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Dernier exécution capitale à Rouen le 24 août 1948...
Article du Paris-Normandie du 26 juillet 2015. Histoire de la peine capitale.
Du « rasoir national » des années révolutionnaires, la guillotine glissa au statut « d’infâme objet » pendant les IIIe et IVe Républiques. Pas étonnant alors que le dernier exécuté à Rouen soit Piotr Piskorski, drôle de bonhomme slave, tout en muscles et en silences, ancien officier de l’armée soviétique, passé sergent dans l’armée US, dont toute la famille mourut en déportation et qui, selon le journal Paris-Normandie de l’époque, « conservait une haine tenace pour les Allemands ». Sa tête tomba le 24 août 1948, en pleine reconstruction de Rouen et du Havre, dans la cour de la prison Bonne-Nouvelle. Ce fut la dernière.
Une tête, un crime
À l’époque, les chroniqueurs ne savaient pas, évidemment, que ce condamné serait le dernier à Rouen à « payer de sa vie son crime ». Les débuts de la guerre froide, les propositions de Staline aux trois « grands », le suicide du ministre des affaires étrangères tchécoslovaque Jan Masaryk, le redressement économique promis par le gouvernement Reynaud : voilà ce qui occupe la première des quatre pages du journal, restrictions de papier obligent. La France n’est pas encore, loin de là, sortie du rationnement.
Le jour de l’exécution, c’est surtout le vol de 150 kilos d’or à Orly par de vrais-faux policiers qui « éclipse » l’exécution dans les tréfonds des quasi brèves : « À 4 h 45 », notent Paris-Normandie et Le Havre-Libre, « les voitures arrivent ». Elles transportent les avocats, le président de la cour d’assises, le docteur... « À 5 h 15 exactement, le couteau tombait. Le condamné est mort courageusement, sans prononcer une parole. » Le greffier appose ensuite le procès-verbal de l’exécution sur la porte de la prison, pendant 24 heures. C’est l’acte de décès de la peine capitale à Rouen.
Une tête, un crime. Celui de Piotr Piskorski était particulier. « L’assassinat d’une enfant sans défense est particulièrement révoltant, il s’agissait d’une cause vraiment indéfendable », notait Paris-Normandie le 11 mars 1948, jour du verdict.
Le condamné, ancien instituteur polonais balayé par la guerre, enrôlé chez les soviets puis chez les Yankees, qui a vu sa famille disparaître à Treblinka (en 1948, tous les déportés en France n’étaient pas encore rentrés), avait dans la nuit du 24 au 25 septembre 1947 été chez la femme Leszcysynski, boulevard François-1er au Havre. Le mari de cette dernière était allé à Paris ce jour-là. Après des heures d’amicale discussion, Piskorski se leva et tua à coups de barre de fer la femme, et étrangla sa fille âgée de 8 ans, avant de cambrioler la maison avec son complice Koutz qui attendait dehors.
À l’énoncé de « l’impitoyable verdict », détaille Paris-Normandie, « aucune réaction n’est perceptible sur leurs visages. Nitchevo ! », expédie le reporter judiciaire.
B. M.-C .
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