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| Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 | |
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Adelayde Admin
Nombre de messages : 5716 Localisation : Pays d'Arles Date d'inscription : 02/03/2009
| Sujet: Les assassins "poètes", "écrivains"... Mar 14 Fév 2017 - 15:30 | |
| _________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 ) | |
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| Sujet: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Mar 14 Fév 2017 - 17:31 | |
| LUCIEN MORISSET, UN POÈTE ASSASSIN
******* Nous sommes le 17 juin 1881, à Tours. C'est le soir. Une des plus belles journées de l'année se termine. Il fait doux et encore clair. Aussi les promeneurs sont-ils nombreux dans les rues, ils s'attardent, ils flânent. Et, parmi eux, qui remarquerait un tout jeune homme qui, lui aussi, marche tranquillement ? Car, en apparence, ce jeune homme n'a rien de spécial. Il est correctement vêtu, il fait un peu plus que ses seize ans, il est plutôt joli garçon, malgré son air timide et renfermé. Et pourtant, dans quelques minutes, il va devenir un assassin. Il le sait, il l'a décidé et rien ne pourra l'en empêcher... Il presse la main sur la crosse du revolver qu'il a dans sa poche. Il est toujours aussi calme.
Si le crime qui va se produire a frappé les contemporains par son aspect insolite hors du commun, il est plus remarquable encore par ses motivations. Des motivations complexes, profondes, troubles. Pour les comprendre il va falloir pénétrer dans l'intimité d'un adolescent du siècle dernier, celui des romantiques...
Lucien Morisset est né en 1864, dans une famille de la petite bourgeoisie du Loir-et-Cher. L'enfant n'a pas connu sa mère, qui est morte en lui donnant naissance. C'est donc le père qui s'est chargé de l'élever et qui lui a fait donner une bonne éducation. Une bonne éducation, primaire s'entend, car à l'époque, dans ce milieu, on ne pouvait songer à autre chose.
Au cours de ses études, le jeune Lucien se montre brillant. Son instituteur fait tout pour le pousser. C'est son meilleur élève. II est d'une intelligence très au-dessus de la moyenne, sa mémoire est exceptionnelle et son imagination très vive. Si on ajoute à cela qu'il est très travailleur, qu'il a une véritable passion pour l'étude et plus particulièrement une soif de lecture incroyable, l'hésitation n'est plus permise : il faut que Lucien aille plus loin, qu'il entre au lycée, qu'il fasse des études littéraires sérieuses. Mais, malgré l'insistance de l'instituteur, le père ne veut rien entendre. L'instruction primaire, c'est bien suffisant pour devenir clerc de notaire. Car Lucien Morisset sera clerc de notaire ! Et, à treize ans, après son certificat, il est placé à Tours, dans l'étude de maître Morn, pour faire des écritures.
Lucien, qu'on vient d'arracher à ses chères études, ne se révolte pas. Ce n'est pas son caractère. Il se soumet : il sera bon clerc de notaire comme il a été bon élève... Il se montre même un employé modèle : toujours ponctuel, poli et travailleur. Mais en lui-même, et sans que personne s'en doute, il s'est fixé un grandiose programme d'avenir qu'il va commencer dès cet instant à mettre en application dans le plus grand secret. Il lui faut d'abord continuer à s'instruire. II ne sera jamais bachelier, bien sûr, mais, du moins, il veut aller plus loin. Et il se met à dévorer tous les livres qui lui tombent sous la main : de la poésie, des romans, de la philosophie. Il lit le soir, en rentrant du travail, et tôt le matin, avant de s'y rendre. Personne ne remarque rien, car Lucien est toujours à l'heure. Non, personne ne peut se douter que cet enfant de quatorze ans a entrepris une tâche presque impossible : continuer ses études jusqu'à la limite de ses forces, tout seul, sans maître, sans orientation, sans guide...
Deux ans ont passé. Lucien Morisset vient juste d'avoir seize ans. Et il décide alors de passer à la seconde partie de son programme. Après avoir étudié, il va pouvoir créer, il va devenir poète. Il va égaler et même dépasser tous ceux qu'il a admirés au cours de ses innombrables lectures. Et chaque nuit, dans sa chambre, à la lumière d'une bougie, Lucien fait des vers. Il en fait des milliers et des milliers. Il a découvert sa vocation...
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Dernière édition par Adelayde le Mar 28 Fév 2017 - 17:04, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Mar 14 Fév 2017 - 19:53 | |
| Cela dure six mois de fièvre enthousiaste pendant lesquels il a la sensation de faire l'œuvre de sa vie. Et, au bout de ces six mois, Lucien se relit. Il se juge sans complaisance, car l'esprit critique est aussi une de ses qualités intellectuelles... Non, franchement, il n'est pas Victor Hugo, Musset ou Lamartine. Il n'est même pas poète du tout ! Et Lucien jette ses vers au feu. Alors, tout à coup, il se sent terriblement seul. Et il n'a pas tort... C'est vrai qu'il est seul depuis le début ! C'est seul qu'il a entrepris de continuer ses études. C'est seul encore qu'il a voulu devenir poète, alors que personne ne lui demandait rien. Et c'est seul qu'il a échoué...
Lucien reprend sans goût, sans joie, le chemin de l'étude. Et c'est alors qu'il se souvient d'une de ses lectures. Ce n'était qu'un petit livre parmi tous les autres, mais ce livre l'a tellement marqué qu'il ne parvient pas à l'oublier. Il s'intitulait Les Mémoires de Lacenaire.
Pierre François Lacenaire est une figure bien étrange. Né en 1800, il a été guillotiné en 1836 pour le meurtre sordide d'un homosexuel et de sa mère. Dans sa courte existence, il a fait tous les métiers : avoué chez un notaire, écrivain public, joueur professionnel, journaliste, chansonnier. Mais il s'est senti rejeté par la société, et, un jour, il a décidé de se faire connaître, de s'imposer par le crime. Peu lui importait la victime. Il a tué presque au hasard, tué pour tuer, tué uniquement pour devenir un assassin. Entre sa condamnation à mort et son exécution, Lacenaire a eu le temps d'écrire ses Mémoires. Il y dit par exemple : « Croyez-vous que c'est l'appât de l'or qui m'avait poussé au crime ? Oh, non ! C'était une sanglante justification de ma vie, une sanglante protestation contre cette société qui m'avait repoussé. »
Parmi ses contemporains, et même dans la génération qui a suivi, Les Mémoires de Lacenaire ont eu un grand retentissement et ils ont exercé sur beaucoup une incontestable fascination. Comment ne pas comprendre alors que Lucien Morisset, dont l'intelligence a grandi trop vite et d'une manière désordonnée, ne soit pas lui aussi fasciné par Lacenaire ? Bien sûr, si quelqu'un était là pour le conseiller, le mettre en garde, tout pourrait encore être évité. Mais Lucien est seul. Et, malgré les connaissances qu'il a accumulées, entassées, son jugement est encore celui d'un enfant.
Comme son idole Lacenaire, Lucien se met, lui aussi, à écrire ses idées sur le crime. Voici ce qu'on lit à cette époque dans son journal : « Je suis dégoûté de cette ignoble et rampante société. On peut verser son sang à flots : il est trop pâle pour tacher les maisons... Il n'y a pas de Dieu, il y a la force universelle... Je crois que le bien est la conséquence du mal, que l'homme n'est pas responsable de ses actions et que les conséquences du crime sont avantageuses à la société. »
C'est ainsi que, dans l'esprit de Lucien Morisset, une idée finit par s'imposer : non, il ne sera ni poète, ni prosateur. Il sera... assassin ! A partir de ce moment, Lucien se met à voler. Ce sont d'abord de petites sommes qu'il prélève dans l'étude de maître Morin. Puis, comme tout se passe bien, il s'enhardit. Il ouvre les tiroirs à l'heure du déjeuner. Il dérobe ainsi, en toute impunité, jusqu'à 5 000 francs…
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Mar 14 Fév 2017 - 21:40 | |
| Il ne faut pas croire que Lucien vole pour voler. Tout cet argent, il ne sait qu'en faire. Il se hâte de le dépenser n'importe comment au cours de folles nuits dans les cabarets de Tours. Tout cela ne lui plaît pas, ne l'amuse même pas. Il en revient chaque fois avec un sentiment de vide et de dégoût. En fait, Lucien vole pour se faire découvrir pour se faire prendre par son patron, maître Morin. Et, ce jour-là, il le tuera. Il a d'ailleurs acheté un revolver qui ne le quitte plus. Il attend donc l'explication avec maître Morin, le moment où il pourra sortir son revolver et le tuer.
Lucien s'est fait une telle réputation d'honnêteté que trois mois se passent sans qu'on songe à l'inquiéter. Qui pourrait raisonnablement soupçonner ce garçon si tranquille, si timide, si travailleur ? A la fin, pourtant, on commence à se poser des questions. Et, au début de juin 1881, on congédie Lucien, sans toutefois l'accuser formellement. On invoque un prétexte : on lui laisse le bénéfice du doute. Sans un mot, Lucien s'en va. Dès cet instant, sa décision est prise. Il ne cherchera pas d'autre place. Il va dépenser tout ce qui lui reste de ses vols et quand il n'aura plus rien, il ira tuer maître Morin. Le 17 juin 1881, n'ayant plus que 70,35 francs en poche, Lucien Morisset prend le chemin de l'étude de maître Morin... C'est le soir. Il se dirige sans hâte vers la maison de son ancien patron. Il est calme. Il est même tranquille, il n'a pas encore dix-sept ans et il va tuer !
Tel est le passé de ce jeune homme qui parcourt les rues de Tours, telles sont les pensées qui l'habitent, en cette belle soirée de juin... Mais, en chemin, il se passe quelque chose d'imprévu... Lucien croise une bande de jeunes gens. Ils ont déjà bien commencé la soirée, ils sont d'excellente humeur et ils chantent une chanson en vogue : « Le beau Nicolas », dont le refrain est « Ah, ah, le voilà ! » Lucien, qui n'est calme qu'en apparence, se sent tout à coup pris de panique. Comment ont-ils découvert que c'était lui ? Ils savent tout et, en plus, ils se moquent de lui ! Alors Lucien sort son revolver. Et il tire, il tire encore. Deux jeunes gens sont blessés : Raphaël Monsnier, menuisier, d'une balle dans la cuisse gauche, son frère Hervé, sabotier, d'une balle au mollet.
Lucien s'enfuit et parvient à s'échapper. Mais, maintenant, tout a changé. Il a bien vu qu'il n'avait que blessé. Il n'est donc pas encore un assassin. Et on lui court après, le temps presse. Il faut donc tuer tout de suite, avant qu'on ne l'arrête. Tuer n'importe qui, la première personne qu'il rencontrera. Tant pis pour maître Morin ! Maître Morin qui ignore en ce moment que le hasard vient de lui sauver la vie.
La première personne que Lucien rencontre est un comptable aux chemins de fer de trente et un ans, M. Dormier. Lucien tire deux fois. Les deux balles sont mortelles. L'homme est tué sur le coup... Cette fois, c'est fait. Lucien Morisset est devenu un assassin. Un agent de police l'arrête...
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Mer 15 Fév 2017 - 19:16 | |
| Dès son premier interrogatoire, Lucien avoue tout : son plan, ses idées sur le crime, la façon minutieuse avec laquelle il a tout prémédité. Devant les policiers, il parle encore de Lacenaire. Il s'enthousiasme, il s'enflamme. « C'était un homme splendide, une puissante individualité ! Son œuvre conduit à des déductions énormes. J'ai, comme lui, de grands élans de sensibilité et je ne vois jamais sans émotion un veau conduit à l'abattoir ou un chien lancé dans la Loire. Mais, comme Lacenaire, je déteste la société. »
Et Lucien prend des poses. Il joue un rôle, il fait du théâtre. Il semble dire à tout le monde : « Regardez-moi bien, je ne suis plus Lucien Morisset, le petit clerc de notaire, le poète raté, je suis Lucien Morisset, le grand assassin ! »
Dans sa prison, Lucien écrit beaucoup. Pas des lettres, bien entendu. A qui écrirait-il ? Il écrit pour lui-même, comme il l'a toujours fait. Et, là encore, il pose. Il évoque avec complaisance son destin tragique. Voici ce qu'il consigne dans son journal : « Finirai-je comme Lacenaire ? Quand j'interroge fortement ma conscience, elle me répond : c'est possible. Poète, voleur, assassin : la gradation est singulière ! Et je me dis tout bas, bien bas : j'ai déjà fait la moitié du chemin. »
Il va sans dire que, dans ces conditions, l'instruction ne dure pas longtemps. Il n'y a même pratiquement pas d'enquête. Un coupable qui est pris sur le fait et qui passe des aveux complets : que demander de plus ?
Un seul point cependant reste à éclaircir, et c'est le point capital : l'état mental de Lucien Morisset. L'expertise est confiée à l'illustre psychiatre de la Salpêtrière, le professeur Legrand du Saule. Le rapport qu'il dépose quelques semaines plus tard entre les mains du juge d'instruction mérite qu'on s'y attarde : « Lucien Morisset n'est pas fou, commence le professeur. Il n'est pas prédisposé héréditairement à la folie. Il a toujours été sobre : il n'est ni épileptique, ni halluciné, ni délirant, ni impulsif Aucun médecin en France ne le garderait dans un asile d'aliénés. Il est donc conscient et responsable. Toutefois, ajoute-t-il, Morisset a manqué d'éducation morale. Il n'a jamais connu sa mère. Il a été livré trop tôt à lui-même et s'est mal orienté dans la vie. En voulant acquérir un degré d'instruction auquel il n'était pas préparé, il s'est surmené intellectuellement. Il est intelligent, mais ambitieux et orgueilleux. Il a vécu d'illusions et n'a pas supporté de les voir s'écrouler. De plus, sous l'influence de lectures détestables, il s'est forgé une morale à son propre usage. Il est devenu un pervers. »
Et Legrand du Saule conclut : « En considération de la fatigue cérébrale que Morisset s'est imposée, des exagérations passionnelles auxquelles il s'est laissé conduire et des circonstances insolites des actes commis, il se peut réellement que la responsabilité de l'accusé ait été atténuée. »
Aujourd'hui, il n'est pas du tout certain que les spécialistes ne concluraient pas à l'irresponsabilité. Cette coupure progressive avec la réalité, qui se manifeste chez le jeune criminel, laisse soupçonner une évolution vers la schizophrénie. En outre, la réaction au "Ah, ah, le voilà !" de la chanson « Le beau Nicolas » semble indiquer un délire de persécution... Il n'en reste pas moins que le rapport du professeur Legrand du Saule est empreint d'une grande humanité...
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Jeu 16 Fév 2017 - 19:01 | |
| Le procès de Lucien Morisset s'ouvre au début du mois de septembre 1881.
Dès la première séance, le public, les juges, les jurés sont frappés par l'attitude de l'accusé. Il est hautain, arrogant et cynique même. On dirait qu'il fait tout pour se rendre antipathique et odieux. En fait, il continue à jouer le rôle qu'il s'est imposé. Comme Lacenaire, il est devenu un assassin ; maintenant, comme Lacenaire, il doit être condamné à mort et exécuté.
Lucien contemple avec une froideur voulue le défilé de ses victimes. Il n'a pas un mot de regret ni un regard de pitié pour les deux jeunes gens blessés, ceux qui chantaient la chanson du « Beau Nicolas ». Il manifeste la même indifférence envers la famille de M. Dormier, qui a eu le malheur de se trouver en face de lui un soir de juin. Mais, quand le professeur Legrand du Saule est appelé à la barre, Lucien s'anime. Il sait que le professeur veut le sauver. Alors, dans un sursaut de désespoir, il repousse cette main qui se tend vers lui, la première, peut-être, et la dernière, peut-être aussi. - Monsieur le président, je réclame la parole !
Le président la lui donne. - Je déclare que je ne cherche ni atténuation ni excuse. Ce que j'ai fait, je l'ai parfaitement voulu. J'ai trop conscience de mes actes pour revendiquer la folie. Morisset juge condamnerait Morisset assassin. J'ai tué M. Dormier, la loi a prévu le cas. Il n'y a pas d'hésitation à avoir !
Malgré tout, le professeur Legrand du Saule fait sa déposition. Le président s'accroche avec lui. Il ne comprend pas ce que signifie la notion de « responsabilité atténuée ». Un dialogue très serré s'engage entre les deux hommes. Dans la salle, tout le monde se tait. Chacun a la sensation que c'est dans cet échange de répliques que se joue la tête de l'accusé.
Legrand du Saule ne modifie en rien sa déposition et il conclut avec fermeté : - Je persiste à voir dans les travaux intellectuels exagérés de l'accusé, dans les anomalies de son jugement, dans les tentatives d'assassinat sur des inconnus et dans le meurtre même de M. Dormier, également inconnu de lui, des motifs de responsabilité atténuée.
Au cours des plaidoiries, le procureur demande la peine de mort et l'avocat plaide la folie.
Le jury délibère pendant une heure et demie avant de revenir avec son verdict : l'accusé est coupable sans circonstances atténuantes. Il est condamné à mort... Pour la première fois, Lucien sourit. Il s'incline et salue les juges.
Lucien Morisset a été gracié par le président de la République et sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité, soit en raison de son jeune âge, soit en raison des doutes qui subsistaient sur son état mental. Il n'aura pas eu le destin de Lacenaire...
On ne sait pas ce qu'il est devenu et c'est dans l'anonymat le plus complet que s'achève son histoire. Une histoire tragique, qui n'était, au fond, que celle d'une solitude.
Source : http://www.djazairess.com/fr/ _________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 ) | |
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Sam 18 Fév 2017 - 14:44 | |
| Tribunal de 1ère instance de Tours - Dossier de Lucien Morisset _________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 ) | |
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Lun 27 Fév 2017 - 13:56 | |
| Condamné à mort en 1881 mais gracié, Lucien Morisset a purgé une peine perpétuelle au bagne de Nouvelle-Calédonie. Il n'y est décédé qu'en 1913, soit trente-deux ans plus tard : extraordinaire ! _________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 ) | |
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| Sujet: Re: Lucien Morisset, un "poète" assassin - 1881 Mar 28 Fév 2017 - 17:01 | |
| CHRONIQUE JUDICIAIRE COUR D'ASSISES D'INDRE-ET-LOIRE. - - - - - - - Un admirateur de Lacenaire. C'est un sentiment de profonde tristesse que l'on éprouve en lisant les débats de l'affaire Morisset. Même dans le procès de Lebiez et Barré, condamnés à la peine de mort par la cour d'assises de la Seine et exécutés, on n'avait point trouvé un tel exemple des ravages que les doctrines matérialistes peuvent faire dans le cœur des jeunes gens, des inexpérimentés qui poussent avec une incroyable logique, jusqu'à ses dernières conséquences, l'épouvantable principe darwinien du Struggle for life (Lutte pour la vie)
Les débats de ce procès sont concluants, aussi nous garderons-nous bien d'y ajouter un seul commentaire. Nous préférons les placer aussi complets que possible sous les yeux de nos lecteurs.
L'acte d'accusation, que nous ne donnerons pas, car il ferait double emploi avec l’interrogatoire, peut se résumer en cinq lignes. Morisset, placé comme petit clerc dans l'étude de Me Galpin, notaire à Tours, après avoir volé son patron, tire, dans un accès de fureur, des coups de revolver sur des gens qui, croyait-il, se moquaient de lui et, ne voulant pas aller en prison pour des vétilles, tue la première personne qu'il rencontre.
Ses réponses à M. le président Pelletier feront connaître dans tous leurs détails ces faits que nous venons de résumer.
D. — Vous êtes né à Saint-Hilaire de Gravelle (Loir-et-Cher) ; votre famille est entourée de la considération publique. Vous avez perdu votre mère de bonne heure ?
R. — J'avais deux ans.
D. — Votre père vous a donné une bonne éducation primaire ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Lorsqu'il a été question de faire votre première communion, vous avez reçu des leçons particulières. Vous avez été jeté dans le monde avec une éducation qui vous permettait de bien faire ? R. — C'est possible.
D. — Vous êtes fort intelligent. Vous avez reçu de la Providence une intelligence heureuse. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les témoins. Vous pouviez passer parmi ceux qui ne sont point les déshérités de ce monde. Tout vous souriait. A quatorze ans vous quittiez votre famille pour être clerc chez Me Morin, notaire à Tours. Vous avez trouvé chez lui une affection vraie, des enseignements moraux et de bons exemples. A dix-sept ans, vous avez tenté de vous suicider.
R. — Je m'ennuyais de la vie, je trouvais le fardeau lourd.
D. — A dix-sept ans ! Pourquoi ce fardeau lourd ?
R. — Je ne voyais pas pour moi un bel avenir, et alors je résolus de me suicider. J'achetai un revolver et je me tirai un coup dans la poitrine. Le feu prit à mes vêtements et je me jetai dans le Cher pour l'éteindre. On me conduisit à l'hospice et je guéris.
D. — Vous rêviez les grandeurs, de hautes positions. Vous ne vous êtes pas dit qu'il fallait conquérir une situation par le travail ?
R. — Je trouvais que cela n'en valait pas la peine.
D. — Vous étiez aussi lâche qu'ambitieux, vous n'aimiez pas le travail ?
R. — Le travail ne m'a jamais fait peur.
D. — Racontez-nous comment vous avez été placé chez Me Galpin.
R. — C'est une personne qui m'a fait placer.
D. — Me Morin ?
R. — Je crois que c'est Me Dumée.
D. — Vous aviez demandé à Me Morin de rentrer dans son étude. Il vous a dit que ce n'était pas possible et il vous a recommandé près de Me Galpin. Est-ce que vous avez trouvé des hostilité dans cette étude ?
R. — Aucune.
D. — On avait de bons rapports avec vous, vous travailliez assez bien. Tous les renseignements, qui ont été recueillis dans l'étude, vous représentent comme un homme avec lequel on avait de bonnes relations. Votre situation s'est améliorée et vous êtes arrivé à des appointements de 15 à 1.800 fr. Et vous étiez mécontent de votre sort ?
R. — Cela ne peut pas faire de doute.
D. — Vous n'étiez pas réduit à ces 15 ou 1.800 francs, vous aviez un patrimoine. Votre père a liquidé sa situation vis-à-vis de ses enfants. Vous avez reçu pour votre part 1,130 fr. Qu'avez-vous fait de cette somme ?
R. — Je l'ai dépensée pour besoins personnels.
D. — Et vous avez fait des dépenses pour des motifs honteux. Vous faisiez aussi de bons dîners. Chez Mme Georges, vous dépensiez de 6 à 7 fr. pour un dîner.
R. — C'est la dépense que je faisais pour ma nourriture.
D. — Vous alliez trop loin.
R. — Je n'en disconviens pas.
D. — Et c'est ainsi, par des dépenses exagérées, que vous avez été conduit au vol. Vous aimiez la bonne chère, le café, et vous n'aviez qu'à envisager ceci : prendre le bien d'autrui pour faire face à vos besoins sensuels. Vous alliez chercher vos inspirations dans les Mémoires de Lacenaire. C'était l'ouvrage que vous affectionniez le plus. C'est du jour où vos vols ont été découverts que vous avez résolu de commettre un meurtre ; c'est ce que vous enseignait Lacenaire ?
R. — Si j'ai agi comme je l'ai fait, c'est par vengeance.
D. — Quels griefs aviez-vous ?
R. — Je ne les ferai pas connaître.
D.— Pourquoi ?
R. — Parce que mon assassinat n'a pas été commis. C'est une question d'amour-propre.
D. — Eh bien ! moi, je vais vous le dire : Vous êtes un voleur vulgaire. Le jour où vous avez été découvert, ce jour-là, la rage vous a pris et vous avez songé à tuer Me Galpin.
R. — Il y avait longtemps que j'avais ce sentiment.
D. — Pourquoi le lendemain du jour où vous avez été chassé, n'êtes-vous pas allé tuer Me Galpin. Pourquoi ? Parce que vous aviez encore de l'argent à dépenser. Votre haine n'est qu'imaginaire. Dites-nous ce que voua faisiez chez Me Galpin. Vous étiez expéditionnaire ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Ne disiez vous pas que Me Galpin était un voleur parce qu'il ne vous payait vos expéditions que 35 centimes ?
R. — Je n'ai jamais dit de pareilles niaiseries.
D. — Je dois le dire, vous n'aviez jamais rien volé avant septembre 1880. Comment vous y êtes-vous pris pour voler ? Vous profitiez de l'instant où Me Galpin allait déjeuner. Vous ouvriez le secrétaire avec une clef que vous aviez ?
R. — Je n'avais pas de clef.
D. — On l'a trouvée chez vous.
R. — Je n'en avais pas besoin. Je n'avais qu'à prendre dans la caisse qui était ouverte.
D. — Absolument comme si Me Galpin eût été votre banquier ?
R. — Absolument.
D. — Vous avez aussi volé M. Dupuy, autre clerc.
R.— Je lui ai volé de 1,000 à 1,200 fr., mais je savais que ce n'était pas lui qui les perdait. M. Dupuy est un homme que j'aimais beaucoup et que j'estime encore.
D. — Me Galpin pense que vous lui avez volé 5,000 francs environ ; vous avez vécu comme un homme qui avait 5,000 francs de rente. Quel moyen avez-vous employé pour voler M. Dupuy ?
R. — Je prenais les billets de banque et l'argent en les faisant glisser avec une règle, par le passage de la tablette.
D. — On a cherché à se rendre compte des vols et on a fini par porter les soupçons sur vous. On vous a renvoyé sous prétexte que vous n'aviez plus d'exactitude. Vous voyez que l'on avait des ménagements pour vous.
R. — C'est possible.
D. — Vous avez été renvoyé le 29 mai. Le 17 juin, vous avez rencontré M. Dupuy, qui vous a dit : « Je pourrais vous faire arrêter. »
R. — Je lui ai répondu : « A votre aise. » Je savais qu'il n'avait pas envie de mettre ces menaces à exécution.
D. — Vos ressources étant épuisées, vous avez pensé qu'il fallait en finir.
R. — Justement.
D. — Vous avez dîné très-tranquillement ; vous êtes allé au café ; puis, vers huit heures, vous êtes rentré chez vous ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Combien êtes-vous resté de temps chez vous ?
R. — Une demi-heure. J'ai lu Alfred de Vigny.
D. — A neuf heures et demie, vous étiez au canal. Qu'avez-vous fait entre huit heures et demie et neuf heures et demie ?
R. — Je ne suis pas allé vite.
D. — Que faites-vous à Saint-Pierre-des-Corps ? Plusieurs jeunes gens prenaient le frais sur le quai et chantaient : « Ah ! le voilà, le beau Nicolas ! »
R. — Quand j'ai passé près d'eux, ils ont crié : « Enlevez-le ! » Je revins sur mes pas et je tirai au hasard sur le groupe.
D — Dans quelle disposition étiez-vous ?
R. — J'avais des idées sinistres.
D. — C'est la rencontre de M. Dupuy qui vous avait surexcité ?
R. — Je ne pensais plus à sa menace. J'avais mes nerfs. J'emportais tous les soirs un revolver pour ma défense personnelle.
D. — Vous aviez emporté une provision de cartouches ?
R. — Elles étaient restées dans mon paletot, après avoir tiré à la cible.
D. — Vous vous exerciez au tir ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Souvent ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Pourquoi ?
R. — Pour me préparer à l'assassinat.
D. — Vous n'avez rien dit en tirant sur les jeunes gens à Saint-Pierre-des-Corps ?
R. — Rien.
D.— Vous avez tiré sur un nommé Fouineau qui n'a pas été atteint. Vous avez blessé un autre jeune homme ; puis vous avez tiré sur le nommé Hervé, qui ne faisait pas partie du groupe et qui a été blessé au mollet. Vous avez continué votre chemin sans vous troubler.
R. — Sans me troubler.
D. — Vous avez rechargé votre revolver ?
R. — Oui, monsieur. Sur le boulevard j'ai vu un homme qui avait l'air de regarder le dôme des arbres avec béatitude. J'ai tiré ! Si je n'avais pas été provoqué au canal, je ne l'aurais pas tué. J'avais peur d'être arrêté. Après les blessures de Saint-Pierre-des-Corps, je me suis dit : Je ne suis que dans un cas correctionnel. Je ne voulais pas être arrêté pour un délit, mais pour un crime : alors j'ai tué.
D. — Vous aviez l'intention de tuer ?
R. — J'en avais l'intention. (Murmure dans l'auditoire.)
D. — On vous a arrêté. Vous n'avez pas donné signe de repentir, pas plus à ce moment qu'aujourd'hui.
R. — Je n'accepte pas la responsabilité de ce crime, au point de vue philosophique. Je l'accepte au point de vue législatif.
D. — Vous vous êtes inspiré de mauvais livres ? Vous avez par exemple, suivi ce joli principe de Lacenaire : « Il n'y a pas de distinction entre le mal et le bien. »
R. — C'est cela.
D. — Vous aimez beaucoup Lacenaire ?
R. — Oui, monsieur, à cause de sa sensibilité.
D. — Sa sensibilité ! la sensibilité d'un assassin !
R. — La sensibilité conduit à la vengeance.
D. — Voulez-vous que je vous fasse voir par vos écrits, le venin dont vous vous infestiez ?
M. le président Pelletier lit plusieurs passages des notes rédigées par l'accusé et qui sont imitées de Lacenaire. Nous les transcrivons textuellement :
Je suis dégoûté de cette ignoble et rampante société. On peut verser son sang à flots, il est trop pâle pour tacher les mains... Il n'y a point de Dieu, il y a la force universelle. La société n'a pas le droit de reprocher les crimes parce qu'elle en commet journellement. Je crois que le bien est la conséquence du mal, que l'homme n'est pas responsable de ses actions et que les conséquences du crime sont avantageuses à la société... J'ai étudié le vol et ses conséquences ; eh bien, j'ai constaté que le vol se retrouvait dans la plupart des actions des hommes. L'entrepreneur, par exemple, ne s'attribue-t-il pas des gains sur le travail de ses ouvriers ? Le marchand ne bénéficie-t-il pas des aptitudes de ses commis ? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - C'est (Lacenaire) un homme splendide, une puissante individualité. Son œuvre conduit à des déductions énormes. J'avais comme lui de grands élans de sensibilité, et je ne voyais jamais sans émotion un veau conduit à l'abattoir ou un chien lancé dans la Loire. J'avais notamment une bien plus grande estime pour Troppmann que pour le charcutier. Comme Lacenaire, je détestais la société. J'étais plus fort théoricien que Lacenaire, mais comme homme pratique, Lacenaire était bien plus fort que moi ! - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Finirai-je comme Lacenaire ? Quand j'interroge fortement ma conscience, elle me répond : c'est possible. Poète, voleur, assassin ! La gradation est régulière. Et je dis tout bas... bien bas, « j'ai déjà fait la moitié du chemin. » Ne serait-il pas stupide de repousser une carrière qui promet d'aussi beaux résultats…
D. — Aviez-vous l'intention de publier ces notes ?
R. — Non. Je les écrivais pour moi. D. — Avant d'entendre les témoins, une dernière question : Avez-vous du repentir des crimes que vous avez commis ?
R. — Je compatis aux douleurs que mes actes ont pu occasionner, mais je n'accepte pas la responsabilité de ces actes. Le meurtre du boulevard est la conséquence de la provocation du canal.
MM. le docteur Danner et le docteur Legrand du Saulle, qui l'un et l'autre ont examiné l'état mental de Morisset, ont fait connaître le résultat de leurs expertises d'où ils ont tiré des conclusions identiques.
Le parquet, a dit le savant médecin en chef du dépôt de la préfecture de police, aurait pu se dispenser de faire appel à la médecine légale ; c'est par excès de prudence qu'il a cru devoir s'adresser à nous.
Morisset n'a point la folie du vol. Ceux qui ont la folie du vol ou cleptomanie n'ont pas d'autre folie. A-t-il la folie du meurtre ? Est-ce un épileptique ? Non. Un halluciné ? Non. Un héréditaire ? Non. C'est un garçon d'une volonté puissante, intelligente, au jugement faussé par ses lectures. Mais, chose remarquable, partant d'un point de départ faux, il raisonne juste ; naturellement il arrive à des conclusions absurdes, mais cela ne prouve pas qu'il soit déraisonnable.
Ce n'est pas un fou. Jamais un médecin aliéniste ne le garderait dans son service. Il est responsable, mais il est possible que sa responsabilité, au moment du crime, ait été légèrement atténuée.
Morisset alors s'est levé pour protester contre cette conclusion. Il l'a fait avec une hauteur, un cynisme inouï :
« Je ne cherche ni atténuation, ni excuse, a-t-il dit. Ce que j'ai fait, je l'ai parfaitement voulu. J'ai trop conscience des actes que j'ai accomplis pour revendiquer l'honneur de la folie. Je me suis jugé et je me suis absout, mais Morisset juge, condamnerait Morisset assassin. J'ai tué M. Dormier ; la loi a prévu le cas : il n'y a point d'embarras à avoir. »
Les autres témoins n'ont fait que confirmer ce que l'on savait déjà. Malgré les efforts de Me Houssaud, bâtonnier de l'ordre des avocats de Tours, Morisset a été condamné à la peine de mort. Il s'est retiré impassible, au milieu de l'émotion générale, saluant froidement la cour et les jurés.
Ceux-ci ont signé un recours en grâce !
Le Journal de l’Ain, n° 111 du 21 septembre 1881 _________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 ) | |
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