À Limoges, le 3 mars 1937, l'exécution d'Henri Dardillac.
Il est 6 h 10 quand Henri Dardillac se présente devant la foule. Sur le champ de Foire de Limoges (aujourd'hui la place Winston-Churchill), 10.000 personnes
sont venues assister au spectacle. Pas de rideau rouge ce jour-là mais des portes de prison qui s’ouvrent de manière théâtrale.
Tous sont venus voir la tête d’un assassin tomber. Trois mois plus tôt, le 1er décembre 1936, ce père de famille de 36 ans avait été condamné à la peine capitale,
pour un double meurtre : celui de son fournisseur de vins et d’un vieillard dans des conditions « horribles ».
Après avoir entendu la messe dans la chapelle de la prison, le condamné se présente avec son avocat et le bourreau, à qui il défend de lui entraver le pas.
« Je marcherai bien tout seul », déclare-t-il. Tous les acteurs sont là, la guillotine est plus menaçante que jamais. Dardillac est dressé sur l’échafaud, à deux mètres
de l’entrée. Le couperet tombe. Dans la foule, certains sifflent, d’autres applaudissent.
Le lendemain, la scène retranscrite dans le Populaire s’accompagne d’un commentaire militant. « Quand donc en aurons-nous fini avec ces scènes atroces,
avec ces supplices d’un autre âge. Nous savons que la suppression de « l’horrible châtiment » ne peut être réalisée tout de suite […] Mais du moins,
qu’on nous épargne en attendant mieux, la publicité scandaleuse de l’exécution, qu’on cache cela puisque c’est laid, puisque c’est inhumain,
puisque la société a l’air de se dégrader en perpétrant le « meurtre légal ».
Dans ce compte rendu, l’exécution d’Henri Dardillac est décrite « comme la plus scandaleuse depuis de nombreuses années ».
Elle sera la dernière en place publique à Limoges.
1835 : un macabre incident place d’Aine
En 1939, un décret mettra un terme à cette pratique, en transférant les exécutions à l’intérieur de la prison.
C’est la fin d’une époque. « Cela s’inscrit dans un long processus. Très vite, il y a eu un débat sur le côté malsain de ces spectacles.
Tout en continuant à exécuter en place publique, on a cherché à le rendre de moins en moins visible »
Dans les premières années de l’instauration de la guillotine, la peine capitale garde une signification héritée des pratiques de l’ancien Régime.
L’exécution doit avoir un côté exemplaire et résonne comme une réparation à l’endroit même où le crime a été commis.
Le poing coupé pour les auteurs de parricide
Des pratiques d’une rare violence sont encore pratiquées au début du XIXe. Les auteurs de parricides ont d’abord le poing tranché avant d’être guillotinés.
Cette pratique prendra fin en 1832. C’est aussi à cette époque que les premiers scandales éclatent.
« Partout en France, on dénonce un manque de savoir-faire des bourreaux, suite à des exécutions qui se sont mal déroulées. Limoges n’échappera pas à la règle
Place d’Aine, la bavure a lieu en 1835, lors d’une double exécution. Le premier condamné se débat au moment fatidique, empêchant la chute normale de la lame.
L’incident macabre oblige le bourreau à replacer le “patient” ensanglanté sur la bascule une deuxième fois. Le ministère infligera au bourreau une suspension,
et un blâme à ses deux assistants.
Des exécutions publiques de plus en plus rares
Au fil des années, le rythme des exécutions publiques se ralentit. La cérémonie devient des plus minimalistes. La guillotine d’abord posée sur une estrade
au cours du XIXe siècle, se retrouve ensuite à même le sol. L’horaire des exécutions a été avancé, elles ont lieu au lever du jour. Le lieu a également changé.
« À Limoges, la guillotine a connu plusieurs endroits, d’abord la place d’Aine. Puis, elle a été déplacée sur le Champ de Foire, devant la prison.
Ce déplacement du lieu s’inscrit aussi dans une tendance nationale »
Même en cachant ce que les militants abolitionnistes appellent « un crime d’État », l’exécution reste un événement exceptionnel, encore en 1937.
« Il n’y a pas eu d’exécution depuis un certain temps à Limoges. Puis, il demeure tout un fantasme autour de la guillotine.
Elle arrive en pièce détachée par la gare, puis elle est montée devant la prison. Le bourreau lui aussi, est un personnage qui nourrit l’imaginaire des habitants.
Mais sur les 10.000 personnes annoncées, combien ont vraiment vu l’exécution ?
Aujourd’hui, seule quelques indices témoignent de cette justice révolue. Une rue près la place d’Aine fait échos aux dernières pensées des condamnés.
On la nomme la rue « Monte à regret ».
Source; https://www.lepopulaire.fr/
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