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 Edmond Genet

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Titange
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Titange


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Edmond Genet Empty
MessageSujet: Edmond Genet   Edmond Genet EmptySam 21 Jan 2023 - 0:30

À la Révolution c’est toute la France au pouvoir qui, à l’instar des députés néophytes de l’assemblée Législative, rajeunit de 10 ou 15 ou 20 ans par rapport à l’Ancien Régime, un phénomène qui s’observe de même à l’armée où les Moreau et les Bernadotte, les Joubert et les Masséna, les Ney et les Bonaparte, supplantent assez rapidement les généraux d’arrière-garde.

Que dans ce contexte de renouveau générationnel intensif un Edmond Genet de 30 ans ait été nommé en novembre 1792 ambassadeur aux États-Unis - rien de moins, ambassadeur aux États-Unis à 30 ans -, s’il étonne aujourd’hui à l’heure du vieillissement des boomers et d’une certaine gérontocratie, ne devait pas apparaître comme spécialement anormal à l’époque.

Mais trêve de préambules, découvrons avec Claude Moisy, reporter émérite de l’AFP qui l’a dépeint en 2007 dans son Citoyen Genet : la Révolution française à l’assaut de l’Amérique, qui était ce jeune diplomate méconnu qui, pendant une année entière des plus mouvementées, a tenu son pays d’accueil sur le qui-vive jusqu’à ce que George Washington ne lui réclame un successeur à la fin de 1793.


                                      *   *   *

À Paris au début de 1792, de retour de Saint-Petersbourg où le comte de Ségur a parachevé sa formation de haut fonctionnaire à la cour de Catherine II, Edmond Genet ne tarde pas à être admis dans le cercle restreint des Girondins dominants qui se rassemblent deux fois par semaine autour de Manon Roland rue Neuve-des-Petits-Champs, des monarchistes constitutionnels qui tout en lui sachant gré d’avoir adhéré avec ferveur aux principes de la Révolution, considèrent par surcroît comme un atout son profil familial de frère de Madame Campan, l’une des servantes préférées de Marie-Antoinette, et envisagent bientôt de le recommander au ministre des Affaires étrangères Lebrun pour le poste de représentant de la nation à Philadelphie.

Les événements se précipitent après le 10 août et la proclamation de la République à la fin de septembre quand le sympathisant des Girondins Thomas Paine propose à la Convention, dans une Opinion concernant le jugement de Louis Capet, de lui témoigner de l’indulgence et de le bannir outre-Atlantique au lieu de le condamner à mort comme le voudraient les députés plus radicaux de la Montagne sur le point de s’imposer, à l’approche de l’hiver, comme le groupe parlementaire prépondérant.

Bien qu’il fasse de Genet son émissaire auprès de Washington le 19 novembre et veille à ce que le capitaine-flibustier Jean-Baptiste Bompard, à Rochefort, apprête en conséquence, en vue de son départ imminent, la frégate L’Embuscade, un vaisseau neuf de 32 canons, dans la pratique le ministre Lebrun accède au désir de Manon Roland de repousser ce départ au lendemain du procès du roi dans l’espoir qu’il ne soit voué qu’à l’exil et que Bompard et Genet puissent le prendre à leur bord.

Le 15 janvier 1793 quand commence le vote au sujet de Louis XVI, l’influent girondin Brissot de Warville publie dans son journal Le Patriote français un éditorial qui endosse la proposition de Thomas Paine peu avant que celui-ci, à la Convention même, ne la lie explicitement à la mission de Genet à la plus vive réprobation de Jean-Paul Marat et des tribunes qui poussent à la mort qui est finalement votée par 387 voix contre 334.

À l’issue de ce verdict relève donc de l’uchronie le projet d’une transhumance de Louis XVI à la colonie agricole de l’Asylum de l’émigré royaliste Antoine Omer Talon sur les bords du fleuve Susquehanna dans le nord de la Pennsylvanie, un projet qu’Edmond Genet n’aurait du reste pas manqué de contrarier si le destin lui en avait fourni l’occasion.


                                      *   *   *

Aussitôt débarqué en Caroline du Sud le 8 avril 1793, Genet se montre selon Moisy d’«un activisme étourdissant» et se met à armer des corsaires pour courir sus aux navires marchands britanniques dans le sillage de Bompard et de sa redoutable Embuscade et avec «le pouvoir de vendre leurs prises aux enchères dans les ports américains», de Charleston à New York.

À telle enseigne qu’à la mi-mai George Washington, qui préconise en l’occurrence la neutralité vis-à-vis de la France et de l’Angleterre, le reçoit sans aménité à Philadelphie en sachant que sa flottille de bâtiments aux noms provocateurs, Le Sans-Culotte, La Carmagnole, Le Vainqueur de la Bastille, Le Républicain, Le Roland, L’Anti-George et, pour comble, Le Citoyen Genet, compte déjà à son actif «une cinquantaine de prises» notables, dont celles du Grange et de la Little Sarah, et a recruté des équipages où figurent un nombre important d’Américains.

Pire encore : sourd aux appels à la retenue du secrétaire d’État francophile Thomas Jefferson, Genet a réussi à gagner à sa cause Samuel Hammond en Géorgie et George Rogers Clark au Kentucky, et cherche à réunir sous leurs ordres de petites armées qui attaqueraient éventuellement les Espagnols en Floride et en Louisiane, à St.Augustine et à la Nouvelle-Orléans, tandis qu’à Montréal, au nord, il n’a de cesse de répandre, par l’entremise du journaliste Henri Mézières, sa proclamation intitulée Les Français libres à leurs frères du Canada.

Au mois d’août lorsque la flotte française de Saint-Domingue arrive à New York avec ses dix mille déracinés proscrits par les commissaires Sonthonax et Polverel, le gouverneur Galbaud-Dufort en tête, Genet ambitionne d’en confisquer à son avantage l’escadre militaire d’une vingtaine de navires commandés, du pont de leur Jupiter, par les amiraux Cambis et Sersey, et de la lancer à la conquête de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse dont Bompard revient à peine avec son Embuscade après avoir triomphé d’«un gros vaisseau anglais, le Boston, envoyé tout spécialement de Halifax pour le provoquer en combat singulier».

Et à l’automne 1793, excédé, George Washington se résout à demander le rappel de Genet au Comité de salut public par l’intermédiaire de son porte-parole à Paris Gouverneur Morris, et l’obtient sans peine en échange du rappel de Morris lui-même qui de son côté s’affiche depuis des mois, par trop ouvertement, comme un irréconciliable adversaire de la Montagne. 


                                      *   *   *

Par le temps que son remplaçant Joseph Fauchet s’installe aux États-Unis en février 1794, Edmond Genet a terminé sa cour à Cornelia Clinton, fille du gouverneur de New York et futur vice-président du pays George Clinton, et a tâté «près du village de Jamaïca, à Long Island», de la vie de gentleman-farmer à laquelle il a décidé de se consacrer désormais.

Le 6 novembre suivant, persuadé que Washington n’avait en son âme et conscience nullement eu l’intention de le renvoyer en France aux mains de Montagnards qui, après avoir éliminé ses amis girondins, s’étaient exterminés entre eux jusqu’en Thermidor à la faveur d’une implacable guerre de factions, il épouse Cornelia et se transforme pour de bon en gentleman-farmer sur le domaine de Prospect Hill à East Greenbush en face d’Albany, sur la rive orientale de la rivière Hudson.

Avant de trépasser en 1810 Cornelia lui donnera six enfants, et sa seconde femme Martha Osgood lui en donnera six autres à partir de 1814.

En inondant d’«innombrables mémoires les gouvernements français successifs pendant quatre décennies», il lui vient quelque part cette réflexion que Moncure-Daniel Conway a recueilli dans La Revue hebdomadaire du 1er juin 1900 et qui résume assez judicieusement sa carrière : «Une Providence bienfaisante étendit autour de moi l’égide de sa protection, et en me transplantant sur le sol des États-Unis, me sauva de la guillotine».

Sa mort à l’âge de 71 ans est survenue le 14 juillet 1834 et n’a semble-t-il laissé aucune trace dans la presse hexagonale à l’exception d’une mention laconique, le 20 août, dans le Journal des débats.

Sic transit gloria mundi.


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