Adelayde Admin
Nombre de messages : 5716 Localisation : Pays d'Arles Date d'inscription : 02/03/2009
| Sujet: Jean Vodable - Le crime de la rue Basfroi - 1890 Mer 29 Oct 2014 - 17:15 | |
| JEAN VODABLE - LE CRIME DE LA RUE BASFROI Les faits J ean Vodable, 37 ans. Tue et viole la petite Alexandrine Malfillâtre, 12 ans, fille de sa maîtresse Pauline, le 29 novembre 1889 rue Basfroi.
Condamnation : 9 mai 1890 ;
Exécution : 1er juillet 1890 à Paris.
Source - Le site de Sylvain Larue - Nemo :http://guillotine.voila.net/Palmares1871_1977.html -----=-----=-----=----- Le vendredi 9 mai, la cour d'assises condamnait à la peine de mort le nommé Jean Vodable, reconnu coupable de l'assassinat d'une jeune fille de douze ans, nommée Alexandrine Lemée, fille naturelle de la femme Malfilâtre. Le crime avait été commis au domicile de la mère, rue Basfroi, n° 10.
Le vendredi 29 novembre, la femme Malfilâtre, en rentrant chez elle, trouvait dans son logement le nommé Vodable, avec lequel elle avait vécu pendant quatre ans, et dont elle était séparée depuis quelques mois. Le premier soin de la mère est de s'enquérir de son enfant. Vodable dit alors que l'enfant s'est rendue à l'école, et qu'il lui a même donné quinze centimes pour son goûter. Les deux anciens amis passent alors quelques heures ensemble et attendent l'heure de la sortie des classes. Mais la jeune Alexandrine ne rentre pas. La mère, inquiète, se rend a l'école. La jeune fille n'y a pas paru de la soirée. La pauvre mère continue ses recherches. Vodable s'associe a ses explorations. Mais tout est inutile. La police est prévenue. Vodable et sa compagne reviennent au domicile de la rue Basfroi et y passent la nuit.
Le lendemain, Vodable s'esquive de bonne heure, et la femme met un peu d'ordre dans sa chambre, avant de recommencer ses recherches. Quelle n'est pas son horrible stupéfaction, quand elle aperçoit les deux jambes de l'enfant sortant de dessous le matelas sur lequel elle a passé la nuit !.. La malheureuse appelle ses voisins ; on constate que l'enfant a été étranglée. Le médecin, appelé en toute hâte, constate, en outre, qu'elle a subi les derniers outrages. Aussitôt les soupçons se portent sur Vodable ; mais, pendant deux jours, il est impossible de le retrouver.
Le lundi matin, le misérable ayant appris par les journaux qu'on lui imputait, outre l'assassinat, le viol, se livrait lui-même à la justice pour se disculper du second crime. Aussitôt après sa déclaration devant le juge d'instruction, il est écroué à Mazas et mis au secret. Il fait les aveux les plus complets. Il déclare avoir voulu se venger sur la fille de l'abandon de la mère. Pressé de questions, il raconte qu'il s'est rendu rue Basfroi pour savoir par la jeune fille la conduite do la femme Malfilâtre, que l'enfant avait opposé un mutisme absolu à ses questions, et qu'alors, sans préméditation aucune, emporté par la colère, il lui avait serré lé cou, puis, ne sachant que faire du cadavre, il l'avait enfoncé entre les deux matelas, et qu'il avait ainsi attendu l'arrivée de la mère; mais qu'il protestait de toute son énergie contre l'odieuse profanation du corps de l'enfant.
L'instruction a été longue et minutieuse. Ce n'est que le 8 mai que Vodable a paru devant la cour d'assises, et le 9 il était condamné à mort. Vodable est âgé de trente-neuf ans, né a Paris de parents originaires de l'arrondissement d'Issoire (Puy-de-Dôme). Le soir même de sa condamnation, il était transféré au Dépôt des condamnés ; il exprimait un vif désir de me voir. VODABLE APRÈS SA CONDAMNATION Je n'ai pas attendu un appel écrit pour me rendre auprès de Vodable. Il sait à peine écrire son nom. Son accueil est empressé et respectueux. Je provoque aussitôt sa confiance. Notre première entrevue a été courte : c'était un dimanche, je n'ai que le temps de l'engager à assister à la messe, ce qu'il a fait volontiers. Dès lors, mes visites ont eu lieu régulièrement trois fois par semaine. Je lui porte chaque fois un paquet de tabac, dont il fait grand usage. Il est passionné pour le jeu. Je lui fournis des cartes autant qu'il en a besoin. Ces petites attentions de ma part lui étaient fort précieuses ; aussi avons-nous été bientôt les meilleurs amis.
Vodable (Jean) est né a Paris on 1881 ; il a donc trente-neuf ans. Son enfance s'est écoulée chez ses grands-parents, à Apchut, près d'Issoire. Une lettre de M. le curé d'Apchut m'a appris que la famille du condamné jouit de l'estime de tous ceux qui la connaissent. L'enfance do Vodable s'est écoulée dans un milieu calme, parmi les bons paysans d'Auvergne, et rien ne laissait supposer que le jeune Parisien, transplanté au milieu d'eux, dût avoir plus tard une si triste célébrité.
C'est a l'âge de quinze ans que Vodable est revenu a Paris d'une manière définitive. Entre deux voyages, il a fait sa première communion à l'église Sainte-Marguerite ; mais, a part ce grand acte, il ne paraît pas qu'il ait eu aucune habitude religieuse. Son père, qu'il perdit de bonne heure, ne s'occupa nullement de l'éducation chrétienne de son enfant, et sa mère imita cette coupable négligence. Il occupait un emploi de charretier à la Compagnie parisienne du gaz. Il m'a déclaré bien souvent qu'il gagnait largement de quoi vivre : ses journées ne lui rapportaient pas moins de 8 à 10 francs. Mais il contracta bientôt des habitudes d'intempérance qui absorbaient ses ressources. L'inconduite vint bientôt s'ajouter à l'ivrognerie. Il eut plusieurs liaisons de passage avec des femmes de mœurs plus qu'équivoques ; et enfin, en 1888, il se liait d'une façon intime avec la femme Malfilâtre, balayeuse de la ville, dont les antécédents n'étaient que trop connus. Cette union irrégulière dura quatre ans ; souvent des scènes scandaleuses et bruyantes se produisaient dans le faux ménage. Vodable, ivrogne et brutal, rentrait souvent au logis dans un état complet d'ivresse, et se livrait à des actes de sauvagerie sur sa triste compagne en présence de la jeune Alexandrine. Enfin, au commencement de l'année 1889, les deux associés étaient en si mauvaise intelligence, que la femme mit l'homme à la porte de son logis et ne voulut avoir désormais aucun rapport avec lui.
Cette séparation exaspéra Vodable, qui jura de se venger. On sait de quelle horrible façon il tint son serment.
Condamné a mort le 9 mai, il est resté cinquante-trois jours à la Roquette, ne se faisant aucune illusion sur le sort qui l'attendait ; et, tout en acceptant avec reconnaissance l'espoir que je lui donnais parfois d'une commutation de peine, il ne se préparait pas moins à tout événement.
Chaque jour, il voyait sa mère pendant quelques minutes. La pauvre vieille femme ne lui donnait aucun espoir. Elle lui apprit même, malgré la défense qu'on lui avait faite, le rejet du pourvoi en cassation. La Cour suprême avait, en effet, rejeté ce pourvoi le 12 juin. À partir de ce jour, le condamné s'est préparé d'une manière plus complète et plus chrétienne à la mort, qu'il ne semblait pas redouter. Ses nuits étaient calmes, ses journées tranquilles. D'une convenance parfaite envers tous ceux qui l'approchaient, remerciant avec empressement ceux qui lui apportaient sa nourriture ou qui nettoyaient sa cellule ; il était surtout plein de respect pour l'aumônier, dont il acceptait avec joie les visites et dont il accueillit plusieurs fois le ministère sacré et confidentiel.
Le 21, je recevais de lui la lettre dont on verra ci-contre l'original. Lettre de Jean Vodable à l’abbé Faure Le dimanche 22, au moment où je quittais Vodable, il me demanda : — Quand reviendrez-vous me voir, monsieur l'aumônier ? — Mercredi prochain, mon ami, comme d'habitude. — Mercredi ! mais je n'y serai plus. — Pourquoi, donc ? — Parce que j'aurai été exécuté. — Non, mon ami, rien ne prouve qu'une décision soit prise si vite. — Mais alors, nous célébrerons ensemble la fête de Saint Jean, notre patron. — Oui, et j'espère bien que nous célébrerons aussi la Saint-Pierre. Je ne me trompais pas. Mais l'octave de la Saint-Jean ne devait pas finir avant que se produisît le sanglant dénouement.EXÉCUTION DE V0DABLE C'est la dix-septième exécution à laquelle j'ai assisté, dont je donne ici les détails. Les préliminaires sont toujours les mêmes. Il ne se produit de variations que dans l'altitude des condamnés à leurs derniers moments,
M. Carnot n'a pas cru devoir user de son droit de grâce en faveur de Vodable.
Le lundi 30 juin, je recevais l'invitation habituelle ; je devais me rendre le lendemain 1er juillet, à quatre heures et demie du matin, auprès du condamné, pour l'assister dans ses derniers instants.
A deux heures et demie, j'étais sur la place de la Roquette. Peu de monde encore. Mais peu à peu, la foule s'accroît. Vers trois heures et demie, une averse épouvantable tombe ; mais elle est impuissante à décourager les curieux, tous restent à leur poste.
Les fonctionnaires arrivent et je retrouve toutes les figures déjà vues aux exécutions précédentes. Il y a aussi de nouveaux visages, des personnages qui, jusqu'à ce jour, n'avaient pas eu accès dans l'intérieur de la prison. C'est ainsi qu'on s'étonne de voir M. Gervex, peintre ; M. Joseph Reinach, député, avec lequel j'ai une conversation des plus intéressantes sur la peine de mort, et quelques personnes qui pénétrèrent avec nous jusque dans la cellule du condamné.
A quatre heures quinze, nous entrons dans cette cellule. Vodable est réveillé, debout, complètement habillé. Il vient de terminer une partie de cartes et de dire tout haut : « J'ai perdu ! », au moment ou nous entrons. M. le directeur lui annonce que sa dernière heure est arrivée. Il ne sourcille pas. Il échange tranquillement les vêtements de la prison contre les siens, et demande à être seul avec moi... Il se jette à genoux... Trois ou quatre minutes d'entretien intime. Il reçoit le dernier pardon et se relève... Je lui offre un verre de liqueur, qu'il accepte volontiers. Puis il me demande la permission d'allumer une cigarette. — Bien volontiers, mon ami, mais je n’ai plus de tabac à vous offrir. — Il m'en reste encore de celui que vous m'avez donné hier. C'est à vous, monsieur l'aumônier, que je devrai ma dernière cigarette.
Et il la roule tranquillement : un surveillant l’allume au gaz, et nous partons pour la toilette. Là, pas d'incidents. Il demande à boire, à deux reprises. Je lui ôte la cigarette de la bouche et lui présente le gobelet. On se met en marche, le condamné demande comme une grâce que son corps n'aille pas à l'amphithéâtre. On lui répond que sa mère a fait les démarches, nécessaires et que je veillerai à la réalisation de son vœu. On s'achemine vers l'échafaud. À la grande porte, il laisse échapper de ses lèvres la cigarette éteinte, et s'avance avec fermeté. Je lui suggère quelques paroles de repentir et de foi. Il me rend avec effusion l'accolade quo je lui donne devant la guillotine, baise trois fois le crucifix, me demande d'embrasser pour lui sa mère, et se livre sans faiblesse aux exécuteurs...
Les restes sont jetés dans le panier rouge, et nous partons pour Ivry avec l'appareil accoutumé. A cinq heures et quart, nous arrivons au cimetière. Conformément au désir du condamné, la Faculté de médecine n'a pas été avertie du jour de l'exécution, et aucun de ses membres ne se trouve présent pour réclamer le corps du supplicié. Après les dernières prières, l'inhumation a lieu sous mes yeux, dans une fosse creusée aux côtés de celles de Géomay et de Prado.
A cinq heures et donne, j'étais de retour à Saint-Sulpice, plein de reconnaissance pour la fin si ferme et si chrétienne du malheureux Vodable.
Une fois de plus, à la pensée de ce retour si inespéré à des sentiments si repentants, je me sens porté à répéter le cri du prophète : Misericordias Domini in æternum cantabo !
Puis-je taire un épilogue grotesque et à peine croyable de cette exécution ? Le jeudi 3 juillet, la mère du condamné se rend à la prison pour réclamer les effets qui ont appartenu à son fils. On lui apporte un paquet de bardes et une paire de mauvais souliers. Elle examine le tout et s'écrie : — Il n'avait pas d'autres chaussures ? — Non. — Cependant, au moment de son arrestation, il avait une paire de bottines de 18 francs, toutes neuves : que sont-elles devenues ? — Ce sont celles qu'il a emportées quand il est mort. — Comment, cet..., il a emporté ses bottines neuves ! Ces souliers ne suffisaient pas pour aller jusque-là, sur la place ! Et elle se retire furieuse, à cause des bottines perdues. Au pied de l'échafaud - Souvenirs de la Roquette par l’abbé Faure_________________ "L’art est le cordon ombilical qui nous rattache au divin" - Nikolaus Harnoncourt (Note du forum:Adelayde, notre administratrice, est décédée le 1er mars 2018 )
Dernière édition par Adelayde le Mer 29 Oct 2014 - 22:50, édité 1 fois (Raison : Correction d'une faute de frappe) | |
|