Au chapitre «De l'héroïsme de la vie moderne» de son
Salon de 1846, le grand Baudelaire a vanté à mots couverts, d'après son exégète Dolf Oehler, la «vaillance» de ce Pierre Poulmann, un «criminel bien portant» qui «n'a pas baissé la tête devant la suprême machine (...), a bousculé l'abbé Montès et (...) couru sus à la guillotine en s'écriant : Laissez-moi tout mon courage!»
Exécuté le 6 février 1844 après avoir dédaigné de se pourvoir en cassation, Poulmann eut selon les journaux du lendemain la délicate attention de demander «qu'on lui mît une pièce de 50 centimes dans la poche de son pantalon, pour le fossoyeur, ce qui lui fut accordé»
(La Presse), mais rejeta en effet les appels à la contrition du vieil abbé Jean-François Montès qui avec insistance l'aurait relancé par trois fois à son réveil - «Retirez-vous, s'est écrié Poulmann, retirez-vous... Je ne veux pas vous voir... Si j'étais libre, je vous ferais du mal» (la
Gazette des tribunaux) -, au moment de quitter la Roquette pour la barrière Saint-Jacques - «Au moment de monter en voiture, l'abbé Montès se présenta de nouveau et s'offrit à l'accompagner, mais ce misérable refusa, et menaça de frapper le vénérable ecclésiastique s'il montait dans la voiture» (le
Journal des débats), - et finalement sur les marches de l'échafaud - «Retirez-vous! s'écria Poulmann, subitement saisi d'un paroxisme de colère; je ne veux pas de vous! Laissez-moi mon courage!»
(Le Siècle). Charles Baudelaire par Félix Nadar.