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 Le mangeur de dossiers Labussière

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Titange
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Titange


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MessageSujet: Le mangeur de dossiers Labussière   Le mangeur de dossiers Labussière EmptyVen 17 Fév 2023 - 0:47

Dans la pièce Thermidor de Victorien Sardou sabote les activités du bureau des détenus du Comité de salut public un certain Charles Labussière qui y a effectivement travaillé du 21 avril 1794 jusqu'à la chute des robespierristes et qui, en feignant un excès de zèle, se mit à s'y présenter la nuit pour mieux pouvoir détruire les dossiers d'instruction qui lui paraissaient inéquitables à la faveur d'un astucieux procédé de dissolution amorcé sur place et complété, au matin, à la rivière : «je les fais tremper dans ma cuvette où je les pétris, les triture et les mets en pâte. Après quoi je les tords en pelotes dont je bourre mes poches et je sors, je vais à la rivière, en quelque endroit écarté où, sous mine de me baigner ou de pêcher, j'émiette dans l'eau toute ma procédure qui s'en va doucement à la dérive».


Le mangeur de dossiers Labussière Scree307


Sous les initiales de J. C. T., l'ex-rédacteur du Moniteur universel et futur préfet de l'Empire Jean-Charles Trouvé a exposé en détail dans le Journal des débats du 23 juillet 1802 quelles étaient les nuits de Labussière avant ses saucettes matinales dans la Seine, le plus souvent aux bains Vigier du Pont-Royal :

«Pendant les six premiers jours il se contenta de cacher les pièces; cependant, comme le volume commençait à devenir très gros, et qu'il ne pouvait ni les emporter pendant le jour, ni même les garder cachées, il imagina de les faire disparaître pendant la nuit; en conséquence, il se rendait au Comité de salut public à une heure du matin, au moment où les membres de ce Comité étaient en délibération; il montait à son bureau, allait à sa cachette, y prenait les pièces, les faisait tremper dans un seau d'eau, et en faisait une pâte composant cinq à six boules qu'il mettait dans sa poche. Vers les six heures du matin il allait au bain, où il trempait encore ces mêmes boules de papier, déjà durcies par l'excessive chaleur qu'il faisait (c'était dans les premiers jours de Messidor), et les subdivisait en petites boules qu'il lançait dans la Seine par la fenêtre de la chambre de son bain.»


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Avec la connivence de son supérieur immédiat Fabien Pillet qui lui trouvait des airs de «plaisant mystificateur» comme il l'avouera plus tard en rédigeant sa notice pour la Biographie universelle de Louis-Gabriel Michaud, et peut-être aussi avec la complicité passive de leur patron Augustin Lejeune, un intime d'Antoine Saint-Just qui dès lors commençait à s'en détacher, de combien de sauvetages Labussière fut-il vraiment responsable entre les 1,153 qu'il s'est attribué dans une lettre au Courrier des spectacles du 14 avril 1803 et les plus vraisemblables 200 que lui accordent Charles-Guillaume Étienne et Alphonse Martainville dans leur Histoire du Théâtre-Français en 1802, il n'est pas facile de l'établir avec exactitude, mais ce qui par une étrange coïncidence ressort clairement de la nomenclature de ceux-là qui sont avérés, c'est que dans une large mesure ils ont bénéficié à la communauté artistique alors que Labussière lui-même, doué d'un esprit vif et facétieux, se plaisait dans ses moments de loisir à personnifier les niais sur les planches de théâtres de société comme le théâtre Mareux sur le boulevard Antoine, dont était l'un des piliers.

Parmi ses obligés figurent notamment Joséphine de Beauharnais, future Bonaparte, ce dont se souviendra le cinéaste Abel Gance dans son Napoléon de 1927, le fabuliste Florian et Marguerite de Montansier, mais surtout les illustrations de la faction «noire» ou aristocrate des Comédiens-Français, soit treize actrices dont Louise Contat et Françoise Raucourt et quinze acteurs dont Fleury et Dazincourt incarcérés à Sainte-Pélagie et aux Madelonnettes en septembre 1793 après la censure de la Paméla de François de Neufchâteau qui recelait cette tirade par trop indigeste au goût de leur principal détracteur Collot d'Herbois :

Ah! les persécuteurs sont les seuls condamnables
Et les plus tolérants sont les seuls raisonnables.



Le mangeur de dossiers Labussière Scree306


À la suggestion, paraît-il, de Victorien Sardou, Jules Claretie a lui aussi louangé Labussière dans son feuilleton Puyjoli :

«Le jour venu, il alla aux bains Vigier, et comme le garçon qui lui donnait son billet lui disait en le regardant :
- Tu viens bien souvent, citoyen! Nous n'avons pas de client aussi assidu que toi!
La Bussière frappa de sa main contre ses vêtements à l'endroit où se trouvaient les dossiers, et dit très gaiement :
- C'est que j'ai une maladie de peau dont il faut que je me débarrasse!
- Alors, un bain sulfureux, citoyen?
- Sulfureux, si tu veux; ça ne peut pas faire de mal!
Tandis qu'il réduisait en bouillie et en boulettes les papiers arrachés au Comité, La Bussière, étendu dans sa baignoire, avec la double sensation heureuse du bain qui repose et de son oeuvre de salut :
- En voilà toujours, se disait-il, qui ne mourront pas aujourd'hui!»


Le mangeur de dossiers Labussière Scree310


__________________________


Les photos de cette notice sont tirées du Napoléon d'Abel Gance et la notice elle-même provient du 200 ans de guillotine d'André Bertrand publié chez Amazon - ISBN 9798709790117.


Le mangeur de dossiers Labussière Cabine16


Dernière édition par Titange le Ven 17 Fév 2023 - 23:20, édité 2 fois

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MessageSujet: Re: Le mangeur de dossiers Labussière   Le mangeur de dossiers Labussière EmptyVen 17 Fév 2023 - 13:10

Histoire bien sympathique dont Francis Perrin a fait un livre: L'enfant terrible de la Révolution.
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Titange
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MessageSujet: Re: Le mangeur de dossiers Labussière   Le mangeur de dossiers Labussière EmptySam 18 Fév 2023 - 7:10

J'ignorais l'existence de cet Enfant terrible de la Révolution; je me le procure et j'y reviens un de ces quatre.
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MessageSujet: Re: Le mangeur de dossiers Labussière   Le mangeur de dossiers Labussière EmptyLun 27 Mar 2023 - 4:05

Sur le canevas d'un prologue et d'un épilogue où l'alcoolique Charles Labussière, échoué à Charenton, se raconte le 9 septembre 1805 dans un long monologue que l'a aidé à mettre en scène le marquis de Sade qui a abouti là avant lui et a été autorisé à y donner, avec les détenus comme acteurs, des représentations théâtrales courues par le Tout-Paris, Francis Perrin sert en 2013 au lecteur de son Enfant terrible de la Révolution une énième histoire de celle-ci au cours de laquelle son protagoniste en croise les principaux artisans au gré d'aventures picaresques cousues de fils blancs (Labussière dîne chez Février lorsque le chevalier Pâris vient y sabrer Lepeletier de Saint-Fargeau, Charlotte Corday descend à l'hôtel où il loge quand elle arrive à Paris, et ainsi de suite).

Puis l'implacable ministre de la police Joseph Fouché qui, dissimulée derrière une vitre sans tain, a eu la patience d'encaisser ce monologue où les critiques ne lui sont pas ménagées, «ce verbiage incohérent», ces «élucubrations» plutôt réactionnaires de 240 ou 250 pages, s'assure auprès du directeur de l'établissement que Labussière y soit relégué au secret, jusqu'à sa mort en novembre 1808, au motif qu'«en aucun cas un saltimbanque ne doit devenir un héros».

En somme un ouvrage d'un intérêt médiocre, et farci de cette demi-douzaine d'erreurs objectives très surprenantes :

- Peuplé de quelque 600,000 habitants, le Paris de 1794 n'en comptait évidemment pas «cinq cent mille» derrière les barreaux (p. 205), mais 7,140 selon Rémy Bijaoui dans Prisonniers et prisons de la Terreur (éditions Imago, 1996).

- Charles Sanson approuvait entièrement la substitution de la guillotine aux anciens supplices et ne se berçait pas des vues rétrogrades qui lui sont prêtées ici : «Il regrettait que la Révolution eût imposé la guillotine comme seul mode d'exécution. Il aurait préféré suivre la carrière classique tracée par son aïeul paternel, à savoir : expositions, roues, marques au fer, gibets, décapitations à la hache» (p. 156).

- Ni Augustin Robespierre, ni Philippe Le Bas ni Martial Herman n'ont siégé au Comité de salut public (p. 209).

- Grosso modo l'itinéraire de la guillotine s'est déployé de la place de la Révolution à la barrière du Trône et non pas, à l'inverse, de la barrière du Trône à la place de la Révolution (p. 212).

- Comment les «Montgolfier», sous le Directoire, ont pu deviser avec «Lavoisier» mis à mort en mai 1794 (p.248), on se le demande.

- Le 21 janvier 1793 Louis XVI n'est pas allé à l'échafaud en «charrette» (p. 162) mais dans la voiture du maire Nicolas Chambon, etc., etc.
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