« LE DENICHEUR » Ce morceau est un classique de l’accordéon et du chant populaire. Tous les grands du piano à bretelles l’ont mis à leur répertoire. Et il est resté longtemps au firmament des bals-musette.
- Accordéon : https://www.youtube.com/watch?v=gZIIHmw-iAI
- Chant : https://www.youtube.com/watch?v=WsL_mkzLcTs&list=RDW
Son titre rappelle un
autre Dénicheur, mais de chair et d’os celui-là. Voici pourquoi :
Dans un entretien de 1995 à une radio Suisse locale Neuchâteloise, le virtuose accordéoniste
Jo Privat parlait d’un
Dénicheur. Il le prénommait
Hippolyte, le qualifiant de «
caïd, connu depuis la place d’Italie » (une place centrale du 13ème arrdt).
De son côté, le romancier Albert Simonin, auteur de polars, et ancien truand, en parlait lui aussi: «
Alors le Dénicheur, il faisait partie des caïds. Mais à force d'être caïd, un beau jour... Comme les films de cow boys, quand y en a un qui est costaud, y en a toujours un qui veut le descendre. Ben lui, le Dénicheur, il s'est fait tuer. Il s'appelait Hippolyte, le Dénicheur, de son vrai nom.
Et il s'est fait descendre par un gars qui s'appelait Théo De Vanves. Un jour, il est arrivé et puis... Est-ce qu'il a eu peur de se faire descendre ? Il est rentré. Et puis, il l'a flingué. Voilà, tu vois où que ça s'arrête, hein. Un dur, ça tient pas longtemps. Y en a plein les cimetières, des durs. »
Fernand Trignol, un ancien voyou : «
Dénicheur était un mec de Belleville, il était de la rue Compans. Il s’appelait Hippolyte POLI. Il était sur Paris, réglait des conflits, faisait le marlou dans des fiacres avec sa bande. Le matin au Ternes, le soir à Grenelle, à minuit aux Halles. Il était la terreur de Paris. un chef de bande du 13ème arrdt de Paris.Retour en arrière : Le 7 octobre 1906, un homme gît sur la carrelage du
Manon, un bar du bd de Clichy, dans le 9ème arrondissement. Il vient d’avaler son bulletin de naissance, comme l’on dit argotiquement, perforé par balles en plusieurs endroits. C’est Gustave Poly, surnommé le
Dénicheur, un chef de bande du 13ème arrdt de Paris.
Mais quI est le flingueur ? Les policiers soupçonnent l’un des consommateurs du bar,
Théophile Le Bonté (surnommé
Théo du Monparno. Lui aussi est un chef de bande. Après enquête,
Le Bonté est débusqué chez sa maitresse, où il se planquait, au 28 rue du Moulin-Vert, Paris 14ème.
Le 28 décembre 1906, une reconstitution du meurtre se tient au bar le
Manon, en présence du juge d’instruction. ….Question :
Le Bonté était-il placé de t’elle manière qu’il ait pu être le tueur de
Gustave Poly ? La réponse est affirmative, mais il n’y a pas de témoin direct, personne n’a rien vu, ni le patron du bar, ni les consommateurs !
Le Bonté est quand même maintenu en maison d’arrêt et l’instruction continue.
Le 11 mai 1907,
Le Bonté est traduit devant la cour d’assises de la Seine.
Agé de 25 ans, Il est décrit comme « un gars râblé, redouté, vivant la menace à la bouche et le révolver au poing, vivant des filles ». Appelés à la barre, des anciens consommateurs du
Manon affirment toujours ne se souvenir de rien, et l’inspecteur de police`Fleury a bien réuni un faisceau de présomptions sur la culpabilité de
Le Bonté, mais sans preuve formelle.
Seule, sa maitresse, Esther Samuel, enfonce l’accusé. Elle témoigne l’avoir vu sortir du bar le
Manon en courant, un flingue à la main. Mais
Le Bonté nie toujours être le tireur.
La théorie de l’accusation est celle-ci : il aurait voulu venger un de ses amis, Lucas, dénoncé par le
Dénicheur, et de ce fait envoyé aux bataillons d’Afrique.
C’était cela : une vengeance, traduite par la mort d’un balance. .
A la fin de la journée, le verdict est prononcé. Il est salé. Le Bonté pensait prendre une peine de vingt ans. Il est déclaré coupable, sans circonstances atténuantes. Travaux forcés à perpétuité ! Son pourvoi en cassation est rejeté. Il part pour la citadelle de Saint-Martin-de-Ré.
Le 20 décembre 1907, il embarque sur le bateau-bagne
La Loire, à destination de la Guyane où il ne fait pas long-feu. Il décède le 15 février 1908, au pénitencier des Roches, à Kourou.
Vu l’étonnante brièveté de sa vie en Guyane on ne peut que s’interroger sur l’origine du décès de
Le Bonté. Il est possible qu’il ait été victime d’un rixe. Sa fiche de bagne le mentionne comme un homme arrogant, indiscipliné, d’un caractère violent, avec plusieurs condamnations pour rébellion, en métropole.
Un triplé utile pour voyou, lame, flingue, poing américain.
* Remarque sur le
Dénicheur.
Jo Privat et Albert Simonin semblent bien parler du fait-divers relaté plus haut car ils mentionnent le
Dénicheur sous son nom exact,
POLY (ils font une erreur sur le prénom), ainsi que le prénom (abrégé) du tueur, Théo pour
Théophile Le Bonté.
Quant à l’ancien truand, Fernand Trignol, c’est mystère et boule de gomme ? Son
Dénicheur se nomme
POLI (donc, patronyme légèrement différent) et il le situe à Belleville. S’emmêlait-il dans ses souvenirs, ou
POLI était-il un autre caïd ?
Albert Simonin, vers 1957. En haut, portant beau, Jo Attia, l’ancien de la
Carlingue.