- Alecto a écrit:
- Je déterre ce sujet assez incroyable.
Les bras m'en tombent (à défaut de la tête).
[humour sarcastique et second degré]: y a-t-il eu des manifs "guillotine pour tous" à l'époque? Car enfin c'est vrai, le patriarcat n'a absolument pas le droit de nous priver de guillotine, nous autres femmes!
Bon, sérieusement. Il y a quand même un fond de vérité dans cette démarche égalitaire, surtout pour celles qui comme moi n'aimeraient pas pourrir en prison jusqu'à la fin des temps.
Mais il y a donc une période où on a cessé de guillotiner des femmes, et puis une date où on a recommençé à le faire? Je serais assez intéressée par les dates et le contexte.
Je vous incite définitivement à lire mon ouvrage "Le couperet de l'éternité" qui comprend un chapitre sur les femmes et la peine de mort.
Pour résumer, vu que les condamnations de femmes étaient choses rares, les exécutions de femmes étaient exceptionnelles.
Après 1870, il est remarquable de constater que sur quatre femmes exécutées en quinze ans (de 1872 à 1887), trois le furent en compagnie de leur mari, sans doute parce qu'on a considéré leur rôle comme particulièrement actif dans l'affaire.
La quatrième, Sophie Bouyou, en raison de son crime particulièrement odieux (tueuse en série d'enfants), n'a pas bénéficié de clémence.
Il est probable qu'on procédait d'ailleurs souvent à des grâces de femmes car les exécutions étaient, peut-être plus encore que celles des hommes, un sujet délicat : réactions de terreur, hurlements, tentatives désespérées de se libérer des mains des exécuteurs... et surtout le risque accru de nudité, incompatible avec les moeurs de l'époque.
C'est pour cette raison, d'ailleurs, que Jules Grévy et les politiciens en général ont - tacitement - décidé de ne plus laisser exécuter de femmes. Georgette Thomas, 25 ans environ, s'était tellement débattue pendant qu'on la conduisait vers la machine - avec en plus la circonstance d'être une parricide, ce qui allongeait le temps du supplice, vu qu'un huissier devait lire à haute voix l'arrêt de condamnation au pied de l'échafaud - qu'elle a "basculé" la jupe relevée tandis que sa chemise largement échancrée à coups de ciseaux s'est défaite, exposant sa poitrine...
Malgré la gravité des actes de certaines criminelles, personne n'a songé à remettre au goût du jour les supplices de femmes durant tout le reste de la IIIe République.
Mais en 1939, les exécutions publiques sont abolies, et la crainte d'offrir un spectacle scandaleux s'amenuise.
C'est ainsi qu'aux premiers jours de l'année 1941, le maréchal Pétain et ses assistants décident que les femmes sont tout aussi "dignes" de mourir qu'un homme, et la grâce d'Elisabeth Lamouly, veuve Ducourneau, est rejetée - elle avait empoisonné sa mère, qui lui reprochait ses adultères, et son mari encombrant.
Son exécution fut à l'image de ce qu'on pouvait craindre de pire, ou presque. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu'on lui voulait, et sitôt on l'informa avec précision qu'elle devait mourir quelques minutes plus tard, elle fit une crise de rage hystérique, hurlant suffisamment fort pour alerter tout le quartier où se trouvait la prison de Bordeaux, résistant encore et encore...
Néanmoins, la justice décida de poursuivre la chose.
Quatre autres femmes furent guillotinées en France durant l'Occupation : aucune ne mourut avec autant de révolte que Mme Ducourneau. Des larmes, des protestations, mais rien d'extravagant.
La Libération devait interrompre un temps la chose, mais à l'automne 1947, Vincent Auriol, pourtant ancien avocat et socialiste, donc peu susceptible d'être un allié de Pétain, décida que la veuve Thioux, qui avait attiré son vieux mari dans un affreux guet-apens au soir de leurs noces, méritait de mourir...
Tout en laissant fusiller quelques traîtresses, il laissa guillotiner deux autres femmes, une empoisonneuse multirécidiviste en Algérie et la meurtrière de son époux à Angers...
Il faut croire qu'aucun crime de femme ne le révolta autant par la suite, car il gracia toutes les criminelles dont on lui soumettait le recours.
Après 1952, en même temps que le nombre total de condamnations en France baissait de façon significative, les condamnations de femmes devinrent rarissimes.
La seule condamnée sous René Coty eut droit à un arrêt cassé, et fut condamnée à perpétuité en seconde instance.
Les deux condamnées de 1961 furent graciées par De Gaulle - qui commua leur peine non en perpétuité, mais en vingt ans de réclusion criminelle.
Puis en 1973, à la Réunion, la toute dernière, Marie-Claire Emma, complice du meurtre d'un de ses amants par un autre amant, fut graciée par Pompidou.