train. J'allais tous les soirs à Nice comme d'habitude. De temps à autre, j'avais comme un certain regret de ce que j'avais fait. Quand même ! disais-je, voilà où te mènent ces femmes !

Sept ou huit jours après le crime de Nice, l'idée infernale me revient de recommencer le coup. J'avais fait dans la nuit un mauvais rêve : je m'étais vu couché avec Cérénie, l'embrassant, la cajolant, etc. Je fis même une fausse couche en règle puis, me rappelant tout à coup son refus, je me levai avec l'idée d'aller la tuer ! ...

Je pris donc mon billet pour Cannes, passai tout l'après-midi dans cette ville, mais ne sais quelle idée me fit penser que je ne réussirais pas ce coup, qu'il valait mieux aller à Marseille et le faire sur une grue quelconque. [...] Arrivé à Marseille, je passai toute ma journée à me promener. Le matin sur le marché pour connaître les divers prix et juger de la différence avec Nice, le soir d'un café à un autre, à la musique etc. [...] Vers les minuit, j'entrais à la Maison dorée, me plaçais à côté d'un groupe de femmes, espérant que quelqu'une ouvrirait avec moi la conversation.

Dans la nuit du 6 au 7 décembre, il consomme au café de la Maison dorée, où il entre en relation avec la fille Louise Guinard, qu'il complimente sur sa toilette et ses bijoux. Ils sortent ensemble et il cherche à n'être point vu sous le prétexte qu'il est de la ville et copropriétaire d'un grand café qu'il indique et qu'il veut éviter de laisser apprendre sa conduite à sa mère. Il veut prendre une voiture, la fille Guinard refuse et on arrive à la chambre de celle-ci. Là encore, pendant qu'elle allume sa lampe, Vidal lui porte deux coups de couteau qui l'atteignent à la main gauche, elle s'appuie à un meuble et lance à son agresseur un violent coup de pied au bas-ventre sous lequel il s'affaisse, la fille Guinard sort, essaie de l'enfermer dans sa chambre sans y parvenir et Vidal réussit à se sauver en portant à sa victime trois coups de couteau qu'en les parant, elle reçoit dans le bras droit.

Elle aussi, il l'avait, d'une main, saisie par les cheveux, et de l'autre lui avait porté un violent coup de couteau. Elle ouvrait la porte de sa chambre et se mettait en devoir d'allumer sa lampe lorsque, une lueur rougeâtre me passant devant les yeux, lueur suivie d'un voile noir... je prenais mon couteau et frappais la malheureuse de trois, quatre coups même sans voir où je frappais...

A peine avais-je éclairé la lampe que cet individu m'a porté trois coups de couteau à la main gauche et aux cris à l'assassin que j'ai poussés tout en cherchant à fuir, cet individu m'a encore porté trois autres coups de couteau à l'avant-bras droit.
Elle ne doit la vie qu'à l'épaisseur de son corset.

Le lendemain, j'ai porté plainte au commissaire de police de mon quartier.

Le chapeau que vous me présentez est identique à celui que portait l'assassin. Voici à peu près le signalement de cet individu : âgé de 30 à 31 ans, taille au-dessus de la moyenne, cheveux châtains, petite moustache châtain, yeux grands, figure soucieuse, il était vêtu d'un pardessus beige, d'un pantalon noir à raies blanches, foulard bleu marine, il avait à l'auriculaire de la main droite une bague en argent forme petit anneau.

Le parquet de Marseille croit connaître l'assassin. Ce serait un individu déjà recherché par la police génoise pour un vol important commis chez un bijoutier de la ville, nommé Lucien Borelli.

Tel fut le deuxième crime de Vidal. Interrogé le 3 février sur son voyage à Marseille, il l'a caché soigneusement au magistrat instructeur. Dans l'interrogatoire du lendemain, bien que formellement reconnu par Louise Guinard, il a nié être l'auteur de cette tentative d'assassinat. Ce n'est que le 6 janvier qu'il s'est décidé à en faire l'aveu. [...] Ici donc, comme pour le premier crime, le mobile est nettement déterminé. Vidal, de plus en plus besogneux, et de plus en plus décidé à se procurer par n'importe quel moyen l'argent qui lui manque, a guetté, choisi, suivi et attaqué la fille Guinard pour lui voler ses bijoux. Cette tentative n'a pas été décidée brusquement, instantanément, sans raison et sans réflexion, à la façon des actes impulsifs ; elle a été étudiée, préparée et organisée d'avance.

A chaque instant, je regardais derrière moi, croyant voir des agents à ma poursuite. J'allais et je venais dans les rues de Marseille, toute la nuit, ne pensant même pas à me laver les mains où j'avais du sang. J'en avais aux mains, sur mon pardessus, et mes pantalons. Je tremblais de tous mes membres et, arrivant sous un bec de gaz isolé, je regardais mes vêtements. C'est alors que la frayeur me revint et je courus, il me semble, un gros moment comme si je me croyais poursuivi. Je suivais une ligne de tramways et, après m'être essuyé les mains avec de l'herbe, j'entrais dans un café qui ouvrait ses portes... me faisais servir un café qui n'était pas encore chaud... et reprenais ma route. Je me suis toujours demandé comment le patron du café n'avait pas remarqué ma frayeur et surtout les taches que j'avais sur mon pardessus. Au petit jour, j'arrivais à L'Estaque et là, entrant dans un hôtel, je prenais encore un café chaud et me couchais... [...]

A L'Estaque, je restai pendant trois jours dans cet hôtel. Au rez-de-chaussée était un petit café où se réunissaient les gendarmes pour faire leur partie. Pendant les trois soirs, je jouais aux cartes avec les gendarmes (la gendarmerie était même en face de l'hôtel), ne me faisant aucune idée que j'étais un assassin et que, d'un instant à l'autre, sur le signalement donné par la victime, les gendarmes pourraient m'arrêter.

Peu de temps après, à L'Estaque, après la tentative d'assassinat sur la fille Guinard, à Marseille, il a eu l'idée tout l'après-midi du dimanche de se faire écraser par un train. Dans cette intention il s'est promené près de la voie ferrée, mais il a hésité, puis tout à coup a eu l'idée d'aller faire une dernière tentative de conciliation auprès de sa mère.

Ma pauvre mère qui ne s'attendait pas à ma visite fut, naturellement, toute surprise. Cette soirée devait me faire passer encore par une rude épreuve, épreuve d'autant plus pénible que j'ai toujours beaucoup aimé ma mère, et qu'il m'en coûtait d'avoir avec elle des explications de ce genre. Je racontais à ma mère que, venu à L'Estaque pour affaire, je m'étais arrêté à Hyères pour lui faire une nouvelle demande d'argent. La pauvre maman n'était pas très bien disposée ce soir-là, à tel point que nous en vînmes à une sérieuse discussion.
- Débrouille-toi, dit-elle, fais comme ton frère. Quant à moi je ne puis rien te donner.
- Cependant, lui dis-je, tu n'hésitais pourtant pas quand il s'agissait de donner des billets de mille à mon frère! Donne-moi encore 200 francs et je te promets de ne plus rien te demander par la suite.

Alors ma mère se levait, très mécontente, me disant que j'aurais bien mieux fait de rester à Hyères, lui aider, etc.
- C'est bien facile, lui dis-je, assure-moi d'une façon ou de l'autre mon avenir ici et j'y resterai. Je ne demande que ça !
- Ne l'as-tu pas ton avenir ? Que veux-tu de plus ?
- Je l'ai par des promesses ; mais ce sont des papiers que je veux voir. As-tu seulement de Mme Dauré des papiers t'assurant qu'elle te rendra l'hôtel un jour ou l’autre ?
- Certainement, dit-elle, ces papiers je les ai.
- Fais-les voir.
- Je ne te ferai rien voir du tout, je ne suis pas obligée, après tout, de te raconter mes affaires !
- Très bien, dis-je à ma mère, mais si tu n'es pas obligée de me raconter tes affaires, si tu n'es pas obligée de reconnaître le travail que j'ai fait durant les vingt-cinq années que j'ai passées à l'hôtel, tu as au moins le devoir de faire le nécessaire, de me donner les moyens de me faire une autre situation ailleurs.
- Je suis obligée de rien du tout, répond ma mère, si tu es venu ici pour me faire une scène pareille, tu pouvais rester à Beaulieu. Je ne suis pas obligée de te faire ta situation, tu es assez grand pour te débrouiller seul, et puis après tout, dit-elle, tu n'as pas le droit de crier ici, tu n'es pas chez toi !

A ces mots "Tu n'es pas chez toi", je sentais de nouveau un flot de sang me monter à la tête, un nuage sombre obscurcissait ma vue et, me tenant à la rampe de peur de tomber, je montai dans ma chambre où les larmes m'inondèrent. [...] Le lendemain matin, ma mère me donnait 150 francs encore et je quittais Hyères, n'ayant pas fermé l'œil de la nuit et en proie à une exaspération des plus vives. Le dernier mot qu'elle me dit, la pauvre maman, fut celui-ci :
- Et surtout, Henri, ne fais pas de bêtises ! Ne va pas déshonorer la famille !

Philippe Artières et Dominique Kalifa - Vidal, le tueur de femmes

http://www.lexpress.fr/culture/livre/vidal-le-tueur-de-femmes_805181.html

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MessageSujet: Re: Henri Vidal - tueur de femmes - 1902   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyDim 9 Juin 2013 - 14:51


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MessageSujet: Deux écrits d'Henri Vidal   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyJeu 11 Juil 2013 - 17:08


Deux écrits d'Henri Vidal :

- Langue Toucouleur, lexique de conversation français-toucouleur, cahier manuscrit par Henri Vidal.

http://www.bm-lyon.fr/decouvrir/collections/affichage_image.php?img=../collecimage/lacassagne_image/15_Ms5267_Vidal.jpg


- Couverture de Mon premier voyage au Soudan, second cahier des souvenirs autobiographiques d’Henri Vidal.

http://www.bm-lyon.fr/decouvrir/collections/affichage_image.php?img=../collecimage/lacassagne_image/14_Ms5264_Vidal.jpg

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MessageSujet: Re: Henri Vidal - tueur de femmes - 1902   Henri Vidal - tueur de femmes - 1902 EmptyMar 9 Mai 2017 - 17:02

Hondelatte raconte - Henri Vidal, le tueur de femmes :

http://www.europe1.fr/emissions/hondelatte-raconte/hondelatte-raconte-henri-vidal-le-tueur-de-femmes-3324962

Bonne écoute !         queen

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