Sujet: Le procès d'Émile Henry à travers la presse quotidienne Mar 14 Aoû 2012 - 18:58
Quelques extraits du journal La Presse.
Pour le déroulement du procès, il reprend en grande partie le texte exposé dans un des posts précédents par un autre journal. Donc, impasse sur ce journal, sauf les renseignements supplémentaires ci-dessus.
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Journal La Presse, du 28 avril 1894. Première journée.
ÉMILE HENRY EN COURS D'ASSISES
L'anarchiste Émile Henry, qui comparait aujourd'hui devant les assises de la Seine, est poursuivi, comme on le sait, sous trois inculpations distinctes l'attentat de l'hôtel Terminus, l'attentat de la rue des Bons-Enfants et la tentative d'assassinat sur la personne de l'agent Poisson.
Les faits sont trop connus et encore trop présents dans la mémoire de tous pour que nous rappelions une à une les différentes charges que l'instruction a relevées contre l'accusé. Bornons-nous donc à rappeler qu'Henry, arrêté à hôtel Terminus et amené devant juge, M. Meyer, se vanta, des ses premiers interrogatoires, d'être l'auteur de l'attentat de la rue des Bons-Enfants, que la police avait infructueusement recherché.
Ses explications précises, les détails copieux qu'il donna des préliminaires du crime ne permettant guère de suspecter sa sincérité et de croire qu'en faisait spontanément cette révélation, l'anarchiste ait obéi à un sentiment de vantardise habituel aux propagateurs par le fait, ou tenté de dérouter les recherches de la police.
II semble aujourd'hui acquis que c'est à bon droit que Henry a revendiqué la responsabilité de l'attentat de la rue des Bons-Enfants, et l'audience nous réserve peu de mystères. Le seul intérêt des débats consistera sans doute dans l'attitude que prendra l'accusé, l'assassin fort en mathématiques, admissible à l'école polytechnique, et devenu subitement l'ingénieur, maître en anarchie.
La matinée. — Avant l'audience
Dès neuf heures du matin, le commandant Lunel, chef des services intérieurs du Palais de Justice, parcourait les différentes salles et couloirs en compagnie des officiers municipaux de service pour arrêter les dernières dispositions d'ordre. Toutes les précautions ont, en effet, été prises pour qu'une surveillance des plus étroites soit exercée, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Palais, dont l'entrée n' est autorisée qu'après justification.
Deux barrières en bois ont été placé en bordure des deux grands couloirs parallèles à la Seine et qui encadrent le Palais. Le service d'ordre se compose : 1° d'un piquet ordinaire de vingt-cinq gardes municipaux, chargés du service de l'audience ; 2° d'un piquet supplémentaire de vingt-cinq hommes ; ces deux piquets en armes ; 3° de quatre-vingts municipaux qui sont repartis dans les différents couloirs comme plantons, avec mission de s'opposer aux groupements et stationnements.
Les deux postes de garde du boulevard du Palais ont également été doublés ; enfin deux cents agents de la sûreté sont répartis habilement un peu partout, pour observer, écouter et intervenir au besoin.
Les avocats. — Le public
A neuf heures, de jeunes stagiaires en robe garnissent les bancs de pierre de la galerie nord. Les places réservées au barreau sont peu nombreuses ; il s'agit d'arriver à temps pour avoir quelque chance d'être casé et nos jeunes maîtres charment les loisirs de l'attente par la lecture des placards du nouveau roman de Zola, Lourdes, qu'un journal du matin fait distribuer dans les rues. Mais voici le public qui arrive, le mot public n'est peut-être pas très exact en fait, n'accèdent au Palais; comme nous le disons plus haut, que les seuls intéressés à s'y rendre plaignants d'ordre divers, jurés, témoins, avocats journalistes et agents en bourgeois.
Les témoins
Les témoins qui sont au nombre de soixante et un : cinquante, cités par l'accusation et onze par la défense, vont être bien à l'étroit dans la petite salle où on va les empiler.
Les douze noms tombés au sort, parmi ceux des jurés de la session, sont ceux de MM. Banault, Ihans, Anceau, Bocquet, Guerbette, Gannat, Cornut, Fourant, Breton, Larrigue, Bignon et Matrot, majorité de propriétaires et de grands industriels.
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Journal La Presse, du 29 avril 1894. Deuxième et dernière journée.
ÉMILE HENRY EN COURS D'ASSISES
Avant la deuxième audience
Le public a été moins assidu et surtout moins matinal qu'hier. Aussi les couloirs et les abords du Palais de Justice sont-ils restés à peu près déserts jusqu'à onze heures. L'infatigable commandant Lunel continue à se multiplier, et il est évident que, grâce à son activité, aucun accroc ne se produit. L'arrivée des témoins se produit d'une façon plus familière.
On se connaît tout à fait aujourd'hui et des relations sympathiques s'établiront, à la suite des attentes communes dans les couloirs des juges d'instruction et dans les salles d'attente des témoins. La note gaie est donnée dans un groupe qui conteste la réalité des comptes rendus des journaux. — Comment trois lignes pour ma déposition, qui a duré vingt minutes ? dit un gros monsieur près de nous, et on veut que le public soit bien renseigné ?
Puis on cause de l'accusé ; les uns s'indignent de son cynisme; certains émettent une opinion plus favorable à leur avis Emile Henry se calomnie. Il n'a pas accompli l'attentat de la Société des mines de Carmaux il se vante pour assumer toutes tes responsabilités, et, sûr d'être condamné, écarter les poursuites qui pourraient s'exercer contre d'autres compagnons.
Et les conversations continuent, les arguments naissent sous la contradiction, pendantque la salle se garnit, que les témoins défilent, que les agents déambulent de leur pas lourdement rythmé. Très entouré, Me Hornbostel est rejoint par sa jeune femme, qui a le désir bien naturel d'entendre la plaidoirie de son mari. Mme Hornbostel est accompagnée par son père, le général Gay, ancien commandant du Palais du Sénat.
Pendant ce temps, arrivent les agents de la Sûreté, toujours sous la conduite du brigadier Rossignol. Mais les réflexions que la Patrie a publiées hier ont déterminé M. Goron à réduire le service dans des proportions raisonnables. L'envahissement ridicule des places du public ne s'est pas renouvelé, et cinquante agents — c'est bien suffisant — ont été répartis dans le fond de la salle.
Puis, voici passer Mme Henry, accompagnée d'un ami de la famille vieillard à barbe blanche, qui se découvre en passant devant les groupes. Cette entrée de la malheureuse mère a quelque chose de poignant petite, menue, les traits ravagés par les chagrins, le dos légèrement voûté, elle est bien la physionomie la plus douloureusement sympathique de ce procès.
La plaidoirie de Me Hornbostel
Un de nos interlocuteurs connaît très intimement Me Hornbostel, il nous entretient de ce que sera la plaidoirie.
L'avocat ne parlera, pas de folie, le mot d'inconscience ne sera même pas prononcé. Il plaidera simplement l'atavisme, parlera de l'exaltation des idées professées par le père et le frère de l'accusé, s'étendra sur la contradiction que présente le caractère doux, sympathique de l'élève de Jean-Baptiste Say,* alors que deux ans après le docile collégien se transforme en farouche anarchiste.
LES JOURNAUX DE CE SOIR
Émile Henry
De Spectator, dans Paris.
Derrière ce jeune homme, il y a un souffleur macabre, la Mort, qui tient le rôle et qui souffle les réparties d'une pièce qui n'aura pas de deuxième représentation. Le dénouement étant prévu d'avance, le drôle n'a pas a ménager ses effets de terreur.
De la France
Emile Henry est l'Anarchiste. Désormais les compagnons de la bombe vont le revendiquer comme le Maître. Plus que Ravachol et Vaillant, il a les caractères de l'apôtre. Le bruit de la dynamite l'hypnotise ; c'est un fanatique de la destruction.
Le procès d'Émile Henry a commencé hier devant la cour d'assises et sera terminé vraisemblablement aujourd'hui. Il est devenu, grâce aux réponses de l'auteur de l'attentat du café Terminus, d'une effrayante simplicité. Il ne semble plus guère possible de douter que l'accusé ne soit aussi coupable du crime de la rue des Bon-Enfants.
On ne pousse pas à ce degré la forfanterie du mensonge ou l'héroïsme du dévouement. Nous sommes en présence d'un fanatique à froid qui tient a se parer, au moment suprême, de tous ses hauts faits. Mais, en tout cas, l'intérêt de ce drame en cour d'assises n'est pas là. Il est tout entier dans l'attitude de celui qui s'y drape et s'y pose en héros.
De la liberté
Qu'est-ce donc que cette secte de bêtes fauves, qui fait le mal pour faire le mal, et qui semble n'avoir pas conscience des crimes odieux qu'elle commet ? Il y a là un phénomène ou d'aberration mentale ou de dépravation profonde, qui pose aux moralistes de notre temps le plus étrange et le plus redoutable des problèmes.
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Source : gallica.bnf.fr
* Henry avait obtenu une Bourse pour cette école réputée. — 2ème prix d'excellence en 1885, 1er prix d'Excellence en 1886, 2ème prix d'Excellence en 1887, 5ème accessit d'Excellence en 1888 (année préparatoire à l'École Polytechnique).
piotr Charles-Henri Sanson
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Dim 17 Mar 2013 - 10:31
http://abolition.hypotheses.org/744
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Sujet: Café Le Terminus - la bombe d'Henry Mer 15 Mai 2013 - 14:31
La bombe d’Émile Henry (reconstituée)
Source : archives de la Préfecture de police
L'explosion au café Terminus
Le 12 février 1894, une semaine après l'exécution d'Auguste Vaillant, Émile Henry, désirant atteindre la bourgeoisie, jette une bombe qui fera un mort, une vingtaine de blessés et d'importants dégâts matériels au café "Terminus" de la gare Saint-Lazare, à Paris. Il sera arrêté, jugé et exécuté le 21 mai 1894.
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Sujet: Rue des Bons-Enfants - la bombe d'Henry Mer 15 Mai 2013 - 14:33
Photo de la marmite à renversement (reconstituée)
Source : archives de la Préfecture de police
Vue du commissariat après d'explosion
Le 8 novembre 1892, à Paris, Émile Henry dépose une bombe à renversement destinée à faire sauter les bureaux de la compagnie des mines de Carmaux. La bombe, découverte, est transportée par un agent au commissariat de Police, rue des Bons-Enfants, où elle explose, tuant cinq policiers.
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Jeu 18 Juil 2013 - 16:42
Le Petit Journal Illustré, n° 171 du 26 février 1894
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lefanstouf Aide non qualifié
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Sam 27 Juil 2013 - 2:41
Pourtant parisien, habitué de la Bastoche et bruantophile au plus haut point, je n'avais jamais éprouvé le besoin de faire un pèlerinage jusqu'aux pierres de la veuve. De passage rue Gerbier pas plus tard que ce soir, j'ai poussé jusque là. Quelle poilade, les aminches, de lire la pancarte explicative et de voir que de l'entreprise Charlot et fils, seuls deux noms restent : Henry et Vaillant ! Le premier a fait sauter tout à fait fortuitement le commicot de la rue des bons enfants, et le deuxième a lancé sa marmite à la gueule des députés ! Les plus beaux symboles de la reprise individuelle. Même Ravachol avait pas fait mieux. Je sais pas qui a rédigé cette bafouille, mais j'y serrerais bien la pogne.
Emile Henry et son système à renversement... toute une histoire, une chanson même ! Comme il en a été fait la remarque, la Java des bons enfants est une chanson de Debord qui en fait le récit. Mais le malin de situationniste, pour donner une légitimité historique à sa goualante, dans la compilation Pour en finir avec le travail, attribue les paroles à Raymond 'La Science' Callemin, célèbre adjudant de Bonnot... du grand art ! Il existe, hormis la version de cette compilation, quelques bonnes reprises de cette java. Je vous conseille celle de René Binamé, ainsi que celle des Amis de ta femme (la meilleur version à mon goût).
Et puisqu'on en est à se gondoler, le plus bath de toute cette histoire, c'est qu'une cinquantaine d'années avant cette tragédie, un autre Emile Henry avait eu lui aussi l'idée de se lancer dans la fabrication de marmites... qui sont encore aujourd'hui dans nos placards de cuisine.
"Vive la R...", comme disait l'autre
Léfanstouf
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Sam 27 Juil 2013 - 15:17
Bien vu, lefanstouf.
Les cocottes Emile Henry sont visibles par ce lien :
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lefanstouf Aide non qualifié
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Sam 27 Juil 2013 - 15:43
L'histoire ne dit pas de quelle marque est la marmite à 3,30F que lui a vendu le sieur Comte, quincailler rue Lepic, pour son forfait.
Faut que je fouille dans mon fourbi, mais je dois avoir le Petit journal sur l'Affaire du restau Terminus (perdu parmi mes exemplaires sur les Apaches). Quand j'aurai réussi à le dégauchir je vous referai un scan propre de l'article. Par contre, celui de l'arrestation de Ravachol est sous verre dans mon entrée, et vous pouvez vous gratter pour que je l'y décroche !
lefanstouf Aide non qualifié
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Sam 27 Juil 2013 - 16:04
Banco !! moins de cinq broquilles pour mettre la pogne dessus ! C'est ça le bordel organisé ! J'ai ressorti le numéro 171, ainsi que le 104 du 19 novembre 92 La Dynamite à Paris. On y voit bien, sur la gravure, "le brigadier, l'commissaire, mêlés aux poulets vulgaires qui partent en fragments épars qu'on ramasse sur un buvard" Je scanne ça dès que.
Adelayde Admin
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Sujet: Attentat rue des Bons-Enfants Jeu 1 Aoû 2013 - 17:30
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Nemo Fondateur
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Jeu 1 Aoû 2013 - 18:24
Hé, Léstanstouf, au risque de passer pour un bêlure, t'es pas le gonze qui marne à la télé des bourrins ? Ca risque d'être marrant de jaspiner avec tézigue... Ca me rappellera des souvenirs. Sur ce, je joue rip, ma poule va me péter les nougats si je suis à la bourre.
_________________ "Les humains, pour la plupart, ne se doutent de rien, sans envie ni besoin de savoir, ça leur va comme ça, ils croient avoir de l'emprise sur les choses. - Mh... pourquoi en avoir fait un secret ? Ils peuvent comprendre, ils sont intelligents... - Une personne, sûrement, mais en foule, on est cons, on panique comme une horde d'animaux, et tu le sais."
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lefanstouf Aide non qualifié
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Mer 4 Sep 2013 - 17:09
N'en j'tez plus, la coupe est pleine ! Lercimuche pour le coup de réclame... c'est pas l'sujet mais ça jaffe pas de bricheton et ça fait toujours plaisir !
C'est bien ma pomme qu'a écrit ce babillard sur l'art et la manière de jaspiner bourrin. Chus d'ailleurs sur un autre dico où il est question de la veuve, de la bascule à charlot et du champs des navets, cimetière d'Ivry (le saviez-vous) où étaient enterrés les condamnés au raccourcissement.
On se conoble, Nemo ? Tu turbinais chez Huedada, pour le GTHP ? T'as lu l'Hippiphonie ? On peut jaspiner de tout ça en privé, pour pas gonflarès tout le monde...
L.
piotr Charles-Henri Sanson
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Ven 23 Juil 2021 - 13:58
mercattore Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Ven 23 Juil 2021 - 14:47
Thank you, Piotr
mercattore Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Mer 8 Mar 2023 - 23:07
Rapidement :
1er attentat. Le 8 novembre 1892, Emile Henry dépose une bombe à la compagnie des mines de Carmaux, avenue de l’Opéra, à Paris. Rapportée au commissariat de Police elle explose, tuant quatre policiers et un employé des mines de Carmaux. Un cinquième policier meurt, terrassé par l’émotion à la vue du carnage.
A ce sujet, Walter Badier (docteur en histoire) écrit sur le site CAIRN (complément sur ce site en toute fin de ce fil) : « Plusieurs faits conduisent à penser qu’Henry a sans doute mené cette opération avec plusieurs complices dont une femme. C’est donc probablement pour les protéger qu’il a revendiqué l’entière responsabilité de cet acte criminel. »
2ème attentat. Le 26 février 1894, une bombe est lancée par Emile Henry dans le café Terminus, avenue de l’Opéra, à Paris. Un mort, nombreux blessés. Après une course-poursuite, il est arrêté. Trois mois après, il est guillotiné par Louis Deibler.
L’ imagerie populaire. Arrestation de Henry, le 26 février 1894, après l’attentat du Terminus. A terre, blessé, l’agent François Poisson qui tentait de lui barrer la route
Remarque : Etat psychique et physique de Henri avant son exécution.
Dans le Journal, du 22 mai 1894, figure un article de Georges Dacquois, à l’en-tête suivant :
EMILE HENRY n’est pas mort guillotiné.
Le journaliste du Matin (22 mai 1894) relate : « il s'arrête et s'écrie d'une voix perçante, et que l'approche de la mort n’a nullement altérée : Courage, camarades, Vive l'anarchie. »
Ce n’est pas exactement l’observation du journaliste Marcel Pradier, écrivant dans le quotidien Le Journal, du 22 mai 1894 : « Les lèvres très minces se tordaient en un rictus. De ces lèvres, des mots jaillirent, des mots qui s'arrêtaient dans la gorge, des mots que poussait un souffle haletant : Courage…camarades. Vive l’anarchie ! Les deux dernières syllabes allient en mourant. »
Toujours de Marcel Pradier : « Pour couper court à la légende d'héroïsme dont on ne manquera pas d'auréoler la tête tranchée d'Emile Henry, disons-le dès l'abord : A l’encontre de Vaillant, devant la guillotine, il a eu peur, atrocement peur. Du même : « Henry est vert, il tremble de peur…»
« Ces différentes constatations assez nettement qu’Henry, lorsqu’il a été décapité, se trouvait dans un état de syncope absolue. Il s’est produit une contraction générale au moment suprême et c’est très vraisemblablement sur un cadavre que le couperet s’est abattu. Les suppliciés terrassés par la peur, sont pris, au dernier moment, d’une diarrhée intense et absolument caractéristique. Cette observation a été souvent faite. Ce n’est pas le cas chez Henry. Il n’a pas eu la « frousse ». Il a succombé à une crise extrêmement violente. L’effort de volonté déployé par le condamné au dernier moment a déterminé une sorte de choc nerveux. Une contraction générale convulsive telle que la vie s’est arrêtée net. Henry était du reste un nerveux, peut-être bien même un épileptique. Il était petit, frêle, efféminé, plutôt anémique. La peau était très blanche, le corps très soigné. »
Lire : - http://chemins-secrets.eklablog.com/la-guillotine-etude-macabre-a149172480 - Attentat des Bons-enfants Emile Henry, le « Saint-Juste de l’anarchie », par Walter Badier. CAIRN = https://www.cairn.info/revue-parlements1-2010-2-page-159.htm - https://rebellyon.info/Le-8-novembre-1892-explosait-le-19084
Matin du mardi 21 mai. Cimetière d’Ivry parisien, carré des suppliciés, division 27. On aperçoit le mur sud sur lequel quelques curieux sont assis.
Le Carré aujourd’hui et le mur sud donnant sur la rue Carnot.
vivier Bourreau départemental
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Sam 11 Mar 2023 - 12:31
Ne pourrait on pas aujourd'hui les mettres dans un ossuaire correcte , ici n'importe qui peut marcher dessus ?
mercattore Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Dim 12 Mar 2023 - 7:31
Vivier, ce terrain est vide des restes de condamnés, transférés à l'ossuaire du cimetière de Thiais, transférés à l'ossuaire du cimetière du Père-Lachaise, à Paris.
Zorbec-le-gras aime ce message
mercattore Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Emile Henry - 1894 Dim 24 Déc 2023 - 18:48
Quelqu’un me dit : « Il faut que voyez ça, pour pouvoir en parler à ceux qui trouvent que c’est bien ». J’hésitais, cherchant des prétextes. Et puis, brusquement je me décidais. Partons. Nous traversons le Paris d’après minuit. Déjà nerveux, je cherche un air étrange dans les choses. Rien. Un ciel ardoise, moutonnant, d’une transparence blême. Un vent sec et dur qui nous glace. Nous voici place du Château-d’Eau, devant la grande République au bonnet phrygien. Elle présente sa branche d’olivier apportant, dit-elle, la paix parmi les hommes. Et le couperet ? Pourquoi ne tient-elle pas le couperet de l’autre main ? Au fond de moi, je lui crie : « Menteuse ! »
Ainsi débute l’article sur la Guillotine, écrit par Georges Clémenceau dans son quotidien La Justice, du 23 mai 1894, qu’il avait fondé en 1880. Il rend compte de l’exécution de l’anarchiste Emile Henry, sur la place de la Roquette, le 21 mai 1894. Exécuteur, Louis Deibler. C’est un long récit sur le traditionnel parcours d’un condamné à mort qui va être exécuté et que l’on connait bien ici. Mais, à la fin de cet article Cléménceau exprime sa position sur la peine de mort. En voici la transcription :
« L’horreur de l’ignoble drame m’envahit alors et m’étreint. Les nerfs distendus ne réagissent plus. Je sens en moi l’inexprimable dégoût de cette tuerie administrative par des fonctionnaires corrects.
Le crime d’Henry me parait odieux. Je ne lui cherche pas d’excuses. Seulement, le spectacle de tous ces hommes associés pour le tuer, par ordre d’autres fonctionnaires également corrects, qui, pendant ce temps dorment d’un sommeil paisible, me révolte comme une horrible lâcheté.
Le forfait d’Henry est d’un sauvage. L’acte de la société m’apparait comme une basse vengeance. Que des barbares aient des moeurs barbares, c’est affreux, mais cela s’explique. Mais que des civilisés irréprochables, qui ont reçu la plus haute culture, ne se contentent pas de mettre le criminel hors d’état de nuire, et qu’ils s’acharnent vertueusement à couper un homme en deux, voilà ce qu’on ne peut expliquer que par une régression atavique vers la barbarie primitive.
Que ne sont-ils tenus d’être témoins de l’acte qu’ils ont voulu ? J’emporte de leur boucherie une telle impression de dégoût et d’horreur, moi qui ait vécu six ans dans les hôpitaux, qu’aucun d’eux, me semble -t-il, ne pourrait résister à cette épouvantable leçon de choses. Ce n’est rien de lire dans les journaux : « Henry a été guillotiné ce matin. » Il faut avoir vu la scène de la froide sauvagerie pour que de la révolte de l’inconscient barbare jaillisse un peu d’humaine piété.
Voilà ce que je rapporte de la place de la Roquette. J’ai raconté ce que j’ai vu sans rien dramatiser, le simple récit des faits me semblant supérieur à l’émotion vraie à tout artifice d’art que les partisans de la peine de mort aillent, s’ils l’osent, renifler le sang de la Roquette. Nous causerons après.
Au retour, je vois Ledru-Rollin (*), toujours fier de son urne, la République phrygienne triomphant de son rameau d’olivier, et ma pensée se reporte à ce souverain, qui, à nos frontières, abolissait, il y a cent ans, la peine de mort (**). Suffrage universel, République, ne sont que des moyens : l’humanité c’est le but. Est-ce que la République française, si glorieuse de ses aspirations humanitaires, ne rougira pas, un jour, de ce monarque ennemi !
Georges Clémenceau.
- Pour écouter le texte intégral de G. Clemenceau : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/c-etait-a-la-une/georges-clemenceau-contre-la-peine-de-mort-la-justice-23-mai-1894-9817332 4 minutes.
(*) Allusion à la statue de cet homme politique, située place Voltaire (aujourd’hui Léon Blum), Paris 11ème, et tenant une urne dans sa main droite (représentant le suffrage universel). Elle fut fondue en 1941 par les Allemands.
(**) Allusion au grand-duc Léopold II de Habsbourg-Loraine, du Grand-Duché de Toscane, premier état d’Europe à abolir la peine capitale, en 1786. Il était le frère de la reine Marie-Antoinette.
- Le 7 juillet 1910, l’hebdomadaire La Gifle republie l'article précité sous le titre Les meilleures pages de Clémenceau - LA GUILLOTINE et ajoute : « Il nous a semblé utile de reproduire, au lendemain de l’exécution de Liabeuf, ce bel article ».