_________________ "Les humains, pour la plupart, ne se doutent de rien, sans envie ni besoin de savoir, ça leur va comme ça, ils croient avoir de l'emprise sur les choses. - Mh... pourquoi en avoir fait un secret ? Ils peuvent comprendre, ils sont intelligents... - Une personne, sûrement, mais en foule, on est cons, on panique comme une horde d'animaux, et tu le sais."
guillaumet Bourreau de village
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 12 Mai 2019 - 15:07
Bonjour M. LARUE, J’ai lu avec beaucoup de plaisir votre livre consacré à l’exécuteur DESFOURNEAUX ; A ce sujet, j’aimerais apporter quelques précisions concernant l’aide exécuteur Louis ROGIS originaire de Mons en Belgique ainsi que la guillotine de Liège dont vous donnez une photo en page 80. Egalement originaire de Mons, j’ai fait quelques recherches relativement aux exécuteurs belges, recherches que j’ai résumées dans un travail intitulé : » La guillotine et les exécuteurs des arrêts criminels en Belgique (1796-1996). L’exemple des GUILLAUMEZ, messieurs de Mons et de quelques collèges ». A ce sujet, j’ai pu dresser l’arbre généalogique –et ce jusqu’au début du XVIIIe siècle- des principales familles d’exécuteurs belges ayant tenu les postes de Bruges, Gand, Anvers, Liège et Bruxelles (BOUTQUIN HANNOFF HAMEL et accessoirement GUISEN), de familles moins importantes venant de France ayant œuvré à Mons et à Namur (GUILLAUMEZ et GUERET) et accessoirement de la famille ROGIS. Nulle part je n’ai trouvé un quelconque lien entre la famille ROGIS et les autres familles d’exécuteurs. Certains auteurs se sont demandé comment l’absorption de la famille ROGIS par le service de la machine avait été si facile. Jacques DELARUE, dans son livre « Le métier de bourreau » présente une hypothèse qui n’est pas dénuée d’intérêt : Louis ROGIS, beau-frère et 1er aide de DEIBLER avait épousé une certaine Palmire HERMANT. Ce nom de famille est bien connu : c’est celui des exécuteurs de Morhange et de Dieuze, dont les descendants essaimèrent un peu partout et s’allièrent à plusieurs familles importantes. A Maastricht, par exemple, après la mort de l’exécuteur Joseph HAMEL en 1803 c’est un certain Nicolas HERMANN ancien exécuteur de DIEUZE en Moselle qui fut choisi quoique âgé de 58 ans. Vu son âge et son état de santé, reconnaissant lui-même qu’il était incapable de remplir ses fonctions, il dut s’associer avec le nommé Joseph RHEINE, fils de sa sœur Charlotte, lui-même aide de Laurent ROCH, exécuteur du département de la Meurthe à Nancy. Le contrat qu’il établit à cette occasion figure encore aux archives de France.
En ce qui concerne la guillotine de liège dont photo figure en page 80, il s’agit d’une construction locale. En effet, Tobias SCHMITT avait bien soumissionné pour la construction des guillotines destinées aux départements réunis de Belgique mais avait exigé d’être payé en numéraire ce qui vu la situation financière de la France en 1796 lui avait été refusé. Pour plus de facilités la construction des appareils fut confiée à un certain D’HYVER charpentier à Douai dans le département du Nord. (un gros dossier quoique légèrement dépareillé repose à ce sujet aux archives de France sous le n° ref ANBB4 47).Entretemps, pressés d’avoir leurs engins, les différents départements belges construisirent eux-mêmes leurs guillotines ou se fournirent d’appareils déclassés auprès d’autorités françaises. (Bien leur en pris, car les machines construites par D’HYVER étaient proprement inutilisables). La construction d’une guillotine à Liège semble être établie par la correspondance échangée entre le commissaire du Gouvernement dans les quatre nouveaux départements des pays conquis entre Meuse Rhin et entre Rhin et Moselle, et le Commissaire du pouvoir exécutif près le Tribunal Criminel de la ville. Le 2 mars 1798 (12 Ventôse an VI), le premier s’étant adressé au Ministre de la Justice pour lui demander quatre machines à installer dans les villes d’Aix la Chapelle, Mayence, Coblence et Trèves, celui-ci le renvoya au tribunal le plus proche et c’est ainsi qu’il demanda à Liège de faire marché avec un entrepreneur. Liège répondit qu’il serait plus court d’envoyer à Mayence « le charpentier qui a construit celle de ce département ». Selon certains auteurs, Il semble d’autre part que l’administration Centrale du département fit confectionner sa machine à décapiter à l’aide de planches enlevées à l’ancien collège des Jésuites anglais. L’histoire de cette guillotine liégeoise est d’ailleurs savoureuse : après 1830 et l’indépendance belge, il fut tacitement convenu que les exécutions capitales seraient suspendues pour un laps de temps indéterminé, et ce à titre d’expérience. Cependant suite à une recrudescence de la criminalité au cours de l’année 1835, et à une levée de boucliers de la population, on décida de procéder de nouveau aux exécutions capitales. Mais selon une méthode bien belge qui consiste à vouloir contenter tout le monde et en fait ne contentant personne, le gouvernement décida que l’expérience se continuerait dans le ressort de la Cour d’Appel de Liège. On n’exécutera dès lors plus que dans les ressorts des Cours d’Appel de Bruxelles et de Gand, soit donc en Hainaut, Brabant, Anvers, Flandre Occidentale et Orientale. Les malfaiteurs de Liège, Limbourg et Namur tout comme l’exécuteur d’ailleurs pouvaient dès lors dormir sur leurs deux oreilles. Il eut cependant une exception, celle du parricide DORVILLIERS qui avait poussé le bouchon un peu loin en assassinant à Couvin un jour de nouvel an 1845 son père à coups de bûche et en allant jeter son cadavre dans l’eau noire. Il fut exécuté à Namur le 18 avril 1845.
C’est ainsi que après la dernière exécution liégeoise en 1826, la guillotine fut rangée dans les caves du palais de Justice de Liège et ne fut redécouverte que dans le courant des années trente par un substitut du Procureur du Roi G. de FROIDCOURT qui la remonta dans le grenier de sa maison (sa femme a dû être fort satisfaite) puis la confia au musée de la vie Wallonne à Liège où elle est toujours visible. C’est bien une guillotine du premier modèle et la seule originale et complète en Belgique du moins datant de la révolution française. « …par sa hauteur, par son déclic rudimentaire, par la forme de son couperet la machine de Liège se rapproche de celle de Tobias SCHMIDT. C’est incontestablement un des premiers modèles, légèrement perfectionné, exécuté d’après les dessins primitifs. Alors que vers 1800, pour effacer les souvenirs des guillotines de la révolution, on avait peint les bois en gris, la guillotine liégeoise a gardé sa tragique couleur rouge-sang. La machine retrouvée est un des très rares exemplaires encore existant de guillotine révolutionnaire…. (de FROIDCOURT la guillotine liégeoise et les exécuteurs des arrêts criminels).
Enfin une dernière remarque : selon vous Gabriel BERNARD exécuté en 1950 fut le dernier parricide condamné à monter sur l’échafaud pieds nus et la tête voilée de noir en France métropolitaine. M. de HAUTECLOQUE dans son livre sur la parricide Violette Nozière fait mention du nommé René PONS assassin de sa mère exécuté à Bordeaux le 24 juin 1960. Selon lui, ce fut la dernière fois en France que fut appliqué le cérémonial médiéval (pieds nus, tête couverte d’un voile sans bien entendu l’amputation du poing) prévu par le code pénal de 1810.
Bien amicalement
Nemo aime ce message
mitchou34 Bourreau départemental
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 12 Mai 2019 - 18:06
Les différents détails que fournit votre longue intervention s'avèrent très intéressants et dénotent une réelle profondeur dans vos recherches.Il est cependant un point qui,bien qu'il s'agisse d'une information relayée (cf le livre de M.de Hauteclocque), m'a interpellé;il concerne l’exécution du parricide René Pons en 1960.En effet, les bourreaux eux-mêmes ont livré quelques bribes d'information à ce sujet et,à ma connaissance,à aucun moment il n'a été question du rituel réservé au parricide pour ce condamné.....
Nemo Fondateur
Nombre de messages : 2002 Age : 42 Date d'inscription : 27/01/2006
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Lun 13 Mai 2019 - 0:19
Bonsoir Guillaumet, merci de toutes ces précisions.
Ceci dit, je vous confirme bien que René Pons n'a pas été exécuté selon le cérémonial parricide, celui-ci ayant été abrogé par l'ordonnance n°58-1298 du 23 décembre 1958. De fait, il y eut après 1950 sans doute d'autres parricides guillotinés la tête voilée ou les yeux bandés - avec certitude à Sétif, en 1952, peut-être qui sait en Indochine - mais en France métropolitaine, c'est bien Gabriel Bernard qui fut décapité ainsi le dernier.
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guillaumet Bourreau de village
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Lun 13 Mai 2019 - 6:37
grand merci je corrige dans mon travail. bien cordialement
CARNIFEX Monsieur de Paris
Nombre de messages : 1848 Age : 53 Localisation : Angers(Maine et Loire) Emploi : Justice Date d'inscription : 20/02/2006
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Mar 4 Juin 2019 - 19:33
J'ai fini de lire votre livre, Nemo, ce livre que j'attendais depuis si longtemps.
J'ai eu plaisir à retrouver certaines anecdotes distillées parfois au gré du forum.
Je vous félicite très sincèrement: outre votre style qui est toujours aussi agréable à lire, on voit que vous avez effectué des recherches historiques considérables!
C'est un travail de Romain que vous avez fait là! Je suis bien content que vous l'ayez écrit car l'histoire des bourreaux et de leurs "victimes" s'effacera moins facilement ainsi.
C'est donc moi qui vous remercie et non l'inverse.
_________________ Potius mori quam foedari
Nemo aime ce message
Nemo Fondateur
Nombre de messages : 2002 Age : 42 Date d'inscription : 27/01/2006
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Mar 4 Juin 2019 - 20:45
Merci beaucoup Carnifex !
Ah ça, on pourra dire qu'on l'aura tous attendu, ce foutu livre !
Bon, encore une fois, il n'est pas destiné à se vendre à des centaines de milliers d'exemplaires, mais j'en suis quand même fier.
Vous tous, n'hésitez cependant à partager votre appréciation du livre sur des sites genre Babelio ou Amazon, cela peut attirer l'oeil de quelques lecteurs qui n'auraient pas remarqué sa parution !
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pier Monsieur de Paris
Nombre de messages : 642 Age : 42 Localisation : Bretagne Emploi : Commerce Date d'inscription : 27/03/2014
Sujet: Félicitations Dim 10 Mai 2020 - 17:19
Bonsoir Nemo,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous félicite (très tard certes) pour votre livre sur Desfourneaux.
J'ai du le commander chez mon libraire habituel puisqu'il n'était pas disponible immédiatement...
Bref, la photo qui m'a le plus marqué (page 114) est tout à fait glaçant pour moi. On aurait dit des médecins de campagne...
Sujet lourd, lecture facile pour le non initié que je suis...
Amts
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piotr Charles-Henri Sanson
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 4 Avr 2021 - 11:56
itto aime ce message
vivier Bourreau départemental
Nombre de messages : 281 Age : 77 Localisation : fléac 16730 Emploi : retraité Date d'inscription : 16/04/2017
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 4 Avr 2021 - 23:07
Je le considererais toujours comme un collabo de la dernière guerre .
Alecto aime ce message
Filomatic Monsieur de Paris
Nombre de messages : 1118 Age : 64 Localisation : 102 Dijon-Longvic Emploi : Spécialiste Cascadeur. Date d'inscription : 06/07/2012
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 13 Juin 2021 - 3:48
Extrait du journal Détective, numéro 182, 21 avril 1932
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Dauner Exécuteur cantonal
Nombre de messages : 126 Age : 28 Localisation : Nimes Date d'inscription : 30/05/2021
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 20 Juin 2021 - 14:10
Mon petit clin d'œil à Desfourneaux. J'utilise sa photo comme avatar.
smic77230 Monsieur de Paris
Nombre de messages : 1444 Age : 44 Date d'inscription : 04/12/2019
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Dim 20 Juin 2021 - 14:13
Tout à fait Th..., euh Daumer.
Photographie prise lors des obsèques d'Anatole Deibler.
Filomatic Monsieur de Paris
Nombre de messages : 1118 Age : 64 Localisation : 102 Dijon-Longvic Emploi : Spécialiste Cascadeur. Date d'inscription : 06/07/2012
J'ai deux exemples, mais il y en a peut-être d'autres.
Lors de l'exécution de Weidmann, la guillotine échoue ( bascule ), lors de l'exécution du Dr. Petiot , un autre défaut ( déclic )....et l'exécution est retardée.
Jules-Henri Desfouneaux était-il un mauvais bourreau, ou était-ce la faute de ses assistants ?
vivier aime ce message
vivier Bourreau départemental
Nombre de messages : 281 Age : 77 Localisation : fléac 16730 Emploi : retraité Date d'inscription : 16/04/2017
Je ne veux pas me répéter , mais pour moi Défournau , n'avait aucun sentiment , il a guillotiné des résistants , alors que ces collègues ne voulaient pas travailler avec le régime nazi . Maintenant au niveau technique si la machine était mal calée cela revient de sa responsabilité de vérifier le bon fonctionnement de la machine , donc oui c'était un mauvais bourreau .
Nemo Fondateur
Nombre de messages : 2002 Age : 42 Date d'inscription : 27/01/2006
Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Mar 5 Juil 2022 - 16:51
Filomatic a écrit:
J'ai deux exemples, mais il y en a peut-être d'autres.
Lors de l'exécution de Weidmann, la guillotine échoue ( bascule ), lors de l'exécution du Dr. Petiot , un autre défaut ( déclic )....et l'exécution est retardée.
Jules-Henri Desfouneaux était-il un mauvais bourreau, ou était-ce la faute de ses assistants ?
En ce qui concerne Weidmann, je suis intimement convaincu que tout a été fait pour "faire durer" l'exécution et favoriser les prises de vue dans le but d'accélérer la procédure de suppression des exécutions publiques. Desfourneaux n'en était pourtant pas à son coup d'essai... mais le fait de monter la guillotine parallèlement à la façade de la prison est une erreur trop flagrante, au vu de la pente du trottoir. Une fois encore, Deibler n'avait procédé qu'une seule fois à Versailles de la sorte, en février 1913, ce qui avait permis à un reporter du Petit Journal ou du Petit Parisien de tirer un cliché particulièrement réussi de la machine. Il n'avait jamais récidivé. Néanmoins, par souci d'humanité, Desfourneaux a visiblement toujours fait en sorte que les condamnés voient la machine au dernier moment, en la plaçant perpendiculairement à la porte d'entrée du bâtiment pénitentiaire. La chose est mentionnée lors de sa première exécution officielle comme chef, à Rouen, où la machine est montée au même endroit que d'habitude, mais faisant désormais face au mur d'enceinte, ce qui fait que le condamné, en descendant du fourgon, doit faire un quart de tour sur la gauche pour être poussé sur la bascule. Même chose à Marseille, de 1949 à 1950... Cela laisse beaucoup de questions en suspens.
Je n'ai jamais entendu parler du problème de déclic pour Petiot, et n'ai jamais lu de tel avant aujourd'hui; ceci étant, je veux bien l'admettre, d'autant que la rumeur demeure que la machine utilisée pour cette exécution était une guillotine de remplacement, sans doute une vieille machine du XIXe siècle mise jusqu'alors de côté pour dysfonctionnement... D'ailleurs - un peu tardivement certes, puisque postérieurement à la parution du livre - ça m'a donné l'occasion de réfléchir sur le sujet... On a souvent affirmé que la guillotine avait été détruite dans un bombardement. Sachant que les bois de justice étaient conservés à la Santé, et que la prison n'a jamais été victime du moindre tir dévastateur d'obus, la chose semblait peu plausible. Mais on sait que le 3 septembre 1943, le 16e arrondissement a été visé par les tirs alliés dans le but de détruire les usines Renault et Citroën. Les bombardements étant choses aléatoires, le quartier d'Auteuil a été largement touché, dont le bâtiment du 21, rue Le Marois, où Desfourneaux avait tenu pendant près de dix ans son atelier de mécanique automobile... La presse en avait fait mention, disant que c'était là que le bourreau réparait la guillotine. Invention ? Je n'y croyais pas, mais... On sait très bien que la prison de la Santé connaissait durant l'Occupation une surpopulation monstrueuse : en juillet 1944, au lieu du millier de détenus prévus, ils étaient 4634... Un an plus tôt, le chiffre devait être moindre, mais eussent-ils été 3000 que la surpopulation était déjà problématique. Alors ? Avait-on demandé à Desfourneaux, dans le but de pouvoir contenir tous ces détenus en trop, d'emporter les machines dont il avait la garde afin de pouvoir utiliser les locaux d'entrepôt des bois de justice comme cellules supplémentaires ? Et en cas, où aurait donc été rangées les bécanes, sinon dans l'atelier vacant de Desfourneaux, suffisamment vaste pour les accueillir ? C'est assez envisageable, non ? Ce qui reste problématique si on suit cette hypothèse, c'est qu'entre septembre 1943 et avril 1944, onze exécutions ont eu lieu par décapitation en France. On n'avait donc sans doute pas perdu à la fois "La Parisienne" et "Le Bijou", mais seulement l'une des deux - ce qui était déjà handicapant. A moins que les deux "en service" n'aient été détruites alors, et qu'on ait, dès octobre 1943, retrouvé quelque part une guillotine ancienne mise au rebut pour s'en servir dans les derniers mois de l'occupation, et que ce soit celle-ci qu'on ait ensuite rangée pour la remettre en marche avec Petiot en 1946. Cela pourrait là aussi justifier en partie la loi du 30 octobre 1943, puis celle du 22 mai 1944, laissant le soin aux pelotons d'exécution de se charger du supplice des condamnés politiques, puis des condamnés de droit commun... la seule machine disponible, déjà à bout de souffle, ne pouvait servir à une cadence aussi fréquente sans qu'on ne puisse procéder à des réparations dignes de ce nom - et peut-être là encore rendues difficiles par manque de matériel dans la France occupée...
Donc, accuser Desfourneaux de négligence et de mauvais entretien de son instrument de travail me semble assez exagéré.
vivier a écrit:
Je ne veux pas me répéter , mais pour moi Défournau , n'avait aucun sentiment , il a guillotiné des résistants , alors que ces collègues ne voulaient pas travailler avec le régime nazi . Maintenant au niveau technique si la machine était mal calée cela revient de sa responsabilité de vérifier le bon fonctionnement de la machine , donc oui c'était un mauvais bourreau .
Aucun sentiment ? Là aussi, la chose me paraît excessive. Desfourneaux est malgré tout mort alcoolique et dépressif, et je pense que c'était dû non seulement à sa vie privée pleine de malheurs, mais aussi aux reproches qu'il se faisait depuis la Libération... Je pense que l'obéissance "aveugle" du bourreau durant le régime de Vichy a gravement nui à sa santé mentale. Et c'est un peu fort de dire que les aides "ne voulaient pas travailler avec le régime nazi". Si tel avait été le cas, ils auraient démissionné le lendemain de la triple exécution de la Section Spéciale, en août 1941, et pas deux ans plus tard, en novembre 1943, après avoir procédé à une vingtaine d'exécution de résistants... En plus, ils travaillaient officiellement pour l'état Français, et non pour le "régime nazi", c'est-à-dire le Troisième Reich, puisque c'étaient des tribunaux français collaborationnistes qui jugeaient les résistants et les envoyaient à l'échafaud comme de simples criminels de droit commun. Les cours allemandes, elles, qui existaient et siégeaient bel et bien en France durant l'Occupation, faisaient systématiquement usage du peloton d'exécution... Obrecht et les frères Martin ont démissionné en signe de contestation politique, oui, mais aussi et surtout parce qu'ils s'estimaient trop mal payés pour à la fois supplicier des criminels lambda similaires à ceux qu'ils exécutaient déjà sous la IIIe République et en plus, des détenus politiques... Desfourneaux avait, en outre, été informé fin octobre 1943 d'une probable recrudescence de missions politiques... C'était le moment d'agir ou de se taire. S'ils l'avaient fait deux ans plus tôt, on pouvait prendre leur geste pour de l'héroïsme : là, cela relève davantage de l'opportunisme bien placé.
Car les bourreaux ont toujours exercé la même fonction, et ce quel que soit le régime qui les embauchait. Sous une monarchie, une république, un empire, une dictature, ils tuent ceux qu'on les charge de tuer. C'est à ce titre, d'ailleurs, qu'on a considéré en 1944 qu'ils n'avaient pas été des collabos actifs, à la différence des gens qui s'étaient volontairement enrolés dans la Milice ou qui avaient intégré la Gestapo de leur plein gré...
Et si on veut faire un parallèle, il faut se rappeler que, quinze ans plus tard, entre 1958 et 1961, Obrecht a, à son tour, dû décapiter une vingtaine d'hommes condamnés par des tribunaux militaires d'exception... Et qui étaient-ils, ces hommes, sinon des Résistants... mais d'un autre pays : l'Algérie, voulant se libérer d'une occupation française ? Obrecht a-t-il démissionné pour autant, au nom de ses convictions ? Non. Deux de ses aides l'ont fait, par contre, et ce dès la première mission, même si plus pour raisons personnelles - ils travaillaient au sein d'une population algérienne importante et craignaient les représailles. Les résistants étaient considérés, sous Vichy, comme des terroristes et des assassins. Désormais, ce sont des héros morts pour la France. Les membres du FLN et du MNA étaient considérés, sous la IVe et la Ve République, comme des terroristes et des assassins. Désormais, ce sont des héros morts en châhid (martyr) pour l'Algérie. Vous voyez l'équivalence ?
Après, la guillotine est un appareil, et comme tel, sujet à des incidents - André Obrecht a rapporté plusieurs incidents dans ses carnets : amortisseurs à changer, ressorts brisés net lors de la réception du mouton. Fernand Meyssonnier a lui aussi parlé d'autres accidents, demi-lunette cassée par une chute trop hâtive du mouton, pied d'un aide cassé lors du montage...
J'ai manipulé plusieurs fois la vraie guillotine et la guillotine de cinéma. J'ai maintenant conscience de certains détails que nuls autres, à part les bourreaux eux-mêmes, ne peuvent connaître ou même imaginer de façon concrète. Pousser une bascule vide, actionner la chute de la lunette supérieure et celle du massif en prenant son temps, ça n'a rien de comparable avec la situation ultra-rapide qui consiste à pousser le condamné aussi droit que possible sur la bascule en prenant garde qu'il ne se débatte, éviter de le placer trop en avant ou trop en retrait sous le couteau, pousser le corps décapité dans le panier latéral... Au final, une exécution est rarement "parfaite", si on peut employer ce terme. Desfourneaux, en tant que chef, était de fait responsable de tous les problèmes, mais il n'a pas été le seul exécuteur à vivre de telles situations, alors c'est faire son procès un peu trop hâtivement que de le qualifier de "mauvais bourreau". Maladroit, lent, pusillanime, sans doute, et pour son malheur, succédant à un Anatole Deibler réputé pour son self-contrôle et sa rapidité, et succédé par un André Obrecht lui aussi vif et efficace... Il a droit à la place de vilain petit canard de la couvée. C'est en partie pour le réhabiliter un peu que j'ai écrit sa biographie. Vos propos péremptoires me laissent penser que vous n'avez pas été réceptif à mon livre, ou que vous ne l'avez pas lu...
PS : par pitié, Messieurs, relisez-vous avant d'envoyer vos textes. Entre "Desfouneaux" et "Défournau", les ponctuations mises n'importe où...
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Filomatic Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 7 Juil 2022 - 0:23
Citation :
Je n'ai jamais entendu parler du problème de déclic pour Petiot, et n'ai jamais lu de tel avant aujourd'hui
Je l'ai lu plusieurs fois... si ce n'est pas vrai, la traînée est considérable.
Ici d'unes sources anglaises ;
" Petiot was convicted of 26 counts of murder, and sentenced to death. On 25 May 1946, Petiot was beheaded, after a stay of a few days due to a problem in the release mechanism of the guillotine, and buried at Ivry Cemetery "
" He kept his head a bit longer than expected however. A fault with the guillotine earned him a stay of execution, but the reprieve only lasted a matter of days, before the French authorities relieved the mass murderer of the brain behind the whole killing spree."
" His execution was delayed due to problems with the mechanisms of the guillotine."
" He was beheaded for his crimes on 25 May 1946 in La Sante Prison in Paris, France. Due to guillotine release mechanism malfunction which required repairs, he lived a few more days because the execution had to be delayed. "
" Petiot had been scheduled to die on the day his appeal was rejected, but the guillotine malfunctioned that morning and his execution was postponed. At 3:30 a.m. May 25, a portable guillotine was delivered to the prison, assembled and ready to do its grim work by less than an hour later. Summoned from his cell, Petiot refused the traditional glass of rum but accepted a cigarette. He also agreed to meet with the prison chaplain for his wife's sake, telling the minister, "I am not a religious man and my conscience is clean."
Nemo Fondateur
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 7 Juil 2022 - 1:15
Cela donne clairement l'impression d'une rumeur qui enfle, accentuée par le fait que l'information soit donnée dans une autre langue.
On part donc d'une base simple - la guillotine était de toute évidence dans un état moyen, notamment au niveau du déclic, qui a fait que cela a nécessité quelques réparations en urgence la veille de l'exécution - pour en arriver à un incident pendant l'exécution proprement dite... En gros, des gens qui n'ont jamais étudié le sujet correctement continuent à aggraver la réalité et à compliquer la tâche aux futurs historiens...
D'ailleurs, la décision de la Commission des grâces a eu lieu le 23 mai. Je doute qu'un délai de deux jours puisse être considéré comme un délai conséquent.
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Titange Exécuteur cantonal
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 7 Juil 2022 - 3:15
Après ces explications de Nemo il ne reste plus à Filomatic qu'à nous identifier avec exactitude les sources de son bobard !
Filomatic Monsieur de Paris
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 7 Juil 2022 - 23:36
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Ven 8 Juil 2022 - 13:05
De deux choses l'une :
Ou bien le verdict de la Commission des grâces fatal à Marcel Petiot a été rendu le 23 mai 1946 et Jules-Henri Desfourneaux a procédé le 25 après n'avoir mis qu'une journée à réparer sa guillotine défectueuse ou à en obtenir une autre en bon état de fonctionnement, et c'est la version officielle, la plus probable, qui est corroborée sur le site Les Criminels de l'Yonne par un blogueur qui assure que Me Floriot a veillé à ce que son client soit prévenu le 24.
Ou bien alors Desfourneaux, tributaire, sous-entendent ses détracteurs, de ses lenteurs et de sa procrastination habituelles, a pris un long moment, quelques jours, «a few days», avant de pouvoir s'acquitter de la commande qui lui était faite, et c'est la version officieuse des sources anglaises que mentionne Filomatic, de Wikipedia, Criminal Minds Wiki, Execution of the Day, Murderpedia et Axis History Forum, et qui suppose un verdict de la Commission des grâces antérieur au 23.
Bref une embrouille que nos infatigables chercheurs de la famille de Nemo et smic77230, toujours aiguillonnés par leur sens aigu de la vérité, ne sauraient manquer de nous tirer au clair dans un proche avenir en se donnant la peine de revérifier la date précise de la sanction définitive de la Commission des grâces dans les registres touffus du Ministère de la Justice, quasi impénétrables pour les simples profanes.
Nemo Fondateur
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Ven 8 Juil 2022 - 15:55
Je n'ai pas affirmé la date du 23 au hasard. Je m'étais fait un devoir de revérifier dans mes archives les photos ci-joint avant de répondre.
_________________ "Les humains, pour la plupart, ne se doutent de rien, sans envie ni besoin de savoir, ça leur va comme ça, ils croient avoir de l'emprise sur les choses. - Mh... pourquoi en avoir fait un secret ? Ils peuvent comprendre, ils sont intelligents... - Une personne, sûrement, mais en foule, on est cons, on panique comme une horde d'animaux, et tu le sais."
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 25 Aoû 2022 - 0:14
Était-il déjà à la retraite sur cette photo ?
Nemo Fondateur
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Sujet: Re: Jules-Henri Desfourneaux Jeu 25 Aoû 2022 - 3:10
Filomatic a écrit:
Était-il déjà à la retraite sur cette photo ?
Retraité ? De ses fonctions d'exécuteur ? Il ne l'a jamais été. Il n'était pas encore retraité, cependant, de son autre profession. La photo, à ma connaissance, a été prise à l'époque de sa nomination comme chef au printemps 1939. Et il a coursé le reporter jusque dans la rue de la Convention.
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