Les exécutions capitales des membres du réseau Missak Manouchian
21 février 1944,
clairière du Mont-Valérien (commune de Suresnes - Hauts-de-Seine). Missak Manouchian et vingt-et-un membres de son réseau (FTP-MOI) sont passés par les armes. Un prêtre allemand,
Franz Stock, est présent.
1985. Un ancien sous-officier allemand, ayant servi à Paris pendant la guerre,
Clemens Rüther , remet des négatifs photographiques (qu’il conservait depuis la guerre) au comité allemand Franz Stock. Ils représentent plusieurs hommes, liés à des poteaux, face à un peloton d’exécution. Rüther aurait pris ces clichés avec un Minox, très discret appareil, à la miniaturisation remarquable.
Minox d'époque. 80 x 27 x16mm - Poids 130gr.
2003. Le comité Franz Stock remet trois clichés de ces exécutions (ou reconstitution d’exécutions) à l’Établissement photographique des archives de la défense (
ECPAG), installée au fort d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Fin 2009. Serge Klasferd, apprend l’existence de ces clichés. L’un est déjà connu, il figure sur une récente brochure officielle consacrée au Mont-Valérien où 1008 résistants et otages ont été fusillés (décompte actuel, il peut augmenter), mais ce cliché est seulement présenté comme la reconstitution d’une exécution. Les deux autres clichés sont inédits.
S. Klarsfeld, qui effectue un travail considérable sur l’identification des fusillés au Mont-Valérien pense que les trois clichés représentent d’authentiques exécutions. Douze hommes y figurent, quatre par cliché. Selon lui, ces hommes sont des membres du réseau FTP-MOI, de
Missak Manouchian, fusillés le 21 février 1944.
Il déclare que les clichés ont été authentifiés par la Direction de la mémoire du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense. Un responsable de cet organisme, M. Franck Segrétain, interrogé par l’Agence France-Presse, juge « très probable » leur authenticité.
En décembre 2009, S. Klasfeld fait parvenir ces documents à l’Agence France-Presse qui les diffuse.
(cliché agrandi et légèrement tronqué). Voir les trois clichés : http://l-afficherouge-manouchian.hautetfort.com/tag/clemens+ruther
D’après Serge klarsfeld, figureraient sur ce cliché (les noms suivis de AR sont ceux dont le portrait figure sur l’Affiche Rouge) : Celestino Alfonso (AR), Wolf Joseph Boczor (AR), Émeric Glasz, Marcel Rajman.
(crédit photo : ECPAD-Don de l’association des Amis de l’abbé Franz Stock)
Les autres clichés représenteraient les exécutions de Thomas Elek (AR), Mojsze Maurice Fingercwajg (AR), Jonas Geduldig, Wolf Wajsbrot (AR) — Georges Cloarec, Rina Della Negra, Cesar Lucarini, Antonio Salvadori. On peut légitimement s’étonner de l’identification de certains condamnés alors que leur reconnaissance parait extrêmement difficile au vu des documents. S. Klarsfeld a-t-il apporté des précisions sur ce fait ?
[Le procès des vingt-quatre résistants FTP-M.O.I du réseau de Missak Manouchian s’est déroulé à partir du 15 février 1944, et le verdict rendu le vendredi 18. Vingt-trois des accusés sont condamnés à mort, dont une femme,
Olga Bancic Le vingt-quatrième fut renvoyé devant la justice française (vol à main armé) —]
- Extrait du témoignage de Clemens Rüther, remis en 1985 :
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…………..
Ainsi, une autre fois, je fus désigné avec d’autres, aussi loin que je me souvienne, au début de l’hiver 1944, probablement en février, pour la surveillance d’un procès militaire allemand contre 20 combattants français de la résistance. Le procès eut lieu publiquement. Autant que je le sache encore, la presse ou une partie de celle-ci avait pu suivre le procès.
Le jugement fut prononcé le vendredi ou le samedi midi. Les accusés reçurent un délai pour pouvoir déposer un recours en grâce jusqu’au jeudi suivant à 12 heures. Le lundi suivant nous reçûmes l’ordre d’accompagner le transport de ces combattants de la résistance à un fort, à l’ouest de Paris, probablement le Mont-Valérien. Les condamnés étaient expédiés sur des camions et nous devions les suivre sur des motocyclettes.
Au fort, dans une fosse, ils furent tous fusillés, quatre par quatre, par un commando des forces armées allemandes (Werhrmacht). Ils étaient liés à des poteaux et avaient les yeux bandés. Aux quatre suivants, ces mêmes bandeaux, qu’ils soient plein de sang ou non, étaient rattachés.
Seul un homme de presque 50 ans donna encore un signe de vie après la fusillade. Alors un officier approchait et lui donna le coup de grâce avec son pistolet.
[Ils étaient] accompagné d’un prêtre catholique Franz Stock de Neheim.
Les fusillés furent mis sur place dans des cercueils. Nous devions encore accompagner le transport jusqu’au cimetière. Là-bas, ils étaient inhumés dans une fosse commune. Sur quel cimetière c’était, je ne peux plus le dire aujourd’hui *
Je fus témoin du procès, du jugement et de l’exécution. »
Wuppertal, juillet 1985, Clemens Ruther.- Traduction de l’allemand par Mmes Valérie Perret et Simone Scoul (2005), témoignage transmis par l’association des amis de Franz Stock.
* Il s’agit du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Franz Stock. Aumônier allemand des prisons, notamment du Cherche-Midi, la Santé, Fresnes. Chargé par les autorités militaires allemandes d’assister les détenus, de préparer et d’accompagner les condamnés à mort sur leur lieu d’exécution, principalement au Mont-Valérien. Fonction qu’il exerce avec un grand dévouement. A la fin de la guerre il est fait prisonnier mais continue son activité religieuse dans des camps de prisonniers de guerre allemands. En 1948, affaibli, il décède à Paris, à l’âge de 42ans, dans la solitude et une certaine indifférence.
Cependant, au fil du temps, sa figure remonte plus au grand jour et en novembre 2009 une procédure de béatification est ouverte. L’étape de la première procédure est franchie en 2013, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu’un décret papal ordonne sa béatification. Plusieurs dizaines d’années d’attente sont parfois nécessaires. Mais déjà, le dossier de la première procédure (16000 pages) lui est très favorable et nul doute qu’il sera un jour béatifié.
Clemens Rüther. Nommé sous-officier à l’école de la feldgendarmerie, au fort de Nogent-sur-Marne où il suit une formation de six mois. Il est ensuite muté à Paris au sein d’une troupe « hors cadre » et affecté « à toutes sortes de tâches » (d’après son témoignage. 1985).
Après la guerre, il aurait exercé la profession de banquier, selon le quotidien
Libération.
Certains articles qualifie sa prise de photographies «
d’acte de résistance silencieux ». C’est une possibilité, mais son geste ne pouvait-il pas être aussi le désir de fixer un “ souvenir marquant “ dans sa vie de militaire ? Le qualificatif d’anti-nazi lui est aussi attribué. Sur quels critères ? On ne le sait pas.
Olga Bancic Réfugiée roumaine. 32 ans. Mariée. Maman d’une petite fille qu’elle fait élever en province.
Membre des FTP- MOI, réseau Missak Manouchian.
Arrêtée en novembre 1943 par les agents français des redoutables
Brigades Spéciales (rattachées à la direction centrale des RG), comme de nombreux membres du réseau Manouchian.
Après sa condamnation à mort, elle est transférée en Allemagne et guillotinée le 10 mai 1944, à Stuttgart.
En sa mémoire, le 4 juillet 2013, une plaque-souvenir a été apposée sur la façade de son dernier domicile officiel connu, 114 rue du Château, Paris 14ème.
Missak Manouchian habitait également ce quartier. En 2009, la Mairie de Paris a fait apposer une plaque sur la façade du 11 rue de Plaisance, où il a résidé, avec sa femme, Mélinée, jusqu’à son arrestation. Charles Aznavour était présent. L’artiste a connu Missak Manoukian qui rendait visite à ses parents, pendant la guerre, au 22 rue Navarin (Paris 9ème). Les parents de C. Aznavour ont aidé à la résistance contre l’occupant.
Prison du Cherche-Midi . Elle est évacuée le 10 juin 1939, à l’approche imminente des troupes allemandes. L’occupant l’annexe totalement, incarcérant résistants, opposants politiques, otages… Les autorités militaires françaises l’occupent de nouveau le 1er octobre 1944. L’ancien gouverneur allemand de Paris,
Otto von Stülpnagel, s’y suicide en 1948, peu avant son procès pour crime de guerre (démolie en 1966. Emplacement du 38 rue du Cherche-Midi, Paris 6ème).
Face à la
Maison militaire d’arrêt et de correction (dit prison du Cherche-Midi), la
Maison de justice de l’Hôtel des Conseils de guerre. C’est ici que s’est réuni en décembre 1894 le Conseil de guerre qui jugea le capitaine Dreyfus pour haute-trahison et le condamna à la déportation perpétuelle, destitution de son grade et à la dégradation (démolie en 1907. Emplacement du 37 rue du Cherche-Midi).
(collection Roxane Debuisson)
Serge KlarsfeldClairière du Mont-Valérien. Dalle du souvenir, posée en 1959.
Cloche de la mémoire où sont inscrits les noms des fusillés identifiés (d’autres pourraient suivre). Posée en 2003.
Auteur : Parisette.
Rareté : Un film d’amateur, tourné avec une caméra 8mm par
Charles Dudouyt, artiste-décorateur. Il résidait dans un immeuble proche de la Prison du Cherche-Midi et filmait depuis son appartement. Très précieuses images, montrant l’évacuation de la prison, brèves malheureusement, la fuite de l’occupant, la première barricade, l’arrivée des premiers libérateurs etc.
Tous les prisonniers du Cherche-Midi ont probablement été évacués et pour une destination que l’on peu craindre plutôt sombre. En outre, les allemands ont emporté toutes les archives de la prison, livre d’écrou etc. empêchant ainsi de comprendre son histoire pendant le temps de l’occupation.
La prison du Cherche-Midi est nommé « centre de rééducation » par l’auteur.
Un aperçu du film : https://www.youtube.com/watch?v=gDniJsKFxe4&feature=youtu.be
Texte sur Charles Dutouyt, par son petit-fils : http://www.charlesdudouyt.com/qui_etait_Charles_Dudouyt.html
Charles Dudouyt (1885-1946)