A la suite du putsch d'Alger le commandant de St Marc connut la prison. Il était d'ailleurs passible de la peine de mort.
Cette description, je pense, doit signifier quelque chose pour notre ami michel-j:
" Une heure, un jour, j’ai tout perdu. Je me suis retrouvé seul dans une cellule. J’ai compris alors la vanité de bien des choses et l’hypocrisie de bien des hommes.
J’ai vécu les premiers mois de détention en référence constante aux camps de concentration. Ce souvenir me donnait de la force. Vingt ans plus tôt, j’avais tenu le coup. Pourquoi lâcher prise ? Le désarroi m’envahissait en pensant à ma femme, si jeune encore. Tout juste vingt-cinq ans et deux petites filles qui parlaient à peine. Dans la tempête, il est plus facile d’être seul. Quand on y entraîne les siens, les choses deviennent obscures.
Aujourd’hui encore, des souvenirs de coursive, de fenêtres ouvertes sur le béton, de nuits d’angoisse, d’ennui à couper au couteau, remontent parfois à la surface. Ce ne sont pas des images anodines. Le corps se met en berne, lourd et fatigué. Le ciel devient blafard. Je me suis senti soudain comme un prisonnier en cavale, dont l’esprit échafaude mille solutions pour ne pas être renvoyé en cellule.
Aucune solidarité humaine ne pourra jamais empêcher l’enfermement d’attaquer les prisonniers dans ce qu’ils ont de meilleur. Comme la rouille érode le fer, la prison détruit. C’est un pourrissoir moral. L’uniformité des jours m’écrasait. J’étais nourri, chauffé, logé. Je n’avais plus aucune initiative, aucune responsabilité. Chaque heure, chaque minute, il fallait résister à la destruction de soi. Au fil des mois, l’angoisse devint mon ennemie familière : l’impuissance, l’accablement des aubes sans oubli, l’ennui monstrueux que rien ne pouvait combler. L’angoisse montait à intervalles réguliers, comme une marée puissante, bousculant les résolutions, la volonté, le courage. C’était une lutte exténuante qui se déroulait dans un cadre morne, toujours semblable, dont la règle était la régularité oppressante des horaires.
J’ai compris en prison ce que pouvait être la vocation monastique, la contemplation. Certes, le moine choisit sa condition. Mais le monastère et la détention sont des expériences similaires. Dehors, la liberté se dissout parfois dans l’agitation. L’enfermement peut développer une force intérieure qui peut être plus grande que la violence qui nous est faite. C’est ce qui m’a sauvé plusieurs fois dans ma vie.
A ma sortie, en dehors de l’oasis familiale, j’ai connu une sorte de trou noir. Je ne reconnaissais plus ni les lieux, ni les gens, ni les enseignes, ni les voitures. Je me sentais étranger dans un monde étranger. Je n’avais plus de papiers d’identité, plus de carnet de chèques, plus de maison, plus de métier. Pour de longs mois encore, j’étais un citoyen de second rang. On m’invita à Paris quelques jours, et ce fut pire encore. J’avais une sensibilité exacerbée, presque obsessionnelle, vis-à-vis de la vanité, de l’hypocrisie, des tiroirs à double fond de la comédie humaine. On me posait des questions imbéciles sur ma détention. La moindre manifestation maladroite, qu’elle fût de mépris ou de flatterie, réveillait ma colère.
Il s’en est fallu d’un rien pour que je bascule dans une délectation tragique et un puits d’amertume."
vous pouvez voir le lien directement sur son site, ici
Pour info, je viens seulement d'apprendre aujourd'hui qu'à 89 ans il vient d'être fait Grand'Croix de la Légion d'honneur, le 28 novembre 2011.
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Potius mori quam foedari