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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 La guillotine dans la littérature

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMer 26 Mai 2021 - 1:12

Sans chercher à vous dissuader de vous procurer mon ouvrage en enrichissant de quelques centimes la cagnotte de "Monsieur Bisous" - merci au passage, et je regrette qu'il soit si difficile de l'obtenir hors de France -, je vais tout de même vous fournir la réponse.
L'équipe de l'expédition de Furnes se composait tout simplement de l'équipe "officielle" : Anatole Deibler, Ernest Marcel Deschamps, Louis Rogis et donc Léopold Desfourneaux.
Il en fut d'ailleurs toujours ainsi durant le conflit, car par chance pour le ministère de la Justice - mais pas pour les condamnés -, ces quatre hommes étaient d'âge mûr - Deschamps, benjamin de la bande, avait 45 ans lors de l'attentat de Sarajevo -, donc trop vieux pour la mobilisation générale.
Jules Henri Desfourneaux, au passage, n'était alors qu'un adjoint auxiliaire qui avait, de toute évidence, participé aux exécutions de la reprise de 1909 (Béthune, Carpentras et peut-être Albi) histoire de se familiariser avec le travail, en cas de vacance temporaire de l'un des aides.

En février 1919, à l'occasion d'une exécution à Lyon, Deschamps, malade, fait savoir à Anatole que sa santé défaillante risque de poser problème en cas de déplacements trop fréquents. Les exécuteurs se doutent bien qu'avec la fin du conflit, l'hypothèse d'une recrudescence nette du nombre d'exécutions est loin d'être improbable.
Or, depuis dix ans, Anatole fonctionne avec trois adjoints officiels uniquement au lieu de quatre, dont aucun premier aide (sans doute pour des raisons financières) et il doit recourir au besoin à des auxiliaires (Jules Henri, et probablement l'un des jeunes frères Rogis, voire d'autres neveux par alliance de façon plus qu'exceptionnelle). Si Deschamps manque à l'appel, lui qui est le plus jeune, il va être assez périlleux de mener à bien les mises à mort, surtout si le condamné est jeune et robuste - ce qui est courant - et pis encore s'il s'agit d'un récalcitrant...

Hasard du calendrier, le 5 de ce même mois, Jules Desfourneaux vient d'être rendu à la vie civile. C'est un costaud, et il a tout juste 41 ans. Deibler lui fait aussitôt savoir qu'une place d'adjoint va se libérer. Il pourrait légitimement l'embaucher sans intermédiaire - rappelons que c'est le bourreau qui a le dernier mot dans le recrutement de ses aides - mais afin d'agir selon la voie hiérarchique, il incite son neveu à écrire une lettre à la Chancellerie. Celle-ci leur parvient le 13 ; le soir venu, le voilà membre à part entière de l'équipe des exécuteurs de France.
Le 25 novembre suivant, Deibler obtient de la chancellerie la promotion de son ami Léopold, de loin le plus expérimenté de l'équipe, au statut de premier adjoint. L'équipe est désormais au complet.
Deschamps, lui, allait attendre octobre 1921 pour rendre son tablier, à bout de forces, et mourir huit ans plus tard des suites de son mal, en convalescence sur les côtes picardes. Sa démission allait permettre une nouvelle embauche : Deibler hésite brièvement entre deux de ses neveux par alliance, Henri Sabin, 37 ans, et André Obrecht, 22 ans...

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMer 26 Mai 2021 - 4:36

Je vois.

Merci pour le tableau.

«Vacciné» en 1909, Henri Desfourneaux ou, comme vous semblez préférer l'appeler, Jules Henri Desfourneaux, voire Jules et non Henri Desfourneaux tout court, n'a donc véritablement joint l'équipe d'Anatole Deibler qu'en février 1919 et c'est plutôt son parent Léopold qui, comme je le soupçonnais à tâtons, sans vos lumières, a participé à la mission de Furnes aux côtés de Rogis et Deschamps avec lesquels il formait trio depuis assez longtemps déjà.

En somme vous me confirmez que du point de vue de la vérité historique François Sureau mérite bel et bien la mauvaise note que j'étais tenté de lui décerner pour son roman que je qualifierais par ailleurs, comme tel, de ronflant et ennuyeux et typique de ces académiciens qui, à l'opposé de mon compatriote Dany Laferrière, se gargarisent de mots mais n'ont pas grand chose à dire.

Une dernière question au sujet de l'usine de Daimler si vous me le permettez : le travail qui s'y effectuait ne relevait pas purement et simplement du secteur privé, c'était n'est-ce pas une sorte de contribution à l'effort de guerre collectif ?
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Nemo
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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMer 26 Mai 2021 - 5:18

Tout à fait : l'usine Daimler avait, pendant le conflit, adapté ses unités de production automobile pour participer à l'effort de fabrication d'armement.

Desfourneaux a donc, de toute évidence, été envoyé au front pendant moins d'un an de 1914 à 1915 - et encore, sans doute en des postes où l'on utilisait davantage ses talents de mécanicien qu'en l'exposant aux tirs ennemis comme de la simple chair à canon - avant de rester à domicile, certes soldat mais pas caserné, puisqu'à proximité immédiate de son appartement et donc de sa vie de famille (même sans accès direct depuis l'avenue de Versailles jusqu'à la Défense - 33, rue de la République à Puteaux, en métro et tram, c'était tout fait faisable).

J'appelle Desfourneaux Jules au lieu d'Henri par habitude personnelle et un peu en hommage. Au fond, semble-t-il, c'était la volonté de son épouse que de l'appeler par son second prénom parce qu'elle détestait le premier... et Desfourneaux, sans doute au départ pour lui faire plaisir, a accepté, puis c'est devenu une habitude, puisqu'il signait volontiers Henri les messages à ses intimes et à ses adjoints (cf le message à Georges Martin pour la double exécution de Kherfi et Chafi en 1943). Cependant, les premières fois où il a signé le registre d'écrou lors des exécutions, il marquait "J.Desfourneaux" (plus tard, c'était seulement son patronyme), et les quelques lettres que j'ai pu trouver de lui destinées au ministère, il les signait "Jules Desfourneaux".

Nous avions déjà, dans le passé, critiqué assez méchamment - pour ma part - l'ouvrage de Sureau vis-à-vis des libertés prises avec les faits, mais après, cela reste un roman, une adaptation personnelle, et nullement un cliché authentique.
Les spécialistes que nous sommes peuvent légitimement être déçus, les lecteurs lambda, eux, s'en foutent... s'ils l'ont trouvé divertissant, c'est déjà bien.
Et ça permet de rappeler le nom de Deibler à des gens qui ne l'auraient jamais su autrement.


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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyDim 20 Juin 2021 - 8:56

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 29 Juin 2021 - 11:47

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyVen 23 Juil 2021 - 17:11

Je tiens à mentionner Dieu et nous seuls pouvons, de Michel Folco. C'est une fiction très bien documentée.

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyLun 26 Juil 2021 - 19:49

Je plussoie! Folco est même l'un de mes auteurs favoris.

Chacun de ses romans est tellement bien documenté qu'on jurerait qu'il s'agisse de la réalité.

L'histoire des exécuteurs PIBRAC est évoquée en filigrane dans les romans qui suivent.

Le gros problème de Folco est qu'il ne sort plus rien depuis un moment. Quel dommage! Sad

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 27 Juil 2021 - 14:51

On n'écrit pas un livre comme ca. Moi-même, j'aimerais en écrire un, mais je ne trouve pas d'idées.
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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 27 Juil 2021 - 15:52

En général, c'est l'inverse.
C'est parce qu'on a un sujet qui nous intéresse et qui serait en mesure, selon nous, d'intéresser autrui qu'on caresse l'envie d'écrire un livre.

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MessageSujet: Louis-Ferdinand Céline en trois temps   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 10 Aoû 2021 - 2:55

Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 838_qu21



1


Le démantèlement de la Roquette à la fin de 1899, à quelques mois de l'Exposition universelle d'avril 1900, crée devant la Petite Roquette dont l'Auguste du Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline ne cesse de menacer son fils Ferdinand, un «rond-point» où il se plaît à aller flâner, les jours où sa femme Clémence et le môme vont se recueillir sur la tombe de sa belle-mère au Père-Lachaise voisin :

«Mon père il y entrait jamais. Il avait horreur des tombeaux. Il dépassait pas le Rond-Point en face de la Roquette. Il lisait là son journal; il attendait qu'on redescende».

Jusqu'à ce que la municipalité ne procède en décembre 1902 au percement de la rue de la Croix-Faubin dans l'axe des dalles de granit subsistantes sur lesquelles la guillotine de la Roquette était apposée parfaitement à l'horizontale, il semble qu'il ait également été possible de se sustenter sur ces prémices puisque le trio d'Auguste, Clémence et Ferdinand s'y arrête à un moment donné pour «prendre un tilleul», à la bonne franquette, «dans un tout petit café».

Puis avant que Ferdinand ne réprime ses mauvais instincts sous l'influence de son mentor excentrique Courtial des Pereires, et ne se soustraie ainsi au sort de Georges Duchemin sur le «quai Arago» («Tout ça Ferdinand! moi je peux te dire, ça finit Boulevard Arago! Avec la cagoule mon ami! Avec la cagoule!»), la Société anonyme des habitations économiques du département de la Seine obtient le 24 mars 1904, en application de la loi du 30 novembre 1894 sur le logement social, le permis de construire les deux édifices qui depuis le printemps 1906 s'élèvent encore aujourd'hui à l'entrée de la rue de la Croix-Faubin et qui à l'origine étaient donc des habitations à bon marché ou HBM, ancêtres des habitations à loyer modique ou HLM actuels.

En 1909, à la vue de ces deux petites tours jumelles de six étages conçues par l'architecte Georges Guyon, Émile Pierret, dans son Vers la lumière et la beauté : essai d'esthétique sociale, ne se contient pas d'enthousiasme :

«Qui ne se souvient sans horreur et sans dégoût de cette place dont le nom sonne aussi sec et tranchant que l'affreux couperet de la guillotine : la place de la Roquette?

«La grande Roquette!

«Oui, c'est là, sur ce même terrain où s'ouvraient comme des sépulcres les cellules muettes des condamnés à mort, c'est sur ce sol trempé du sang de leur supplice, que s'élèvent aujourd'hui deux maisons de logement à bon marché. Là, sur cet emplacement précis où se dressait dans le petit jour blafard des matinées d'hiver, comme dans la transparence des aubes radieuses, la fatale machine, où tant de fois s'est terminé, dans une affreuse angoisse, le dernier jour d'un condamné, là sont des maisons hospitalières, construites dans un but social; et l'on se demande si c'est bien le hasard qui les a dressées là. N'y seraient-elles pas, plutôt, comme une leçon? Ces maisons vulgaires à six étages, maisons de pauvres et d'ouvriers, avec leurs fenêtres ouvertes comme des yeux sur l'avenir, ne seraient-elles pas là comme des monuments expiatoires et tragiques, expiatoires de séculaires injustices, vers de nouvelles destinées plus humaines et moins rudes?»






Ayant dû se contenter du prix Renaudot pour Le Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline, gratifié d'un coupe-file du directeur de la police judiciaire Xavier Guichard, se présente à la Santé le 19 octobre 1933 pour voir Roger Dureux récolter son Goncourt, si tant est, comme il s'en gausse à l'hebdomadaire Marianne, que «la guillotine est le prix Goncourt du crime», et puise dans ce side-trip un aliment des plus fertile à son lyrisme à en juger par ses confidences à Henri Mahé (La Brinquebale avec Céline, 1969, Éditions Écriture) : «Ah, fiston! quel spectacle!... Enfoncés les Folies-Bergère et le Cirque d'Hiver! De la m**de, à côté! Cent cipaux à cheval! Des flics, comme s'il en pleuvait! (...) Des juges! des avocats! du cur'ton! Et la guimbarde, style omnibus Retiers-la-Bouse, qui débouche!... Toto descend! Entravé! Empoigné par les aides cote bleue délavée javel. Et ça saute! Et ça saute, mon Kiki! On aurait dit un oiseau! J'ai couru avec lui!... J'ai failli passer à sa place!... Je lui ai parlé à la tête, dans le panier!... «T'as mal?...» Les paupières et les lèvres remuaient pour répondre. «Où as-tu mal?...» Elle voulait parler la tête!... Elle est morte dans mes mains!... Deux minutes au moins après le coup!...» 

En 1954 dans Féérie pour une autre fois, après s'être défini avec humour comme un réaliste, Céline se reprojette sur le boulevard Arago pour en éloigner un Anatole Deibler honteux d'apprendre que son ébréchoir est mal affûté : 

«Voilà comme je suis!... scientifique bigleur!... et d'abord! le gros! le menu!... on va vous couper la tête... exemple!... vous quittez pas des yeux le couperet!... il est mousse!...
«- Bourreau, vous écriez, fainéant! vos aiguiseurs qu'est-ce qu'ils foutent!
«Et vous voyez le bourreau s'enfuir, foireux!»



3


Amnistié en 1951, grâce à ses avocats Albert Naud et Jean-Louis Tixier-Vignancourt, malgré ses ignominieux pamphlets de la deuxième moitié des années 30 et du début des années 40, Louis-Ferdinand Céline se retranche à Meudon avec sa femme Lucette Almanzor, son perroquet Toto qui sait siffler «Dans les steppes de l'Asie centrale par Borodine» et sa meute de chiens  - «pas un!... trois... quatre... et hargneux!» -, et rédige sa trilogie de D'un château l'autre, Nord et Rigodon qui de Baden-Baden en 1944 à Flensburg en mars 1945, tremplin de son deuxième exil au Danemark, retrace ses errances à travers l'Allemagne dévastée par les bombardements au «phosphore liquide» de la R.A.F., une trilogie qui en débouchant sur l'Hiroshima du «Landru cosmique» Harry Truman, le pose, selon le mot de Jean-Louis Bory, comme «le Rabelais de l'ère atomique».

Dans les appartements du château de Sigmaringen où en tant que médecin il soigne sans enthousiasme, par vocation, les naufragés moribonds de Vichy, d'autres Landru, des espèces de «diables Landrus» remontés ceux-là du passé, du Moyen Âge, par la filière des Hohenzollern, des «diables Landrus», lui triturent douloureusement les méninges : assurément «Bonaparte fait un peu demoiselle, traits fins, mains chochottes, fragonardes... tandis que les Hohenzollern, vous voyez, vous dites, les premiers surtout : «quels Landrus!...» un autre?... encore pire!... Tropman!... (...) la ribambelle!... toujours plus sournois!... plus cruels!... plus cupides!... plus monstres!... des centaines de Landrus pure race!... trois!... quatre étages de Landrus!... cousins Landrus! et à pique!... masse d'armes! faux!... éperons!... frondes!... toujours plus sadiques!... dauphins Landrus! pas le Landru timide de Gambais!... étriqué, furtif, à cuisinière rafistolée, occasion de la Salle... non!... Landrus sûrs d'eux!... pur jus!... nom de Gott!... lances, cuirasses, tout! blasons, mit uns!... des étages de portraits «coupe-souffle»!... Gott à la botte!... des pas seulement petits déchiqueteurs de fiancées!... non! autant de tortureurs impériaux!... kyrielle!... passeurs de duchés à la poêle!... bourgs, forteresses, cloîtres... à la broche! contents ou pas!... marmites!... marmites!...»

À Meudon même où par bonté d'âme il a ouvert au rez-de-chaussée de sa petite maison un cabinet de médecine privé peu fréquenté malgré ses consultations presque invariablement gratuites, c'est moins Landru qui cette fois tourmente Céline que ses collègues les docteurs Bougrat et Petiot dont la mauvaise réputation lui fait ombrage : bien sûr, juché en quelque sorte sur «les hauts» de Meudon au 25 ter de la route des Gardes, son bureau n'est pas facilement accessible, et bien sûr il n'a ni secrétaire ni bonne ni voiture, et il s'embarrasse de livrer en personne ses vidanges aux éboueurs et sa silhouette est dépenaillée au possible, mais il n'empêche que les débris humains exhumés des «caves» de Marcel Petiot sur la rue Le Sueur, à la Libération, et précédemment le cadavre de son patient Jacques Rumèbe laissé à pourrir dans son armoire à Marseille, en mars 1925, par Pierre Bougrat, ont jeté un discrédit tenace sur les praticiens exerçant leur art à domicile :

«Je suis que le petit médecin tout simple (...), un médecin sans bonne, sans femme de ménage, sans auto, et qui porte lui-même ses ordures (...) jusqu'à la route!... vous pensez! comment je serais pris au sérieux? - Que je vais moi-même ouvrir la grille!... la déverrouille!... la reverrouille! (...) à mi-côte!... vraiment l'endroit impossible! les quelques «chroniques» qui se risquent c'est les discussions du zinc, si je suis vraiment si ignoble que ce qu'on a raconté? (...) plus criminel que Bougrat! plus damné que Petiot! (...) le traître de pire fléau qu'aurait croqué Petiot au sel (...) si c'est vrai, le genre «Petiot» chez moi?... si ils verront des bouts de victimes?... fours à supplicier les malades?... etc... etc... Je me suis fait plus de tort jamais prendre un rond aux malades que Petiot de les faire cuire au four!»

Dans ces conditions l'inaltérable fidélité de la «vieillarde néomateuse» Niçois qui lui demeure attachée jusque dans un âge canonique, au lieu de le flatter, l'accable d'une inquiétude paranoïaque: «la question de Mme Niçois c'était qu'elle bouge plus, reste chez elle, monte plus me voir... son état s'améliorerait pas... elle pouvait pas!... qu'un jour elle tombe, se relève plus?... ça serait pas long!... Petiot! Landru! Bonnot! Bougrat!»*



Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 Cp_lfc14



Son départ crève-coeur de Montmartre, le 15 juin 1944, est l'événement traumatique par excellence de la vie de Céline qui aux premières heures de l'Épuration est terrassé par la «frousse d'être écharpé» ou torturé - «j'aurais eu la villa Saïd... l'Institut dentaire...» -, et ne peut s'empêcher de dresser un parallèle entre la Terreur de 1793-1794 et «celle de 44», entre les implacables visites domiciliaires de la Révolution et le cambriolage de son logement du cinquième de la rue Girardon où il est pendu en effigie au balcon, où son lit, son «page», est brûlé, et où le restant de son mobilier et les effets personnels secondaires qu'il a dû se résigner à abandonner derrière lui disparaissent dans «trois» ou «quatre voitures de déménagement» :

«Fric-frac (...) rue Girardon (...) Ceux qui sont montés chez moi (...) tout me voler (...) ont brûlé (...) mon page, furieux de pas pouvoir le descendre, trop lourd (...) et (...) sont grimpés pour me suspendre à mon balcon, me faire voir à tout Paris, le plus affreux des «anti-France» (...) tous les grands redressements nationaux commencent par les vols de literie... à l'instant même!... première main basse!... vous retrouverez jamais un drap!... ni après la Convention, ni après la Terreur blanche, ni après celle de 44... ce qui se barbote tout de suite, oreillers, draps, couvertures! (...) à peine vous hors, pssst! y en a plus! c'est fusées comme disparitions!»

Au lendemain de cette fuite précipitée et de ce saccage brutal, en réfléchissant à la gravité relative des forfaits les uns par rapport aux autres, le «chroniqueur» de Nord en arrive à placer en tête de liste le vol d'identité parachevé le cas échéant, quasi par pitié, par la suppression de sa victime pour qui l'existence a été réduite à une intolérable accumulation de dettes et de vilenies :

«Vous savez n'est-ce pas aux débâcles tout le monde fauche les papiers de tout le monde... vous laissez votre acte de naissance sur une table, une chaise, vous le retrouvez plus! (...) c'est un autre branquignol quelque part qui existe pour vous, devenu vous (...) la fauche des papiers, et si possible, transfert parfait, le vol suivi d'assassinat, qu'il ne reste rien de l'individu, le dépeçage de l'«authentique»!»

Au Danemark où il se plaint d'avoir pris «cent ans en deux années», c'est-à-dire trois cents au total avant de rentrer dans l'Hexagone en 1951, fourbu, à l'âge fantasmé de 357 ans, Céline soutient qu'il a végété au creux d'une «fosse bien humide toute obscure» à la prison de Vestre Faengsel, mais on ne peut guère y croire davantage qu'au «cercueil vertical» à l'intérieur duquel la police de Copenhague, après l'avoir comprimé dans un «corset», l'aurait d'abord enfermé à clé les «menottes» aux poings.

Ni buveur ni fumeur mais devenu un peu gâteux sur le tard à force d'insomnies imbibées de gardénal  - «Mon tourment à moi c'est le sommeil. Si j'avais bien dormi toujours j'aurais jamais écrit une ligne» -, il finit par considérer l'alcool et le tabac comme des agents de dégénérescence et formule à mots couverts la proposition originale d'en priver in extremis les condamnés à mort qui, en tout état de cause, n'en seraient pas en manque bien longtemps : «Pire que l'alcool (...), la cigarette (...), le perlo (...) est au-dessus de tout, au-dessus de la soupe, au-dessus du beurre (...) presque plus demandé que la vie... l'homme calanche de bien des trucs mais sans cigarette il peut pas!... regardez-le au poteau ou la guillotine (...) à l'exécution capitale, à choisir, rhum?... tabac?... la cigarette gagne...»

Prédisant à long terme, pour l'an 3,000, la dilution par métissage du sang blanc «fond de teint» dans les sangs noir et jaune dominants des «Afro-Asiates» - «le sang des blancs ne résiste pas au métissage!... il tourne noir, jaune!... les enfants des unions (...) mixtes seront jaunes, noirs (...) jamais blancs, jamais plus blancs... réalité biologique... le blanc a jamais été que «fond de teint»... l'homme vrai de vrai est noir et jaune» -, le futurologue réactionnaire de Rigodon, qui prétend qu'en novembre 1944 le contingent des «Sénégalais coupe-coupe» du général Leclerc s'est livré à des «décapitations en masse» sur «les épouvantés de Strasbourg», n'a aucun mal à s'imaginer tantôt une «armée noire gare Montparnasse» et tantôt «les Chinois à Brest» pour y installer le quartier général d'une irrépressible invasion, «à la Préfecture maritime», avant d'être véhiculés en «pousse-pousse» dans Paris par des serviteurs blancs pressés de leur indiquer au passage avec un maximum de vraisemblance, en se retournant dans leurs «brancards», «l'endroit de l'échafaud» de «Louis XVI place de la Concorde»...

_______________

* Il a été démontré que Bougrat avait mal réagi à la mort de son ami Rumèbe survenue inopinément dans son laboratoire en son absence, et qu'il en était innocent; sa passion du jeu et son noctambulisme ont été soulignés dans le film Le Bagnard qu'il a inspiré à Willy Rozier en 1951; après s'être extirpé de Saint-Laurent-du-Maroni il a terminé ses jours dans l'estime générale de ses concitoyens au Venezuela en 1962.



_______________________________________


Cette notice est extraite de la rétrospective 200 ans de guillotine publiée chez Amazon, en février, par André Bertrand, et la photo du 4 rue Girardon à Montmartre provient du site internet Le Petit Célinien.


Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 810kfk76

                                           Amazon - ISBN 9798709790117


Dernière édition par Titange le Dim 31 Juil 2022 - 17:27, édité 3 fois

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MessageSujet: Flaubert : «Réformez-moi la bête féroce»   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyDim 15 Aoû 2021 - 1:05

La presse autour de Nicolas Bony acéphalisé le 22 décembre 1853 à Provins indigne Gustave Flaubert qui en appelle à demi-mot à une éventuelle abolition de la peine de mort et, au-delà, à un apaisement de la «bête féroce» :

«On a exécuté ces jours-ci, à Provins, un jeune homme qui avait assassiné un bourgeois et une bourgeoise, puis violé la servante sur place et bu toute la cave», informe-t-il Louise Colet le 2 janvier.

«Or, pour voir guillotiner cet excentrique, il est arrivé dans Provins, dès la veille, plus de dix mille gens de la campagne. Comme les auberges n'étaient pas suffisantes, beaucoup ont passé la nuit dehors et ont couché dans la neige.

«L'affluence était telle que le pain a manqué».

Conclusion :

«Quand même vous auriez arraché les canines du tigre, et qu'il ne pourrait plus manger que de la bouillie, il lui restera toujours son coeur de carnassier!

«Moralisez, faites des lois, des plans! Réformez-moi la bête féroce».


Dernière édition par Titange le Ven 20 Aoû 2021 - 7:23, édité 1 fois

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MessageSujet: De Valentine Goby à Jean Catelas   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyJeu 19 Aoû 2021 - 0:27

Pas une seule faute à l’exception des remerciements finaux de Valentine Goby à Sylvain «Laru» au terme de son roman Qui touche à mon corps je le tue publié chez Gallimard en 2008, pas une seule en l’espace de quelque 140 pages, pas une faute, pas une coquille sinon celle-là, par malchance pour notre grand spécialiste qui lui a fourni tout le détail de la biographie d’Henri Desfourneaux qu’elle entremêle, dans le style des réflexions croisées, avec les tenants et les aboutissants de la carrière de la faiseuse d’anges Marie-Louise Giraud qu’il va guillotiner au matin du 30 juillet 1943 pour complaire au régime de Vichy et à son «chef de gare», le maréchal Pétain, «sur les lignes France-IIIe Reich».

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Marie-Louise Giraud et son enfance à proximité de Cherbourg où dans la pleine maturité de la trentaine elle affranchit ensuite de leurs grossesses des femmes à qui en ont imposé les soldats de la Kriegsmarine qui mouille dans le port en assumant le risque de la peine capitale qui depuis le 15 février 1942 a remplacé les cinq années de prison maximum dont les avorteuses étaient menacées.

Henri Desfourneaux et ses amours brûlantes, aux Indes, avec une maîtresse appelée ici «Ayanna», et ses amours en comparaison plutôt tièdes, par après, avec sa légitime «Georgette», Georgette Rogis, Henri Desfourneaux et le suicide de son fils à l'âge de 24 ans, Henri Desfourneaux et l’alcoolisme stabilisateur du vin blanc à petites doses, Henri Desfourneaux et sa passion des «courses de vélos» et du «Tour de France», Henri Desfourneaux le mécanicien hors de pair et le chapelet des précisions qui en découlent quand vient le temps d’officier :

«La stabilité de la base est vérifiée au niveau (...) Les pièces tueuses, mouton, lame, corde, sont fixées, l’entretoise installée pour maintenir les jumelles en leur milieu et la ceinture de fer nouée, à trente centimètres du sol, pour les tenir droites. La manette est posée. Tout à l’heure, une simple pression du doigt actionnera le mécanisme, ouvrira la grenouille qui retient la flèche, libérera l’énorme masse du mouton surmontant le couperet. Le paravent, la corbeille sont mis en place, pour la tête. Pour le corps, la baignoire» - il faudra quand même nous expliquer cette baignoire en guise d'alternative au panier d'osier après que les exécutions aient cessé d'être publiques et se soient déplacées à huis clos dans l'enceinte des prisons ? cette baignoire qui eut été plus réaliste que le panier lors du tournage du téléfilm de Julien Seri sur Christian Ranucci mais qu'il n'a pas été possible de retirer du garde-meuble des Baumettes ?


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Ce qui étonne aussi chemin faisant à la lecture de Valentine Goby, c'est qu'elle attribue non pas à Jean Catelas mais à Jacques Woog le crachat que Desfourneaux a essuyé avant de les décapiter le 24 septembre 1941 conjointement avec Adolphe Guyot, un crachat qui «lui brûle encore la joue» longtemps après selon André Guérin dans sa Chronique de la Résistance aux Éditions Omnibus et que notre spécialiste a brillamment contextualisé ainsi dans son propre Desfourneaux de 2019 :

«Les aides (...) commencent à couper le col de chemise des condamnés. Les trois hommes protestent, persuadés qu’on allait les fusiller. Puis, quand on commence à lui lier les mains derrière le dos, Woog refuse pareil traitement. Desfourneaux répond :

«C’est la consigne.

- Cette consigne est peut-être bonne pour les assassins, pas pour nous!»

Catelas encourage ses compagnons d’infortune :

«Soyez courageux, camarades! Il faut leur montrer comment savent mourir des patriotes.

- Sois sans inquiétude, répond Woog.

- Ne t’en fais pas pour cela, confirme Guyot. C’est sur ces salauds que notre sang rejaillira.»

Guyot demande alors à parler à l’avocat général. En guise de discours, il lui remet entre les mains une photo :

«Prenez-la, et montrez-la à Pétain. C’est la photo de mes quatre enfants.»

C’est Woog qui part le premier. Guyot le suit de près. Chacun des deux crie «Vive la France» quand il est poussé sur la bascule. Catelas, passant le dernier, fera de même. Mais avant cela, en franchissant le seuil, il voit Desfourneaux, debout à côté de la porte... Alors, pour montrer le mépris qu’il éprouve envers l’homme qui va lui trancher le cou, il lui crache au visage. Jules Henri n’a pas le temps de s’essuyer la face, il doit se précipiter vers la manette. Une fois le couperet tombé, il tire un mouchoir de sa poche et se frotte. Que pourrait-il dire? Râler, alors qu’il sait très bien qu’il vient d’obéir à une injustice? Après tout, entre l’offense que Catelas vient de lui faire, et l’affront que le gouvernement vient de faire à la nation en exécutant ces hommes...»


Aucune faute, aucune coquille dans le courant des 140 pages de Qui touche à mon corps je le tue, ou plutôt deux fautes minuscules, un «où» qui, page 71, devrait se lire ou sans accent, et, page 134, des «jambes de forces» avec un s de trop!
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MessageSujet: Pigault-Lebrun   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyDim 26 Sep 2021 - 0:25


«L'espoir est le dernier sentiment qui s'éteigne dans le coeur de l'homme»


En songeant peut-être à l'allégorie de la boîte de Pandore où il demeure enfermé après que tous les maux possibles et imaginables en soient sortis, le romancier Pignault-Lebrun applique en 1796 de manière heureuse aux occupants de l'ultime charrette de Thermidor de son Enfant du carnaval le principe que «l'espoir est le dernier sentiment qui s'éteigne dans le coeur de l'homme», et les soustrait à la guillotine à laquelle son Tribunal révolutionnaire les avait condamnés.

Selon Pierre Canler, chef de la police de Sûreté sous la Deuxième République, c'est François-Théophile Lemoine qui, en récusant les preuves patentes de son implication dans le meurtre d'une domestique du réputé chirurgien Guillaume Dupuytren le 29 janvier 1833, aurait déclenché parmi les accusés des assises la vogue de la «dénégation absolue» rattachée à cet espoir ou, si l'on préfère, à une «lueur d'espérance» d'être acquitté.

En 1867, avant d'être déféré à Jean-François Heidenreich par des jurés inflexibles, le boucher «désarticulateur» Charles Avinain n'avait lui aussi à la bouche, pour ses sympathisants de la «jeune classe», que le conseil de «n'avouez jamais» systématiques.

«Je me figure que, même en chemin, le long de la cour, dans l'escalier de secours, les corridors, le condamné espère encore : il espère je ne sais quoi : le déluge, un tremblement de terre, une révolution», réfléchissait à part lui Jules Vallès en accompagnant à l'échafaud - le 8 mars de cette année-là - un Charles-Félix Lemaire féroce qui s'y précipita pourtant avec frénésie comme le font une petite minorité de ses victimes ayant semble-t-il définitivement perdu le goût de vivre.
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MessageSujet: Léon Bloy   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMer 20 Oct 2021 - 5:10

L’enflure verbale du «pèlerin de l’absolu» Léon Bloy gâche le plaisir de lire sa Chevalière de la mort de 1896, une quasi béatification de Marie-Antoinette pleine d’imprécations à l’égard de ceux et celles à qui il impute son sort cruel, de «la Du Barry, cette ténébreuse goujate, au nom providentiel, qui fit s'accroupir la Royauté des Lys dans le tonneau de Diogène», à l’«aréopage de Trasybules en carmagnole» qui la jugea pour complaire à la «Canaille» sans-culotte en passant bien sûr par l’«adipeux et lymphatique» Louis XVI, le «Rien royal» - «l'imagination est épouvantée de l'incalculable quantité de «riens» que représente ce règne et surtout à partir du moment où une énergique présence de quelque chose devint absolument nécessaire»; moins d’hyperboles, de majuscules et de superlatifs n’aurait-il pas mieux assuré le succès de cet opuscule?
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MessageSujet: Dickens à l'exécution de Vagnarelli à Rome en 1845   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyDim 7 Nov 2021 - 0:05

Voici Charles Dickens le 8 mars 1845 Via dei Cerchi à Rome, et qui au terme d'une attente pénible de trois heures encaisse avec un extrême déplaisir, un peu avant midi, le choc de voir le bourreau du Vatican Giovanni Battista Bugatti non seulement promener la tête de son patient du jour, Giovanni Vagnarelli, sur les quatre côtés de sa plate-forme, mais aussi l'empaler littéralement, pour finir, sur un pieu dressé là-devant face à l'étroite rue San Giovanni Decollato : «When it had travelled round the four sides of the scaffold, it was set upon a pole in front (...) for the long street to stare at, and the flies to settle on», lit-on dans Pictures from Italy en 1846. «Nobody cared, or was at all affected. There was no manifestation of disgust, or pity, or indignation; or sorrow (...) It was an ugly, filthy, careless, sickening spectacle».

Mort nonagénaire en 1869, Bugatti a exercé 516 fois son ministère en l'espace de 68 ans, de 1796 à 1864, et a définitivement troqué la hache pour la guillotine, ou plutôt pour une sorte de mannaia à tabouret, au moment de l'annexion des États pontificaux à l'Empire en 1809.
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MessageSujet: Tolstoï à la Roquette en 1857   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyLun 13 Déc 2021 - 0:57

«Ce spectacle m'a tellement bouleversé que je ne m'en remettrai pas de sitôt», écrit Léon Tolstoï à Vassili Pétrovich Botkine en quittant précipitamment Paris pour Genève le 8 avril 1857 après avoir assisté l'avant-veille, «dans un état nerveux déplorable», à l'exécution du double assassin de 40 ans François Richeux.

«Quand je vis la tête se détacher du corps et tomber avec un bruit sourd dans le panier», observe-t-il encore en 1882 dans Ma confession, «je compris, non pas par l’esprit mais par tout mon être, qu'aucun raisonnement (...) ne pouvait justifier une pareille action».
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MessageSujet: Étienne de Jouy   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyVen 14 Jan 2022 - 1:01

À la date du 10 novembre 1813 dans son Hermite de la Chaussée-d'Antin, Étienne de Jouy illustre à son tour, après Restif de la Bretonne et Louis-Sébastien Mercier pendant la Révolution, le genre littéraire de la promenade dans Paris en évoquant à sa manière la Grève et la Conciergerie où il a pu assister de près, le 18 octobre, au naufrage de Louis Lomont ou Laumond :


                         UNE EXÉCUTION EN GRÈVE


D'un spectacle cruel indignement avide,
Turbulent, curieux avec compassion,  
Tout un peuple s'agite autour de la prison :
Etrange empressement de voir des misérables !
On hâte, en gémissant, ces momens formidables.                
                     VOLT., Tancrède, acte 3, sc. 3.


J'ai eu l'occasion de faire remarquer, dans mon dernier Discours, ce contraste, particulier au caractère français, de l'amour de la nouveauté et de l'attachement à la routine. Cette étrange contradiction, sans être moins forte, est pourtant moins choquante, au premier coup-d'oeil, que celle d'une extrême politesse et d'une curiosité féroce, dont le peuple, et principalement celui de cette capitale, offre à tout moment l'exemple. En effet, quelle idée différente emporteraient de nous deux étrangers, dont l'un n'aurait vu les Parisiens qu'à l'Opéra, et l'autre qu'en traversant la ville, le long des quais, un jour d'exécution en place de Grève ? Que devrait penser ce dernier, en voyant sa voiture arrêtée à chaque pas au milieu d'une foule immense qui se presse autour de l'Hôtel-de-Ville et du Palais-de-Justice; en écoutant ces bruits confus et tumultueux de la populace, dont l'effet matériel est à peu près le même, quelle que soit la circonstance qui les occasionne ?

Cet étranger, qui verrait sur son chemin l'artisan quitter sa boutique, le bourgeois oublier l'heure du dîner, les femmes prendre place aux fenêtres; d'autres mêlées dans la foule, dont les quais et les ponts sont couverts; les cafés, les cabarets se remplir de buveurs; cet étranger, dis-je, ne se croirait-il pas arrivé à Paris le jour d'une grande solennité ? Supposons maintenant qu'il questionne son postillon, et qu'il apprenne que ce concours de monde, que tout ce mouvement a pour but de jouir des dernières angoisses d'un malheureux condamné au supplice : notre voyageur, pour concilier les traces de civilisation qu'il aurait pu remarquer avec d'aussi cruelles habitudes, ne serait-il pas autorisé à croire qu'il est au milieu d'une horde de sauvages, récemment établie dans la capitale d'une nation civilisée ? Curieux d'observer de plus près cette peuplade des bords de la Seine, il descend, se mêle dans la foule, et, s'adressant à un des habitués de la Grève, il demande «quel était l'usage de ces masses de charpente qu'on abat en ce moment, et qui semblent avoir appartenu à quelque grande construction : celui-ci répond que ces restes faisaient partie d'un vaste édifice en bois que l'on avait élevé, quinze jours auparavant, pour servir à des réjouissances publiques. - Et cette autre construction, d'une moindre étendue, que l'on dresse sur le même emplacement ? - C'est un échafaud où va monter, à quatre heures précises, un particulier très-connu, atteint et convaincu d'assassinat.» J'imagine qu'à cette réponse mon étranger doit se dire en lui-même : «Comment ! les habitans de cette bonne ville dressent sur la même place des salles de bal et des échafauds ! ils mêlent, en idée du moins, les sons du violon et les cris du patient ! ils ordonnent, au même lieu et presqu'en même tems, des fêtes et des supplices !..... Je me suis trompé; ces gens-là ne sont pas des sauvages, ce sont des fous.» J'ai fait souvent la réflexion que je prête à mon voyageur, et jamais je ne suis passé sur la place de Grève sans frémir de cet affligeant contraste, dont j'y retrouve toujours l'image.

Cette place, dont le nom réveille tant d'odieux souvenirs, fut, dès le commencement du 14e siècle, destinée aux exécutions criminelles. Il est pénible d'apprendre que le sang innocent fut le premier qu'on y versa. Une malheureuse femme hérétique, nommée Marguerite Porette, à peine âgée de trente ans, y fut brûlée vive en 1310 pour avoir écrit : Que l'âme, abîmée en Dieu, est au-dessus des vertus et n'en a plus que faire; et que, quand on est parvenu à un certain degré de vertu, on ne saurait aller au-delà. Quatre cents ans plus tard, une autre femme a pu dire, impunément à-peu-près les mêmes sottises. Encore quatre siècles, et peut-être courra-t-on le risque d'être brûlé pour nier l'évidence de ces mêmes propositions : tant l'esprit humain est conséquent ! tant la justice des hommes est infaillible !

Antérieurement à cette exécution, les criminels étaient mis à mort aux Halles, lesquelles partagèrent encore pendant plus d'un siècle, avant la Grève, le triste privilège des échafauds. C'est dans ce dernier lieu que furent décapités, en 1398, les deux religieux augustins qui s'étaient engagés à prix d'or, et sous peine de la vie, à guérir Charles VI du mal incurable dont il était atteint. Les deux moines perdirent la tête, et le roi ne recouvra pas sa raison. La dernière exécution qui fut faite aux Halles en 1477, fut celle du malheureux duc de Nemours, dont les enfans, placés sous l'échafaud par ordre du cruel Louis XI, furent couverts du sang de leur père. Cet infortuné fut conduit de la Bastille au lieu de son supplice, sur un cheval caparaçonné de noir. Depuis cette époque, tous les arrêts de mort rendus à Paris s'exécutèrent sur la place de Grève.

Il y a quelques jours qu'en sortant de l'Hôtel-de-Ville je m'arrêtai quelques momens sur le perron, où je me trouvai tout-à-coup assailli par une foule d'idées et de souvenirs cruels. Je croyais avoir sous les yeux l'échafaud où périt si misérablement un brave général, au milieu du beau monde, qui vint acheter le plaisir de voir tomber sa tête; cette énorme potence, où le malheureux Favras fut un des premiers à payer de sa vie son inaltérable fidélité : je contemplais, en tressaillant, cet Hôtel-de-Ville, témoin de tant de crimes et de tant de supplices. Je parcourais, en idée, les fastes sanglans de la Grève, où je lisais avec effroi les noms des Ravailhac, des Brinvillier, des Damiens, des Cartouche, et l'effroyable série de toutes les atrocités humaines. Chaque espèce de forfaits, vols, assassinats, empoisonnemens, parricides, sacrilèges, trouve là sa honteuse illustration; et, comme le remarque le judicieux auteur des Essais sur Paris : «Tous les monstres qui ont figuré sur cette place y formeraient une assemblée plus nombreuse qu'aucune de celles qui ont assisté à leur supplice.»

Ces tristes idées, sur lesquelles mon esprit travailla involontairement pendant le reste du jour, m'occupaient encore le soir, lorsque je rencontrai le docteur M***, un de ces hommes dont parle Sterne, qui cherchent un passage dans le nord-ouest du monde intellectuel, pour arriver plus tôt au pays de la science. Cet habile médecin, grand ennemi des systèmes et des théories spéculatives, s'occupe, depuis dix ans, d'un ouvrage sur les Rapporls de la Physiologie et de la Morale, pour l'exécution duquel il passe une partie de sa vie dans les prisons, à rassembler des faits et à multiplier les observations et les expériences. L'intérêt de la science et la préoccupation continuelle d'une seule idée lui dérobent ce qu'il y a de pénible, et même d'un peu ridicule, aux soins qu'il prend de se tenir à l'affût des grands criminels, de les suivre devant les tribunaux, dans les prisons et jusqu'au pied de l'échafaud, au risque de se voir confondu avec ces désoeuvrés inhumains, qui cherchent indifféremment un spectacle à la Grève ou à Tivoli. Les gens qui sont habitués à confondre les idées et les mots de sensation et de sentiment, qui ne tiennent aucun compte de la force de la volonté et de la puissance de l'habitude, auront de la peine à croire à la sensibilité d'un homme qui s'impose la tâche d'épier, dans le coeur d'un condamné, les derniers soupirs de l'espérance, et d'observer la nature humaine aux prises avec la pensée de la destruction. Le docteur explique fort bien, et prouve encore mieux par son exemple, que les opérations de l'esprit et les mouvemens de l'âme n'ont point le même principe et ne doivent pas se juger sur les mêmes résultats. Tout en causant, M. M*** finit par me faire prendre l'engagement de le suivre le lendemain à la Conciergerie, pour y voir l'assassin Laumond, avant l'heure où il devait en sortir pour marcher au supplice.

Le docteur fut exact; mais, au moment de partir, j'éprouvai un serrement de coeur qui m'aurait fait renoncer à mon projet, si je n'avais pas eu honte de montrer toute ma faiblesse à un homme qui n'en aurait pas fait honneur à ma sensibilité. Nous partîmes. Chemin faisant, il me raconta les affreux détails de l'assassinat commis sur la fruitière de la rue de Verneuil. «Le misérable que vous allez voir, me dit-il en achevant sa narration, est une nouvelle preuve à l'appui d'une vérité que je mettrai dans tout son jour : c'est que l'entrée d'une maison de jeu est une des portes de la Grève. Il y a quinze ans que j'étudie, que j'observe les grands criminels, et j'en ai vu bien peu que le bourreau n'ait pas saisi les dés ou les cartes à la main.» Sans me donner le tems de me récrier contre ce qu'il pouvait y avoir d'exagéré dans cette assertion, il fit l'application du principe à la vie entière de ce Laumond, qu'il me montra livré, dès son enfance, à cet amour du jeu, qui le retenait des journées entières sur les places publiques, parmi des enfans de son âge, lesquels préludaient aux mêmes vices, en se livrant aux mêmes penchans. «Tour-à-tour mauvais fils, mauvais époux, mauvais père, sur les seuls détails de sa vie privée j'aurais parié, continua le docteur, que la tête d'un pareil homme devait être dévolue au bourreau avant l'âge de trente ans : une seule chose m'étonne, ajouta-t-il, c'est qu'un misérable dont le crime annonce tant de lâcheté ait eu le courage de ne point se pourvoir en cassation, pour disputer à la justice ces jours d'agonie que le pourvoi nécessite, et que la loi accorde au criminel; à peine trouve-t-on un condamné sur mille qui ait la force de repousser un si cruel bienfait.»

Nous arrivâmes au Palais, et nous eûmes beaucoup de peine à traverser la cour, où vingt mille personnes attendaient, avec impatience, le moment du supplice. L'entrée de la Conciergerie n'a de sinistre que l'idée qu'on y attache. Après avoir passé sous le fatal arceau, gardé par un piquet de gendarmerie qui devait servir d'escorte au criminel, nous nous présentâmes au guichet, qui s'ouvrit à la voix du docteur. Le silence de la mort régnait déjà sous ces voûtes élevées sur l'emplacement de l'ancien palais de nos rois : les affreux cachots dont nous étions entourés avaient jadis fait partie des appartemens que saint Louis habitait. Ce préau, où les criminels vont promener leurs remords, où quelque innocent, peut-être, verse en secret des larmes, est la même enceinte où le roi Charles V assemblait son conseil, où les princes du sang et les grands du royaume venaient discuter les intérêts du peuple et les besoins de l'Etat. Nous étions entre les deux guichets, dans la salle de l'avant-greffe, où le criminel allait être amené. A trois heures et demie, au moment où l'huissier de la cour impériale sort pour se rendre au lieu de l'exécution, la porte d'un long corridor obscur s'ouvre avec fracas, et l'assassin Laumond paraît, au milieu des bourreaux, n'ayant sur la terre, d'où il va disparaître, d'autre créature qui s'intéresse à son sort que le vertueux ecclésiastique dont l'auguste ministère est de donner des consolations au désespoir et de présenter des espérances au repentir. Il est des émotions dont on ne se fait pas l'idée, même après les avoir senties : telle est celle que produit la vue d'un être qui respire, qui pense, qui se meut, qui jouit de l'intégrité de ses facultés physiques et morales, et qui, dans quelques minutes, n'offrira plus que l'image de la mort, ne sera plus qu'un cadavre. Je voudrais en vain pouvoir exprimer ce qui se passait en moi à l'aspect de ce malheureux, dont les cheveux tombaient sous le fatal ciseau, et que les bourreaux déshabillaient, après lui avoir lié les mains. En le contemplant sur une escabelle, les yeux hagards, la tête affaissée sur la poitrine, tous les muscles de son corps dans une agitation convulsive, l'assassin disparaissait; je ne voyais plus que l'homme, et les sentimens d'horreur faisaient place à ceux de la pitié..... Quatre heures sonnent. A ce signal de mort, les grilles s'ouvrent : il revoit le Ciel; il se retrouve, pour un moment encore, au milieu des hommes, du nombre desquels il est déjà proscrit. Il monte sur ce tombereau de l'infamie, au bruit des imprécations que sa vue inspire à la multitude, et qui l'accompagnent jusqu'à l'échafaud, dressé dans cette place de Grève qu'il a plus d'une fois traversée en méditant peut-être le crime qui devait y recevoir sa juste punition.

Après le départ du condamné, le docteur me conduisit au logement du concierge, où nous trouvâmes, dans un salon agréablement décoré, une jeune personne qui prenait sa leçon de musique, et chantait d'une voix douce, en s'accompagnant sur le piano, la romance du beau pays de l'Ibérie. Ce rapprochement d'objets si disparates, d'un vil assassin et d'une jeune fille pleine de grâce et d'innocence, d'un cachot obscur et d'une salle de musique, du bruit des chaînes et d'un chant d'amour, fut pour moi, une source de réflexions qu'il me suffit d'indiquer à mes lecteurs, pour qu'elles se représentent aussitôt à leur esprit.
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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptySam 22 Jan 2022 - 10:01

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MessageSujet: Le Lendemain du dernier jour d'un condamné   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptySam 29 Jan 2022 - 1:55

Voulant profiter de la popularité du Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo qui jouit d'un succès considérable dès sa publication en février 1829, l'éditeur en herbe Joël Cherbuliez accouche en vitesse de sa parodie du Lendemain du dernier jour d'un condamné qui, sur le mode d'un «je» prolixe, trimballe son héros de la Grève aux enfers en passant par l'amphithéâtre de médecine et le cimetière.

Déjà le premier tableau de la bascule imprime aux errances de ce «je» explosif, comme propulsé de l'intérieur d'une bouteille de vin pétillant, lorsqu'elle est décapsulée, jusque dans le panier des Sanson, un tempo frénétique : «Ma tête est séparée de mon corps; le souffle qui animait la matière, et qu'ils appellent la vie, s'est évaporé comme l'esprit d'une bouteille de vin de Champagne quand on fait tomber le bouchon qui le retenait captif».

La «mort-passage» du zombie de Cherbuliez se poursuit par un collapsus à bord d'une charrette brinquebalante : «Mon corps (...) suivit ma tête dans le panier; mes mains la saisirent et s'efforcèrent de la remettre à sa place, mais c'était en vain (...), elle roulait toujours (...) Bientôt (...) je perdis connaissance, et j'oubliai un instant ma douleur, mon angoisse; j'étais sur le seuil du néant (...) Le cahot de la charrette, le claquement d'un fouet, les chocs que recevait ma tête heurtée contre les parois du panier, me tirèrent de cette léthargie et me plongèrent de nouveau dans l'abîme de la réalité».

Soumis à des ondes électriques à l'amphithéâtre où on l'a conduit, l'atrophié du Lendemain du dernier jour y approfondit à son corps défendant sa réflexion sur le sens de l’existence entre «le seuil du néant» et «l'abîme de la réalité» : «Je ne saurais exprimer quel effet odieux produisait sur moi cette opération : mes yeux se fermaient et se rouvraient sans que j'eusse la volonté de remuer les paupières; ma bouche s'ouvrait, mes dents s'écartaient; ma langue agissait contre mon palais sans que je cherchasse à lui imprimer de mouvement (...) Les éclats de rire de l'assemblée venaient aussi me faire frémir; il me semblait déjà voir toute la suite des diables de l'enfer».

Après son enterrement, la «mort-processus» du je de Cherbuliez, son «après-mort», s'achève aux enfers où de nombreuses âmes en peine, prises de remords, ne semblent pas mériter un châtiment éternel et où la culpabilité même de certaines d'entre elles, à l'exemple de telle mère infanticide, paraît douteuse : «N’est-ce pas encore l'injustice des hommes qui l'a entraînée à commettre un crime si peu d'accord avec la sensibilité d'une femme, avec l'affection maternelle?»

«Les états frontières», les «états subtilement enchevêtrés» de la «mort-passage» ou «mort processus» ou «après-mort», c'est là ce que scrute hardiment Anne Carol, en 2012, dans sa Physiologie de la Veuve, une histoire médicale de la guillotine, un ouvrage que je me permets de signaler en terminant à l'attention des lecteurs qui s'interrogent sur la question de la survie chez les décapités.


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P.S. Décevant Au pied de l'échafaud que Piotr évoque ci-dessus et qu'Anne Carol a commis en 2017. 

Sans doute ses pages les moins inintéressantes reconstituent-elles, à l'aide des notes de service inédites de fonctionnaires chargés de les commenter, les exécutions ratées de Jean-Pierre Dumoulin à Tournon-sur-Rhône le 16 mars 1850 et de Charles Quillien et Guillaume Herlédan à Quimper le 4 janvier 1851.
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MessageSujet: Alain   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyJeu 17 Fév 2022 - 1:59

Dans l’un de ses «propos» daté du 25 mars 1922, le 315e de son édition dans la Bibliothèque de la Pléiade, le philosophe Alain disserte sur l’avant et le pendant de la guillotine, mais se déclare incapable de concevoir son après :


Le docteur Guillotin disait de sa machine à tuer qu’elle faisait tout au plus l’effet d’une serviette mouillée sur la nuque; cet homme avait l’imagination heureusement disposée; un autre imaginera le tranchant inexorable, et ce bruit que l’on entend chez le boucher se répercutera depuis la base du crâne jusqu’aux pieds à travers le corps du patient. Ce sont des rêveries. Il arrive assez souvent qu’un homme revient d’un choc violent après lequel il est resté sans connaissance un petit moment; ceux qui ont fait cette expérience savent très bien ce que c’est que mourir d’un choc; or ce qu’ils savent c’est qu’ils ne savent rien. Montaigne revenant à lui-même après qu’il avait été jeté en bas de son cheval par le choc d’un autre cheval emporté, Montaigne n’avait même plus souvenir des événements qui avaient précédé immédiatement la chose, et que pourtant ses yeux avaient vus. Ce drame forme comme un trou d’ombre, et tout ce qui est sur les bords tombe dans le trou. C’est ainsi qu’on s’endort, sans jamais penser qu’on s’endort. Le demi-sommeil est comme une région disputée; c’est la veille qui le reprend si l’on ne s’endort point; mais si l’on s’endort le sommeil recouvre aussi le rivage comme d’une vague. Ainsi l’homme qui est porté sur la planche à roulettes plonge dans le noir, et dissout en ce profond sommeil un mauvais rêve qu’il n’a même pas eu le temps de former. D’après le témoignage de Montaigne et de beaucoup d’autres, on peut même parier que s’il revivait dans quelque paradis ou enfer, il ne saurait point du tout comment il est mort.

Je fais cette supposition du paradis et de l’enfer; je dois dire que je n’y crois point du tout. Il m’est arrivé d’imaginer ou de rêver les dernières minutes d’un condamné à mort; or je suis bien capable de doser ici la terreur et de la goûter par le menu; et j’ai remarqué que ce talent est fort commun. Mais il n’est nullement question, dans ces rêveries émouvantes, de ce qui arrivera après la chute du couperet. Quelquefois ces imaginations avaient de l’apparence, par l’approche de quelque gros obus qui déchirait l’air comme une étoffe; il fallait bien penser sérieusement à la mort; l’idée d’une autre vie aurait bien pu agir, par le seul mécanisme de la terreur; mais cela ne s’est point fait. La machine humaine, qui produit tant de folles idées, n’a point produit celle-là, qui passe pour commune, et dont mon enfance a été nourrie. Bien mieux, je ne puis citer aucun homme qui, dans les moments difficiles, se soit préparé d’une manière quelconque aux épreuves de l’autre vie. Je parle de ce que j’ai vu, et non de ce que j’ai lu. Ce genre de peur, ou bien ce genre d’espérance, ne peut sans doute être entretenu que par d’imposantes cérémonies, où les sentiments sont soutenus par la mimique et la déclamation. Et le sommeil, frère de la mort, peut soutenir ici l’imagination; car on peut craindre de s’endormir par peur d’un certain rêve. Toujours est-il que ces fantaisies crépusculaires, même si on les a formées étant jeune, peuvent être oubliées et, autant qu’on peut dire, effacées, puisque de longs mois de terreur tantôt ramassée, tantôt diffuse, ne les firent point revivre. Remarquez que, si j’avais cette peur, ou cette espérance, je saurais encore bien l’expliquer. Mais je ne l’ai point.


Notes : la référence d’Alain à Montaigne se rapporte au Livre II des Essais, chap. 6, «De l’exercitation». - Dans le contexte de 1922, la «planche à roulettes» du premier paragraphe ne peut désigner que la bascule.
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MessageSujet: Extraits de L'Âne mort et la femme guillotine de Jules Janin   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyDim 20 Fév 2022 - 23:04

Cynisme et inhumanité dans la "domesticité" et "l'efficacité" de la société par rapport au corps d'une femme exécutée. Extraits de L'Âne mort et la femme guillotine de Jules Janin

En 2009, un article sur ce travail a été publié dans cette section. Pour l'instant, j'ai décidé d'approfondir la question. Données sur Jules Janin - liens dans différentes langues.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Janin

https://ru.wikipedia.org/wiki/Жанен,_Жюль

  Jules Janin a cherché à créer une parodie du roman noir et en particulier des œuvres d'Anne Radcliffe. Le thème de la peine de mort, le thème de la souffrance que la société inflige à une personne, lui est servi de manière moqueuse presque comme une satire. Mais dans cet ouvrage, l'écrivain ne se moquait pas de la mort de la malheureuse condamnée, mais de la société qui l'entourait avec une moralité hypocrite et une vertu feinte. Condamnée à mort et exécutée pour le meurtre d'un jeune homme qui l'avait autrefois corrompue. Au cours de l'action, un étudiant romantique tente de sauver l'héroïne d'une chute morale - mais en vain. Rappelle personne? Personnellement, cela me rappelle une héroïne de l'écrivain Alexis Bouvier.



Comme toujours, à ma discrétion, j'ai divisé et titré à ma manière les parties du discours direct de l'écrivain dans le dernier chapitre. Mes commentaires sont en italique.

PARTIE 1 L'ARGENT COMME UN COMPTE


L'exécution est une chose lugubre, et pour cela il faut des nerfs calmes et solides et des gens raisonnables.

«... au loin, j'ai vu un lourd chariot qui s'approchait lentement; le cocher marchait à côté de lui, sur la banquette avant, les bras croisés, assis deux personnes, on pourrait les prendre pour des commis bouchers revenant de l'abattoir. Dans les profondeurs du wagon, quelque chose de rouge était vaguement visible, répétant grossièrement les contours d'un corps humain - c'était un panier dans lequel un cadavre est placé après une exécution.
Alors que le chariot approchait de la porte du cimetière, l'un des passagers sauta à terre; le fossoyeur, le bonnet à la main, s'approcha ; l'homme qui restait dans le chariot soutenait le panier, tandis que deux autres le prenaient dans leurs bras ; la charge n'était pas si lourde qu'inconfortable, ils la laissèrent maladroitement à mes pieds; quelques gouttes de sang arrosaient le sol. Je m'assis à demi sur un piédestal de pierre et vis tout vaguement, comme dans un rêve.

J'ai payé la facture comme s'il n'y avait pas eu d'erreur.
Puis il examina le panier rouge ; l'assistant l'ouvrit ; d'abord, une tête exsangue avec des cheveux courts, comme si des cheveux rasés devenaient visibles; la bouche était terriblement déformée, les yeux ternes semblaient toujours regarder ; la convulsion était évidemment si violente que les mâchoires se déplaçaient, de sorte que cette bouche qui avait été si belle autrefois, qui avait connu tant de sourires, était comprimée d'un côté et terriblement ouverte de l'autre.
- Malheureux ! Elle a dû terriblement souffrir !
"Pas du tout", objecte une autre assistante, qui tenait le couvercle relevé, "à partir du moment où ils nous l'ont donnée, nous l'avons traitée avec toute la délicatesse, nous lui avons donné une minute pour s'asseoir, lui couper les cheveux ses longs cheveux noirs avec des ciseaux tout neufs, puis, pour qu'elle ne languisse pas longtemps, ils l'ont portée jusqu'à leur charrette, et, croyez-moi, elle était si légère.

Un des hommes de main s'est approché de moi.
"Est-ce que je t'ai vu ce matin chez mon maître ?"
"Moi, qu'est-ce que tu me veux ?"
« Puisque vous avez demandé le corps de la condamnée, le propriétaire a pensé que vous pourriez être un parent à elle et ne voudriez pas qu'elle meure aux frais de l'État, alors il m'a donné ce compte pour vous.
J'ai pris la feuille ; c'était une facture comme une autre, sur un gros papier blanc, comme d'un épicier ou d'un mercier, rédigée d'une belle écriture ; Je l'ai lu lentement, comme un homme prêt à payer mais qui ne veut pas être escroqué.

« Fabrication et livraison d'une guillotine - 50 francs, transport en charrette du Palais de Justice - 6 francs, aiguisage d'un couteau - 2 francs, une bougie (frottez la corde) 30 sous, pour un son de cloche étouffé (génial !! !!) 20 sous, à M. bourreau pour ses travaux 200 francs, le premier assistant 20 francs, trois verres bu pour la santé du défunt 30 sous, pour le corps 60 francs... Total 338 francs 80 sous

Et elle ne voulait voir personne avant sa mort ?
- Personne. Mais quand ils l'ont sortie de prison, elle a continué à regarder autour d'elle si mal à l'aise, comme si elle voulait trouver quelqu'un qu'elle connaissait dans la foule avec ses yeux.
« Oui, confirma une autre, et comme elle ne trouva personne, elle dit doucement : « Charlot ! Charlot ! » puis elle poussa un profond soupir ; Je n'ai pas pu m'empêcher de rire quand j'ai vu mon maître se tourner vers le nom de Charlot, il a cru qu'on l'appelait !
J'ai mis fin à ce bavardage.
"Laissez-moi, laissez-moi tranquille," dis-je aux deux bourreaux, "donnez-moi le corps et partez."

PARTIE 2. LES VAUTOURS DE CIMETIÈRE

De nouveaux visages apparaissent et ils ne sont pas très agréables.

Le corps sortait à moitié du panier, il était complètement sorti ... Il était complètement nu!
Le fossoyeur a déplacé le cercueil vers le corps.
"Maître," dit-il, "je vais partir une minute, juste prendre une gorgée avec ces messieurs, et puis je reviens tout de suite.
Puis j'ai déroulé mon double linceul. J'ai pris la tête coupée à deux mains, je l'ai ornée de beaux cheveux noirs, je l'ai enveloppée dans une taie d'oreiller et je l'ai placée sur le bord d'un grand linceul.
Le corps est resté. Mais comment puis-je le porter seul? Silvio s'est retrouvé à proximité, bon Silvio ! Il a courageusement soulevé le corps sans tête dans ses bras, j'ai soutenu les jambes, blanches et froides comme la neige. Hélas! Le sang et le lait coulaient de ce beau corps en même temps. Nous l'avons habillée d'une chemise blanche, un linceul translucide qui lui atteignait à peine les mains, mais couvrait complètement ses épaules ; il s'est même avéré que ce vêtement funéraire pouvait se nouer autour du cou.

Tous les habitants de ces lieux, vieilles femmes, jeunes femmes, ont envahi le cimetière et nous ont dévisagés, moi et Silvio.
- Sainte Vierge ! s'écria l'un d'eux. « Votre cœur vous serre quand vous voyez du si beau linge jeté en terre comme un mort !
« Il y aurait encore des terres consacrées ! un autre ramassa.
"Vous voyez, la guillotine aura une chemise plus neuve que celles que les bonnes femmes chrétiennes obtiennent!" — se plaignit le troisième.
Parmi ces femmes, il y avait un homme, gros, épanoui, philosophe et causeur à la voix douce et mélodieuse ; cet homme se tenait au bord de la tombe, regardait tout et écoutait. Il était si doux et calme, si curieux, si à l'aise dans cet endroit ! Je pense souvent à une de ses observations cruelles. D'une main tremblante, j'ai redressé le linceul et chuchoté le dernier "pardonne" ton amour, et à ce moment-là, il expliqua aux femmes assemblées que les chemises ouvertes pour femmes sont beaucoup plus pratiques pour l'exécution que celles pour hommes avec un col.
Puis, remarquant que de grosses larmes coulaient de mes yeux, il poursuivit en haussant les épaules :
- Tourments cardiaques - comme les gens sont fous ! J'ai chanté pendant dix ans dans la basilique Saint-Pierre de Rome, j'ai été chef d'orchestre à l'église de Florence, j'ai été le premier soliste sur la scène du théâtre La Scala de Milan, j'ai partagé les passions les plus ardentes des belles femmes italiennes, j'ai marché partout dans Venise sous un masque de carnaval noir, en dominos roses, j'ai vu comment des femmes mouraient pour leurs amants, et je n'ai jamais éprouvé une seule fois ce sentiment fou qu'on appelle l'amour.
Cela dit, notre philosophe se réfugia de nouveau derrière la haie fleurie de son égoïsme.
Les femmes le regardaient avec horreur et dégoût, et - bon sang, vous n'allez pas le croire ! — cet homme florissant s'est avéré être une soprano napolitaine ! (castrat du chœur du pape)
Lorsque le linceul fut mis en ordre, la tête était attachée au sommet du corps, comme si elle n'avait pas été coupée, Silvio referma le couvercle du cercueil ; et nous nous tenions tous les deux, comme aux aguets, les bras croisés au bord de la tombe, car le fossoyeur n'était toujours pas revenu. Pendant ce temps, la nuit avançait lentement, le ciel était peint de couleurs vives et paisibles, qui annoncent généralement la fin d'une belle journée. En bas, sous mes pieds, je pouvais voir Paris - la même ville qui a si impitoyablement détruit la jeune femme qui y reposait - sans aucun remords, il préparait ses soirées de fêtes, de plaisirs, de concerts, de danses, d'amour.
Silvio m'arracha difficilement à la contemplation de cette scène terrible.
- Adieu, Henriette, adieu, femme publique, mon amour inestimable et innocent ! Demain je reviendrai.
Le lendemain, je suis revenu seul. Ma tête était pleine de prières, mon cœur était plein de pitié, mes mains étaient pleines de fleurs ; mais, arrivé à l'endroit même où des gouttes de sang étaient encore visibles, je trouvai que la tombe n'était plus. Vide, à moitié pleine, elle a raté sa proie : l'Ecole de Médecine a volé le cadavre, le fossoyeur, dégrisé le matin, a pris possession de cette vulgaire tombe pour la revendre à un autre exécuté ; les commères locales se disputaient le linceul, dans une soif de s'habiller vivantes dans ce vêtement des morts ; la taie d'oreiller est allée à une soprano napolitaine ; une autre femme publique a déjà acheté de beaux cheveux noirs pour couvrir sa tête chauve. Il ne restait rien.
Cette dernière insulte me parut monstrueuse. La façon dont cette fille m'a échappé pour la dernière fois a été la plus terrible. Maintenant, il m'était impossible d'en trouver ne serait-ce qu'un lambeau ! À ce moment-là, j'ai admis ma défaite finale. Faisant appel à tout mon sang-froid et à mon triste courage, je la suivis sur le chemin funeste de la pureté et du vice, des roses et des épines, mais, arrivé à ce cimetière, je perdis irrémédiablement sa trace. Je pourrais essayer de le reconquérir à la débauche, à la maladie, à la misère, à la prostitution, au bourreau, au fossoyeur… Je le reconquérais aux vers des tombes ; mais essayez de le retirer de sous le scalpel chirurgical ! Oh, malheureux, tu n'as pas voulu le reconquérir aussi à l'art nouveau de ton pays ?

Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 Illust21


PARTIE 3. COUTEAU COUPE-PAPIER

Complément Honoré de Balzac. Apparemment, il n'a pas pu résister et a ajouté les détails suivants. Le héros et son ami trouvent de drôles de médecins qui ont tiré le cadavre de l'exécuté de la tombe pour se battre pour la vérité scientifique.


“... Je me souviendrai toujours du spectacle qui m'a ouvert les yeux. Un corps de femme, blanc comme neige, verdâtre cadavérique par endroits, déchiré en quatre et vidé comme un lièvre ; sous la table il y a un tas de morceaux de chair découpés - et une femme, une vieille femme, assise sur un banc et mâchant calmement une tranche de pain avec du jambon, tout près de cette scène terrible. Le visage gris terreux de la vieille femme avait la couleur du visage d'un homme mort. Elle se leva du banc et, rassemblant tous les restes humains avec ses doigts noueux, les jeta dans le panier.
- Dieu! Quelle belle femme! s'exclama involontairement Silvio.
« Elle ferait le bonheur d'un honnête homme, si elle était honnête », grommela la vieille. Ces mots résonnèrent comme le tonnerre dans mon cœur.
« Ainsi, messieurs, dit l'aîné des jeunes gens, je crois pouvoir énoncer un fait des plus importants. C'est la troisième fois que je reconnais dans les organes de la tête...
Je me tournai vers l'orateur, dont la voix appelait une attention respectueuse, et vis dans ses mains la tête de... Henriette. J'ai laissé échapper un cri si terrible que tout le monde s'est tu et je suis tombé sur une chaise.
— L'horreur m'a achevé ! m'écriai-je. - Comment! Ces entrailles froides lacérées avec vos scalpels ; comment, ces morceaux de chair dans le panier, ces lambeaux de peau pendants... tout cela hier à trois heures et demie était Henriette ?.. Elle vivait, elle pensait, elle souffrait !..
Les jeunes étudiants me regardaient comme si j'étais fou.
- Oui, à quatre heures cinq minutes, elle a vécu, elle pensait qu'elle souffrait, - répondit l'étudiante senior, - malgré le fait qu'elle ait été décapitée. Comme je l'ai déjà dit, c'est un fait dont je suis sûr et qui ne serait pas difficile à prouver si l'autopsie des corps des exécutés était pratiquée en présence de personnes instruites et consciencieuses. Personnellement, je pense que la mort par décapitation se produit, comme la strangulation, en raison de l'effusion de sang noir dans le système vasculaire. Et vous venez de voir que, à en juger par l'état des organes du cerveau, rien ne pouvait empêcher cette fille de réfléchir pendant une, deux, trois, quatre - autant que je sache, peut-être cinq - minutes après la séparation de la tête de le corps. J'oserais même dire que le corps ne meurt pas hic et nunc[65].
Elle a donc beaucoup souffert ? J'ai demandé au jeune homme.
« Oui », répondit-il froidement, comme s'il voulait se débarrasser de moi. « Parce qu'on a trouvé un début d'anévrisme qui aurait dû se former hier... Alors, poursuit-il, il y a deux morts : la mort violente et contre nature, à laquelle le corps n'est pas adapté ; et la mort que la nature apporte lentement dans tous nos organes. On peut présenter un bon travail scientifique, messieurs ! Car un pressentiment me dit que les observations de ces deux sortes de mort seront si différentes l'une de l'autre, et les faits seront si différents, que cela conduira inévitablement à la preuve de ce que je viens d'affirmer, à savoir : qu'avec un une mort non naturelle, pas toujours immédiate et nos facultés spirituelles sont complètement détruites.
... à une table dressée chargée de plats appétissants ; les bouteilles de champagne promettaient de s'amuser, il y avait Bordeaux, et la Bourgogne, et Riversaltes, Roussillon, l'Hermitage - en un mot, une députation de tous les vins français. Un grand foie gras se tenait entre un plateau de truite saumonée et un jambon. Bientôt sept jeunes nous rejoignirent, et nous commençâmes à manger, à boire, à plaisanter sur l'autopsie, le pâté, la truite et Henriette.
Michel, voulant montrer quelque chose, a cassé le tibia de la pauvre fille.
- Ah ah! dis-je après plusieurs coupes de champagne. — Pourriez-vous me tracer la route d'Henriette ? Où est-elle maintenant?
"Maintenant," répondit Michel, "si ses os sont assez blancs, mère Virginie..."
« Oh, elle s'appelle Virginie ? »
"Oui, mère Virginie les a probablement vendus pour des dominos... et il ne reste que la chair, et on en extrait de la cire, qui sert à la fabrication de belles bougies translucides.
- J'ai donc une chance de perdre une partie de ma fortune sur un drap vert, illuminé par tout ce qui m'a tant fasciné chez Henriette ! Oh mon Dieu! Oh, la civilisation !.. La société est comme un cochon - tout fonctionne ! Horreur!..
- À la santé du nouveau docteur ! - a crié tout autour, et tous les verres ont bougé et tinté; ce toast a complété le petit déjeuner.
« Que diraient les classiques et les Grecs, qui vénèrent tant les morts !
- Les Grecs n'auraient jamais inventé la machine à vapeur, n'auraient pas découvert la circulation sanguine, les courants nerveux etc.
Au moment de partir, maman Virginie me tira par la manche et me montra un os soigneusement lavé et gratté.
- Os de la cuisse blanc comme neige ; si vous, monsieur, voulez l'avoir pour une pièce de trente sous... vous pourriez en faire un coupe-papier... ce serait un souvenir, puisque vous avez dit que c'était votre petite amie...
"Merci..." répondis-je d'un ton important.
Et j'ai pris le fémur d'Henriette. Le célèbre artiste a entrepris de graver sur un côté du manche du couteau l'image d'un âne, de l'autre - une jeune fille. Je suis sûr que je n'ai pas fait honte au bon pacha de l'ode de M. Victor Hugo, qui pleurait la mort de son tigre de Nubie.



 PARTIE 4. APRÈS-PROPOS. MOQUEUR « FURIEUX ».

Vous trouverez ci-dessous des extraits de la critique et du commentaire du roman par sa traductrice russe Selma Rubenovna Brakhman (07/06/1916 - 30/09/2014), critique littéraire, enseignante légendaire de l'École supérieure de théâtre. M. S. Shchepkin au Théâtre académique Maly de Moscou :

"... Janin a été l'une des premières à dépeindre le destin d'une femme du bas, à qui on a donné un "choix cruel entre le luxe et la pauvreté", la poussant à une chute morale. Retraçant la vie d'Henriette, avant même Balzac, il montra dans L'Âne mort... "l'éclat et la pauvreté des courtisanes", et bien qu'il ne se plonge pas dans l'analyse sociale et blâme la corruption morale de son héroïne principalement "le quartier avec Paris", l'agresseur de "toutes les âmes innocentes", pourtant plein de sympathie pour les victimes d'une moralité publique hypocrite. Ce thème, devenu un lieu commun du roman social de l'époque romantique (du destin de Fleur-de-Marie dans les Mystères parisiens d'E. Sue au destin de Fantine dans Les Misérables d'Hugo), a constamment occupé Janin après L'Âne mort. .., a surgi dans ses romans et nouvelles; il n'est donc pas surprenant qu'il ait écrit une préface enthousiaste au roman de Dumas fils, La Dame aux camélias (1852). Le motif de la rédemption morale d'une femme corrompue par le véritable amour, caractéristique de la littérature romantique, est esquissé fugitivement déjà dans L'Âne mort... ; l'auteur essaie d'élever Henriette comme une vengeresse de son premier corrupteur : cette vengeance et la souffrance et la mort qui s'ensuivent lui rendent pour ainsi dire sa dignité humaine perdue.
Parmi les problèmes de société esquissés dans "L'âne mort...", se détache le problème de la peine de mort, qui tient une large place, essentiellement en lien avec le sort de l'héroïne. Pris d'abord dans un plan parodique, ce thème a migré dans l'œuvre de Janin à partir du roman « noir ». Parmi les premiers critiques de "L'âne mort ...", on croyait généralement qu'il reflétait l'impression du livre sensationnel et tout juste publié de Victor Hugo "Le dernier jour du condamné à mort" (février 1829) - une étude psychologique qui a commencé la longue lutte du grand humaniste contre la peine de mort, perçue dans le contexte du genre "noir". Il y avait quelques motifs pour une telle opinion de critique. L'éminent écrivain romantique français Charles Nodier se souvient avoir entendu en 1828 Janin lire entre amis "une étrange parodie du Dernier jour du condamné à mort, intitulée L'histoire instructive d'un homme avalé par un serpent, une parodie qui a peut-être été l'une des concept des sources de "L'âne mort et la femme guillotine""

MON COMMENTAIRE.
Jules Janin a apporté sa contribution pour que l'attitude barbare envers les exécutés et leurs corps ne disparaisse pas, l'un des premiers avec sa moquerie a fait comprendre à la société qu'elle est imparfaite dans la question de la peine de mort en général et en particulier à une femme.

  APPENDICE :
1. Portrait d'un écrivain.

Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 Jules_11


2. Frontispice du livre.
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MessageSujet: Dostoïevski   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 10 Mai 2022 - 0:54

Gracié en décembre 1849 sur le lieu même où il allait être fusillé, Fiodor Dostoïevski sait de quoi il cause quand par prince Muichkine interposé il soupèse en 1868 dans L'Idiot les désavantages respectifs de l'assassinat et de la peine de mort pour en arriver à conclure que l'inéluctabilité de celle-ci, à laquelle on ne se soustrait que par un pardon aléatoire venu de l'extérieur de soi, la rend définitivement plus atroce :

«Figurez-vous l'homme que l'on met à la torture : les souffrances, les blessures et les tourments physiques font diversion aux douleurs morales, si bien que jusqu'à la mort le patient ne souffre que dans sa chair. Or ce ne sont pas les blessures qui constituent le supplice le plus cruel, c'est la certitude que dans une heure, dans dix minutes, dans une demi-minute, à l'instant même, l'âme va se retirer du corps, la vie humaine cesser, et cela irrémissiblement. La chose terrible, c'est cette certitude (...) Quand on met à mort un meurtrier, la peine de mort est incommensurablement plus grave que le crime. Le meurtre juridique est infiniment plus atroce que l'assassinat. Celui qui est égorgé par des brigands la nuit, au fond d'un bois, conserve, même jusqu'au dernier moment, l'espoir de s'en tirer. On cite des gens qui, ayant la gorge tranchée, espéraient quand même, couraient ou suppliaient. Tandis qu'en lui donnant la certitude de l'issue fatale, on enlève au supplicié cet espoir qui rend la mort dix fois plus tolérable. Il y a une sentence, et le fait qu'on ne saurait y échapper constitue une telle torture qu'il n'en existe pas de plus affreuse au monde.»


Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 Hans-h10


Obsédé par le Christ mort d'Holbein le Jeune, enserré dans son cercueil étroit, Muichkine propose par ailleurs à ses interlocutrices Adélaïde et Aglaé de «peindre le visage d'un condamné au moment où il va être guillotiné, quand il est déjà sur l'échafaud et attend qu'on l'attache à la bascule», affirmant avoir lui-même visualisé une telle scène, un jour, à Lyon :

«Au bas de l'escalier le criminel était déjà très-pâle, mais lorsqu'il se trouva sur l'échafaud, son visage devint tout à coup blanc comme une feuille de papier (...)

«Et c'est encore aujourd'hui une question de savoir si la tête, séparée du tronc, a ou n'a pas conscience qu'elle est décapitée pendant une seconde encore. Quelle idée! Et qui sait si cela ne dure pas cinq secondes»...


    Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 L_idio11
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MessageSujet: Henri Lavedan à l'exécution de Michel Campi   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyMar 21 Juin 2022 - 0:57

Peu avant que Michel Campi ne survienne sur la place de la Roquette le 30 avril 1884, Henri Lavedan rapporte dans Il est l'heure qu'une bacchante lui chanta :

                Qui qui t’mouchera la chandelle?
                Campi pour elle.
                C'est l’bourreau de Mossieu Grévy,
                Campi pour lui!

À retenir en particulier du compte rendu de Lavedan sa description exceptionnellement circonstanciée de l'aménagement des paniers de Louis Deibler par l'un de ses jeunes satellites :

«Pendant ce temps les employés de la justice funèbre avaient sorti du fourgon deux paniers, un grand et un petit, le premier long et presque carré, le second étroit et tout en hauteur, le grand pour le corps, le petit pour la tête. Celui-ci fut placé contre la machine au niveau de la lunette, l'autre à droite de la bascule (...)

«Successivement, dans chacun de ces deux paniers tapissés à l'intérieur d'un raboteux cuir noir à la longue rongé, corrodé par le sang, un jeune homme d'environ vingt ans vida deux gros sacs ruisselants qui l'enveloppèrent aussitôt d'une poussière âcre et épaisse. Il éternua, puis quand le nuage se fut dissipé, retroussant jusqu'au-delà des coudes ses manches de chemise, il plongea tout entiers ses bras nus dans le son et la sciure de bois, tâchant, les reins courbés, comme le boulanger qui triture le pain. Et je suivais le rythme de son dos robuste tandis qu'il brassait, ainsi penché, cette farine avec tant de zèle.

«Enfin il se releva, souffla une minute, puis, d'un preste tour de main, il exécuta dans la sciure du plus petit panier un creux parfait en forme d'entonnoir, sans doute afin que la tête tranchée s'embourbât au fond en y tombant et ne fit pas «grelot» contre les parois. Ayant rabaissé ensuite ses manches, il s'éloigna pesamment.»

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MessageSujet: À la guillotine, le placide, l'indifférent Meursault!   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptyVen 1 Juil 2022 - 1:27

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À moitié absent à lui-même, le Meursault de L'Étranger d'Albert Camus ne se débat que faiblement contre l'adversité, proteste à peine quand on le traite de fils «insensible» vis-à-vis de sa mère qu'il a placée en hospice et refuse par pudeur de voir exposée dans son cercueil et s'offre comme un complice facile pour son voisin de palier magouilleur Raymond Sintès qui l'achemine à ses ennemis le revolver au poing.

Qu'on ne lui ait pas accordé les circonstances atténuantes malgré son casier judiciaire vierge et «l'air enflammé» qui embrasait la plage le jour de son meurtre - «la journée n'avançait plus (...), avait jeté l'ancre dans un océan de métal bouillant» -, ne l'indigne pas outre mesure et en prison, dans sa cellule exigüe où il a accoutumé de se coucher sur le dos et de scruter dans le firmament «le déclin des couleurs qui conduit le jour à la nuit», il s'estime encore mieux que dans un tronc d'arbre dont le cas échéant il aurait également su s'accommoder : «Si l'on m'avait fait vivre dans un tronc d'arbre sec, sans autre occupation que de regarder la fleur du ciel au-dessus de ma tête (...), j'aurais attendu des passages d'oiseaux ou des rencontres de nuages (...) et (...) je m'y serais peu à peu habitué».

À la veille de sa mort il se reproche «de n'avoir pas prêté assez d'attention aux récits d'exécution» tels qu'il s'en trouve, en marge de la presse populaire, dans «des ouvrages spéciaux», et se rappelle avec nostalgie les décapitations en hauteur d'avant 1870 : «J'ai cru longtemps (...) que pour aller à la guillotine, il fallait monter sur un échafaud, gravir des marches. Je crois que c'était à cause de la Révolution de 1789, je veux dire à cause de tout ce qu'on m'avait appris ou fait voir sur ces questions. Mais un matin, je me suis souvenu d'une photographie publiée dans les journaux à l'occasion d'une exécution retentissante. En réalité, la machine était posée (...) le plus simplement du monde (...) à même le sol (...), au même niveau que l'homme qui marche vers elle (...) Cela (...) était ennuyeux. La montée vers l'échafaud, l'ascension en plein ciel, l'imagination pouvait s'y raccrocher. Tandis que, là (...), on était tué discrètement, avec un peu de honte et beaucoup de précision».

En se couvrant de ridicule, les détracteurs de Meursault le blâment de s'être diverti d'«un film avec Fernandel» au lendemain de l'enterrement de sa mère : par un comble d'anachronisme, le réalisateur Luchino Visconti a inséré à ce propos dans sa terne adaptation de L'Étranger, dont l'action se situe vers la fin des années trente, des images extraites de La loi, c'est la loi qui date de 1958.
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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 EmptySam 2 Juil 2022 - 11:44

Merci Titange . juste un petit HS sur Camuset ce livre :

L'Étranger est le premier roman publié d’Albert Camus, paru en 1942. Il prend place dans la tétralogie que Camus nommera « cycle de l’absurde » qui décrit les fondements de la philosophie camusienne : l’absurde. Cette tétralogie comprend également l’essai Le Mythe de Sisyphe ainsi que les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu.

Le roman a été traduit en soixante-huit langues1, c'est le troisième roman francophone le plus lu dans le monde, après Le Petit Prince de Saint-Exupéry et Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne2. Une adaptation cinématographique en a été réalisée par Luchino Visconti en 1967.

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MessageSujet: Re: La guillotine dans la littérature   Weidmann - La guillotine dans la littérature - Page 2 Empty

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La guillotine dans la littérature
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