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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890

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MessageSujet: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyMer 22 Oct 2014 - 16:49

Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890

Albert "La Sardine" Jeantroux et Henri Ribot, 17 et 21 ans. Tuèrent la Veuve Kuhn, 75 ans, concierge au 86, rue Bonaparte, le 15 juillet 1889, pour voler l'argent de sa rente...qu'elle ne devait toucher que le lendemain.

Condamnation : 8 janvier 1890 ;

Exécution : 8 mars 1890 à Paris.

Source - L’excellent site de Nemo – Sylvain Larue :

http://guillotine.voila.net/Palmares1871_1977.html

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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyMer 22 Oct 2014 - 16:50

ALBERT GENTROUX – HENRI RIBOT - LE CRIME DE LA RUE BONAPARTE

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Les merveilles de l'Exposition universelle de 1889 n'ont pas eu le pouvoir de distraire de leurs utiles occupations les aimables escarpes, si nombreux dans Paris. Il semble même qu'à leur manière, et dans leur genre d'industrie, ils aient voulu édifier les étrangers sur leurs agissements.

Deux mois et demi ne sont pas écoulés depuis l'ouverture des grandes assises de la science et de l'industrie française et étrangère ; et la nouvelle d'un crime se répand dans le public.
Le lundi 15juillet, le lendemain de la fête nationale, une malheureuse femme, âgée de soixante-quinze ans, concierge de la maison portant le numéro 86 de la rue Bonaparte, était assassinée dans sa loge. Le crime avait été commis avec tant de précaution et de célérité, qu'aucun des locataires de la maison n'avait entendu ni les cris de la victime ni les mouvements des assassins. Seule, la domestique de M. Le Guen, sénateur, put affirmer avoir vu sortir de la maison deux jeune gens qui se hâtaient de prendre la fuite. Mais elle ne put donner le signalement exact.
Le meurtre ne tarda pas à être découvert. Un des locataires remarqua que, contrairement à ses habitudes, la dame Kuhn ne s'acquittait pas à l'heure voulue des devoirs de sa charge. On pénétra dans sa loge, et on trouva la pauvre vieille dans une mare de sang ; un mouchoir était serré autour de son cou, et la gorge laissait voir une horrible entaille. La mort a dû être presque instantanée.
Les assassins avaient fouillé tous les meubles, mais n'avaient trouvé qu'une somme insignifiante, au lieu du total des loyers qu'ils espéraient.
On était en effet au jour du terme, et tout laissait croire aux assassins qu'ils feraient une riche capture dans cette maison si bien habitée. Par un hasard providentiel, la concierge n'avait livré aucune quittance de loyer dans la journée.

Ce crime commis en plein jour à sept heures du soir, le 13 juillet, dans un quartier paisible, en face du séminaire Saint-Sulpice, à vingt mètres du poste de la mairie, où de nombreux agents sont en permanence, frappa de stupeur tous les habitants du sixième arrondissement ; et la police se mit aussitôt à la recherche des assassins.

Le même jour, un meurtre avait été commis rue du Château, à Plaisance. On arrêta plusieurs jeunes gens, et il vint d'abord à la pensée que la même bande avait bien pu se rendre coupable du double forfait. C'est ainsi que furent arrêtés les nommés Ribot, Jeantroux et Pillet, avec deux autres associés.
Les trois premiers n'eurent aucune peine à se disculper du crime de la rue du Château, mais l'interrogatoire qu'ils subirent les mit dans l'impossibilité de nier être les auteurs de l'assassinat de la rue Bonaparte ; et, huit jours après leur crime, ils étaient conduits à Mazas. Ils ne tardèrent pas à faire des aveux complets.
L'instruction de cette affaire fut longue et minutieuse, soit à cause du nombre des accusés, soit à cause des soupçons qu'on avait encore sur leur participation à d'autres crimes.

Enfin, le7 janvier 1890, les trois accusés comparurent devant le jury de la Seine. Ou leur avait adjoint un individu convaincu de recel des objets volés. Les débats de cette affaire durèrent deux jours.
Le mercredi 8 janvier, la cour d'assises, présidée par M. Bérard des Glajeux, condamnait :
- Ribot (Henri) à la peine de mort ;
- Jeantroux (Albert) à la peine de mort ;
- Pillet (Henri) à dix ans de réclusion et à vingt ans d'interdiction de séjour.
Le receleur était acquitté.
Ribot avait pour défenseur M° Robert.
Jeantroux était assisté par M° Despias.
Le soir même, les deux condamnés à mort étaient transférés à la Grande-Roquette.

Au pied de l'échafaud - Souvenirs de la Roquette par l’abbé Faure (1/4)

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Dernière édition par Adelayde le Mer 22 Oct 2014 - 16:51, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyMer 22 Oct 2014 - 16:50

RIBOT ET JEANTROUX A LA ROQUETTE
1° Ribot.

Il y a trois semaines, jour pour jour, que Georges Kaps a quitté sa cellule pour aller à la mort, quand Ribot (Henri) vient l'occuper à son tour. Le vendredi 9, je suis désagréablement surpris, quand on m'apprend que le nouvel hôte de cette cellule refuse ma visite. C'est en vain que le gardien-chef veut bien obligeamment l'avertir de ma présence. Il ne reçoit aucune réponse. Plusieurs tentatives de ce genre restent sans résultat. Je me résigne à attendre une demande formelle. Je sais par expérience que, tôt ou tard, il sollicitera ma visite, ne serait-ce que dans un but intéressé.

Le 24 janvier, un jeune prêtre de la maison de M. Roussel, à Auteuil, me priait de vouloir bien procurer à l'un de ses pensionnaires le moyen de voir son frère, Henri Ribot. J'indiquais les formalités à remplir pour obtenir la permission ; et, le lundi suivant, l'autorisation était accordée.
J'espérais un bon résultat de cette visite d'un frère élevé chrétiennement. J'étais sûr d'avance qu'elle aurait une heureuse influence sur l'esprit du condamné.
Mon espérance ne fut pas trompée. Le mardi suivant, je recevais une lettre par laquelle Ribot me priait de lui faire une visite. Il y avait trois semaines que j'attendais cet appel.
Je me rends aussitôt dans la cellule, je laisse le malheureux jeune homme juger si mon abord est assez farouche pour motiver son refus de me voir ; et, après qu'il s'est excusé de son mieux de sa longue abstention, il me dit combien la visite de son jeune frère lui a fait de bien, et me fait promettre à moi-même de le visiter le plus souvent possible.
Depuis lors, nos entretiens sont très cordiaux et très faciles. Tout en ne se faisant aucune illusion sur son sort, il ne désespère pas de son pourvoi en cassation ; il escompte aussi son jeune âge. Il n'a pas encore vingt ans et, enfin, il ne perd pas tout espoir en la clémence de M. le Président Carnot.

Il assiste volontiers à la messe, en alternant chaque dimanche avec son codétenu Jeantroux.
Ribot (Henri) est né à la Chapelle-Fortin, dans l'Eure-et-Loir, et habite Paris depuis l'âge de quatorze ans. Sa mère est morte il y a une dizaine d'années ; son père est employé dans un restaurant du quartier Montparnasse.

Sur la prière du condamné, je suis allé demander au père de venir voir son fils. Il l’a fait plusieurs fois.
Je n'ai eu que très peu de peine à ranimer les sentiments religieux de Ribot. Il s'est montré surtout très docile aux pressantes sollicitations de son frère ; et c'est ainsi qu'il s'est préparé à une bonne confession, qu'il a faite dans les sentiments les plus édifiants, le mercredi des Cendres.
Il a compté néanmoins sur une décision favorable de la Cour de cassation. Son avocat, M° Robert, qui lui a fait plusieurs visites, n'ose plus lui ôter cette suprême espérance.
Le malheureux condamné ne se doute pas que son pourvoi a été rejeté le 30 janvier dernier, et qu'il n'a plus à espérer qu'en la clémence du chef de l'État.

2° Jeantroux

Je n'ai pas eu à attendre longtemps pour visiter le second des condamnés. Le soir même de son arrivée à la prison, Jeantroux (Albert) manifestait le désir de me voir.
J'ai été douloureusement impressionné quand je me suis trouvé en face de cet enfant de dix-sept ans, à la figure fine et douce, à la voix de jeune fille, à la taille élevée et svelte. Je ne pouvais me faire à la pensée que ces mains petites et blanches étaient celles d'un assassin. Et cependant, c’est bien Jeantroux qui a frappé la victime d'une façon si sûre, que, d'un coup de couteau, il a tranché l'artère carotide et provoqué la mort instantanée.
C'est le premier aveu qu'il a fait de lui-même, quand on lui a demandé la part qu'il avait prise au forfait.
Il convient volontiers que Ribot ne voulait pas de sang, et que c'est malgré son complice qu'il a joué du couteau.

L'éducation de Jeantroux a été fort incomplète. Il est né à Troyes le 26 mars 1872. Ses parents, modestes ouvriers, sont venus à Paris en 1873, Ils avaient trois enfants, trois garçons. Le plus jeune est le condamné. Vers l'âge de huit ans, Albert fut placé à l'école des Frères de la paroisse de Vaugirard. A sa onzième année, il suivait les exercices du catéchisme préparatoire à la première communion ; quand, au mois de mars, l'école subit la loi commune de la laïcisation.
Dès lors, plus d'enseignement religieux, plus de catéchisme, plus de première communion possible. Le jeune Jeantroux, abandonné à lui-même, oublia bien vite les notions du bien et du mal que lui avaient données ses premiers maîtres. Il fut placé comme typographe dans une imprimerie et y travailla pendant quelque temps.

Mais bientôt il subit l'influence d'amis dangereux pour sa nature faible et sans énergie ; et si les occasions ne se présenteront pas pour l'entraîner au mal, les bons conseils lui feront complètement défaut pour le guider vers le bien.
Bientôt il fit la connaissance de Ribot et Pillet, ainsi que quelques autres garnements de la même espèce. L'atelier fut abandonné. Il fallut vivre d'expédients. La bande se livra aux jeux de hasard et en tira quelques profits.
Mais les ressources étaient maigres. Il était temps de faire un coup fructueux. C'est alors que Pillet, dont la mère portait les provisions de lait dans le quartier Saint-Sulpice, et qui souvent la suppléait dans ses livraisons, étudia les habitudes de la dame Kuhn et des locataires de la maison. Il fit part de ses observations à ses deux amis, et le jour du terme de juillet fut choisi pour l'attentat.
On sait comment les meurtriers furent déçus dans leurs calculs, et quelle fut l'issue de leur procès.

Au pied de l'échafaud - Souvenirs de la Roquette par l’abbé Faure (2/4)

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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyMer 22 Oct 2014 - 16:52

UNE PREMIÈRE COMMUNION EN CELLULE

Je n'eus qu'à me louer des bonnes dispositions du jeune condamné Jeantroux. C'est avec la soumission la plus respectueuse qu'il a écouté mes exhortations. Depuis son arrivée à la Roquette, il étudie le catéchisme et je suis fort satisfait de la manière dont il comprend.
Quand je lui ai demandé s'il ne voudrait pas faire sa première communion, il m'a répondu que c'était son ardent désir ; et, sur mon conseil, il s'est mis aussi tôt en mesure pour s'y préparer.
Sans désespérer absolument d'avoir la vie sauve, il ne se fait aucune illusion sur le châtiment qu'il a mérité ; et tout porte à croire que, s'il le faut, il subira la mort avec une résignation toute chrétienne.

Contrairement aux bruits qui ont circulé dans le public, chacun des condamnés assume pour lui la responsabilité la plus lourde. Ribot ne cesse de me répéter que c'est lui, le plus âgé, qui a usé de son influence sur Jeantroux pour l'entraîner au crime. Celui-ci, au contraire, disculpe son camarade et prend sur lui tout l'odieux de l'assassinat.

Le pourvoi en cassation est rejeté. Il ne reste plus que peu d'espoir.

Une grande consolation était réservée à Jeantroux dans les derniers jours de sa captivité.
Le 28 février, j'avais une entrevue à son sujet avec Son Éminence le cardinal archevêque. Le charitable prélat, en apprenant que le jeune condamné n'avait pas fait sa première communion, me donnait toutes les permissions nécessaires pour lui faire accomplir ce grand acte du chrétien dans quelque position qu'il fût placé.
De concert avec M. le directeur, il fut convenu que cette importante cérémonie aurait lieu le dimanche suivant, deuxième de carême (2 mars).
Afin d'éviter tout commentaire indiscret ou malveillant, les précautions les plus minutieuses furent prises pour que cette première communion ne fût connue que du condamné. Le gardien-chef seul devait y assister.

J'appris à Jeantroux, le vendredi, le bonheur qui lui était réservé. Il manifesta une grande joie à cette nouvelle, et reçut de nouveau avec beaucoup de piété l'absolution.
Le dimanche 2 mars, j'allai voir mes deux condamnés. C'était au tour de Ribot d'assister à l'office. Je ne changeai rien à l'ordre accoutumé.
Après la messe, revêtu du surplis et de l’étole dissimulés sous mon manteau ; portant sur ma poitrine l'hostie sainte, presque le viatique, accompagné du brigadier seul, je pénètre dans la cellule. Les deux gardiens nous cèdent la place.

Sur une modeste table de sapin, j'étends une petite nappe, un corporal et le saint ciboire. Le luminaire se compose d'une simple bougie, collée sur la table. Et c'est dans de telles conditions que le Dieu de l’Eucharistie vient visiter le condamné !...
J'adresse alors au malheureux agenouillé une courte allocution, telle que mon cœur me la suggère dans ce moment solennel. Je fais lire au pauvre enfant les actes avant la communion. Il récite le Confiteor. Il se frappe la poitrine. Il reçoit son Dieu !!!...

Ses yeux étaient pleins de larmes, son visage rayonnant. Je fais avec lui l'action de grâces. Le grand acte était accompli. Pourquoi tous les détenus n'en ont-ils pas été témoins ?
Mon émotion était profonde. J'ai vu bien souvent l'auguste cérémonie dans toute sa splendeur, dans nos grandes églises. Jamais je n'oublierai cette première communion si pleine de grandeur dans son austère simplicité.
Un enfant de dix-sept ans, faisant sa première communion dans une cellule de condamné à mort, peut-être la veille du jour où le bourreau viendra s'emparer de lui pour lui faire subir sa peine!...
Quand je quittai Jeantroux, je l'embrassai tendrement. Il me dit alors d'une voix douce :
— Maintenant, monsieur l'aumônier, je suis prêt ; quand on voudra.

Le lendemain, je me faisais un devoir d'aller donner à Son Éminence tous les détails de cette inoubliable cérémonie, inconnue jusqu'à ce jour dans la sombre prison.
Le pieux cardinal me chargeait alors de porter sa bénédiction paternelle, avec ses consolations pour le jeune et intéressant condamné.

Au pied de l'échafaud - Souvenirs de la Roquette par l’abbé Faure (3/4)

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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyMer 22 Oct 2014 - 16:53

DOUBLE EXÉCUTION CAPITALE — JEANTROUX ET RIBOT

Il y a six mois que le lugubre spectacle d'une exécution double était donné à Paris (le 17 août 1889), et, pour la quatrième fois, je vais avoir ce spectacle sous mes yeux.

Le jeune âge des assassins de la rue Bonaparte ne doit pas les garantir des sévérités de la loi. M. le Président de la République, ému des crimes multipliés, commis par de jeunes scélérats, impose silence à sa clémence et décide que la justice aura cette fois son inexorable cours.

Le vendredi 7 mars, je venais de faire ma visite habituelle à mes deux condamnés : Ribot me disait que, selon toute apparence, rien ne serait décidé sur leur sort avant trois semaines ; que ce temps était nécessaire pour examiner l'état mental de Jeantroux. On supposait que de nombreux cas de folie s'étaient produits dans sa famille, et que la Cour de cassation ne se prononcerait pas avant cet examen, Ribot ne se doutait pas que, depuis cinq semaines, la Cour suprême avait rejeté le double pourvoi.

Jeantroux, au contraire, tout pénétré de la grande action qu'il avait accomplie le dimanche précédent, ne faisait pas ces calculs, et abandonnait à la Providence de fixer son sort.

Chez le concierge de la prison, au moment où j'allais sortir, je me trouve en face d'un secrétaire du Ministre de la justice. Son air mystérieux me donne un soupçon sur la mission qu'il venait remplir. Il me fait un signe, et nous rentrons dans la première cour. Je lui dis alors :
— Il y a du nouveau ?
— Oui.
— C'est pour demain ?
— Oui.
— Pour les doux ?
— Oui.
J'étais fixé ; et, en effet, en rentrant à mon domicile, je trouve deux lettres de M. le procureur général : une était pour moi, l'autre pour le prêtre qui devait me prêter son concours. Je devais assister Jeantroux. M. l'abbé Valadier, nouvel aumônier de la Petite-Roquette, était chargé de Ribot.

Je prends aussitôt les dispositions nécessaires, et le lendemain matin, à quatre heures, la voiture légendaire nous transporte à la place des exécutions.
La foule est encore peu considérable. Il semble qu'on commence à se blaser sur ce spectacle si souvent reproduit depuis deux ans. Peu à peu, cependant, les curieux arrivent.
Les fantassins et les cavaliers de la garde de Paris sont à leur poste, renforcés d'un détachement de gendarmes à cheval et de deux cents agents de police. Le public est maintenu à une distance d'environ cent mètres du lieu du supplice. Il ne verra rien, dit un auteur célèbre ; mais il verra ceux qui peuvent voir quelque chose du drame annoncé.

L'arrivée de la voiture des prêtres excite toujours le même sentiment de curiosité. On s'approche, on regarde dans l'intérieur : il y a deux prêtres, donc il y aura deux suppliciés.
Il reste une heure et demie à attendre avant le réveil. La température est très douce, on ne grelotte pas comme à l'exécution dernière ; on regarde avec attention le travail des aides dressant la funèbre machine. Bientôt M. Deibler vient donner le coup d'œil du maître. Il essaie à plusieurs reprises le fonctionnement du couperet. Tout va bien. Il entre dans la prison pour prendre possession des condamnés.

Les fonctionnaires autorisés sont tous réunis au greffe à six heures dix. M. le directeur, suivi des deux aumôniers, pénètre dans la cellule de Jeantroux.
Le malheureux dort profondément, comme on dort à son âge. Un surveillant le touche à l'épaule ; et à la recommandation paternelle et très émue de M. le directeur d'appeler à lui tout son courage, il répond tranquillement : « Du courage ! monsieur, j'en aurai. » Il passe son pantalon et ses bottines ; et, sur sa demande, on me laisse seul avec lui.
Notre entrevue dure cinq minutes. Je n'ai qu'à lui rappeler la grande action du dimanche précédent et à lui donner une dernière absolution. Il prend le cordial que je lui présente, et nous sortons de la cellule.
Il aperçoit la porte de Ribot entr’ouverte, et devine aussitôt la vérité.

Deux salles ont été préparées pour la double toilette. La plus rapprochée de la porte est destinée à Jeantroux. Les exécuteurs l'y attendent et lui font aussitôt subir les ligatures ordinaires, sans que le patient manifeste aucune opposition.
Quand on a coupé largement sa chemise, j'attache moi-même les extrémités. Je noue autour de son cou les manches du vêtement jeté sur ses épaules. Pour la seconde fois, on nous laisse seuls. Le condamné me manifeste aussitôt le désir de voir son complice, de l'embrasser et de lui dire adieu ! ... mais c'est impossible ! ...
Je lui promets de remplir ses intentions, Il me recommande de dire adieu a son père, à sa mère : je le lui promets encore. Il appuie un instant sa tête sur ma poitrine, pendant que je lui suggère quelques bonnes pensées. Il prend encore une gorgée de liqueur, et se met en marche. Je le soutiens à gauche ; il marche d'un pas assuré.

La grande porte s'ouvre. Il voit tout d'un regard ; il ne sourcille ni à l'aspect de la foule ni à celui de l'instrument de mort.
Je l'embrasse de toute mon âme. Il me rend mon baiser avec effusion. Il colle ardemment ses lèvres sur le crucifix :
— Adieu à ma mère ! Adieu à Ribot !...
Les aides l'ont saisi, et, avec la rapidité de la foudre, le corps et la tête roulent dans le panier.
La guillotine sanglante est lavée à grande eau.
On essuie le couperet ruisselant de sang ; on le remonte ; tout est prêt pour une seconde immolation. Je reste sur la place et j'attends l'autre cortège.

Ribot a été réveillé comme son compagnon d'infortune. Il a d'abord manifesté le désir de me voir, mais il a vite compris la raison de mon absence et a accepté le ministère de mon confrère, M. Valadier.

Arrivé à l'avant-greffe, après une courte confession, il demande à voir Jeantroux. On lui répond, comme à l'autre, que c'est impossible.
Quel spectacle eussent offert ces deux enfants se disant un éternel adieu en face de la mort, en se donnant le baiser de paix !...
Ribot est vivement contrarié du refus qu'on lui oppose, mais il n'insiste pas ; il écoute avec respect les exhortations du prêtre et attend le signal du départ.

Cinq minutes après l'exécution de Jeantroux, la grande porte s'ouvre de nouveau, et Ribot apparaît au bras de l'aumônier. Un rictus semble contracter sa bouche, mais il marche avec assurance et sans faiblesse, M. Valadier l'embrasse, lui présente la croix, que le malheureux baise avec respect. Aussitôt je m'approche :
— Ah ! monsieur l'aumônier, laissez-moi vous remercier pour toutes vos bontés !
— Mon pauvre ami, je vous donne le dernier baiser de votre ami Jeantroux,
— Merci !...
L'infortuné est saisi, et deux secondes ne sont pas écoulées, qu'il va rejoindre son complice dans le fatal panier.

La foule, vivement impressionnée par ce terrible spectacle, semble surtout fort émue par L’attitude si ferme et si résignée de ces deux malheureux enfants.
Je monte rapidement en voiture avec mon excellent confrère, et le convoi funèbre, avec l'escorte des gendarmes, se dirige vers le cimetière d'Ivry.

Les deux corps sont extraits du panier rouge et placés dans les cercueils. Mais on a recours à moi pour reconnaître les deux têtes. Personne de l'assistance ne peut donner un renseignement certain. Je désigne celle de Jeantroux, puis celle de Ribot, ainsi que leurs troncs respectifs.
Je récite avec M. Valadier les prières de l'inhumation. J'avertis MM. les membres de la Faculté de médecine qu'il n'a été formulé aucune réclamation des cadavres. Je profite même de cette occasion pour décliner toute responsabilité, quand la science est privée des sujets utiles à ses expériences. Je proteste contre l'assertion d'un journaliste, qui prétend que c'est à l'instigation de l'aumônier que certains condamnés réclament l'inhumation immédiate. MM. les membres de la Faculté répondent courtoisement qu'ils savent très bien que je ne suis que l’interprète des mourants, et qu'ils approuvent entièrement ma conduite.
M. Valadier et moi nous remontons en voiture, pour aller dans nos églises respectives prier pour nos intéressants condamnés.

Est-il inutile de raconter un épilogue écœurant de l'exécution de Ribot ? Pour obéir ponctuellement à ses volontés suprêmes, M. l'abbé Valadier se rend le jour même auprès du père de Ribot ; et voici l'entretien :
— Vous êtes monsieur Ribot ?
— Oui, monsieur.
— Vous avez deux fils, où sont-ils ?
— L'un est à Auteuil, l'autre a eu des malheurs. Il est à la Grande-Roquette.
— C'est de sa part que je viens vous voir.
— Vous le connaissez donc ? Vous n'êtes pas l'aumônier de la Roquette, vous ; je le connais moi : il est venu me voir ici et je l'ai vu en allant visiter mon fils.
— Une circonstance a voulu que je le voie ce matin.
— Ce matin ! est-ce donc vrai ce qu'on me disait à l'instant, qu'on les a expédiés tous les deux ce matin ?
— Mon ami, si vous voulez dire par là que votre enfant a payé ce matin sa dette à la justice humaine, c'est vrai.
— Alors, c'est une affaire réglée, on n'en parlera plus. Il n'était cependant pas méchant, il n'aurait pas fait de mal à une mouche ! Mais s'est-il bien tenu, est-il mort avec courage ?
— Il a fait une mort aussi courageuse que chrétienne.
— Et bien ! tant mieux. C'est égal, il a dû faire une drôle de tête quand vous êtes allé le chercher !»
Et ce digne père reprend tranquillement ses occupations !... Quelle éducation cet homme avait-il pu donner à son enfant ? Et faut-il s'étonner du résultat obtenu ?
A l'heure où se faisaient les préparatifs de l'exécution, un jeune détenu de quatorze ans se suicidait à la Petite-Roquette en se pendant à la porte de sa cellule.
Il se nommait Louis Marchandon. Tous les journaux, trompés par le nom, annonçaient que c'était le frère de l'assassin de Mme Cornet, exécuté le 10août 1885.
Je fus invité, le lendemain, à dire les dernières prières au moment du départ du convoi ; et en voyant la famille du défunt, je m'assurai qu'elle n'avait de commun que le nom avec celle du condamné Charles Marchandon.

Au pied de l'échafaud - Souvenirs de la Roquette par l’abbé Faure (4/4)

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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyJeu 23 Oct 2014 - 23:31

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MessageSujet: Re: Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890   Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 EmptyVen 24 Oct 2014 - 11:48

De très belles photos, Boisdejustice ! Albert Gentroux et Henri Ribot - Le crime de la rue Bonaparte - 1890 348277

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