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Sujet: Morts sur le bucher Sam 18 Oct 2014 - 10:06
Une nuit d'hiver 1750, un jeune artisan et un domestique sont surpris en plein acte de sodomie: ils seront condamnés au bûcher. Près de trois siècles après, la Ville de Paris rend hommage samedi au dernier couple homosexuel exécuté dans la capitale.
Il est presque minuit ce 3 janvier 1750 lorsque Bruno Lenoir, un cordonnier d'une vingtaine d'années, et son partenaire d'un soir, Jean Diot, employé de maison de 40 ans, sont arrêtés, ivres, rue Montorgueil, au cœur de Paris.
Selon le procès-verbal de l'époque dressé par le guet, la police chargée des rondes de nuit, les deux hommes ont été vus "en posture indécente et d'une manière répréhensible".
D'ordinaire, ce type d'affaire se soldait alors par une simple remontrance, appelée "mercuriale". Eux auront droit à un traitement plus radical.
Après un séjour de six mois dans les geôles malfamées de la prison du Châtelet et un simulacre de procès, ils écopent de la peine maximale: la mort par le feu, place de Grève, l'actuelle place de l'Hôtel de Ville, qui servait aux exécutions et aux supplices publics sous l'Ancien Régime.
La sentence, pourtant conforme à ce que la loi réservait aux "sodomites" au milieu du XVIIIe siècle, "a étonné tout le monde par sa sévérité", explique Thierry Pastorello, historien et auteur d'une thèse sur l'homosexualité masculine à Paris aux XVIIIe et XIXe siècles.
"S'agissant d'une simple sodomie, c'est un cas unique au XVIIIe siècle, on a voulu faire un exemple", assure-t-il. A cette période, d'autres homosexuels avaient été jetés au feu pour ce motif, mais ils s'étaient rendus coupables de pédophilie et de trafic de jeunes enfants.
- 'Un crime très banal' -
Du jardin des Tuileries à celui du Luxembourg, en passant par les quais de Seine, "la vie sodomite était très développée à l'époque" poursuit M. Pastorello. "C'était un crime très banal. Les archives montrent que la police savait très bien ce qui se passait dans certains endroits chauds", notamment les guinguettes et cabarets "connus pour leur clientèle sodomite".
Outre l'acte, les deux hommes, de simple condition, ont eu le tort de ne pas être bien nés. "Ils étaient particulièrement fragiles sur le plan social, c'était plus facile de les condamner", estime M. Pastorello. "Les jeunes nobles surpris dans des parties fines dans les bosquets de Versailles étaient renvoyés dans leurs châteaux de campagne pour se faire oublier", ajoute-t-il.
Ce n'est qu'en 1791 que le code pénal abandonne le crime de sodomie entre adultes consentants. Et il faudra attendre 1982, sous l'impulsion de Robert Badinter, ministre de la Justice de François Mitterrand, pour que l'homosexualité soit dépénalisée.
Je vais chercher si je trouve quelque chose sur cette "affaire".
itto Exécuteur cantonal
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Sam 18 Oct 2014 - 14:00
Les décisions de justice ont changé?
Bon.La sodomie sur la voie publique n'est plus contraventionnelle.
Blaise Massicot Aide confirmé
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Lun 20 Oct 2014 - 16:52
C'est une condamnation d'une sévérité absolue, tout le monde en conviendra. Donner leurs noms à celui de rues parisiennes est, en revanche parfaitement stupide. Ou alors c'est totalement idéologique. Dans les deux cas, c'est n'importe quoi !
trody aime ce message
pier Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Lun 20 Oct 2014 - 18:48
tof1 a écrit:
Et il faudra attendre 1982, sous l'impulsion de Robert Badinter, ministre de la Justice de François Mitterrand, pour que l'homosexualité soit dépénalisée.
Comme quoi, la France avance dans le bon sens... J'ai longtemps détesté Badinter, mais je pense que cet homme a défendu des combats "justes" ou du moins c'est un humaniste... Par contre M. Mitterrand j'ai beaucoup beaucoup de mal...
mercattore Exécuteur régional
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Sam 13 Juin 2020 - 9:26
Je réactive, avec un peu plus de détails, le topic de Tof qui en a très bien décrit les grandes lignes.
4 janvier 1750. L’endroit fatal de la rue Montorgueil. Lenoir et Diot.
Dans la journée du lundi 6 juillet 1750, des hommes s’activent sur la place de Grève, à Paris. Autour de deux poteaux, ils placent de nombreux fagots de bois, de la paille, du petits bois. Six mois auparavant, le dimanche 4 janvier au soir, le guet royal arrêtait deux hommes rue Montorgueil, dans le centre de Paris. Ils furent amenés au grand Châtelet, siège de la police. Là, s’enchaînera le destin tragique de ces deux hommes. Ils ne retrouveront jamais la liberté.
Le grand Châtelet. Détruit sous Napoléon 1er. La grande place du Châtelet fut ouverte sur son emplacement.
Mis en présence du commissaire, ils déclarèrent se nommer Bruno Lenoir et Jean Diot, âgés de 21ans et 40ans. Selon les recherches de A. Claude Courouve (1) (Archives nationales, manuscrit Y 10132), le sergent du guet royal déclara avoir vu les deux particuliers « en posture indécente et répréhensible ». Il les a arrêtés « tant ce que lui a paru de leur indécence que sur la déclaration que lui a faite un particulier passant, qui a dit les avoir vu commettre des crimes que la bienséance ne lui permet pas d’écrire ».
Lenoir déclare qu’il ne connaît pas Diot, qu’il a refusé de venir avec lui, mais « que ce particulier lui a défait sa culotte et a commis sur lui des indécences ». Diot déclare qu’il « n’était pas en posture indécente comme on lui reproche, et n’avait point ôté sa culotte lorsqu’on l’a arrêté ». Incarcérés, Ils son interrogés quelques jours plus tard. Lenoir déclare que « Jean Diot est venu l’accoster et lui a proposé l’infamie, qu’il l’a même prié de lui mettre par derrière, que pour cet effet Jean Diot a défait sa culotte et que lui déclarant le lui a mis par derrière ». Lenoir ajoute que l’affaire ne s’est pas conclue, le guet ayant interrompu l’affaire. Diot nie les faits. (Archives de la Bastille, 10257, Source A. Claude Courouve.
Le 11 avril, le procureur donne la réquisition suivante : Lenoir et Diot seront brûlés vifs et leurs cendres dispersées. Le 27 mai la sentence est rendue. Diot et Lenoir, déclarés dûment atteints et convaincus du crime de sodomie, sont condamnés à être brûlés vifs, leurs cendres jetées au vent et leurs biens acquis et confisqués. Les deux condamnés interjettent appel. La sentence est prononcée le 27 mai. Elle confirme le jugement du 11 avril et inclut un retentum : ils seront secrètement étrangler avant leur mise en feu
Plusieurs commentateurs de cette affaire se sont étonnés de cette condamnation extrême, même pour crime de sodomie. Une réponse a été avancée : les deux condamnés étaient de basse condition sociale, sans protection d’aucune sorte. L’avocat Edmond Jean François Barbier (1689-177)1 consigna pendant près de cinquante ans ce qu’il avait observé, entendu, dans certains milieux. Son Journal sera publié longtemps après sa mort, dans des éditions titrées Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV (mais expurgée), Chronique de la Régence et du règne de Louis XV ou Journal de Barbier avocat du Parlement de Paris(1718-1763, première édition complète). Dans cette Chronique, figure un compte-rendu de l’affaire Diot-Lenoir. Extrait : « Comme ces deux ouvriers n'ayoient point de relations avec des personnes de distinction, soit de la Cour, soit de la ville, et qu'ils n'ont apparemment déclaré personne, cet exemple s'est fait sans aucune conséquence pour les suites ».
Cependant, pour beaucoup, l’étonnement reste grand, même après cette explication générale. Pour A. Claude Courouve, le fait d’avoir été arrêtés par le guet royal a été décisif pour la condamnation à mort des deux hommes. L’historienne Marion Sigaut (certains lui contestent cette qualité) émet une hypothèse, qui « tient debout » selon elle : l’exécution de Diot et Lenoir pourrait s’expliquer par l’exécution de trois hommes (*) exécutés place de Grève le 4 août 1750.
(*) : La Cour […] condamne ledit Lebeau, charbonnier, Charvat, dit Bonnet, portefaix, & ledit Urbain, à être pendus & étranglés, tant que mort s’ensuive, chacun à une potence qui pour ce fait sera plantée en place de Grève, leurs corps morts y rester vingt-quatre heures, ensuite portés au Gibet de Paris. (Extrait de l’Arrêt de la Cour du Parlement de Paris, premier août 1750).
On peut écouter l’hypothèse de Mme Sigaut, qui ne peut être totalement éliminée, mais l’on peut tout au moins en rester dubitatif…: https://www.dailymotion.com/video/x296m36 (à 32mn, 32 sur le décompte temps de la vidéo).
A 5h de l’après-midi du 6 juillet 1750, le bourreau commença les exécutions de Lenoir et Diot. Revêtus d’une chemise soufrée, ils furent liés chacun à un poteau… Ce sera la dernière exécution capitale en France pour « crime de sodomie ». En 1791, l’Assemblée nationale législative adopta le nouveau Code pénal. Le « crime de sodomie » n’y figurait plus.
(1) A lire sur le blog de A. Claude CourouveConnaissance Ouverte, un article très bien documenté sur cette affaire : https://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.com/2014/08/laffaire-de-lenoir-et-diot-paris-1750.html
Le 18 octobre 2016, Mme Hidalgo, maire de Paris, dévoilait une plaque de mémoire rue Montorgueil, dans le 2ème arrondissement de Paris, approximativement près de l’endroit où Diot et Lenoir furent arrêtés. Mme Marion Sigaut demande qu’il en soit de même pour les trois exécutés, Urbain, Lebeau, Charvat.
Paris 2ème. Rue Montorgueil. Derrière la passante, la plaque de mémoire posée sur le pavage.
itto Exécuteur cantonal
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Sam 13 Juin 2020 - 17:44
Pourquoi la plaque ne dit pas qu'il ont été exécutés pour sodomie publique...
Ils n'étaient pas homosexuels pour autant?Des pervers simplement?
vivier Bourreau départemental
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Sujet: Re: Morts sur le bucher Lun 25 Oct 2021 - 11:57