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Sujet: Algérie : le retour de la guillotine ! Jeu 23 Déc 2010 - 16:48
Merci Piotr pour ces excellents documents que je lirai très prochainement.
Adelayde Admin
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Sujet: Francisque Mitterrand en Algérie Dim 1 Juil 2012 - 18:46
L’ordre de la Francisque est une décoration qui fut attribuée par le Régime de Vichy en tant que marque spéciale d’estime du maréchal Pétain. François Mitterrand l’a reçue au printemps 1943.
"L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt
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Adelayde Admin
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Mer 27 Nov 2013 - 14:59
Guerre d'Algérie, le dernier tabou de Mitterrand Révélations. Un livre dévoile le rôle du ministre François Mitterrand pendant la guerre d'Algérie Par Laurent Theis
Le 12 juin 1957 ne fut pas un bon jour pour François Mitterrand : Maurice Bourgès-Maunoury, son ex-collègue du gouvernement Guy Mollet, est investi de la présidence du Conseil. L'ancien garde des Sceaux espérait que le président Coty le désignerait. Dans cette perspective, il avait enduré les tempêtes dont le théâtre était l'Algérie. Parce qu'il avait l'oeil rivé sur Matignon, expliquent François Malye et Benjamin Stora*, attelage efficace de journaliste et d'historien, Mitterrand s'est accroché Place Vendôme parfois au-delà de tout. Pour soutenir leur thèse, et dissiper l'ombre entretenue sur un moment peu glorieux de la carrière du futur président, ils ne manquent ni d'arguments ni de documents.
Ministre de l'Intérieur lors du déclenchement de l'insurrection algérienne, Mitterrand avait pris la mesure de l'événement, organisant une répression sans faiblesse mais s'efforçant d'empêcher les exactions policières. Lorsqu'il entre pour la onzième fois, le 1er février 1956, dans une combinaison ministérielle, le ministre de la Justice de 39 ans, proche de Pierre Mendès France, pourrait incarner la figure libérale du maintien de l'autorité française en Algérie. Or, observent les auteurs, à partir de là, tout change. Non seulement le troisième personnage du gouvernement s'associe publiquement à toutes les décisions prises par le président du Conseil, Guy Mollet, mais il n'est pas le dernier à pousser à la rigueur dans les délibérations ministérielles. Il accepte que, pour juger des auteurs de crimes et délits commis en Algérie, les tribunaux civils soient dessaisis au profit de la justice militaire, ouvrant la voie aux procédures les plus expéditives.
45 décapitations
Surtout, et c'est la grande révélation de ce livre, le garde des Sceaux laisse sans broncher aller à la guillotine des nationalistes algériens, qu'ils aient ou non du sang sur les mains : 45 décapitations en 500 jours. Les dossiers sont préparés à la chancellerie, où le garde des Sceaux donne un avis de poids. René Coty a rejeté 45 fois la grâce, pour laquelle Mitterrand s'est prononcé 8 fois seulement. Parmi les guillotinés, un nom est attaché comme une macule à celui de Mitterrand : Fernand Iveton, militant du Parti communiste algérien exécuté le 11 février 1957.
À partir de mars, le garde des Sceaux prend ses distances avec les pratiques illégales des militaires en Algérie. Il aurait songé à démissionner, dira-t-il plus tard. Il est resté jusqu'au bout. Dualité, voire duplicité ? En 1981, président de la République, il fait adopter l'abolition de la peine de mort ; en 1982, il impose à sa majorité l'amnistie pour les généraux putschistes d'Alger de 1961. "François Mitterrand se pardonnait-il ainsi les fautes, morales et politiques, qu'il avait commises durant ces cinq cents jours ?" concluent les auteurs. On dira plutôt qu'il s'était conduit comme les politiciens ordinaires de l'époque, à la remorque d'événements trop grands pour eux.
EXTRAITS :
Dans le clan des durs
L'Algérie est le principal sujet abordé par Guy Mollet ce 15 février 1956. Le président du Conseil, leader de la SFIO, le parti socialiste, est assis à la droite de René Coty, au sommet de la table en U où se tiennent les quinze autres membres du gouvernement présents, ministres et secrétaires d'État. À la gauche du président de la République, Pierre Mendès France, puis Jacques Chaban-Delmas, ministre des Anciens Combattants. Enfin, à la droite de Guy Mollet, François Mitterrand. Cette position ne doit rien au hasard, puisqu'il est le troisième personnage du gouvernement. (...) Devant lui, il a posé un dossier. (...)
C'est maintenant Max Lejeune qui parle. Le secrétaire d'État à la Défense nationale, chargé de la Guerre (c'est à-dire des opérations en Algérie), fait partie des quinze socialistes du gouvernement. C'est un dur, un partisan convaincu de l'Algérie française. (...)
Max Lejeune donne alors les chiffres que François Mitterrand, en tant que ministre de la Justice, vient de lire dans son dossier. Deux cent cinquante-trois condamnations à mort ont été prononcées contre des nationalistes algériens, dont 163 par contumace. Quatre-vingt-dix d'entre eux se trouvent dans ce qu'on appellera bien plus tard les "couloirs de la mort" des principales prisons d'Algérie. "Les peines de 55 d'entre eux, insiste Max Lejeune, ont été confirmées par le tribunal de cassation d'Alger. Des sentences doivent être exécutées", conclut-il d'une voix ferme. Sous cette phrase soulignée par Marcel Champeix qui débute la septième page de ses notes, les avis des ministres concernés tiennent en un mot.
Gaston Defferre (ministre de la France d'outre-mer) est contre. Pierre Mendès France, "contre également". Alain Savary (secrétaire d'État aux Affaires étrangères chargé de la Tunisie et du Maroc), contre. Maurice Bourgès-Maunoury, pour. Le dernier à se prononcer est François Mitterrand. "Pour", dit-il.
L'oubli
Bien des années après l'indépendance de l'Algérie, lorsque la gauche commence sa marche inexorable vers le pouvoir, François Mitterrand explique, en 1977, que, s'il était resté au pouvoir, il aurait sans doute fini par donner l'indépendance à l'Algérie : "Nous avons échoué car le temps n'était pas venu. De Gaulle avait retardé l'heure mais fut présent au rendez-vous. Je n'essaierai pas d'avoir raison contre le calendrier. J'ajouterai seulement qu'on ne peut juger 1954 sur les données connues de 1977 et dire : "Comment se fait-il que des hommes de gauche au pouvoir en 1954, comme Mendès ou Mitterrand, n'aient pas décrété tout de suite l'indépendance de l'Algérie ?" (...) Âgé de 40 ans en 1957 et homme politique déjà expérimenté, François Mitterrand n'a-t-il pas raté le grand rendez-vous de la décolonisation algérienne ?
François Mitterrand et la guerre d'Algérie, de François Malye et Benjamin Stora (Calmann-Lévy, 300 p., 17 euros). Sous le même titre, un film des mêmes auteurs, réalisé par Frédéric Brunnquell, sera diffusé sur France 2 le 4 novembre.
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benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Jeu 28 Nov 2013 - 12:55
Sans chercher à défendre à tout prix Mitterrand, on signalera néanmoins deux choses
A)
- la question "comment se fait-il que des hommes de gauche n'aient pas accordé tout de suite l'indépendance à l'Algérie?" est absurde, dans le contexte de la faiblesse du régime du moment. Cela aurait été le putsch dans les 24h, avec l'instauration d'un régime militaire après une brève, mais très dure guerre civile. En effet les principaux opposants à ces militaires factieux auraient été les communistes très puissants à l'époque, et de ce fait, ou bien ils auraient perdu après un bain de sang terrible**, ou bien, en pleine guerre froide, les USA auraient soutenu à bloc les putschistes qui en outre disposaient de toutes les troupes d'élite mobilisées (Paras) avec au delà des mots, la passivité totale du bloc de l'est qui n'aurait pas bougé (partage du monde à Yalta: idem, les Américains auraient pu empêcher le "coup de Prague" d'après guerre, ils ne le firent pas et Staline laissa tranquillement massacrer les Communistes grecs par les Anglais en 1945, car il avait admis que la Grèce serait "sous influence anglaise")
** hypothèse probable: l'armement moderne était sous contrôle des putschistes. On pouvait égratigner l'armée, pas la vaincre pas davantage que malgré leur courage les Résistants pouvaient espérer vaincre la Wehrmacht si en revanche la gêner et lui porter des coups ponctuels (chèrement payés) était dans leurs possibilités
Les USA n'auraient pas supporté de voir les troupes avancées de l'OTAN privées de leurs principaux ports et de nombreuses bases arrières, coupées d'eux mêmes (ce qui les faisait aussi soutenir les très démocrates Franco et Salazar) et de ce fait ils se seraient rangés en pratique dans le camp opposé aux communistes, apportant un soutien logistique conséquent plus les renseignements nécessaires (déjà, les écoutes) quitte à dire officiellement que "c'était pas bien"
Faut-il rappeler que plus tard et alors que l'indépendance était devenue une évidence pour 80% des Français, alors que le pouvoir était occupé par un homme prestigieux doté d'une Constitution à sa main qui lui donnait infiniment plus de pouvoirs que n'en avaient les dirigeants de la IVe République, un tel putsch éclata en 1961 et n'échoua que parce qu'il fut mené d'une manière lamentable par ses auteurs (Challe, Jouhaud, Salan)?
Des paras auraient été transportés tout de suite sur les aéroports parisiens, se seraient emparés de l’Élysée en quelques heures, que la suite ne fait guère de doute. Je le sais car j'avais 10 ans quand mon père, ancien combattant de la 1ere DFL et de ce fait considéré comme gaulliste inconditionnel, conducteur de poids lourds, ne fut sollicité que 48h après le putsch, quand on y a enfin pensé, pour aller, avec des compagnons, mettre les camions des éboueurs en quinconce sur les pistes du Bourget pour empêcher qu'on y atterrisse trop facilement! C'est mon premier souvenir "conscient" d'un acte historique de portée marquante. On a laissé deux jours de tranquillité aux putschistes qui n'en ont pas profité...
Les putschistes se seraient rendus maîtres de la radio (pour que le contingent en Algérie ne soit pas informé et pour que la population soit désinformée), ils auraient "sauté sur Paris" tout de suite que de Gaulle aurait été balayé et sans doute assassiné très vite (ou "suicidé" comme Allende plus tard). Ils se sont conduits comme de vieilles dames tremblotantes (dixit de Gaulle) et c'est ce qui sauva le régime
Pour en remettre une couche, je rappelle que la IVe République est tombée comme un fruit mûr en 1958 sur la question de l'Algérie, justement parce que l'Armée lui tenait (déjà!) un pistolet sur la tempe. La totalité des forces effectivement combattantes faisait sécession, la Corse était déjà sous contrôle!
Les généraux potentiellement putschistes crurent alors que de Gaulle rejoindrait entièrement ses propres vues. On dira pour rester poli que de Gaulle les entuba bien comme il faut, en demeurant dans l'ambiguïté. Les dirigeants de la IVe s'effacèrent devant lui pour éviter le putsch, ensuite MonGénéral resta sybillin (exemple le "je vous ai compris!" qui ne voulait strictement rien dire: chacun y trouva ce qu'il voulait bien y trouver).
Objectifs: éliminer les opposants politiques, reprendre le pays en main, améliorer la situation militaire sur le terrain pour négocier en position de force et... gagner du temps pour se préparer à l'indépendance.
__________________________
Ensuite, la différence entre l'Algérie et les autres colonies, c'est qu'institutionnellement (pas dans les faits, nous sommes bien d'accord) l'Algérie était constituée de départements et de ce fait juridiquement partie intégrante du territoire français (le scandale absolu résidant dans le fait que la très grande majorité de sa population, les "indigènes", étaient victimes d'une ségrégation effarante).
Mais juridiquement et politiquement, accorder l'indépendance à une colonie, se séparer d'un protectorat ou amputer le territoire national étaient deux choses différentes. Cela touchait à la Constitution, et devait obligatoirement passer le cap d'un référendum au résultat aléatoire dans les années cinquante (un "NON" aurait définitivement fermé la porte), qui plus est avec une campagne électorale qui se serait tenue dans une atmosphère terrible de guerre civile (multiplication des attentats terroristes). Là encore, la IVe République ne pouvait pas supporter ces épreuves.
Enfin il y avait 1,5 millions de Pieds noirs à rapatrier dans une France (de 38 millions d'habitants en 1960) pas encore totalement reconstruite d'après la guerre de 39-45 (toujours une terrible crise du logement) alors que les Français d'Indochine (la guerre coloniale d'avant) étaient finalement peu nombreux et qu'ils ne rentrèrent pas tous: ils s'égaillèrent un peu partout dans l'Asie pour beaucoup. Opportunité de faire la comparaison: Mendès France eut énormément de mal à donner l'indépendance à la colonie indochinoise, alors même que le pays s'en fichait un peu (c'était loin, il y avait peu de Français là-bas, la guerre n'était menée que par des soldats de métier) et que de toute manière le désastre de Dien Bien Phu rendait l'issue inéluctable. En Algérie, sous la IVe la position politique était désastreuse, mais pas la position militaire! le Djebel était en grande partie contrôlé, on ne déplorait que des attentats sporadiques et les principaux dirigeants du FLN étaient emprisonnés depuis le détournement de leur avion. L'armée pouvait soutenir qu'elle était en mesure de l'emporter, quand dire la même chose en Indochine était absurde.
Cela fut d'ailleurs un bordel monstre quand les rapatriés d'Algérie arrivèrent en 1962, mais en 1956 il y avait deux millions de logements en moins en France: en Normandie, des dizaines de milliers de gens vivaient toujours dans des cabanes! On imagine alors la situation? Cela aurait été des camps de toile autour de puits, pour des années...
Des hommes comme Mendes ou Mitterrand avaient une position contestable certes, mais logique. Mitterrand défendait une Algérie française où progressivement tous les citoyens auraient une égalité de droits...
Pas sûr soit-dit en passant que les "progressistes" en théorie auraient de gaîté de cœur cohabité avec des dizaines de millions de Musulmans, Arabes de surcroît. Quand aux non progressistes... On connaît la réponse! (de Gaulle, plus tard, aurait dit à Peyrefitte si on en croit ce dernier: "avec l'Algérie française, au bout de vingt ans, mon village s'appellerait Colombey les deux Mosquées" ce qui était la stricte vérité compte tenu des démographies respectives de la métropole et de l'Algérie).
Pour que l'Algérie puisse devenir indépendante il fallait : - que l'opinion y soit favorable, massivement (le cas en 1962, pas en 1954) - qu'un pouvoir fort puisse l'assumer - que les infrastructure de la France (surtout en logements) soient améliorées (déjà que ce fut le binz! Une année durant, j'ai eu cours dans un couloir de mon cours complémentaire, faute de salles de classes en nombre suffisant et de tels exemples, il y en eut des milliers en plus de la crise du logement)
******************** B)
Enfin pour les condamnations à mort, tout en désapprouvant Mitterrand (que ce soit clair), je voudrais rappeler un point institutionnel: ce n'est pas lui qui disposait du droit de grâce, mais bel et bien le Président de la République qui ne faisait que recevoir un avis. La décision finale est à mettre en conséquence sur les épaules de Vincent Auriol, puis René Coty.
Notons aussi que la plupart des exécutés le furent pour avoir tué des membres des forces de l'ordre et à l'époque, ça ne faisait pas débat: quand on tuait un flic, on n'avait aucune mansuétude à attendre, que le motif soit politique ou crapuleux
On peut penser que les deux chefs d’État qui déjà n'avaient guère la main sur leur armée, craignaient plus que tout de perdre en plus leur police... Je n'excuse pas, je cherche des explications.
**************************
CONCLUSION.
Nous avons là un exemple parfait du danger qu'il y a de se tromper, quand on analyse des éléments historiques (qui appartiennent donc par définition au passé) avec des yeux et une mentalité contemporains...
Adelayde Admin
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Jeu 28 Nov 2013 - 15:22
Bien que l'article du Point en fasse état, la question qui se rapporte à notre sujet n'est pas l'indépendance ou la non indépendance de l'Algérie (A) mais la position de Mitterrand vis à vis de la peine de mort (B).
"Le garde des Sceaux laisse sans broncher aller à la guillotine des nationalistes algériens, qu'ils aient ou non du sang sur les mains : 45 décapitations en 500 jours. Les dossiers sont préparés à la chancellerie, où le garde des Sceaux donne un avis de poids. René Coty a rejeté 45 fois la grâce, pour laquelle Mitterrand s'est prononcé 8 fois seulement. Parmi les guillotinés, un nom est attaché comme une macule à celui de Mitterrand : Fernand Iveton, militant du Parti communiste algérien exécuté le 11 février 1957."
Mitterrand et la peine de mort, c'est... de la géométrie variable. Il avait probablement d'excellentes raisons pour adopter cette posture à l'époque mais force est de constater que ce n'est pas la posture d'un abolitionniste.
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benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Jeu 28 Nov 2013 - 15:59
Je me suis un peu étendu sur la question de l'indépendance algérienne, sans doute trop, mais il fallait resituer le contexte. Des évidences, de nos jours, ne l'étaient pas à l'époque. Loin de là.
Ensuite persiste et signe, les ministres donnaient des avis sur les exécutions, mais la décision finale incombait au Chef de l'Etat
(curieusement, on dit "les guillotinés de Mitterrand", jamais "les guillotinés de..." pour les autres signataires, pendant toute cette période)
Je rappelle aussi la faiblesse du régime, chaque gouvernement pouvant être renversé à tous moments et la République pouvant l'être par une armée sur le pied de guerre (au sens propre). Les ministres étaient tout, sauf des hommes libres de leurs décisions. De Gaulle (qu'on ne soupçonnera pas de faiblesse même si on ne l'aime pas) dut aussi composer en 1944 et 1945 et laisser exécuter contre son gré, ses lettres, notes et carnets en font foi (à côté de parfaits salauds) parfois après des parodies de jugements des centaines de types qui, cinq ans après, les esprits apaisés, auraient juste ramassé dix ans d'indignité nationale (comme Pinay, quasiment canonisé ensuite): la raison d'état lui commandait à tort ou à raison: - de ne pas s'opposer frontalement aux FTP; - de ne pas solliciter l'aide des alliés pour maintenir l'ordre, aveu de faiblesse s'il en est.
Ensuite, ce qui vaut pour l'histoire vaut pour les hommes. En 1954, à moins de 40 ans et neuf ans après la seconde guerre mondiale et ses exécutions de nature politique commises par les deux camps, on peut être "formaté" autrement qu'en 1974, 20 ans plus tard.
En outre comme abolitionniste convaincu, je préfère cette évolution à une autre qui aurait pris le chemin opposé. Maurice Faure, "modéré" pendant la guerre d'Algérie, très bref garde des sceaux de Mitterrand en 1981, voulait une abolition de la peine de mort "au rabais", en excluant quelques types de criminels. Je rappelle aussi qu'en 1974 comme en 1981, le candidat Mitterrand a été on ne peut plus clair sur cette question: il abolirait la peine de mort et dans le contexte de l'époque, c'était tout sauf électoraliste! (les plus de 60 ans savent ce que je veux dire, quelle que soit leur opinion sur la question)
Qui peut sérieusement dire qu'il est le même, arrivé à l'âge mûr, que quand il était jeune?
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Je fais encore un semi HS, mais c'est pour répondre à la caricature sur la Francisque exposée plus haut.
Lorsqu'elle fut décernée à Mitterrand, il était déjà dans la résistance active qu'il incorpora certes après beaucoup d'autres, mais avant des gens à qui personne ne reprochera cette latence: je citerai (liste non exhaustive) J Chaban Delmas, M Debré, M. Couve de Murville (deux premiers ministres de de Gaulle et l'autre, Pompidou, n'en fit jamais partie), André Malraux, etc. Pourquoi des résistants incontestables comme Chaban, de Bénouville, etc. au delà des oppositions politiques, le soutinrent-ils systématiquement quand on l'attaquait sur ce point, ces "on" ayant très souvent des brevets de résistantialisme assez vaporeux?
Mitterrand, comme tout politique de premier plan, est critiquable (nous sommes en démocratie) et bien qu'ayant voté pour lui deux fois, je ne lui ménage pas mes reproches. Mais justement, ce faisceau de critiques légitimes ne devrait-il pas le dispenser d'autres, parfois infamantes?
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Ensuite je m'insurge contre des "effets littéraires" du genre "le Garde des Sceaux, sans broncher" etc...
D'une part, les auteurs n'étaient pas dans la salle et n'ont pas assisté aux délibérations. Ensuite, aurait-il fallu que le Ministre fasse le faux cul en se tordant les mains, en couvrant de larmes la feuille qu'il signait? Enfin, il existe des gens que le sens de la dignité pousse à ne pas extérioriser ses émotions - et ça ne veut pas dire qu'ils n'en ont pas.
Adelayde Admin
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Jeu 28 Nov 2013 - 17:03
La décision de gracier un condamné appartient exclusivement au Chef d’État, après avis du garde des sceaux : "Les dossiers sont préparés à la chancellerie, où le garde des Sceaux donne un avis de poids."
Mitterrand, en sa qualité de garde des sceaux, s'est prononcé 8 huit fois seulement pour la grâce, pas mal pour un abolitionniste ! : "René Coty a rejeté 45 fois la grâce, pour laquelle Mitterrand s'est prononcé 8 fois seulement."
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benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Jeu 28 Nov 2013 - 17:29
Adelayde a écrit:
La décision de gracier un condamné appartient exclusivement au Chef d’État, après avis du garde des sceaux : "Les dossiers sont préparés à la chancellerie, où le garde des Sceaux donne un avis de poids."
Mitterrand, en sa qualité de garde des sceaux, s'est prononcé 8 huit fois seulement pour la grâce, pas mal pour un abolitionniste ! : "René Coty a rejeté 45 fois la grâce, pour laquelle Mitterrand s'est prononcé 8 fois seulement."
Je répète: 1954 n'était pas 1977 (ne voyez pas dans cette remarque une défense: je pense qu'il fallait gracier encore que la question peut se poser! La grâce est un droit régalien, doit-elle être systématique quand une loi républicaine prévoit la peine de mort?)
la IVe République n'était pas la Ve.
Un homme n'est pas, à 39 ans, ce qu'il est à 59 et devenant abolitionniste, il ne gagnait certainement pas au change, électoralement parlant.
Je remarque aussi que les sympathisants de la cause FLN (si j'avais été en âge, avec la mentalité que j'ai de nos jours, j'en aurais fait partie) se sont, et s'indignent toujours des rejets de grâce pour les condamnés FLN. A ma connaissance, pour le condamné de l'OAS exécuté - Bastien Thiry, je ne sais s'il y en eut d'autres - ils ne s'indignent pas, or un abolitionniste l'est de manière universelle! Surtout que Thiry tenta de tuer, mais il échoua...
Adelayde Admin
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 14:25
benjamin a écrit:
Je répète: 1954 n'était pas 1977 (ne voyez pas dans cette remarque une défense: je pense qu'il fallait gracier encore que la question peut se poser! La grâce est un droit régalien, doit-elle être systématique quand une loi républicaine prévoit la peine de mort?) la IVe République n'était pas la Ve. Un homme n'est pas, à 39 ans, ce qu'il est à 59 et devenant abolitionniste, il ne gagnait certainement pas au change, électoralement parlant. Je remarque aussi que les sympathisants de la cause FLN (si j'avais été en âge, avec la mentalité que j'ai de nos jours, j'en aurais fait partie) se sont, et s'indignent toujours des rejets de grâce pour les condamnés FLN. A ma connaissance, pour le condamné de l'OAS exécuté - Bastien Thiry, je ne sais s'il y en eut d'autres - ils ne s'indignent pas, or un abolitionniste l'est de manière universelle! Surtout que Thiry tenta de tuer, mais il échoua...
« 1954 c'est pas 1977, la grâce est un droit régalien, la IVème République c'est pas la Vème, 39 ans c’est pas 59 ans, l’OAS c’est pas le FLN, de Gaulle (1), c’est pas Mitterrand (2) etc ».
Autant d'évidences qui n’auront échappé à personne et qu’il est inutile de marteler, benjamin puisqu'elles ne justifient aucunement les positions à géométrie variable de Mitterrand vis-à-vis de la peine de mort : ainsi que vous l’affirmez si justement vous-même : « un abolitionniste l'est de manière universelle ». C’est également mon avis.
(1) non abolitionniste, (2) ???
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benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 15:29
Pour moi la géométrie variable, c'est quand on va et vient, selon les circonstances. Ce n'est pas une évolution linéaire dans un sens ou dans un autre. Mitterrand eut été abolitionniste en 1950, partisan de la peine de mort en 1955, abolitionniste en 1965, etc que j'irais plus loin que vous: je ne parlerais pas de géométrie variable (terme aéronautique) mais j'évoquerais une girouette. Il y a plus que des nuances entre les zig zag et le vecteur linéaire.
Pour la peine de mort, existant dans le cadre d'une loi républicaine et prononcée après un jugement régulier, je voulais soulever un point de morale. Le détenteur du droit de grâce qui serait abolitionniste doit-il gracier systématiquement, ou peut-il se dire que sa position individuelle ne doit pas interférer avec ce qui est encore la volonté populaire? On a souvent écrit qu'au fond de lui, Pompidou était abolitionniste, mais que s'il ne proposa pas la mesure c'est d'une part parce qu'il n'aurait pas eu de majorité, d'autre part parce qu'il ne voulait pas "bousculer la société mais la faire avancer à son rythme" (il gracia énormément mais laissa condamner quelques criminels odieux) Fallières aussi, abolitionniste inconditionnel, a écouté la vox populi à la fin de son mandat.
Ne peut-on pas imaginer - je généralise, je sors du personnage qui nous préoccupe - qu'un abolitionniste jouera de toute son influence pour supprimer la peine de mort par la loi, mais que dans l'attente, considérant qu'elle fait partie de l'arsenal de la répression républicaine, il doit parfois laisser la justice suivre son cours?
Je précise que posant la question, je n'ai pas la réponse.
Dernière édition par benjamin le Ven 29 Nov 2013 - 16:54, édité 1 fois
Adelayde Admin
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 16:12
benjamin a écrit:
Mitterrand eut été abolitionniste en 1950, partisan de la peine de mort en 1955, abolitionniste en 1965, etc que j'irais plus loin que vous: je ne parlerais pas de géométrie variable (terme aéronautique) mais j'évoquerais une girouette. Il y a plus que des nuances entre les zig zag et le vecteur linéaire.
Avis partagé, benjamin, le mot "girouette" est vraiment celui qui convient.
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tof1 Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 16:16
Adelayde a écrit:
benjamin a écrit:
Mitterrand eut été abolitionniste en 1950, partisan de la peine de mort en 1955, abolitionniste en 1965, etc que j'irais plus loin que vous: je ne parlerais pas de géométrie variable (terme aéronautique) mais j'évoquerais une girouette. Il y a plus que des nuances entre les zig zag et le vecteur linéaire.
Avis partagé, benjamin, le mot "girouette" est vraiment celui qui convient.
Je dirais plus opportuniste de par "son passé trouble"(voir 2eme GM...)
benjamin Exécuteur régional
Nombre de messages : 370 Age : 73 Localisation : meaux / Belém (Brésil) Emploi : libre comme l'air! Date d'inscription : 03/01/2010
Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 16:21
Non, je crois que nous ne sommes pas d'accord.
Un non abolitionniste qui devient abolitionniste (et qui s'en tient là!)
(ou bien le parcours inverse) est un homme qui évolue. Bien ou mal selon des avis forcément subjectifs.
La girouette tourne au gré du vent, abolitionniste ou non, selon les circonstances et... l'opinion
Notez que ça vaut pour toutes les considérations politiques: les europhiles devenus europhobes avant de replonger europhiles, les partisans acharnés des nationalisations qui évoluent une fois, considérant que c'est dépassé ou qui changent dix fois de position sur la question (girouettes) etc.
Pour moi les Néocons américains qui sont partis de la "gauche" de ce pays pour rejoindre Reagan ont évolué (selon moi mal, mais ce ne sont pas des girouettes) S'il y en a eu (je ne crois pas) qui après cela seraient repassés chez les démocrates et tombés sous le charme d'Obama et de medicare, je dirais que ce sont des girouettes
benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 16:29
tof1, Mitterrand est sans nul doute l'homme de la Ve qui a suscité le plus de passions.
Je ne suis pas sûr, mais alors pas du tout, qu'il fut le seul à avoir un "passé trouble" ni que ce fut le pire et je n'interviens en ce sens sur ce forum que pour répondre et pas développer car ce n'est pas ce qui nous préoccupe ici.
Les deux auteurs qui ont le mieux cerné le personnage, ses grandeurs et ses faiblesses sont Lacouture et Péan, les travaux de ce dernier, à sa grande indignation (j'en ai parlé avec lui, personnellement!) ayant été soigneusement caviardés pour ne montrer que la part d'ombre, le critiquable, en occultant les aspects positifs. Quand on lit attentivement "une jeunesse française", on voit un personnage entré incontestablement dans la Résistance pas dans les premiers mais pas en août 44 (comme Sartre) qui prit des risques énormes, à coup sûr antigaulliste - mais il n'était pas le seul dans la Résistance à avoir des préventions (pas toujours justifiées mais c'est l'avenir qui l'a dit) envers le Général
tof1 Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 16:51
Je suis d'accord avec vous que d'autres personnages(et la liste est longue!!) de cette époque ont autant un passé trouble que lui mais comme on parlait de lui...
Il va falloir que j'emprunte le livre de Péan à ma médiathèque tiens....
benjamin Exécuteur régional
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Sujet: Re: Algérie : le retour de la guillotine ! Les guillotinés de Mitterrand Ven 29 Nov 2013 - 17:04
Il faut aussi situer le milieu de départ: catho tradi barrèsien. Moyen/grand bourgeois.
Cela ne poussait pas "sociologiquement" à être de gauche...
Adelayde Admin
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Sujet: François Mitterrand un guillotineur en Algérie Sam 18 Jan 2014 - 17:06
François Mitterrand, un guillotineur en Algérie
Le Point : Face au problème algérien, François Mitterrand est-il un humaniste, un pragmatique ou un arriviste ? François Malye : Les trois. Quand l'insurrection algérienne éclate à partir du 1er novembre 1954, il est plutôt pragmatique. En tant que ministre de l'Intérieur, il tente d'écraser la rébellion et de rétablir l'ordre. Mais il se montre également un humaniste. La torture le heurte. En 1955, il a l'intention de réformer la police en Algérie afin de la rendre plus respectueuse des populations musulmanes. Son projet consiste à muter en métropole les éléments les plus durs de la police locale et à nommer en Algérie des policiers de la métropole, plus vertueux. Un projet qui n'aboutira pas, car le gouvernement Mendès-France, dont il est membre, tombe le 5 février 1955 après huit mois d'exercice du pouvoir.
Comment va-t-il en arriver à faire couper des têtes ? Le virage est pris lorsqu'il devient ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, le 2 janvier 1956. Le président du Conseil revient d'Alger où il a été conspué. Cette fois, il est bien décidé à écraser le FLN. La politique va se durcir. Garde des Sceaux, Mitterrand est alors le numéro trois du gouvernement. Au rythme où ceux-ci tombent, c'est bientôt son tour de diriger les affaires du pays, se dit-il. Mais pour rester dans la course, il ne faut pas faire partie des "mous". Il va alors se déclarer favorable, dans la grande majorité des cas, à l'exécution des condamnés à mort qui attendent dans les geôles d'Algérie, contrairement à ses compagnons Pierre Mendès France, Alain Savary ou Gaston Defferre. Le seul autre à approuver les exécutions est Maurice Bourgès-Maunoury, ministre des Armées, en compétition avec Mitterrand pour le poste de président du Conseil.
Au bout du compte, combien de demandes de grâce a-t-il refusées ? On compte 45 guillotinés tandis qu'il occupe les fonctions de garde des Sceaux. Il refusera trente-deux demandes de grâce, en acceptera huit. Cinq avis ne sont pas connus. Retenons que dans 80 % des cas connus, François Mitterrand a refusé la grâce. Contrairement à ce qu'on a pu croire, ces premiers condamnés à mort exécutés de la guerre d'Algérie ne sont pas des poseurs de bombe. Ils ont participé à l'insurrection, mais souvent sans commettre de meurtre. L'un des deux premiers auxquels on a coupé la tête, Abdelkader Ferradj, était un musulman qui avait tenté de mettre le feu à une meule de foin ! Ce n'est qu'après Mitterrand que les poseurs de bombe du FLN d'Alger seront capturés. Avant, les prisonniers sont juste de pauvres types qui n'ont pas fait grand-chose...
Sur le fond, il désapprouve la situation en Algérie. Mendès France et Alain Savary démissionnent, pas lui. Pourquoi ? Jean Daniel le dit très bien dans le documentaire. Très vite, la tutelle morale de Mendès France lui a paru insupportable. Ce Mendès à la conscience pure n'est plus un exemple pour Mitterrand. Mendès France démissionnera en 1956 quand il comprendra que Guy Mollet n'utilise les pouvoirs spéciaux que contre les musulmans et pas contre les Européens d'Algérie. Mitterrand en est soulagé. Mendès France ne reviendra plus jamais au premier plan de la politique. Au fond, Mitterrand s'est arrimé à lui le temps qu'il fallait... S'il approuve la politique de répression, c'est qu'il croit que la guerre peut être gagnée très vite. C'est loin d'être un visionnaire.
Pourquoi cette partie de sa biographie a-t-elle été si longtemps enfouie ? Franz-Olivier Giesbert, Jean Lacouture ou Catherine Nay ont évoqué ce passé dans leurs écrits. S'il a été occulté dans les années 1970, c'est que tout le monde au PS et au PC avait un intérêt à l'oublier. Les communistes, eux aussi, avaient voté les pouvoirs spéciaux. Mitterrand est le champion dont on espère qu'il fera revenir la gauche au pouvoir. En outre, il a passé un deal avec les pieds-noirs dans un discours célèbre prononcé à Avignon pendant la campagne de 1981. Ne l'oublions pas, c'est lui qui, une fois élu, réintégrera, en 1982, le général Salan dans tous ses droits. Cela déchirera la gauche, et c'est d'ailleurs à cette occasion que l'article 49-3 sera utilisé pour la première fois. Quant à la droite, elle ne juge pas si mal l'action de Mitterrand en Algérie. Donc, finalement, tout le monde s'est tu, et tout le monde est tombé d'accord pour oublier. L'Algérie, c'était sale. À l'époque, il n'y avait guère que la presse d'extrême droite pour remuer ce passé, mais sans le crédit de la presse traditionnelle.
Pourquoi ce souvenir remonte-t-il à la surface aujourd'hui ? Les confessions du général Paul Aussaresses en 2001 sur la torture en Algérie ont brusquement fait resurgir ce passé. Le premier article sur les guillotinés de Mitterrand est publié dans Le Point, en 2001. Ensuite, avec Benjamin Stora, nous avons fait le constat, en 2008, que très peu de choses avaient été écrites sur les guillotinés de l'époque. Il fallait remonter aux sources, les archives. Elles sont très difficiles d'accès concernant cette période. Nous avons d'ailleurs trouvé très peu de choses sur le fonctionnement même du ministère de la Justice de 1956 à 1957.
Y aurait-il eu des destructions volontaires ? C'est difficile à dire... En tout cas, l'Algérie demeure un passé non digéré. Cette histoire demeure l'otage de différents lobbys. On n'a pas fini le travail d'apaisement. C'est pourquoi il faut la raconter en évitant de juger, mais en tentant de serrer la vérité au plus près.
*François Mitterrand et la guerre d'Algérie cosigné par Benjamin Stora et François Malye, avec Frédéric Brunnquell à la réalisation.