Vivier, que de grands mots et d'exclamations scandalisées... Mais vous battez le vent en vous offusquant d'un fait survenu voici plus de quarante ans.
L'Etat aurait dû réagir ?
Pourquoi faire ?
En appliquant la peine de mort, l'Etat considérait que des hommes comme Carrein méritaient d'être retranchés de façon absolue de ses rangs, avec une honte certaine qui le conduisait à faire accomplir cette besogne de nuit, sans témoins ou presque, d'une façon que la plupart des gens considéraient et considèrent toujours comme barbare.
Alors, reconstituer - même sommairement - le corps de celui envers lequel la société avait prononcé la damnatio memoriae ?
Qui s'en serait préoccupé sur l'instant ?
Humiliation délibérée - même si je suis persuadé du contraire -, ou simple attitude précipitée, nous n'en saurons jamais rien.
Comment être formel sur ce point ? Les autorités commandaient des cercueils de taille standard, des bières de petit bois semblables à celles réservées aux indigents qu'on allait inhumer en fosse commune. Peut-être étaient-ils parfois trop exigus pour un corps entier ?
De plus, ceux qui mettaient le corps dans le cercueil étaient ceux-là même qui l'avaient décapité trente minutes plus tôt : les exécuteurs des arrêts criminels.
Pour dire clairement les choses, les conditions de leur inhumation, personne n'en avait grand chose à foutre.
Et au fond, c'est tout à fait légitime.
Il n'y a que les vivants, une fois encore, qui font des manières systématiques sur le respect dû aux défunts.
En quoi la mort rend-elle respectable ?
En vertu de quel mystère mérite-t-on post mortem une estime qu'on n'a pas forcément mérité de son vivant ?
Etre incinéré, enterré, immergé, conservé dans le formol, laissé aux charognards... Qu'importe, au fond pour celui qui n'est plus que chair sans âme ?
Les hommes ont un rapport curieux avec la mort. Une peur immense qui laisse place à tous les dogmes, même les plus stériles.
Et qu'est-ce qu'une tombe ?
Déjà, c'est une manière pour les survivants de se trouver un endroit précis pour se remémorer de leurs chers disparus.
En a-t-on vraiment besoin ?
Les défunts qui m'étaient chers jaillissent régulièrement dans ma mémoire ; où que je me trouve, je médite, je me souviens des moments de joie en leur compagnie. Pas besoin de traverser la France et venir verser une larme devant le caveau de mon grand-père pour songer à toutes les choses intéressantes qu'il a pu me transmettre, avec autant de joie que de mélancolie...
Mais les tombes, ce n'est pas que ça.
Promenez-vous dans un cimetière, comparez les concessions... ne sont-elles pas le reflet, là encore, des classes sociales ?
Voyez la tombe de marbre des riches Deibler, toujours lisse et belle en 2021, avec la sépulture en granito des modestes Desfourneaux, destinée à l'effondrement imminent...
On a surtout l'impression que, par-delà la mort, on continue avec les caveaux à montrer le rang que tenait leurs occupants quand ils étaient en vie.
Enfin bref...
_________________
"Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi."