Le cafetier, la guillotine, et la police

Par Archange - 28/11/2011

16 février 1909 - Quotidien Le Petit Parisien
(Source : Gallica).

Il n'est peut-être point de région en France où la question de la peine de mort soit aussi controversée que dans les environs de Corbeil, principalement à Essonnes. Là, abolitionnistes et partisans acharnés de la peine capitale sont prêts à en venir aux mains pour la défense et le triomphe de leurs opinions.

Aussi, nombre d'habitants de cette localité si laborieuse se montraient-ils fort indignés de ce qu'un cafetier de la rue d'Angoulême ait eu l'idée d'exploiter la « question du jour » en installant chez lui, sur son comptoir, une guillotine en miniature. Haute d'un mètre, longue de 80 centimètres et large de cinquante, la sinistre petite machine fonctionnait admirablement, à la plus grande satisfaction des partisans de la peine capitale, clients du café, qui pour dix centimes, pouvaient s'offrir le plaisir de se transformer en Deibler aux petits pieds, et voir tomber le couperet, en pressant eux-mêmes le bouton commandant le déclic. Cette minime dépense leur rapportait en même temps un cigare.

Et tout ce qui, dans Essonnes, était partisan de la peine de mort venait faire fonctionner la guillotine. Mais les abolitionnistes, trouvant cette exhibition écœurante dénoncèrent la chose aux autorités compétentes, réclamant l'application de la récente circulaire ministérielle qui interdit la reproduction des exécutions capitales.

Cette fois les abolitionnistes ont eu leur revanche. Ils l'ont emporté sur les partisans de la peine capitale, en faisant tout au moins supprimer l'effigie de la guillotine. En effet, ce matin, M. Pitre, commissaire de police, s'est présenté dans le café de la rue d'Angoulême, et au nom de la loi a requis l'enlèvement de la sinistre machine. Grâce à l'intervention du magistrat, des troubles ont été évités à Essonnes, car la question de la peine de mort y surexcite tous les esprits.

Pour ce qui est de la reproduction de la guillotine, ne l'ayant pas vue, je n'ai aucun a-priori... pour ce qui est du comptoir en étain et du verreir, qu'ils aient pu disparaître pour laisser place à du formica me fait un bleu à l'âme gros comme une soupière !

Splendide comptoir, effet.

Si les bistrots étaient aussi beaux ça donnerait envie d'y mettre les pieds, pour ma part.

Oui, c'est un beau comptoir. J'avais posté un petite galerie de photos du Paris des années 30, dans le XIème arrondissement, dans lequel figurait aussi ce troquet sympa.



* Balade dans le XIème : https://guillotine.1fr1.net/t405p150-images-de-la-grande-et-de-la-petite-roquette?highlight=roquette