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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845

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Adelayde
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MessageSujet: Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845   Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845 EmptyLun 24 Oct 2016 - 16:39

JOSEPH FRANÇOIS ROUGIER & MARIE PILON, VEUVE HOGU
LES AMANTS DIABOLIQUES
+++++++

LES FAITS

Joseph François Rougier et Marie Pilon, veuve Hogu, 32 et 41 ans, sabotier et cabaretière, amants diaboliques.
Empoisonnent à Vendôme le 07 avril 1844 François Hogu, époux de Marie, cabaretier, avec du vin, de la brioche et une soupe contenant de l'arsenic, puis font subir le même sort le 21 mai 1844 à Marie-Madeleine Rougier.

Guillotine arrivée de Blois la veille. Transférés dès 2h du matin de la préfecture à Vendôme, en compagnie du curé et du vicaire de la paroisse Saint-Louis. Arrivés à 6h, informés de la nouvelle.

Marie répond : "Je ne tiens point à la vie, car si on me l'avait conservée, je ne serais pas restée dans le monde. Je serais allée la finir dans un couvent. Je meurs pour la rémission de mes péchés. Le bon Dieu sait si je mens, lui. Il me comprend. J'ai eu une mauvaise conduite, mais je n'ai jamais fait usage du poison. Je meurs résignée."

Rougier, lui, pousse des petits cris et tremble comme une feuille : "Oh mon Dieu ! Ne m'abandonnez pas ! Mon pauvre enfant !" Informé de la mort de sa maîtresse, gémit : "Je suis un grand criminel, mais je ne le suis devenu que parce que j'y ai été poussé par cette malheureuse femme."

Entendent la messe à la chapelle. Durant la toilette, Marie calme, Rougier toujours accablé. Se confessent avant de monter dans la charrette. Place de l'Islette, Rougier doit être porté sur la bascule. Marie le regarde mourir sans réagir, puis se laisse faire sans résister.

Condamnation : 17 novembre 1844
Exécution : 25 février 1845, 8h05, 8h07 à Vendôme.

Source - Le site de Sylvain Larue / Nemo :
http://laveuveguillotine.pagesperso-orange.fr/Palmares1832_1870.html


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C'est sur la place du champ de foire de l'Islette, aujourd'hui place de la Liberté à Vendôme, que Joseph François Rougier
et Marie Pilon, veuve Hogu, sont exécutés le 25 février 1845. - (Collection particulière)

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"L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt
(Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845 741545 )
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MessageSujet: Re: Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845   Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845 EmptyLun 24 Oct 2016 - 16:46

JUSTICE CRIMINELLE
- - - - - - -
COUR D'ASSISES DE LOIR-ET-CHER.
(Correspondance particulière de la Gazette des Tribunaux.)
Présidence de M. Leber, conseiller à la Cour
d'Orléans.
Audience du 15 novembre.
DOUBLE EMPOISONNEMENT PAR L'ARSENIC. — RÉVÉLATIONS DES
ACCUSÉS. — INCIDENS D’AUDIENCE.


L'encombrement de la salle d'assises, les flots de curieux qui se pressent au dehors, les rumeurs de la foule qui encombre les abords du Palais, tout annonce un de ces drames judiciaires qui ont le triste privilège d'émouvoir par leur importance et de capter vivement l'attention publique.

Bientôt, au milieu d'une double haie de gendarmes, arrivent deux accusés, qui prennent place l'un auprès de l'autre sur le banc de la Cour d'assises. Le premier est Rougier, sabotier à Vendôme ; l'autre, la femme du sieur Hogu, cabaretier au même lieu, qui viennent répondre à une double accusation d'empoisonnement commis de complicité, et accompagné des circonstances les plus odieuses.

Rougier est un homme de petite taille, fortement constitué, encore dans la force de l'âge. Sa tenue et son langage, malgré sa sensibilité feinte, révèlent une absence d'émotions incompréhensible dans sa position.
Sa co-accusée, la veuve Hogu, est une femme d'une quarantaine d'années ; elle est de petite taille ; sa figure encore régulière, la vivacité de son regard, annoncent de violentes passions.

Voici ce qui, en substance, résulte de l'acte d'accusation :

Au cours de 1843, des relations intimes s'établirent entre le sieur Rougier et la femme du sieur Hogu. Rougier avait cependant une femme jeune, d'un caractère aimable, d'un extérieur agréable. Hogu, de son côté, semblait, par la douceur de ses mœurs et l'affection qu'il avait pour sa femme, propre à maintenir celle-ci dans la limite de ses devoirs. Mais la femme Hogu, veuve d'un sieur Croizille, avait eu une jeunesse débauchée. Elle parvint bientôt à exercer sur Rougier une de ces influences fatales qui dominent complètement certaines natures, et peuvent les porter à tous les excès. Il en fut réduit à ne plus pouvoir quitter la femme du sieur Hogu, et le scandale de leur intimité éclata bientôt jusque sous les yeux du mari.

Aucun reproche, aucune scène de violence ne trahissaient cependant les infidélités dont celui-ci était victime. La femme Rougier, de son côté, paraissait également supporter les désordres de son mari. Il paraît constant, d'ailleurs, qu'elle les ignorait.

Cependant, à quelques jours d'intervalle, le sieur Hogu et la femme de Rougier succombèrent en proie à des maladies dont les symptômes avaient une telle identité qu'ils éveillèrent les soupçons des médecins, et plus tard ceux de la justice.

Le 7 avril dernier, Hogu était mort au milieu de vomissemens et de convulsions atroces ; on s'était hâté de l'ensevelir. Le 21 mai, des vomissemens analogues, des convulsions de la même nature annonçaient la fin de la femme Rougier ; malgré l'empressement du mari de cette femme et de quelques-uns de ses parens pour procéder à son inhumation, cette inhumation ne put avoir lieu ; quelques-uns des restes de la femme Rougier furent recueillis pour être immédiatement soumis à des expériences. Une énorme quantité d'arsenic fut constatée dans les divers organes soumis aux analyses chimiques, et l'événement d'une mort violente fut désormais un fait acquis. Les experts, qui firent connaître ce premier résultat, furent mandés à Vendôme. On procéda à l'exhumation de Hogu, et l'analyse de ses restes, encore bien conservés, firent découvrir chez lui, comme chez la femme Rougier, la présence d'une notable quantité d'arsenic. Tout décelait donc la perpétration d’un double crime ; des faits accablants pour le sieur Rougier furent recueillis ; quoique beaucoup moins graves contre la veuve du sieur Hogu, ils parurent cependant de nature à la compromettre aussi. On sut en effet, qu'au cours du mois d'avril, Rougier, après avoir invité quelques personnes à manger des brioches, alla lui-même demander de la pâte à un boulanger, qu'il en confectionna une brioche, qu'il eut soin de marquer d'une manière spéciale pour la distinguer des cinq autres qu'il avait achetées directement du boulanger, et fait cuire avec celles fabriquées par cet ouvrier. On sut qu'après avoir fait manger à ses convives les brioches achetées, il en avait servi d'une manière distincte une autre au sieur Hogu, qui était parmi les convives.

On apprit enfin que lui-même avait, quelque temps après la mort de celui-ci, soigné presque exclusivement sa femme, qui avait expiré au milieu des atroces douleurs qui révèlent jusqu'à l'évidence un empoisonnement.


Après les premières formalités légales, on procède à l'audition des témoins, qui sont au nombre de plus de soixante.
Les accusés déclarent se nommer : le premier, Joseph Rougier, sabotier à Vendôme, âgé de vingt-neuf ans ;
Le second, Marie Pilon, veuve François Hogu, cabaretière à Vendôme, âgée de trente-huit ans.

Le premier témoin entendu est M. le docteur Satis, médecin à Vendôme. Il a soigné Hogu pendant sa dernière maladie, puis la femme Rougier, près de laquelle il a été appelé le 6 mai 1844. Les symptômes morbides présentaient les apparences d'une irritation d'intestins des plus considérables. Lors de la maladie d'Hogu, la pensée d'empoisonnement lui a traversé l'esprit sans s'y arrêter un instant. Mais la femme Rougier ayant éprouvé des symptômes du même genre, les relations intimes entre Rougier et la femme Hogu qu'il apprit en même temps, éveillèrent dans son esprit de graves soupçons, qu'il crut devoir communiquer à l'autorité judiciaire.

M. Chevallier, membre de l'Académie royale de médecine, rapporte les résultats des analyses chimiques opérées sur les organes du sieur Hogu et de la femme Rougier.
L'expert conclut que le corps d'Hogu renferme une quantité notable d'arsenic, que l'arsenic n'a pu s'introduire dans le corps après l'inhumation.
Quant à l'examen du cadavre de la femme Rougier, il reproduit cette conclusion que les liquides de l'estomac, le foie et le sang exsudé de ce viscère contenaient de l'arsenic, que l'ingestion du poison a eu lieu pendant la vie de la femme Rougier.

MM. Bussy, professeur à l'école de pharmacie, et Bavard, docteur en médecine à Paris, reproduisent les détails donnés par M. Chevalier, et arrivent aux mêmes conclusions.

Après l'audition des experts, le défenseur de Rougier prie M. le président d'interroger son client hors de la présence de la femme Hogu. (Mouvement dans l'auditoire.) Il est fait droit à sa demande.

Sur l'interpellation de M. le président, Rougier se lève et s'exprime en ces termes :

« Messieurs, je veux tout vous dire (Profonde sensation). J'ai caché la vérité ; mais j'ai besoin de décharger ma conscience. J'ai commis les crimes avec la femme Hogu ; elle a fait tout mon malheur. Aussitôt que je l'ai connue, elle m'a entraîné par son enthousiasment et son intrigue. Elle a d'abord donné à son mari du vert-de-gris mêlé dans des pommes de terre, et, lorsque M. Hogu est allé chez le médecin : « Ce cœur de poulet, qu'elle me disait, il va voir M. Satis ! » Lorsqu'elle a vu qu'elle ne pouvait le tuer par le vert-de-gris, elle m'a déterminé par ses intrigues à acheter de l'arsenic, Je me suis procuré le poison chez M. Desronsières, et nous avons partagé. Nous sommes convenus d'en mettre moi dans une brioche, elle dans la soupe au lait. Voilà comment M. Hogu a été empoisonné.

» J'avais bien regret de ce que je venais de faire ; mais la femme Hogu a voulu aussi empoisonner ma pauvre femme. Je refusais, mais elle m'a menacé de me dénoncer. Si vous ne voulez pas, disait-elle, je vous dénonce ; c'est vous qui avez acheté l'arsenic et la brioche, on ne pourra rien dire de moi et vous serez condamné. J'en ai bien vu d'autres, me disait-elle encore, j'ai su qu'au Mans deux personnes qui étaient accusées avaient nié en se rejetant tout l'un sur l'autre, et on les a acquittés. J'ai cédé à ses menaces et ma passion m'a perdu. J'ai acheté de nouveau du poison ; j'en ai donné la moitié à la femme Hogu pour empoisonner ma femme, et elle m'a dit de jeter l'autre moitié dans mon grenier, comme pour empoisonner les rats. La femme Hayn a donné le poison à ma femme, le 3 mai, dans une tasse de café, un jour qu'elle était allée laver au plancher de la femme Hogu ; ma femme depuis ce jour ne s'est pas relevée, elle a éprouvé des vomissemens et des coliques. Pendant sa maladie on lui a fait probablement encore prendre de l'arsenic, elle est morte le 21 mai, ma pauvre femme ! Maintenant ma conscience est déchargée, et je me repens bien de mes crimes. Faites de moi, Messieurs, ce que vous voudrez, je suis à votre disposition. »


Ces aveux sont suivis d'une longue agitation.

La femme Hogu est rappelée, et M. le président lui donne connaissance des déclarations de son co-accusé, et l'invite à répondre.

« Si M. Rougier, s'écrie-t-elle avec véhémence, a une âme à sauver, qu'il dise la vérité ; sa déclaration est un tissu de mensonges. Jamais M. Rougier ne m'a confié ses projets ; jamais je n'ai connu l'arsenic ; jamais je n'ai vu d'arsenic ; on ne me fera pas dire autrement, parce que cela est la vérité ; j'aimais mon mari, il était bon pour moi. Si j'avais su les projets de monsieur, je les aurais bien empêchés. M. Rougier me poursuivait partout, et je l'engageais à retourner à son ouvrage : M. Joubert pourra vous le dire. A la face de Dieu, je suis innocente ; je n'ai jamais touché l'arsenic, jamais je n'en ai vu. »

Les deux accusés échangent diverses explications dans lesquelles Rougier persiste à accuser la femme Hogu et celle-ci à protester de son innocence.

Ces incidens produisent une vive émotion.

Jahan, agent de police à Vendôme, est entendu comme témoin : J'ai fait un jour à Rougier des représentations sur ses rapports avec la femme Hogu dont on parlait beaucoup ; il me répondit qu'il se moquait des cancans. Pendant la maladie d'Hogu, j'allai dans sa chambre, au moment où il venait de changer le lit. Rougier s’y trouvait et avait aidé à changer le malade.

Le jour de la mort de la femme Rougier, j’ai vu Rougier et la femme Hogu causant de bien près l’un avec l’autre. J'ai su que la femme Hogu avait souvent apporté du café et du chocolat dans la maison Rougier. La femme Rougier était remarquée par sa douceur et son excellente conduite.

M. Méreaux, adjoint, à Vendôme : Le 6 mars dernier, Rougier s'est présenté à la mairie, à l’effet d'obtenir une autorisation pour acheter de l'arsenic. Les rats, me dit-il, mangeaient son cuir. Je délivrai l’autorisation, mais en ayant soin d'exprimer que je n'autorisais la délivrance que d'arsenic préparé.

La réputation de la femme Hogu est très mauvaise à Vendôme. Quant à Rougier, jusqu'au moment où il a connu la femme Hogu il avait une bonne conduite et jouissait de l'estime de ses voisins.

Rougier n'est pas revenu, depuis le 6 mars, me demander une autorisation nouvelle.

M. Derouin, secrétaire de la mairie, confirme la déposition précédente ; il ajoute que peu de temps après la mort de la femme Rougier son beau-frère était venu demander une autorisation à l'effet d'inhumer promptement, la putréfaction étant fort avancée.

M. Satis, interpellé à ce sujet, déclare qu'au moment où il s'est présenté pour procéder à l'autopsie, l'état du cadavre ne nécessitait pas cette mesure extraordinaire.

M. Desronsières, pharmacien à Vendôme : Le 6 mars, Rougier s'est présenté chez moi pour acheter de l'arsenic ; il s'était muni d'une autorisation, et je lui en ai délivré pour la somme de 15 centimes. Il est revenu vers le milieu d'avril ; cette fois, j'en conviens, sans autorisation, et j’ai cru pouvoir lui délivrer une deuxième dose d'arsenic pareille à la première.

M. le président adresse de justes reproches à ce pharmacien pour la légèreté et l'imprudence dont il a fait preuve en négligeant d'abord de s'associer à la sage précaution de M. Mereaux, qui n'avait autorisé que la délivrance d'arsenic préparé pour détruire les rats, et surtout en vendant aveuglément une deuxième dose d'arsenic sans autorisation. Questionné sur la date précise de ce second achat, le sieur Desronsières déclare n'en avoir pas gardé note, ce qui lui attire une nouvelle réprimande.

Veuve Hogu, belle-mère du sieur Hogu, décédé : Le jour de Pâques, je reçus l'avis de me rendre près de mon fils, qui était à toute extrémité. Lorsque j'arrivai il était mort. J'appris qu'il avait vomi pendant vingt- quatre heures. Rougier paraissait être le maître dans la maison : il y tenait des propos inconvenans et déplacés. Mon beaufils me disait que son ménage allait bien parce qu'il laissait faire sa femme, voyait tout et ne disait rien.

La fille Hogu, sœur du décédé : Le jour des Rameaux j'appris la maladie de mon frère : il vomissait beaucoup. Un jour je trouvai la femme Hogu à table avec Rougier et Joubert : elle me dit que mon frère dormait. J'allai le voir : il se plaignait d'un grand mal de gorge. Aussitôt après sa mort Rougier me dit que je n'avais que faire dans la maison.

Femme Compère, demeurant à Vendôme : Le Samedi-Saint, je fus appelée pour garder Hogu. Il était au plus mal ; il appelait souvent sa femme, lui présentait la main comme pour recevoir ses caresses ; je remarquai qu'elle n'approcha jamais ses lèvres jusqu'à toucher la main ou le front de son mari. Après sa mort, la femme Hogu m'a demandé un lit, et s'est couchée dans la chambre où était le cadavre. Rougier a passé son bras sur l'oreiller autour de la tète de la femme Hogu, et est resté à causer avec elle près de deux heures. J'étais étonnée de voir une femme causer ainsi avec un homme pendant que son mari était sur la paillasse. Au retour de l'enterrement chacun était gai ; tout le monde a ri comme des bossus.

Femme Bouvard
, demeurant à Bessée (Sarthe) : Le mardi de Pâques, la mère Hogu m'apprit la mort de son fils. Les maux de cœur, dit-elle, ne l'avaient pas lâché. Un garçon boulanger, qui était présent, nous dit : J'ai habité Vendôme et je prenais mes repas chez la femme Hogu ; je l'ai vue avec Rougier, et me doute bien de ce qui en est. Est-ce que vous croyez que ce ne sont pas eux qui l'ont troussé ?

Michaut, actuellement boulanger à Ste-Radegonde, se rappelle bien avoir vu les femmes Hogu et Bouvard à l'époque indiquée, mais déclare ne pas se souvenir de ce dernier propos que la femme Hogu, rappelée dans le débat, a également reproduit.

MM. Marganne
, notaire à Vendôme ; Jourdain, avoué au même lieu ; Celte, clerc d'avoué, rendent compte des démarches faites par Rougier dès le lendemain de la mort d'Hogu à l'effet de s'assurer de la validité d'une donation faite par le décédé à sa femme. La mort avait eu lieu le 7 avril vers cinq heures du soir, et le lendemain, à six heures du matin, l'accusé se présentait chez M. Marganne.

M. le président : « Qu'on introduise le témoin Joubert. »

Le rôle important que joue ce témoin, au dire de l'acte d'accusation, avait fait attendre sa comparution avec une vive impatience.

M. le président : Témoin Joubert, parlez, racontez toute la vérité, vous la devez sans réticence et avec tous les détails qui sont à votre connaissance.

Joubert décline ses noms et profession ; on apprend par le préambule de sa déposition qu'il est tailleur à Vendôme, veuf avec quatre enfans, et que longtemps il a vécu dans l'intimité avec Rougier, qui le faisait dépositaire de tous ses secrets.

Jusqu'au moment où Rougier connut la femme Hogu, ce fut un homme laborieux et un brave garçon ; je ne lui connaissais d'autre passion que d'être porté pour les femmes, ça allait et venait ; mais quand il connnut la femme Hogu, il en devint comme enragé.

Sa passion me faisait peur.
— Allons, laisse-la de côté, lui disais-je souvent.
— Impossible, me répondait-il, si tu savais ce que c'est que cette femme...

(Ici le témoin commence à entrer dans de tels détails, que M. le président est obligé de lui recommander de voiler ses paroles.)

Je croyais, ajoute Joubert, qu'il fallait rapporter les paroles mêmes de l'accusé ; on m'avait dit qu'il fallait déposer comme cela ; mais j'y renonce. Quoi qu'il en soit, dit Joubert, un jour Rougier vint me trouver, il était plus enragé que jamais ; je lui avais promis de ne plus le recevoir s'il ne cessait pas ses rapports avec une femme qui le rendait si malheureux. « Tiens, me dit-il tout d'un coup, voilà de quoi en finir ! » Et ouvrant la main, il me montra un petit paquet sur lequel était écrit le mot arsenic. Je l'assurai que je ne le reverrais plus jusqu'à ce qu'il m'eût remis ce paquet fatal. Il ne voulut pas s'en dessaisir, mais quatre jours après il revint en me disant qu'il avait jeté son paquet dans l'eau.

Depuis ce moment il parut plus tranquille et plus gai, mais j'eus l'occasion de voir Hogu sur ces entrefaites ; déjà il était malade et exposé à des vomissemens fréquens.

Rougier m'engagea à déjeuner pour le dimanche 31 mars, en me disant qu'il espérait qu'Hogu serait de la partie ; il s'agissait de manger des brioches. J'avais comme un pressentiment terrible, je refusai, mais on vint me relancer ; j'arrivai alors que les convives étaient à table. Rougier était allé chercher les brioches, il en avait servi une à Hogu. Celui-ci alla à la messe ; peu de temps après il était revenu tout abattu ; le lendemain Rougier me dit qu'Hogu se mourait. « Mais à qui l'avez-vous donc donné à tuer ? » m'écriai-je. Il mourut, et quelques jours après Rougier me disait : « Ah çà ! Est-il bien mort celui-là ? » (Mouvement d'indignation dans l'auditoire.)

Le témoin rend compte ensuite d'une espèce d'intimité qui s'établit entre lui et la veuve Hogu, après l'arrestation de Rougier. A cette occasion, M. le président est encore obligé d'inviter le témoin à gazer son langage. Il a reçu, du reste, de sa liaison avec l'accusée veuve Hogu une impression qui n'est pas heureuse pour cette femme, car, invité à formuler ses convictions, il s'écrie, en se retournant vers les accusés : « Que Rougier ait empoisonné le mari de cette femme, c'est possible, je le crois ; mais qu'il ait empoisonné sa propre femme ! Non, jamais ! C’est, selon moi, le fait de la femme Hogu ! » (Mouvement dans l'auditoire.)

M. le président : Accusés, qu’avez-vous à répondre à cette déposition ?

Rougier
: Monsieur le président, le témoin dit vrai sur certains points ; sur le fait de l'arsenic que je lui aurais montré, il ne dit pas la vérité.

Joubert : Quoi ! Vous voudriez, en me donnant un démenti, vous souiller encore par le mensonge, comme vous l'avez fait par le crime !

Rougier se tait.

Guinehaut confirme, pour ce qui le concerne, la déclaration de Joubert.

Le sieur Breton, pâtissier, sa femme et le sieur Gagnebien, racontent l'achat des brioches effectué par Rougier, le jour des Rameaux.

Adélaïde Leblant, ancienne domestique de la veuve Hogu : Pendant la maladie de la femme Rougier, la veuve Hogu me dit un jour : « Vous savez qu'elle n'en reviendra pas. » Je me récriai. « Elle mourra, vous dis-je. Savez-vous que Rougier n'est pas heureux : un homme de vingt-neuf ans, avec une femme comme la sienne ! Il serait heureux qu'il la perdît. »

La femme Hogu nie le propos.

Guignon, à Vendôme : J'ai vu souvent pendant la maladie de la femme Rougier apporter des bols chez elle.

Femme Martin
: J'étais intimement liée avec la femme Rougier. Elle me dit pendant sa dernière maladie que son mari avait recommencé un jour que la veuve Hogu lui avait fait prendre une tasse de café au lait. En sortant elle avait éprouvé des douleurs de poitrine et avait craint de ne pouvoir regagner sa maison ; puis s'était mise au lit pour ne plus se relever.

Le soir de sa mort, la femme Hogu s'étant approchée du lit, Rougier la repoussa avec violence. Elle revint d'un air impassible pour demander comment allait la malade : « Vous savez bien, madame, lui dit Rougier, qu'elle est très mal, vous le savez bien ! »

La malade en ce moment se jeta dans les bras de son mari en lui disant : « Ah ! Mon ami, tu m’abandonnes ! »

Puis elle s'est retournée, la figure du côté du mur. La femme Hogu, pendant que nous pleurions tous, avait l'œil sec, et son indifférence nous surprit beaucoup.

Bernardin Breton
: Je suis allé trois fois chez la femme Rougier pendant sa maladie, et j'ai vu la femme Hogu lui faire boire de l'eau qui m'a paru sucrée. La malade ne prenait que de l'eau fraîche et la trouvait brûlante.

Augustin Bureau
: J'ai entendu la femme Hogu dire dans la chambre de la femme Rougier malade, qu'elle avait une gastrite, et qu'on n'en guérissait jamais.

L'audition des témoins se termine par la comparution de quelques témoins à décharge ; parmi eux la dame Cormier dépose : J'ai été témoin des derniers instans de la femme Rougier ; elle était à toute extrémité ; lorsque la femme Hogu survint à son chevet, la femme Rougier lui lança, de ses yeux mourans, un regard extraordinaire, puis se tournant vers son mari, elle lui dit : « Je l'en prie, ne m'abandonne pas. » A quoi celui-ci répondit : « Sois tranquille, je ne t'abandonnerai pas. »

A la reprise de l'audience a eu lieu le réquisitoire. M. Miron de l'Epinay, substitut, a su déduire avec autant de netteté que de force les charges accablantes qui pesaient sur les accusés ; son réquisitoire a constamment captivé l'attention.

Les plaidoiries de M° Richard de la Hautière, avocat du barreau de Vendôme, et de M° Aucher, de Blois, ont occupé une partie de l'audience du 17.

Ce n'est qu'à neuf heures que jury se retire dans la chambre des délibérations. Son verdict est attendu au dedans comme au dehors avec une impatience jusqu'à présent sans exemple ici. La foule qui assiège les issues du Palais est tellement compacte et ardente qu'elle ébranle, pour ainsi dire, les portes qu'on a été forcé de fermer.

On est obligé de requérir 200 hommes de troupe de ligne pour contenir cette espèce d'assiégeans, et ce n'est qu'après une demi-heure de tumulte et d'efforts qu'ils sont refoulés sur la place.

A dix heures, la sonnette se fait entendre, et au milieu d'un profond silence, le chef du jury rapporte un verdict aux termes duquel la veuve Hogu est reconnue coupable d'empoisonnement sur la personne d'Hogu, son mari, et sur la personne de la femme Rougier. Rougier est seulement reconnu coupable de complicité dans l'empoisonnement de Hogu.

En conséquence de cette déclaration, la Cour prononce la peine de mort contre la veuve Hogu et contre Rougier. L'arrêt ordonne que l'exécution aura lieu à Vendôme.
Rougier seul paraît attéré par le résultat de cette terrible condamnation ; la veuve Hogu l'a entendue prononcer avec un calme qui n'a laissé voir aucune émotion.

La foule s'écoule lentement sous le coup des impressions terribles que ces débats de trois jours ont produit sous tant de formes et au milieu de tant d'incidens.
Nous ne devons pas clore le compte-rendu de cette importante affaire sans rendre hommage à la manière vraiment remarquable avec laquelle M. le président Leber l'a dirigée.

Journal de Jurisprudence et des Débats judiciaires, n° 5482 du 20 novembre 1844

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MessageSujet: Re: Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845   Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845 EmptyVen 4 Nov 2016 - 15:39

JUSTICE CRIMINELLE
COUR  DE CASSATION
(chambre criminelle)
Présidence de M. Laplagne-Barris.
Bulletin du 30 janvier.

PEINE DE MORT. — REJET.

La Cour d'assises de Loir-et-Cher a condamné à la peine de mort le nommé Joseph Rougier et la femme Marie Pilon, veuve Hogu, déclarés tous deux coupables d'empoisonnement. Me Jousselin, avocat, dans l'intérêt de Rougier, et Me Morin, avocat de la veuve Hogu, ont présenté quelques observations à l'appui du pourvoi. Mais, la Cour, sur les conclusions de M. l'avocat-général de Boissieu et le rapport de M. le conseiller Romiguières, a rejeté le pourvoi des deux condamnés.

Gazette des Tribunaux, n° 5 544 du 31 janvier 1845

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Joseph-François Rougier & Marie Pilon, les amants diaboliques - 1845 30472820630_c3e4412323_z

Journal des débats politiques et littéraires, n° 254 du 13 septembre 1933

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