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Forum consacré à l'étude historique et culturelle de la guillotine et des sujets connexes
 
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 François d'Hablanville, Marguerite Houard, et Marguerite Drouin - 1820

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MessageSujet: François d'Hablanville, Marguerite Houard, et Marguerite Drouin - 1820   François d'Hablanville, Marguerite Houard, et Marguerite Drouin - 1820 EmptyDim 19 Juil 2015 - 18:38

C'est une vieille histoire appartenant à la ville de Rosières aux Salines, dans le département de la Meurthe et Moselle (54). Ce long texte (j'en suis par avance désolé!) provient d'un livre sur les crimes en Lorraine, je n'ai pas le nom exact (et je l'ai repris d'un site internet sur l'historique du village). Une vieille histoire que mon père relatait souvent: "La guillotine est venu à Rosières !!" et me racontait cette histoire d'empoisonnement. Que la guillotine fût venu par chez nous (ma famille habitait à quelques kilomètres, donc nous connaissons très bien le village) n'était pas un fait banal et cette histoire, a traversé les générations. du fait de mes recherches, de mon intérêt pour la Veuve, ses bourreaux et ses crimes, je vous la propose aujourd'hui (les 3 suppliciés et leur histoire ne se trouve pas sur le forum, ou alors j'ai mal cherché et je m'en excuse!).

C'est donc l'histoire de François d'Hablanville, Marguerite Houard, et Marguerite Drouin, tous trois exécutés le 11 Février 1820.
(Le plus ironique dans cette l'histoire, c'est que je n'ai pas appris qui était le bourreau^^)


-------------


Crime et Châtiment à Rosières-aux-Salines en 1819


Les faits

C’est à un véritable roman policier que nous vous convions ici: les éléments relatés ont bien eu lieu, les questions et réponses sont tirées des compte-rendus judiciaires de l'époque...

Le Maire cette année-là, le 21 juillet, écrit au Procureur du Roi, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis pour dénoncer un crime horrible :

« Monsieur, J'ai l'honneur de vous dénoncer un crime affreux qui vient d'être commis en cette ville. Un jeune homme nommé Joseph Drouin, d'environ 30 à 35 ans, marié il y a moins d'un an à la nommée Marguerite Liégey, 24 ans, vient d'expirer, il y a une heure après des convulsions terribles et des vomissements continuels pour avoir mangé hier soir, une soupe qu'on lui a apportée de chez le sieur d'Hablanville."

"Marguerite (née) Liegey, l'épouse, est la fille de la dame Marguerite Houard, laquelle est mariée en secondes noces à François d'Hablainville, propriétaire vigneron très aisé, et qui était brouillé depuis quelques temps avec son gendre, le dit sieur Drouin... C'est donc le gendre qui vient d'être retrouvé empoisonné..."


L’empoisonnement

« Drouin n'a pas eu plus tôt avalé ce funeste manger, qu'il a dit devant plusieurs personnes qu'il était empoisonné. L'intérêt qui dirige toutes les personnes de cette famille, peut être même la mauvaise volonté, a empêché d'appeler hier le médecin stipendié de cette ville, on n'a réclamé son secours que ce matin, mais il n'était plus temps. La rumeur publique accuse hautement de cette mort inopinée le dit d'Hablanville ou sa femme et peut-être bien tous les deux. Je vous supplie donc Monsieur, de bien vouloir vous transporter ici, le plus tôt qu'il vous sera possible avec les personnes de l'art qu'il vous plaira de nommer à l'effet de faire l'ouverture du cadavre de cet infortuné jeune homme, attendu que la température très chaude que nous éprouvons (nous sommes en juillet...) pourrait peut-être rendre cette opération dangereuse, si elle était faite plus tard.      

J'aurais beaucoup d'autres choses à vous dire, tant sur les circonstances de cette mort que sur la moralité du dit d'Hablainville et de sa femme, mais le temps est trop pressant. On aura l'honneur de vous causer de tout cela de vive voix. J'ai cru devoir m'assurer provisoirement de la personne du dit d'Hablanville et de sa femme, et ai établi deux gardiens au cadavre. J'attendrai donc vos ordres ultérieurs ou plutôt votre présence pour agir et j'ai l'honneur d'être avec un très profond respect votre très humble et très obéissant serviteur. »   Signé : le Maire, Dauphin.


Le constat du docteur Florence

« Vers 7 heures du matin, j'ai été accosté dans la rue par madame Vicaire, qui me pria de passer de suite chez M. Joseph Drouin, je le trouvai couché avec sa femme, il me déclara qu'il était un homme perdu, qu'il était empoisonné pour avoir mangé, hier de la soupe provenant de chez ses beaux-parents après en avoir avalé quelques cuillerées, il avait trouvé à cette soupe un goût de sel de nitre; il ajouta, malgré la quantité d'eau qu'il avait bue, qu'il avait éprouvé des coliques et des vomissements qui avaient duré toute la nuit; Joseph Drouin avait la figure toute décomposée, il était dans un état voisin de la mort. Je lui prescrivis sur le champ une potion propre à calmer les douleurs, mais il mourut peu après. »


Le juge d’instruction, M.Henry, arrive très vite

Et commence son enquête... Il fait enlever le drap qui recouvre le corps du mari étendu sur le lit, fait pratiquer aussitôt l'autopsie, constate que le plancher de la chambre a été lavé à grande eau... Les voisins confirment que la femme Drouin a procédé, le matin, à cette opération pour faire disparaître les traces de vomissements de son mari. Enfin il recueille les déclarations des médecins : « Nous présumons que la mort de Joseph Drouin ne peut avoir d'autre cause que l'érosion profonde de l'estomac occasionnée par la substance que nous y avons évaluée, la quantité contenue dans la capacité de ce viscère à 40 grains. »


On interroge une domestique chez les beaux-parents...

Marie Antoine, 26 ans, domestique de culture : « J'ai servi pendant cinq mois chez d'Hablanville, propriétaires à Rosières, j'en suis sortie le 19 juillet, la veille même de la mort de Joseph Drouin, pendant que j'étais à son service, la femme d'Hablanville ne cessait de répéter: "Si seulement mon gendre mourait subitement..., ma fille n'a pas de coeur de rester avec lui; si elle ne revient pas chez nous, elle n'aura pas notre bien, nous le donnerons plutôt à l'hospice. Si on m'annonçait la mort de Drouin, je ferais une bonne tarte en réjouissance". Le mari s'efforçait de la calmer « Tais-toi Guiguitte, ne dis rien, si les gens t'entendaient, qu'est-ce qu'ils diraient ?" » Quatre jours avant le déçès du Sieur Drouin, elle se souvient d'avoir vu quelque chose, sur la table, chez son maître, le Sieur d'Hablanville, un papier blanc plié en quatre: du poison ? Le vendredi 16 juillet à 8 heures du matin, François d'Hablanville était déjà de retour d'un voyage qu'il avait fait à Saint-Nicolas, quelques instants après avoir mangé la soupe, sa femme, lui dit : « François, où avez-vous mis ce que vous avez rapporté de Saint-Nicolas ». Il répondit « Je l'ai mis dans le desservant à la cuisine ». Peu après avoir pris mon chapeau de paille dans ce desservant, je vis sur la seconde tablette un papier blanc plié en carré, ne l'ayant point ouvert, je ne sais ce qu'il contenait. Le 19 juillet d'Hablanville m'a donné mon compte et je suis partie à Manoncourt. »


L’instruction


On interroge l’épouse...

A la question: « Avez-vous l'habitude de rapporter à votre mari du manger de chez vos parents ? »

Elle répond:  « Non, je n'en ai rapporté que deux fois, le 17 et le 19 juillet. »

Question: « Dites-nous les causes de la mort de votre mari et ce que vous avez fait les deux jours précités ? »

Réponse : « Le samedi 17 juillet, j'ai travaillé toute la journée chez mes parents, vers le soir, avant de les quitter, ma mère me donna une écuelle de soupe pour emporter chez nous afin de la manger avec mon mari. Le lendemain qui était un lundi, j'ai également travaillé chez eux toute la journée, le soir ma mère me fit manger de la soupe, et en prépare une dans une écuelle que j'avais déjà utilisée le samedi; cette soupe était pour mon mari, je voulus en manger, mais ma mère me dit, manges-en de la nôtre, laisse celle-là, si tu as encore faim, voilà du pain et du lard. Après avoir pris un verre de vin, je sortis de chez mes parents, emportant cette écuelle remplie de soupe; comme mon mari n'était pas encore rentré à la maison, je mis la soupe devant le feu pour la tenir au chaud. Quand il revint, je lui dis: "voilà de la soupe que nos gens m'ont donné pour vous, quant à moi, j'ai soupé chez eux". Il répondit qu'il aimait autant ne pas manger que de manger seul, il avait déjà avalé une bonne partie de la soupe quand il me fit remarquer qu'elle avait un goût, il prétendit qu'elle ne lui avait été donnée que pour l'empoisonner, et que je n'avais qu'à la goûter pour m'en rendre compte; j'en ai mangé trois à quatre cuillerées et j'ai constaté qu'elle avait un goût comme si on avait utilisé quelques croûtes de pain qui seraient restées dans une poche où il aurait eu du tabac; je déclarai que je ne trouvais pas d'autre goût à cette soupe, à quoi il répliqua que ce n'était pas le goût du tabac, qu'il y en avait un autre bien plus fort; il continua néanmoins à manger toute l'écuelle et, quelques instants après, il but beaucoup d'eau fraîche qui lui occasionna des vomissements pendant toute la nuit; quant à moi, le voyant ainsi vomir, mon coeur s'est soulevé et j'ai rendu en partie mon souper; cependant, vers 10 heures, nous nous sommes mis au lit, et le lendemain, lorsque je me suis éveillée, j'ai remarqué que mon mari était plus malade que la veille, vers 9 heures, il a cessé de vivre. »

Question : « N'avez-vous pas demandé à votre beau-père François d'Hablanville le 16 ou le 17 de ce mois, si vous hériteriez de votre mari au cas où il mourait le premier?

Réponse: « Oui, en effet. »

Question : « Pourquoi avez-vous posé cette question ? »

Réponse : « C'était pour m'assurer si mon contrat de mariage faisait mention de cette clause. »


On interroge la belle-mère...  
 
Question: «  Il est établi que votre gendre a été empoisonné avec une forte dose d'arsenic, dont une partie encore a été trouvée dans les entrailles; lui-même avant sa mort, a déclaré qu'il était empoisonné pour avoir mangé de cette soupe. Qui donc aurait pu mettre le poison dans l'écuelle, si ce n'est vous? »

Réponse : « Ce n'est ni moi, ni mon mari, ni ma fille, il est possible que ce soit un homme étranger à la ville de Rosières, que je ne connais pas et qui est venu chez moi en prétendant que j'avais proféré des injures contre lui, entre autres que j'avais soutenu que si mon mari lui vendait l'herbe de nos près, il ne le paierai pas, il était à cause de cela, indigné contre nous; je l'ai laissé un instant seul à la cuisine pendant que j'allais dans une autre chambre. Peut-être aura-t-il profité de cette courte absence pour mettre dans l'écuelle destinée à mon gendre le poison dont vous parlez. »

Question : «  A quelle heure cet étranger est-il rentré chez vous ? »

Réponse: « Vers 6 heures du soir, je crois et il en est sorti un quart d'heure après en me menaçant que tôt ou tard, je le paierais, il était allé près du feu pour allumer sa pipe. »

Question :  « Avez-vous dit à votre fille ou à votre mari que vous aviez eu la visite de cet étranger ? »

Réponse: « Je l'ai dit à mon mari, mais je ne me rappelle pas l'avoir dit à ma fille. »

Question : « Votre mari a dû dire le nom de cet étranger... »

Réponse : « Il ne le connaît pas plus que moi. »


On interroge le beau-père...

« Votre femme ne vous a-t-elle pas signalé qu'un étranger était venu en votre absence et avait tenu de mauvais propos en raison de ce qu'elle avait dit que s'il achetait l'herbe de vos prés, il ne vous paierait pas...? »

Réponse: « Je n'ai aucune connaissance de cela, et même je n'avais pas l'intention de vendre du foin puisque je voulais acheter une vache. »
 
Question: « Le 16 juillet à votre retour de St-Nicolas, votre femme ne vous a-t-elle pas demandé où vous aviez mis ce que vous avez rapporté ? »  

Réponse: « Je nie le fait, elle ne m'a pas demandé cela. »

Question: « N'avez-vous pas dit : Je l'ai mis sur le desservant à la cuisine . »  

Réponse: « C'est une calomnie, ces propos n'ont pas été tenus. »

Question: « Cependant, Marie-Antoine, qui était alors à votre service assure les avoir entendus. »

Réponse: « C'est faux. »

Question: « Elle ajoute même qu'elle a vu sur une tablette du desservant un papier blanc plié en carré qui contenait quelque chose... »

Réponse: « C'est une méchanceté de la part de cette fille que j'ai renvoyée de chez moi. »

L'interrogatoire prit fin sur ces mots.


La Ruse

Comment les faire avouer ? Ou de l’utilité d’un secrétaire de mairie. Où l'on voit le Maire proposer au juge d'instruction de faire discrètement écouter leurs conversations et demander au secrétaire de mairie de s'en charger...

Le secrétaire de mairie Nicolas Henquel, 23 ans et un négociant M. Jean-Baptiste Florentin, 31 ans, sont conduits dans le grenier de l'ancien four banal, s’allongent à même le sol « sur le plancher simple, à un endroit où il y avait un trou, qui permet d'entendre ce qui se passe en dessous. » On explique aux trois prévenus qu’on a besoin de prison pour y mettre des personnes qu'on vient d’amener. « Vous avez tous trois été interrogés, rien ne s'oppose plus à ce que vous soyez réunis: On va vous mettre dans la maison de l'ancien four banal, en attendant que des gendarmes vous emmènent à Nancy ». La conversation, tenue en patois, nous a été rapportée: La belle-mère dès son arrivée, interpelle sa fille « C'est toi qui nous a vendus », et lui reproche de « s'être découpée dans ses dépositions ». La fille raconte qu'on lui a demandé pourquoi elle avait relavé l'écuelle; « tu devais répondre qu'il n'y avait rien dedans » interrompt la mère; « je n'ai pas pu le dire, puisque mon mari est allé sur la porte avec l'écuelle et la montrer en criant à ceux qui se trouvaient là qu'il venait d'être empoisonné ! ».

En prison, ils se rejettent la faute mutuellement. Ils ne savent pas qu’on les écoute... François d'Hablanville, lui, répète plusieurs fois qu'il était innocent et fort dans l’embarras à cause d’elles.

Ils sont dès lors transférés tous les trois à la prison de Nancy...


Le Témoignage d'une marchande fruitière

Elle a rendu visite aux époux en prison pour leur racheter leur récolte de fruits. Elle raconte la scène entre elle et Madame d’Hablanville: « Mon Dieu, Mme Aubert... Quel malheur ! ».  Je lui répondis « Vous l'avez bien mérité, voilà votre gendre mort, on l'a ouvert pour l'autopsie ». "Quoi, on l'a ouvert ?" questionna-t-elle. « Oui, on a trouvé quatre grains d'arsenic dans l'estomac, il parait qu'il y en avait assez dans la soupe pour empoisonner 25 personnes » déclarai-je. « Oh non, il n'y en avait pas tant » protesta Mme d'Hablanville, je lui ai dit alors « Ah, Mme d'Hablanville, recommandez-vous bien à Dieu, il vous faudra mourir ». « Oui je mourrai d'une façon ou de l'autre » répliqua-t-elle.


Une fouille au corps à la Prison de Nancy

Duchesne, gardien de la maison d'arrêt, signale au juge d'instruction « qu'au cours d'une fouille minutieuse pratiquée le 22 juillet à 9 h du matin, par Mme Barbe Ména sur la femme d'Hablanville amenée de Rosières par les gendarmes, on a saisi dans le corsage de cette personne un petit cornet, enveloppé d'une feuille de papier gris, provenant d'un papier de tabac de cantine. Ce cornet contenait une poudre blanche très fine ressemblant à de l'arsenic, on avait dû arracher ce paquet de force à la femme d'Hablanville qui ne voulait pas s'en dessaisir. »
 
Le juge d'instruction la convoque:

Question: « Est-ce bien celui qui a été trouvé tout à l'heure dans votre corsage ? »

Réponse: »Oui, Monsieur. »    

Question: « Savez-vous ce qu'il contient ? »

Réponse: « Je sais qu'il renferme une poudre blanche dont j'ignore la nature. »

Question: « Où vous êtes-vous procuré ce cornet ? »  

Réponse: « Je l'ai trouvé dans la rue, au moment où l'on me conduisait de la mairie de Rosières à mon domicile pour y prendre des effets pour mon départ à Nancy... »
   
Question: « Pourquoi lorsqu'on l'a saisi tout à l'heure, vous avez fait de la résistance, vous opposant à ce qu'on vous le prit ? »
   
Réponse: « Oh non, je l'ai remis aussitôt qu'on me l'a demandé. »


Le rapport d'expertise

M. Henry Braconnot est chimiste et professeur d'histoire naturelle à Nancy. Pour lui, c’est un empoisonnement par arsenic: « La matière blanche en parcelles grossières recueillie dans l'estomac de Joseph Drouin, et qui formait environ 10 grains a été réduite en poudre. Premièrement: chauffée à une chaleur voisine du rouge dans un tube de verre, elle s'est sublimée sur les parois du tube, sous la forme de petits cristaux brillants comme l'aurait fait l'acide arsenique. Deuxièmement, la matière traitée par l'eau bouillante s'y est dissoute. L'hydrogène sulfuré versé dans cette dissolution y a développé une couleur jaune, et bientôt après, il s'est formé un dépôt de la même couleur qu'on ne pouvait méconnaître pour du sulfure d'arsenic. Troisièmement, la dissolution de la même substance, dans l'eau a été troublée sur le champ par l'eau de chaux et il s'est bientôt rassemblé un dépôt blanc d'arsenic de chaux. Quatrièmement, enfin, la même substance projetée sur des chardons ardents s'est volatilisée en répondant des vapeurs blanches épaisses d'une odeur d'ail fétide, caractéristique de l'arsenic. »

La poudre blanche saisie sur la femme d'Hablanville est également de l’arsenic.


Note sur l'arsenic...

En France, c'est Matéo Orfila, médecin de Napoléon à un moment, qui est le père fondateur de la Toxicologie moderne en 1812 ("Traité sur les poisons", "Leçons de médecine légale", "traité de toxicologie"). C'est lui qui a fait les premières études sur l'arsenic, mais la science était limitée à l'époque: il participe à un procès célèbre (Marie Capelle), où il s'oppose (et se ridiculise face) à un confrère célèbre, Raspail, plus connu pour ses idées républicaines (le boulevard du même nom...), dans une querelle de spécialistes qui est restée célèbre... Bref, il en ressort qu'à l'époque il était fort difficile de prouver de manière absolument certaine un empoisonnement à l'arsenic ! D'où recrudescence des empoisonnements à l'arsenic vers 1830 (Le cas Lafarge...), jusqu'en 1836, année dans laquelle un chimiste d'Edimbourg, James Marsh, trouve enfin la réaction chimique essentielle... Du coup, les empoisonnements à l'arsenic baissent nettement dès 1840 !


Notre procès à Rosières-aux-Salines ayant lieu en 1819, il a du être suivi de près par les savants de l'époque...


Le Jugement

Sauveront-ils leurs têtes ? 50 témoins à charge défilent en cinq jours.

L’épouse sauvera t’elle sa tête ?  Les prévenus continuent de nier mais le 28 août 1819, la chambre des mises en accusations les renvoie devant la Cour d'Assises de la Meurthe pour le mois d’octobre. Qui ne peut se réunir, en raison d’un fait nouveau : l’épouse  accouche le 11 octobre. On repousse donc la date à la fin de l’année: le 17 décembre s’ouvre le procès. 50 témoins à charge défilent en cinq jours.

Le 21 décembre à midi, M. Léopold-François Lefebre de Saint-Germain, chef du jury, donne lecture du verdict: Marguerite Houard, femme d'Hablanville, est déclarée coupable d'avoir donné la mort à Joseph Drouin en mettant de l'arsenic dans une soupe qui lui était destinée. Marguerite Liegey, veuve Drouin, et François d'Hablanville sont déclarés complices du crime pour en avoir facilité l'accomplissement « toutefois, la veuve Drouin n’est condamnée que par sept voix contre cinq, sans doute par pitié pour son enfant, ce qui n’est pas suffisant d’après la Loi  pour une condamnation à la peine capitale. Les magistrats se réunissent en chambre du Conseil, délibèrent sur la question et par quatre voix adoptent l'avis de la majorité du jury: Marguerite Liègey, veuve Drouin, est déclarée coupable de complicité dans le crime par 11 voix contre 5.  Le pouvoir en Cassation formé par les condamnés est rejeté par arrêt du 20 janvier 1820.


L'exécution

Où nous voyons le Maire de Rosières écrire une fois de plus au procureur,Monsieur le baron  de Metz, Procureur général du Roy à Nancy, pour lui demander que l'exécution ait lieu à Rosières même, « comme un crime de cette nature, commis avec sang froid et avec préméditation ne peut rester impuni et comme il n'y a que trop d'immoralité dans cette commune, je vous supplie, qu'en cas de peine effective contre tous les prévenus ou contre quelques-uns d'entre eux, vous voulussiez bien ordonner que le jugement soit mis en exécution dans cette ville de Rosières, où l'attentat a été commis, cela fera une bien plus vive impression sur l'esprit des spectateurs et les pénétrera bien plus fortement de l'horreur du crime et pour obtenir de vous ce que je regarde comme une faveur, à raison du mal que cela peut empêcher, je vous rappellerai ces vers d'un poète célèbre dans l'antiquité et qui viennent à l'appui de ma demande :

Gregis irritant animos demissa per aures qua sunt oculis notata fidelebus*

*à peu près: les décisions destinées aux hommes de lois (notata fidelibus) font impression sur les âmes des foules (irritant animos gregis) moins par les oreilles (demissa per aures) que par les yeux (qua sunt oculis). Peut-être d'Horace?.


La guillotine à Rosières-aux-Salines

Le 11 février 1820, à midi un quart, François d'Hablanville, Marguerite Houard, son épouse et Marguerite Liégey, veuve Drouin sont guillotinés sur la place de de Rosières  :

« Ce jourd'huy, 11 février 1820,Nous François, Gabriel Lecourtois, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, juge de paix du canton de Saint-Nicolas, en exécution de la lettre de M. le procureur général en date du 10 courant portant que nous nous transporterons à Rosières et que nous assisterons à l'exécution de François d'Hablanville, Marguerite Houard et Marguerité Liègey, fille de cette dernière, tous de Rosières, condamnés à la peine capitale. Attestons que, sur les 9 heures du matin de ce jour, étant arrivé à Rosières, accompagné de notre greffier, nous nous sommes rendus chez M. le maire de cette ville, qui nous déclara que d'après, nous devions nous rendre chez M. Launay, que la maison du dit sieur Launay donnant sur la place ou devait se faire l'exécution, il l'avait désignée pour nous y recevoir qu'en conséquence, nous nous y sommes rendus : qu'enfin les coupables étant arrivés sur la place dite de Grève à Rosières à midi un quart, ils y ont subi leur peine sans qu'ils aient manifesté le désir de faire aucune déclaration, ni révélation quelconque. De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal que nous avons signé vers une heure de relevée. »


Le 13 février, le journal de la Meurthe et des Vosges précise :

« A cinq heures du matin, ils sortirent de la prison de Nancy, escortés par la gendarmerie et d'un piquet de dragons, et leur exécution a eu lieu à midi avec beaucoup d'apparat et au milieu d'une affluence prodigieuse de spectateurs. La tête de la fille a roulé la première sous l'échafaud, ensuite celle de la mère, et enfin celle du père. Tous trois ont montré la plus grande résignation et, à chaque coup de fer tranchant de la guillotine, on entendait un sombre frémissement. Immédiatement après l'exécution, les assistants se sont transportés à l'église avec une tristesse pieuse et se sont mis dévotement en prière. »

Les frais de l'instruction et du procès, pour une somme de 957 francs 25 cent furent pris sur la succession laissée par les trois guillotinés.

Vous avez dit place de grève ?

Ne la cherchez pas sur un plan actuel. ..c’était l’ancienne place de l’hospice St-Odile …quant à la prison à l’époque, elle était située, nous l’avons déjà dit, dans une partie du ban-ban, au rez-de-chaussée côté Ancien hôtel de ville.
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