Obrecht et ses 65 exécutions.

¨Puisque nous sommes dans la partie "carnets d'André Obrecht", ce dernier aurait effectué 65 exécutions. Si ce nombre est exact, l'exécution manquante est-elle militaire ?

Je crains que non.

J'ai relu en long, en large et en travers les registres officiels des condamnations, et à partir des années 1950, la relative rareté des condamnations à mort a fait que les registres mentionnaient indistinctement les condamnations d'assises et celles de justice militaire.

Je pense que le chiffre des têtes qu'il trancha personnellement est bien de 64 exécutions, et non 65.

Au passage, le total de 321-322 exécutions tout au long de sa carrière est aussi erroné.

Faisons le calcul. Il n'est pas si compliqué, maintenant que l'on dispose de la plupart des données.

André Obrecht intègre l'équipe de son oncle le 23 mai 1922, pour l'exécution de Loeuillette et Cadet, classés dans les carnets sous la numérotation 247-151 et 248-152.
A la mort de Deibler, le 2 février 1939, la numérotation s'arrête à 395-299.
Donc, si Obrecht a participé à toutes les exécutions françaises du 23 mai 1922 au 24 janvier 1939 (possible, mais très improbable, ne serait-ce qu'une ou deux fois), cela fait 149 têtes.
Cent cinquante, en incluant Lucien Boulay, exécuté en 1938 par Desfourneaux, remplaçant Deibler au pied levé.

Les deux premières années aux ordres de Desfourneaux, s'il a participé à toutes les exécutions, du 4 février 1939 au 7 juin 1940, on parvient à un chiffre de quatorze suppliciés.

Si on se fie au document de la main même d'Obrecht publié en appendice dans "Le carnet noir du bourreau", on voit qu'il a participé de janvier 1941 à sa première démission de novembre 1943 - en soustrayant les exécutions où il mentionne clairement son absence, cela fait quarante-trois de plus.

A la reprise de 1946, disons qu'il est présent aux trois exécutions parisiennes.
D'avril 1947 à juillet 1947, absent lors d'une mini-tournée à Mont-de-Marsan et Limoges, il assiste Desfourneaux pour neuf exécutions, avant de démissionner pour la seconde fois.

Donc, en tant qu'aide, au maximum, Obrecht a participé à la mort de :

150+14+43+3+9 = 219.

Si on ajoute 64 exécutions en tant que chef, on parvient à un total général de 283.
Encore une fois, au maximum.
Il est possible qu'il ait été absent, du temps de Deibler, une dizaine de fois. Il a toujours affirmé avoir été un adjoint plus assidu que Desfourneaux, mais quand bien même, dix absences en dix-sept ans ne remettraient pas en cause son sérieux et sa constance professionnelle.

Même si Obrecht aurait pu atteindre, et même dépasser largement ce nombre de 322, les journalistes ne peuvent pas s'empêcher de gonfler les statistiques

Rappelle-toi que les journalistes de la presse écrite avaient fait pire : à l'époque de l'exécution de Buffet et Bontems, ils mentionnaient volontiers le chiffre de 362 exécutions.

Je pense qu'il s'agit à la base d'une erreur due à Marcel Montarron.
Dans "La Veuve ou l'histoire des châtiments", reprend ce total en disant qu'il correspond au nombre de ses exécutions du temps où il était simple aide, exécutions auxquelles il fallait ajouter 20 autres de 1951 à 1970 (!) ; Georges Martin, lui, se retrouve crédité de 200 exécutions comme aide, alors que le chiffre de 57, précisé une fois dans les articles de France Dimanche qui lui avaient été consacrés, est bien plus probable.
Pourtant, alors que les carnets de Deibler n'avaient pas encore été diffusés, il est bien plus proche de la réalité concernant le total d'Anatole (300 au lieu de 299), et précise que le fils avait exécuté, en tant que chef, le double de son père (151).

Jacques Delarue, lui aussi, a commis ce genre de fautes.
- 154 exécutions pour Louis Deibler (259 depuis son arrivée dans l'équipe parisienne).
- 450 exécutions pour Anatole Deibler (dont près de 300 comme chef)
- Aucun total pour Desfourneaux.
- 51 exécutions pour Obrecht comme chef (plus cet énorme 362 comme aide) - chiffres repris tels quels par Frédéric Armand dans "Les bourreaux en France", pourtant paru en 2012.

A côté de cela, je me souviens avoir lu, sans pouvoir préciser où, 250 exécutions pour Desfourneaux comme chef.

Eh oui Sylvain, d'où l'utilité de ton Palmarès qui met les choses au clair, avec des noms, des dates, et des faits. En bref du concret.

Disons que les gens qui ont envie de travailler sur le sujet de la peine de mort et de donner des chiffres exacts ont désormais plus de facilité...

https://www.cairn.info/revue-historique-2014-1-page-143.htm

A noter que "Le carnet noir" omet quand même pas moins de 4 noms : Courtin en 1951, Saidani en 1959, Mazouz en 64 (son acolyte du jour, Actis, est évoqué) et Ben Yanes en 1973.