La Veuve
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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 Le corps des guillotinés

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MessageSujet: Mort lente ou brutale - expériences sur les corps guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyMer 31 Déc 2008 - 0:46

Ces médecins voulaient constater si la survie du cerveau d'un condamné était possible, lassés que ce genre de propos soit encore tenu.

« C'est pour réfuter encore une fois ces assertions que le docteur Evrard, médecin des prisons de Beauvais, a voulu renouveler les expériences qu'il a faites eu 1870, avec le docteur Dujardin-Beaumetz, médecin de l'armée. Ce médecin demanda et obtint qu'on lui livrerait les restes d'un supplicié, immédiatement après l'exécution.

Il nous avait invités, avec mon fils, et le docteur Gaston Decaisne, à l'aider dans ces expériences, et nous nous rendimes à cet effet, le 13 novembre 1879 à Beauvais, où nous nous rencontrâmes avec les docteurs Chevalier et Lesguillon, de Compiègne; Rochu, de Neuilly-en-Thelle et Lesage de Beauvais.

Le condamné était un nommé Prunier, âgé de vingt-trois ans, charretier à Trie-la-Ville, dans le département de l'Oise. Il avait, sans motifs aucuns, tué une vieille femme, l'avait violée, avait chargé le cadavre sur ses épaules et l'avait jeté à la rivière. Dix minutes après, voulant s'assurer que sa victime était morte, il retournait à la rivière, apercevait le corps qui flottait, le tirait hors de l'eau par les pieds et renouvelait ses outrages. Puis il abandonnait le cadavre et allait coucher chez son père, à quelque distance du crime. Il fut réveillé par les gendarmes, qui vinrent l'arrêter quelques heures après et à qui il fit les aveux les plus complets.

Le jour du crime, il s'était levé en disant « Il faut que je fasse un coup aujourd'hui, je veux me battre. » Il parcourt les cabarets du pays et du village voisin, il boit outre mesure, revient dans l'après-midi soigner les chevaux de son maitre, rôde autour d'une jeune domestique qu'il effraie par son attitude et qui se retire chez ses parents, laissant à la maison la belle-mère du fermier. Cette femme craignant que Prunier, sous l'empire de l'ivresse, ne se fasse blesser par les chevaux, le suit a l'écurie. C'est là qu'il commet son épouvantable forfait.


OBSERVATION — Le 13 novembre 1879, Prunier payait de sa tête le crime odieux dont il s'était rendu coupable. Il accueillit la fatale nouvelle avec un calme apparent; son émotion se traduisit toutefois par une grande pâleur du visage et une respiration anxieuse. Son pouls, pris à ce moment, marquait 84 pulsations par minute.

Les restes du supplicié nous ont été remis à sept heures cinq minutes du matin, c'est-à-dire entre quatre minutes et demie et cinq minutes après la décapitation. Le corps était placé à plat ventre dans le panier, dont le fond était garni de sciure de bois, la tête reposait sur le côté gauche. Celle-ci présentait à peine quelques rares taches de sang, isolées dans le voisinage de la section. Pas de sang au niveau des lèvres et de la conque des oreilles. Rien, en un mot, indiquant que l'extrémité céphalique ait pu être le siège de mouvements convulsifs immédiatement après sa chute. Ce qui confirme encore cette supposition, c'est que les oreilles ne contenaient à peine que quelques parcelles de sciure de bois. Cette tête, placée immédiatement sur une table, en plein air, au milieu du cimetière, présente l'aspect suivant :

Les yeux sont fermés. Si l'on entr'ouvre les paupières, on aperçoit le globe de l'œil fixe et affaissé. Les pupilles sont égales et moyennement dilatées. La face est pâle, mate, complètement exsangue, offrant une apparence de stupeur. La mâchoire est légèrement entr'ouverte. Les conjonctives, les lèvres, la langue, toutes les muqueuses, enfin, sont absolument décolorées. La section très nette est située à un niveau élevé.Elle correspond, en effet, à l'intervalle qui sépare la troisième et la quatrième vertèbres cervicales. Une lamelle osseuse a été détachée de la face supérieure de cette dernière. Le larynx, complètement intact, est resté avec le tronc, les grandes cornes du cartilage thyroïde n'ont même pas été entamées.

La peau, fortement rétractée, laisse apercevoir le bord inférieur du maxillaire. La plaie exhale une légère vapeur, l'odeur du sang frais est rendue plus appréciable par l'abaissement de la température à l'heure où nous faisions nos expériences. (Nous opérions de grand matin, en plein air et par un froid assez vif). Il a suffi de souffler légèrement sur les oreilles pour enlever le peu de sciure de bois qui s'y était fixé. C'est alors que l'un de nous appelle plusieurs fois de suite le supplicié par son nom, en s'approchant aussi près que possible du conduit auditif. Aucun mouvement de la face ou des yeux ne trahit la moindre perception. On pince fortement la peau des joues, on introduit dans les narines un pinceau imbibé d'ammoniaque concentrée, on cautérise la conjonctive avec un crayon de nitrate d'argent. Aucune contraction, aucun mouvement ne se produisent; la face conserve son impassibilité. Une bougie allumée placée immédiatement auprès des yeux largement ouverts, avait déjà donné un résultat négatif, alors même que la flamme léchait le globe oculaire. La cautérisation de la face et du tronc, pratiquée à différents points, n'est suivie de l'apparition d'aucune vésicule.

Ces premières expériences une fois terminées, notre but principal était rempli. Nous avions acquis, autant qu'il est humainement possible, la certitude que la tête du supplicié ne sentait plus, ne percevait plus, ne vivait plus.



DESMAZE Charles Histoire de la médecine légale en France Paris, G. Charpentier, 1880.


Dernière édition par mercattore le Sam 20 Nov 2010 - 17:28, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyJeu 1 Jan 2009 - 18:19

Merci, Mercattore !
Voilà qui devrait clore définitivement ce sujet, aussi invraisemblable que malsain... Rolling Eyes
Bonne soirée.
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyVen 2 Jan 2009 - 12:01

Ce que je trouve encore plus malsain c'est que l'on prenne le pouls du condamné juste avant son exécution.

"N'ayez pas peur, je suis médecin et ne vais pas vous faire mal. Je vous retrouve juste après pour vérifier que tout s'est bien passé". What a Face

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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyVen 2 Jan 2009 - 12:30

Louvel l'assassin du Duc de Berry en Février 1821, s'est fait également

tâter le poul lors de l'instruction de son procès, et ce régicide d'un

nouveau genre (puisque Berry était le fils du futur-Charles X, et le neveu

de Louis XVIII, et le seul des jeunes Princes Bourbon apte a avoir une

descendance) n'aurait eu qu'un bref sursaut de sensibilité en apprenant

que sa victime avait sollicitée sa grâce...

Mais malheureusement pour Louvel, la justice a malgré tout suivie son

cours, passant outre le voeu du Duc...

Le successeur de Ravaillac eu finalement le col tranché par Sanson...
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MessageSujet: La veuve et la médecine   Le corps des guillotinés EmptyLun 19 Jan 2009 - 14:39

Dans le programme 2009 du séminaire Histoire de la médecine et des savoirs scientifiques sur le corps , animé par Jean-François BRAUNSTEIN (Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Rafael MANDRESSI (Chargé de recherche au CNRS, Centre Alexandre-Koyré) j'ai relevé, le 10 mars prochain, une communication d'Anne CAROL (Université d’Aix-en-Provence) intitulée : Une mort prompte et douce ? Les médecins et la guillotine.
Le séminaire a lieu tous les mardis de 19 h à 21 h à l’EHESS (Salle 1, 105 bd Raspail 75006 Paris). Il s’adresse aussi bien aux chercheurs et doctorants qu’aux étudiants de Master en histoire, en philosophie, en histoire et/ou sociologie des sciences et plus généralement en sciences humaines. Il est néanmoins ouvert à toute personne intéressée.
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http://histoiresdebourreaux.blogspot.com/
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MessageSujet: Les guillotinés et la Faculté de médecine de Paris   Le corps des guillotinés EmptySam 14 Fév 2009 - 14:44

Comme on le sait, la faculté de médecine de Paris avait le privilège de disposer des corps des guillotinés s'ils n'étaient pas réclamés par la famille, et le désir du condamné, coupé de sa famille, ou sans famille, d'être inhumé directement après l'exécution, sans passer par la table de dissection, n'était pratiquement jamais respecté par la faculté.

Il semble que le premier à s'être fermement opposé à la faculté de médecine de Paris pour que ce désir soit respecté fut l'abbé FAURE, aumônier à la prison de la Grande Roquette. Le Vendredi 28 décémbre 1888, le condamné à mort Louis Frédéric Stanislas Linska de Castillo, dit PRADO, devait être exécuté.

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Prado


Récit de l'abbé Faure :

[b] « Le jeudi 27 décembre, à six heures du soir, je reçois la nouvelle de l'exécution de Prado pour le 28, à sept heures et demie du matin. Le matin, à cinq heures et demie, j'arrive à la place de l'exécution. La foule est déjà immense, autant que pour Pranzini. La cavalerie est à son poste, la guillotine est presque entièrement dressée. Les fonctionnaires arrivent bientôt; à sept heures, tous sont prêts pour leur tâche respective. A sept heures-dix nous pénétrons dans la cellule. Prado est habillé mais toujours dans sa position favorite, sur sa couche. M. le directeur lui fait connaître la décision prise à son égard. Le condamné se borne à dire : « c'est bien. » Puis il demande des vêtements convenables. »


Les préparatifs se succèdent dans la cellule...

Reprise du récit de l'abbé Faure :

J'offre une gorgée de liqueur à Prado pour lui donner du courage.
— Du courage ! mais j'en ai plus que vous, vous êtes très ému et je ne le suis pas, moi qui vais à la boucherie pour faire la culbulte. Prenez donc quelque chose vous même, monsieur l'aumônier.

Il marche courageusement jusqu'à l'avant-greffe. Là, les exécuteurs s'en emparent. Il prie de ne pas trop serrer les poignets et à celui qui lui attache les pieds, il demande de laisser la corde assez libre pour qu'il puisse marcher commodément.
— N'ayez pas peur, je ne vais pas m'échapper.
A ce moment, épouvanté par cet horrible sang froid, je me couvre la figure avec les mains.
— Eh bien ! monsieur l'abbé, votre courage s'en va, vous tremblez !
— Ce n'est pas pour moi, c'est pour vous, Prado, que je tremble.
— Oh, remettez-vous.
— Mon ami, vous n'avez pas de recommandation à me faire en ce moment ?
— Monsieur l'aumônier, je vous prie de faire votre possible pour m'épargner le séjour à l'amphithéâtre, qu'on laisse mon pauvre corps au repos, et qu'on l'inhume immédiatement.
— Prado, je vous promets que votre voeu sera exaucé. Messieurs les magistrats, vous entendez la demande du condamné, vous me permettrez de vous la rappeler en temps et lieu.
Ces messieurs s'inclinent en signe d'acquiescement.

Tout est prêt. Le condamné veut marcher seul, mais il me demande d'être à ses cotés. Il refuse l'appui des aides. La grande porte s'ouvre; à la vue de la foule et surtout du cercueil, Prado devient livide, il chancelle. Je m'approche pour le soutenir, je lui dit doucement , en lui montrant le crucifix :
— Adieu, mon ami.
— Adieu...monsieur...l'aumônier, dit le malheureux d'une vois éteinte.
Il n'a plus conscience de rien, il est saisi, basculé en un clin d'oeil, un bruit sourd...Prado a vécu.
Pas un jet de sang. On part pour le nouveau cimetière d'Ivry.

Avant de réciter les dernières prières sur le cadavre à mes pieds, je m'adresse aux représentants de la Faculté de médecine :
— Messieurs, la dernière prière de Prado a été d'être inhumé immédiatement, sans passer par les experiences anatomiques. Je vous serai personnellement reconnaissant de bien vouloir déférer à ce voeu.
M. Poirier (1) répondit :
— Monsieur l'aumônier, nous sommes tout disposés à répondre au désir du condamné, sans toutefois le considérer comme un ordre.
— Messieurs, ma mission est remplie, à vous de remplir la votre.

Ce n'est pas sans peine et sans de vives réclamations que la Faculté de médecine a vu lui échapper le cadavre de Prado. Lors de la déclaration nette et positive que j'ai dû faire au cimetière de la volonté formelle du supplicié de ne pas être porté à l'amphithéâtre, M. le docteur Poirier, tout en s'inclinant de la manière la plus courtoise devant mes observations, a cru devoir, après mon départ, protester au nom de la science contre cette dérogation aux usages reçus. M. le chef de la Sûreté a maintenu les droits du défunt, en déclarant que, si Prado n'était réclamé ni par sa famille, ni par ses amis, il y avait mieux, puisqu'il s'était réclamé lui-même; et que son désir devait être respecté.

Après quelques démarches auprès de M. Besancon, soit auprès de M. Lozé, préfet de police, lui-même, MM. les professeurs de la Faculté de médecine rédigeaient un procès-verbal se terminant par cette considération très flatteuse pour l'aumônier de la Roquette :
« Si , dans cette circonstance, la Faculté n'a pas usé de son droit, c'est qu'il lui a été particulièrement agréable de prouver à M. l'abbé Faure en quelle estime elle tient les sentiments délicats qui l'ont animé en conduisant Prado à l'échafaud. » (journal Le Gaulois).
Quelque temps après, l'abbé Faure allait devoir faire face à une demande identique à celle de Prado, celle de Fulgence Géomay, vingt ans, caporal de l'armée, condamné à mort pour assassinat et vol sur la personne de Mme Veuve Roux-Colomy, à Paris.


1) POIRIER Paul : Professeur agrégé, chirurgien des hôpitaux, chef des travaux anatomiques à la Faculté de médecine de Paris.


Dernière édition par mercattore le Mer 2 Mar 2011 - 11:00, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptySam 14 Fév 2009 - 18:07

Cette tradition n'existait pas qu'à PARIS, mais vraisemblablement dans toutes les villes dotées d'une faculté de médecine; c'était ainsi le cas à DIJON (mon ami Basile GOUCZOULIAKOV en a fait sur son corps l'expérience en 1937 après avoir été guillotiné, et un autre ami, professeur de médecine, m'en a fait certains récits confidentiels).

Il est vrai qu'il s'agissait d'un usage, car rien dans les textes de loi de l'époque ne le prévoyait.
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MessageSujet: Prado in Grande Roquette   Le corps des guillotinés EmptySam 14 Fév 2009 - 19:23

http://query.nytimes.com/mem/archive-free/pdf?_r=1&res=9A05E4DD163BE033A25752C2A9649D94699FD7CF
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MessageSujet: Prado and Abbe Faure   Le corps des guillotinés EmptySam 14 Fév 2009 - 19:39

http://query.nytimes.com/mem/archive-free/pdf?res=9D07E0D8173EEF33A25751C0A9629C94659ED7CF
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptySam 14 Fév 2009 - 22:41

Thank you, piotr, ,Smile
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MessageSujet: Faculté de médecine et les guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyDim 15 Fév 2009 - 12:14

SUITE de l'abbé Faure.

L'exécution de Géomay.
Le corps des guillotinés I574379_GEOMAY1
Géomay.

« Le lundi 21 mai, à quatre heures et demie du soir, je recevais une lettre signée par M. le procureur général Quesnay de Beaurepaire. j'étais invité à me rendre, la nuit suivante, à la prison de la Roquette pour assister Fulgence Géomay à ses derniers moments. L'exécution était fixée au mercredi 22 mai, à quatre heures trente du matin.

A deux heures de la nuit, le cocher était à ma porte. Mon frère m'accompagnait dans ma nocturne pérégrination.
A deux heures et demie, j'entrais dans la prison. Déjà le fourgon de l'exécuteur était arrivé et on sortait les bois de justice. Les autorités administratives arrivaient peu à peu.

A trois heures et demie, le secrétaire de M. Goron, puis le chef de la Sûreté lui même me prenaient à part. On m'invitait dans le cas où Géomay me demanderait de soustraire son corps aux expériences anatomiques, de ne pas lui faire une promesse trop positive et d'être très discret. On désirait éviter un conflit avec la Faculté de médecine et donner satisfaction à la science médicale, déjà froissée par le refus du cadavre du dernier supplicié, Prado.
Je réponds alors qu'il est très probable que le condamné n'aura pas la pensée de faire une semblable demande, que de tous ceux que j'ai accompagnés à la mort, un seul, Prado, dont l'esprit était plus cultivé et plus pratique, a formulé cette demande, mais que certainement Géomay n'y pensera pas.

A quatre heures dix, nous entrons dans la cellule; Géomay dort d'un sommeil profond, les poings fermés. On le réveille et M. le directeur, en lui annonçant le rejet de son pourvoi, lui dit :
— Allons mon ami, ayez du courage.
— J'en aurai, monsieur, soyez tranquille.
Il se revêt sans trouble. M. le directeur, suivant l'usage, lui demande alors s'il veut s'entretenir avec l'aumônier.
— Oui, bien volontiers.
Tout le monde se retire. j'offre au malheureux un cordial rhum et chartreuse qu'il prend volontiers. Je remplis une seconde fois le gobelet.
— Un instant, monsieur l'aumônier, autre chose avant tout.
Et il se jette à genoux. Cinq minutes de conversation intime.
Il prend le second verre de liqueur.

Nous sortons de la cellule et nous arrivons à l'avant-greffe, où l'attendent les exécuteurs. Je m'asseois près de lui pendant que les aides commencent leur funèbre opération.
Il se tourne bientôt vers moi et me dit :
— j'ai autre chose à vous demander, mais je ne m'en souviens plus...et, après deux minutes de réflexion :
« Je vous en prie, faites que je ne sois pas porté à l'école de médecine »
Stupéfait et embarassé par cette demande, je réponds timidement :
— Mon ami, je ferai tout mon possible.
— Mais me le promettez-vous ?
— Oui, je vous promets de faire tout ce que je pourrai pour répondre à votre désir.
Alors d'une voix ferme et me regardant bien en face :
— Enfin, me le promet-on ?
Ainsi interpellé, je m'adresse aux fonctionnaires présents, à M. le chef de la Sûreté en particulier :
— Messieurs, vous entendez la demande de Géomay, que fait-il lui répondre ?
— Promettez, monsieur, me dit alors M. Goron, et j'affirme au condamné que son voeu sera fidèlement respecté.

Le ligotage est achevé. Je soutiens le patient sous le bras gauche, un aide le prend par le bras droit, et nous partons pour le supplice.
La lourde porte roule sur ses gonds. Géomay ne sourcille pas, il regarde l'horrible machine sans pâlir, il marche d'un pas ferme et assuré. A un mètre de la bascule, je l'arrête, je l'embrasse longuement, il me rend mon accolade à deux reprises avec effusion. Je l'abandonne, il se retourne alors du coté de la prison, et, apercevant le brigadier et les surveillants, il s'écrie d'une voix forte et pénétrante :
« Messieurs, je vous remercie tous de vos bontés ! ».
Et lui-même s'appuie sur la planche. La bascule s'abaisse — une seconde à peine — le couperet s'abat avec fracas!...Un double jet de sang énorme jaillit à droite et à gauche ».


L'abbé part ensuite au cimetière d'Ivry.

Reprise du récit de l'abbé :

« Là, avant de réciter les prières sur le cadavre placé dans le cercueil, sur l'invitation de M. Goron, je m'adresse à la Faculté de médecine, représentée par le docteur Poirier et une quinzaine de personnes :
— Messieurs, j'ai un devoir suprême à remplir envers le malheureux qui est là. Sur ses vives instances, réitérées trois fois, j'ai promis à Géomay que son corps ne serait pas donné aux expériences anatomiques, ni porté à l'école de médecine. J'accomplis une mission sacrée, je vous laisse à apprécier ce que vous avez à faire.

M. Poirier me répond :
— Monsieur l'aumônier, nous respectons la volonté du condamné, tout en regrettant que la science soit privée d'un sujet intéressant pour ses études.
Je récite à haute voix les prières de l'inhumation au milieu du recueillement général.
J'ai remarqué que la figure de Géomay n'avait subi aucune altération. Elle était calme, les yeux et la bouche fermés, mais rendue méconnaissable d'un coté, à cause du sang et de son mêlés qui s'y étaient attachés.


A suivre...
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MessageSujet: ÉMILE HENRY   Le corps des guillotinés EmptyLun 16 Fév 2009 - 14:40

Le cas Émile HENRY.
Le corps des guillotinés I577471_HENRYPOSTFACULT
Emile Henry
Récit de André Pascal (Henri de Rothschild) :

Quelques années plus tard le professeur Poirier, devenu une des personnalités les plus marquantes de Paris, se plaisait à rappeler sa fameuse mésaventure avec la peau de Pranzini. Quand, en 1891, il m'accorda une place d'assistant dans son laboratoire, je fis la connaissance du célèbre Chausson, le garçon d'amphithéâtre qui avait été mêlé à l'affaire du portefeuille et des porte-cartes, qui allait devenir un de mes amis les plus sûrs, et me fit le récit complet de ses démêlés avec le doyen de la Faculté. Toute l'affaire Pranzini fut évoquée avec force détails, ainsi que son épilogue inattendu.

Un ou deux ans passèrent... Paul Poirier avait été nommé professeur d'anatomie à la Faculté de médecine, quand une autre mésaventure, d'ordre criminel, apporta quelque trouble dans le laboratoire du maître, où je travaillais encore, avec trois ou quatre camarades.

C'était en 1894. L'on avait transporté à la Faculté de médecine le corps d'un anarchiste, Émile Henry, émule du célèbre Ravachol, exécuté le matin même sur la place de la Roquette. Le professeur Poirier le réclama pour son laboratoire, comme il s'était réservé le cadavre de Pranzini, quelques années auparavant. Sur-le-champ, je fus, ainsi que mes trois camarades, chargé de prélever sur le macchabée des fragments anatomiques de toutes sortes, destinés à des dissections et à des préparations qui devaient enrichir le musée de la Faculté.

Depuis deux bonnes heures, nous étions occupés à ce travail d'un genre assez particulier, quand un coup de téléphone vint déranger le « patron ». La Préfecture de Police informait que la famille du supplicié avait réclamé son corps et qu'il convenait de le renvoyer immédiatement à la Morgue, où l'on devait le mettre en bière. Poirier s'était précipité dans le laboratoire où nous étions en train de travailler : « Halte, mes enfants ! » dit-il de sa voix de commandement, « il faut rendre Henry à sa famille ! » et il nous donne l'ordre de réparer tous les dégâts que nous avions commis, en nous procurant sur d'autres cadavres ce qui manquait déjà au corps de l'anarchiste.

Pendant deux heures, nous dûmes nous livrer à un véritable travail de stoppage, afin de faire disparaître les ravages que nous avions commis avec nos scalpels. C'est ainsi que nous rendîmes à sa famille, le corps de Henry, ravalé de façon si brillante que personne ne put se douter des outrages qu'il avait subis. Sie itur ad astra ! (c'est ainsi que l'on arrive aux cieux).

Notre maître, en cette occasion, nous rappela, pour la nième fois, l'aventure de Pranziniqui, quelque sept ans auparavant, avait pendant près d'une semaine, troublé sa quiétude morale et compromis son avenir de chirurgien et de savant. »

___________________________________________________________________________

* Le 25 mai, quatre jours après son exécution, les restes de Henry et de ? furent inhumés dans le cimetière de Brévannes (Val de Marne, aujourd'hui rattaché à Limeil). C'est la mère du condamné qui avait demandé qu'on lui restitue le corps. Résidente dans cette commune de Brévannes, où elle tenait un débit de boissons, son désir était de voir reposer son fils près d'elle. Le benjamin des frères Henry, Jules, planta un arbre sur la sépulture de son frère.

Le corps des guillotinés I519871_HENRYinhumation
Arrivée du corps de Henry à Ivry.


* Pascal André, PRANZINI , Paris, Editions Émile-Paul frères.1933.
Guillon Claude et Le Bonniec Yves, Suicide mode d'emploi. 1982.


Dernière édition par mercattore le Lun 28 Fév 2011 - 15:53, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyLun 16 Fév 2009 - 15:19

Le corps des guillotinés Images?q=tbn:ANd9GcSe_3FQHHWyoHbJdjcm_HckSO8bz5P-zIzDTD6s9Bj8KZMZQcbWlZQUWlkg
Par Archange - 21/12/2011

Relation de l'exécution de Émile Henry dans le journal « L'ABEILLE DE LA NOUVELLE-ORLÉANS » du 5 juin 1894, paraissant aux États-Unis et rédigé en français. Plusieurs exécution capitales françaises ont été relaté dans ce journal.[/b]
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyLun 16 Fév 2009 - 16:20

Merci Mercattore !
Incorrigibles, les journalistes Exclamation Anatole " tapant le carton " au bistrot avand de monter ses outils, et répondant sans manières aux questions des reporters Laughing drunken
Bonne soirée.
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyLun 16 Fév 2009 - 17:25

Oh, oui, Pierrepoint, ils "brodent" toujours...
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyMar 17 Fév 2009 - 10:15

pierrepoint a écrit:
Merci Mercattore !
Incorrigibles, les journalistes Exclamation Anatole " tapant le carton " au bistrot avand de monter ses outils, et répondant sans manières aux questions des reporters Laughing drunken
Bonne soirée.
Bonjour à tous ! Il n'y a pas que les journalistes qui écrivent des âneries, votre serviteur aussi : C'est Louis, et non pas Anatole, qui devait " taper le carton ", nous sommes en 1894... Embarassed Embarassed !
Bonne journée.
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyMar 17 Fév 2009 - 12:27

D'accord, Pierrepoint, mais vous c'est une petite faute d'inattention alors qu'eux c'est de l'invention pure, bien volontaire.
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britte
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyMar 3 Mar 2009 - 1:31

En effet belle explication et bon document
Cela me rassure en quelques sortes.
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piotr
Charles-Henri Sanson
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MessageSujet: Post mortem...   Le corps des guillotinés EmptyVen 8 Mai 2009 - 19:18

Vacher and Prunier

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77016g.zoom.r=+deibler.f306.pagination.langEN

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k767808.zoom.r=guillotine.f231.langEN
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Titus_Pibrac
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyDim 10 Mai 2009 - 0:54

On peut seulement se demander ce qu'aurait dit un Francis Heaulme ou un Patrick Allégre dans des circonstances similaires, si on les avait réveillés au petit matin ...

Je sais, les bien pensants me diront que je suis un pervers de penser à mal pour des pauvres gens qui ont tellement d'excuses Wink Laughing Laughing Laughing Laughing . Mais on peut toujours réver d'un autre monde où il y ait un peu plus de justice ...
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danifeiz
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MessageSujet: Mort brutale ou lente   Le corps des guillotinés EmptyVen 2 Oct 2009 - 16:49

Bonjour, depuis longtemps je me pose cette question. Un guillotiné à une mort instantanée ou au bout de quelques instants ? Bien sur la tête est tranchée immédiatement, mais le cerveau perd-il toute conscience de suite ? La vision disparait-elle instantanément ? Je me demande aussi si l'exécuté voit encore quand sa tête est tombée. Quelle sensation cela doit être au moment où la lame tranche. Des études médicales ont-elles été faites à ce sujet ? Merci pour vos réponses.
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Boisdejustice
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyVen 2 Oct 2009 - 18:14

Il y a deja de nombreuses discussions et beaucoup d'informations sur ce sujet sur le forum.
Cherchez les sujets sur Languille, Beaurieux, Menesclou.

https://guillotine.1fr1.net/les-condamnes-a-mort-f2/etait-ce-douloureux-t976.htm
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YEGG
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptyVen 9 Oct 2009 - 22:25

Bonjour, je vais essayer de répondre à votre question.
D'un point de vue strictement médical, si le cerveau n'est pas oxygèné pendant quelques minutes (3) il y aura des dégats irréversibles voir une mort cérébrale évidemment définitive.
Concernant la privation d'oxygène, la personne perdra connaissance en quelques secondes (entre 10 à 15 pour être plus précis).
Dans le cas d'une personne guillotinée, il est fort probable que cela se passe de la même façon, c'est à dire qu'une fois que la tête est tranchée et donc plus oxygènée, le cerveau ne sera plus "conscient" après une quinzaine de secondes et que la mort cérébrale sera installée après trois minutes.
Il y a eu des expériences réalisées directement après une décapitation par la guillotine par des médecins qui semblent décrire la même chose.
J'ai lu cela dans un ouvrage de l'époque mais pour l'instant, je ne me rappelle plus lequel, je vais essayer de retrouver la référence et je vous en ferai part dès que possible.
En ce qui concerne la douleur que devait supporter le condamné, il me semble logique que celle-ci devait fort probablement être comparable à une coupure très importante mais le condamné devant être tellement stressé que son taux d'adrénaline devait diminuer fortement toute douleur.
D'un point de vue moins médical mais plus plilosophique, la guillotine était à l'époque un grand progrès par rapport à ce qui se pratiquait avant....
Dans le même ordre d'idée, le condamné l'était pour avoir commis un crime grave au point d'être puni de la peine capitale et que celui-ci ne s'est pas trop préoccupé de la souffrance de sa ou ses victime(s)...même s'il y a fort probablement eu des innocents guillotinés ou éxécutés autrement.
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptySam 10 Oct 2009 - 14:26

Voici une étude sur la décapitation. Livre de plus de 200 pages.
J'ai été obligé par mon hébergeur de le scinder en trois parties. Il est déjà paru sur ce site mais je n'en retrouve pas la trace.

Partie N°1 http://photomaniak.com/upload/out.php/i819761_DCAPITATIONN1.pdf

Partie N°2
http://photomaniak.com/upload/out.php/i819767_DCAPITATIONN2.pdf

Partie N°3
http://photomaniak.com/upload/out.php/i819773_DCAOITATIONN3.pdf


Post sur le forum :
https://guillotine.1fr1.net/tout-ce-que-vous-voulez-f4/experience-sur-le-corps-d-un-supplicie-t883.htm


Dernière édition par mercattore le Jeu 7 Jan 2010 - 23:41, édité 1 fois
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petite lucarne
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés EmptySam 10 Oct 2009 - 16:13

Merci pour ces documents !

Avec la chute du mouton le condamné était déjà inconscient.

Beaucoup d'écrivains imaginent la guillotine comme un moyen d'essayer de percer les secrets de la mort (du moins d'explorer les premières secondes de celle-ci) et de tester la possibilité d'une communication avec l'au-delà.

Il y a un cas chez Villiers de l'Isle-Adam (je ne sais plus dans quel texte) où l'un des exécutant demande au condamné de songer à faire un signe une fois guillotiné (cligner des yeux) pour voir si la mort est immédiate ou s'il y a une survie.
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MessageSujet: Re: Le corps des guillotinés   Le corps des guillotinés Empty

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