De la chasse à outrance déclenchée par l'abolition des privilèges de la noblesse dans la nuit du 4 août 1789 - «s'il y a des êtres vivants qui ne furent pas à la fête durant ce premier été de la Révolution, ce furent bien les animaux des bois qui subirent un massacre sans précédent, tirés de toutes parts, chassés par tous, poursuivis sans relâche en un immense hallali qui faisait de n'importe quel paysan roturier la veille un homme libre le lendemain, avec sa vieille pétoire, fier de mettre sur la table le gibier chassé», relève Pierre Serna sans son
Comme des bêtes -, de cette «bacchanale terrible de coups de fusils», Félicité de Genlis exempte dans ses
Petits Émigrés de 1798 «la terre de Sillery, en Champagne», au sud de Reims, domaine ayant appartenu à son époux le marquis de Sillery supprimé avec le groupe des députés girondins le 31 octobre 1793, et considère que «son infortuné propriétaire méritait de telles marques d'attachement par sa bienfaisance et son incomparable bonté».
Peu impressionnée par la fraction rétrograde de l'aristocratie, l'ex-maîtresse de Philippe Égalité acéphalisé le 6 novembre dans sillage de son ex-mari, en raille avec pétulance l'orthographe fautive et le chauvinisme :
«Qui est-ce qui pouvais prévoire cette môdite révolution?»
«Quant on a vécu à Paris et dans la cituation ou nous étions, on ne peux pas s'accoutumer à une petite ville de provaince comme Berne».
«D'alieure je n'aime pas du tout la Suisse, où l'on ne trouve aucun amusemant (...), pas une seule sale de spectacle».
«Pendant la Révolution», persifle encore en 1819, dans son roman
Les Parvenus, l'ancienne préceptrice du «roi-citoyen» Louis-Philippe, «le républicanisme mit les sabots tellement à la mode que tout le monde alors en portait dans les rues», et que le «tumulte» qu'on pouvait entendre sur le parcours des charrettes de la guillotine résultait du contrepoint de telles chaussures aux pieds d'«une multitude d'hommes et de femmes du peuple» et des sabots des «chevaux des gendarmes de l'escorte», l'ensemble constituant en quelque sorte une symphonie de sabots des plus effrayantes aux oreilles des opposants qui, en butte aux visites domiciliaires, l'entendaient peut-être jusqu'au milieu de leur inconfortable sommeil.
La symphonie des sabots de Madame de Genlis, quelle belle trouvaille de la part de cette femme exceptionnelle qui sut traverser sans coup férir le demi-siècle tumultueux de la fin du XVIIIe et du commencement du XIXe et eut avant de rendre l'âme le 31 décembre 1830 le plaisir de voir son fils spirituel Louis-Philippe monter sur le trône de la Monarchie de Juillet.
Félicité de Genlis en 1790 par Adélaïde Labille-Guiard.